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Utilisateur:Genyrock/Brouillon

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Le complexe Kong-Bobo-Dioulasso[modifier | modifier le code]

L'historien Chikouna Cissé considère le complexe Kong-Bobo-Dioulasso comme le centre de construction identitaire du territoire Dioula de l'Afrique de l'Ouest[1]. Dans la zone manding, nous retrouvons les Dioula de Kong au nord-ouest de l’actuelle Côte-d’Ivoire. Kong est l’un des plus anciens royaumes de l’Afrique de l’ouest situé sur les affluents des deux grands fleuves (Bandama-Comoé) de la Côte d’Ivoire favorisant les courants migratoires de cette région, qui dès le XIème siècle développa un commerce avec le Maghreb[2].

Au 18ème siècle, Kong devient la capitale du royaume Dioula fondé en 1710 par Sékou Ouattara[3]. Ce dernier qui veut imposer l'Islam dans le royaume, y détruit les cases à idoles animistes et fait adopter le dioula comme langue véhiculaire (dialecte issu de la langue mandé)[2]. Sékou voulant étendre son pouvoir, convoite la ville de Bobo-Dioulasso située au au sud de l'actuel Bukina-Faso où s'établit un lieu privilégié pour le commerce (commerces de la kola, du sel gemme, de chevaux et de l'or) qui représente un « débouché naturel des richesses du Sahara »[4].

Famaghan Ouattara (le frère de Sékou) intègre la ville de de Bobo-Dioulasso à l'empire en 1737-38, et qui s'inscrit dès lors dans un espace plus vaste qui est celui du Gwiriko. Cet espace est constitué de la rive droite de la Volta noire, du pays Bwaba et le Syamu dont le centre économique demeure la ville de Bobo-Dioulasso. Ainsi, la révolution dioula de Kong instaure une reconfiguration du Gwiriko[1]. "Au milieu du XVIIIème siècle, les Watara contrôlent toutes les routes commerciales depuis Djenné au nord jusqu'à Grumanya au sud.[2]"

Sékou meurt en 1745 laissant le trône à son fils Samanogo qui sera déchu par son frère Kumbi trois ans plus tard. Ce dernier assoit son pouvoir sur l'ensemble de l'espace Gwiriko où la ville de Kong devient un centre important d'études islamiques où vont s'élever de nouvelles mosquées et autres lieux de cultes[2]. L'historien Ki-Zerbo considère le Gwiriko comme l'Empire dioula des Ouattara[5]. Après la mort de Kumbi en 1770, l'Empire va connaitre de nombreux tumultes, dont des épidémies provoquant des famines, ainsi que l'avancée des Français qui déstabilise la région. Mais c'est en 1897 que Kong subit son plus grand revers avec le passage destructeur de Samori Touré qui rase la ville et tue la majeure partie de sa population[2].

Réaménagements territoriaux[modifier | modifier le code]

L'invasion colonialees doublée des ravages de Samori Touré à Kong (1896) vont fragmenter le monde dioula qui se voit partagé par les nouvelles frontières issues de la démarcation coloniale française de L'A.F.O. établies par le décret du 17 octobre 1899[1] (Sénégal, Soudan, Guinée, Côte d'Ivoire et Haute-Volta). Le complexe Kong-Bobo-Dioulasso éclate. Kong fera partie de la Côte d'Ivoire, alors que Bobo-Dioulasso fera d'abord partie du Soudan français qui devient ensuite la Haute-Volta aujourd'hui le Burkina-Faso. Ces partages arbitraires de l'administration coloniale participent à l'un des problèmes récurrents en Afrique poste coloniale qui consiste en "la difficulté à faire coïncider les nouvelles frontières avec des groupes ethniques à cheval sur plusieurs territoires..."[1]. Les dioula se seraient dès lors concentrés à Bobo-Dioulasso ou la lignée des Ouattara exercèrent encore longtemps leur influence jusqu'à ce que l'administration française procède à son affaiblissement vers 1915. "Cette politique de substitution, qui crispa les relations entre les chefs Ouattara et l'administration française, fut en réalité la réponse au danger que représentait l'existence d'une multitude de princes issus de la descendance de Sékou Ouattara.[1]" Pour cette période, les historien disposent en majeure partie de sources européennes, comme le souligne ici l'historien Georges Niamkey Kodjo, ces sources permettent " de comprendre l'intérêt commercial et stratégique que représentait la ville de Kong pour la politique française en Afrique occidentale à la fin du XIXème siècle, politique qui visait d'une part, à relier le Soudan au golfe de Guinée et d'autre part, à éliminer Samori Touré qui constituait un frein au dessein français.[2]"

Crise de l'"ivoirité"[modifier | modifier le code]

Alassane Ouattara en 2011, élu président de la Côte d'Ivoire.

Cet espace identitaire dioula où la lignée des Ouattara joue un fort ascendant constituera l'un des ferments de la crise de l'"ivoirité" déclenchée par la remise en question de la légitimité ivoirienne de l'aspirant au pouvoir Alassane Ouattara en 1995[1]. Le néologisme "ivoirité" est employé par l'autre aspirant à la présidence Henri Konan Bédié, dans son discours programme, et qui devient le déclencheur d’une redoutable crise identitaire; "Ce que nous poursuivons, c’est bien évidemment l’affirmation de notre personnalité culturelle, l’épanouissement de l’homme ivoirien dans ce qui fait sa spécificité, ce que l’on peut appeler son ivoirité.[6]"

Que l’intention de Bédié ait été fondée ou non en vue de fournir un moyen d’exclusion de son adversaire politique Alassane Ouattara, il n’en demeure pas moins que l’instrumentalisation politique du concept d’ivoirité a alimenté une polémique délétère qui a divisé le pays et mené à la guerre civile. Voici la perception qu’en avait le chef d’État du Burkina-Faso, Blaise Compaoré, avant que n’éclate la guerre en 2002; "Il vaut mieux que les Ivoiriens se préoccupent des causes réelles qui ont provoqué l’instabilité chez eux plutôt que chercher un facteur extérieur. Vous ne pouvez pas proclamer l’ivoirité, c’est-à-dire diviser les gens en citoyens de première et de deuxième classe, développer la xénophobie et ajouter à cela des élections imparfaites, sans fragiliser le pays.[6]" Certains sont d'avis que ces communautés culturelles ancestrales que représentent les Dioulas, devraient plutôt nourrir une solidarité trans-frontalière propice à l'unification de continent[1].

Darsalamy[modifier | modifier le code]

La ville de Darsalamy devient le refuge des érudits dioula vers la seconde moitié du XIXème siècle[7]. Leur ancien chef lieu, Bobo-Dioulasso fait cohabité les populations bobo de tradition animiste et les Dioulas islamisés de longue date[1]. Or pour ces derniers, les moeurs païennes des Bobos ou de ceux pratiquant un Islam peu orthodoxe (consommation d'alcool) va pousser une partie des Dioulas de Bobo-Dioulasso vers un espace où ils pourront partager un Islam plus strict qu'ils établissent à Darsalamy[7].

La tradition orale[modifier | modifier le code]

Le courrier de l'Unesco de mai 1977, nous rappelle que la tradition orale détient une place prédominante dans le patrimoine africain. Transmise de génération en génération par les griots, ou simplement le "vieux du village" cet héritage culturel est le fruit "d'expert en généalogie" et constitue une source incontournable pour tout historien africaniste[8]. Aussi, l'histoire des Dioulas de Kong fait l'objet d'études approfondies dont celle de Jean Derive; Parole et Pouvoir chez les Dioula de Kong[3], ainsi que celle plus récente menée en 2006 par Georges Niamkey Kodjo; Le Royaume de Kong, Côte d'Ivoire: des origines à la fin du XIXème siècle[4], qui procède par la voie de cette transmission à la fois orale et transcrite par plusieurs générations de la lignée des Traoré (XVI et XVIIIème s.) puis celle Ouattara (à partir du XIIIème s.). L'auteur de cette vaste étude estime que l'élément le plus déterminant de sa recherche émane d'une lettre écrite par l'imam Marhaba appartenant à Karamoko Ouattara, souverain de Kong en 1976, et qui lui a permis de remonter jusqu'au premier Mahama Watara qui fut le conseiller personnel de Solo Mori, l'un des derniers rois de Kong[2]. Ainsi, la transmission du patrimoine historique manuscrit (et leurs copies) se transmet au même titre que la tradition orale, de génération en génération.

L'étude de Derive quant à elle, mesure le rapport de force qui s'édifie entre les tenants du pouvoir de parole chez les Dioulas de Kong, et qui se décline entre les hommes (voire les femmes) des plus âgés aux plus jeunes, entre les hommes et les femmes et entre les deux principaux groupes sociaux de Kong, sortes de castes issues des citoyens libres d'une part, les horon ,et de l'autre, les woloso, anciens captifs domestiques. La famille des Ouattara détient quant à elle la totalité de la puissance coutumière, alors que les Baro et les Saganogo détiennent le pouvoir religieux, l'Islam étant la religion officielle de l'ensemble de la population dioula de Kong. Alors que nous pourrions considérer que le pouvoir de parole revient de façon assez générale à l'élite, Dérive nous fait cependant remarquer que l'âge demeure l'ascendant le plus fort; "De ce point de vue, l'âge offre un trait discriminatoire commode, puisque, même s'il y a égalité quant à tous les autres traits (identité de sexe, de caste, familles de prestige équivalent), il y a toujours un aîné et un cadet, même si la différence est très ténue".[3]" Mais certaines manifestations coutumières demeure l'apanage des hommes d'âge mûr et d'un rang social élevé comme le récit historico-légendaire, le ko koro[3]. Cependant, en faisant de l'âge un critère de supériorité hiérarchique, la culture dioula dissout d'une certaine façon les inégalités sociales établies depuis plusieurs générations et permet un équilibre des pouvoirs que confère la parole dans cette société traditionnelle.

La religion[modifier | modifier le code]

Dans l'espace manding, l'islam a joué un rôle majeur dans édification des centres commerciaux qui structurent l'Empire, et dont les Dioulas tenaient une position dominante avec les Wangara et les Soninké[9]. L'historien Élikia M'Bokolo y conçoit un lien inextricable entre cette religion et le commerce; "... la communauté de la foi allaient générer, par des processus très durables, la construction d'identités particulières et irréductibles, celle des Dyula d'abord, puis celle des Hausa, identifiées l'une et l'autre d'une manière indissoluble à l'association du commerce et de l'Islam[10]." Les Dioulas ont ainsi été de grands promoteurs de l'Islam dans toute l'Afrique occidentale qui fournit aux peuples allogènes un fondement identitaire de même qu'une langue véhiculaire favorisant aussi les échanges commerciaux. Deux identités religieuses distinguent les Dioulas de Kong; la Qaadriyya représentée par les Saganogo et la Tijaniyya représentée par les Diané[1]. Longtemps l'apanage des communautés urbaines, à partir de 1950, l'Islam se propage dans les populations rurales agricoles et à partir de cette décennie, la plus part des villages et des voies commerciales du territoire dioula sont dotés de mosquées et la ville de Bobo-Dioulasso qui ne comptait que deux mosquées en 1913, en dénombre 36 en 1956[1].

général:[modifier | modifier le code]

Le terme dioulaya dérivé de dioula, désigne l'activité commerciale[1].

[11]


  1. a b c d e f g h i j et k Werthmann, Katja., Lamine Sanogo, Mamadou. et Impr. Laballery), La ville de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso : urbanité et appartenances en Afrique de l'Ouest, Éd. Karthala, impr. 2013 (ISBN 9782811107987 et 2811107983, OCLC 847566566, lire en ligne), p. 93-95
  2. a b c d e f et g Kodjo, Georges Niamkey., Le royaume de Kong, Côte d'Ivoire : des origines à la fin du XIXème siècle, L'Harmattan, (ISBN 2296005624 et 9782296005624, OCLC 69733365, lire en ligne), p. 13
  3. a b c et d Jean Derive, « Parole et pouvoir chez les Dioula de Kong », Journal des Africanistes, vol. 57, no 1,‎ , p. 25 (DOI 10.3406/jafr.1987.2159, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Kodjo, Georges Niamkey., Le royaume de Kong, Côte d'Ivoire : des origines à la fin du XIXème siècle, L'Harmattan, (ISBN 2296005624 et 9782296005624, OCLC 69733365, lire en ligne), p. 17
  5. Ki-Zerbo, Joseph., Histoire de l'Afrique noire, d'hier à demain., Hatier, [1972] (ISBN 2218019205 et 9782218019203, OCLC 785144, lire en ligne), p. 264
  6. a et b Hauhouot, Antoine Asseypo., Société, État et territoire en Côte d'Ivoire : essai de géographie du développement, 241 p. (ISBN 9782343058306 et 234305830X, OCLC 915331806, lire en ligne)
  7. a et b Katja Werthmann, « Transformations d’une élite musulmane en Afrique de l’Ouest. Le cas des Dioula de Darsalamy (Burkina Faso) », Cahiers d’études africaines, vol. 52, no 208,‎ , p. 6 (ISSN 0008-0055, DOI 10.4000/etudesafricaines.17178, lire en ligne, consulté le )
  8. Gaudio, Attilio, 1930-2002., Le Mali, Editions Karthala, (ISBN 2865372081 et 9782865372089, OCLC 19921349, lire en ligne), p. 114
  9. Benoist, Joseph-Roger de., Le Mali, L'Harmattan, (ISBN 2738404367 et 9782738404367, OCLC 22452505, lire en ligne), p. 22
  10. Elikia M'Bokolo, Afrique noire:Histoire et civilisation jusqu'au XVIIIe siècle, Paris, Hatier-AUPELF, , p. 106
  11. Mudimbe, V. Y., 1941-, The invention of Africa : gnosis, philosophy, and the order of knowledge (ISBN 0253331269, 9780253331267 et 0253204682, OCLC 16351635, lire en ligne)