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Utilisateur:Démosthène/Brouillons/Ralentissement Sisyphe

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Le refroidissement Sisyphe est une méthode de refroidissement d'atomes par laser qui permet d’atteindre des températures en dessous de la température limite Doppler. Cette méthode de refroidissement a été proposée pour la première fois par Claude Cohen-Tannoudji in 1989, et c’est pour cette découverte qu’il a obtenu le prix Nobel de physique en 1997. Comme pour le ralentissement Doppler, le refroidissement est dû à l’absorption différentielle de photon provenants de deux lasers différents, mais dans le cas du refroidissement Sisyphe, le refroidissement est dû à la non-adiabadicité du pompage optique.

Cette méthode est appelée refroidissement Sisyphe par analogie au mythe grec du même nom.

Éléments historiques[modifier | modifier le code]

En 1988, alors qu’ils travaillaient sur des mélasses optiques une équipe du NIST à Gaithersburg (Maryland) mesure des températures d’atomes très inférieure aux températures prédites par la théorie. Contrairement à la température limite Doppler théorique (240 micro Kelvins) ils constatent une température près de dix fois inférieure[1].

Cette mesure amène deux équipes de recherche à développer un nouveau modèle pour expliquer ce phénomène, une dans les laboratoires de l’ENS rue d'Ulm, menée par Jean Dalibard et Claude Cohen-Tannoudji[2], l’autre Stanford University par Steven Chu[3].

Tandis que le modèle usuel des mélasses optiques faisait appel à des atomes à deux niveaux, la particularité de ce nouveau modèle réside dans la prise en compte des sous-niveaux de chaque état d’énergie. En plongeant l’atome dans un gradient de polarisation, les mécanismes impliqués dans le pompage de ces sous-niveaux permet d’expliquer la production de températures en dessous de la température Doppler. Une formulation claire du modèle est finalement publiée en 1990[4].

Principe[modifier | modifier le code]

Lorsqu’on éclaire un atome avec un faisceau laser dont la polarisation change continûement, on observe une variation périodique de l’énergie des niveaux par effet Stark . L’atome, qui se déplace le long de ce gradient de polarisation, a toujours la même énergie, mais elle est différemment répartie selon les niveaux. En faisant une analogie avec la mécanique classique, tout se passe comme si l’atome voyait son énergie osciller entre énergie potentielle et énergie cinétique[5]. On peut par exemple se représenter l’atome sous la forme d’une bille qui roule sur une tôle ondulée: elle roule en franchissant successivement les creux et les bosses, faisant ainsi varier son energie sous les formes potentielle et cinetique.

L’idée du refroidissement Sisyphe est de ralentir l’atome en faisant en sorte qu’il soit toujours en train de gravir les bosses et ne redescende jamais dans les creux. De cette manière, l’atome transforme continûement son énergie cinétique en énergie potentielle: il avance de moins en moins vite et donc se refroidit. L’équivalent quantique de l’énergie potentielle peut-être extrait par pompage optique sous certaines conditions[5].

Dans le cas d’un atome à deux niveaux fondamentaux, la variation de polarisation d’un faisceau laser désaccordé par rapport à la transition atomique modifie l’énergie de chacun des niveaux (par effet Stark), si bien qu’ils se retrouvent exactement en opposition de phase. Ainsi, en prenant de nouveau l’exemple de la tôle ondulée, les creux de l’un des deux niveaux seront superposés avec les bosses de l’autre niveau[5].

Pour faire en sorte que l’atome soit toujours en train de grimper la colline, on peut s’arranger pour qu’il change de niveau fondamental exactement au moment ou il est au sommet d’un bosse. De cette manière, on peut faire sauter l’atome depuis le sommet de la bosse vers le point le plus bas du creux: au moment ou l’atome était prêt à regagner son énergie cinétique, il se retrouve face à une nouvelle montée qui va encore diminuer sa vitesse. Par ce moyen, l’atome ralentit au fur et à mesure et donc, se refroidit[5].

L’étape correspondant au saut entre les deux niveaux fonctionne grâce à un mécanisme d’absorption/émission de photon. En utilisant un laser de pompe bien choisi, on peut pomper, c’est à dire exciter, la transition entre le niveau fondamental le plus énergétique en un point de l’espace (le haut de la bosse) et un niveau d’énergie supérieur. L’atome absorbe le photon et passe au niveau excité. Après un temps déterminé par la durée de vie dans l’état excité, l’atome se désexcite en ré-émettant un photon. Mais au lieu de retomber dans l’état initial (le haut de la colline), il retombe vers le plus bas des deux (le creux). Le photon ré-émis est donc un peu plus énergétique que le photon absorbé: on a évacué une partie de l’énergie du système[5].

Gradient de polarisation et oscillation des niveaux d’énergie[modifier | modifier le code]

Gradient de polarisation[modifier | modifier le code]

L’effet Sisyphe requiert un champ lumineux qui varie dans l’espace. Pour avoir un tel champ, plusieurs solutions sont possible.

Lorsqu’on fait se propager deux lasers dans la même direction mais dans des sens opposés et qu’on fait en sorte que leurs polarisations soient orthogonales entre elles, on obtient un faisceau dont la polarisation alterne tous les entre linéaire et circulaire. On cree donc par cette methode un gradient de polarisation. Cette méthode est la plus utilisée[6].

Il est également possible d’utiliser la superposition d’une onde stationnaire à polarisation constante avec un champ magnétique constant. Puisque l’onde est stationnaire, elle présente des noeuds et des ventres: le taux de précession de Larmor dans le champ magnétique varie donc significativement sur une longueur d’onde. Ce type de refroidissement est également appelé refroidissement laser induit ou refroidissement par orientation magnétique.[Van der Straten, Metcalf, 1990, et Weiss, Chu, 1989].

Des atomes qui se déplacent dans un champ lumineux qui varient dans l’espace voient leur orientation dictée par le laser de pompe. Lorsqu’on pompe faiblement (très loin de la saturation), l’orientation des atomes en mouvement est toujours en retard par rapport à celle qu’auraient des atomes stationnaires. Ce processus est l’un des éléments clé de la réussite de cette méthode de refroidissement[6].

Pour créer le gradient de polarisation, on positionne sur un même axe deux faisceaux laser qui se propagent dans des sens opposés. De plus, tous deux ont des polarisations linéaires que l’on choisit comme étant orthogonales l’une par rapport à l’autre. En prenant (par exemple), une onde se propageant selon rectilignement polarisée selon et l’autre se propageant rectilignement polarisée selon , on obtient

Contrairement au cas où les polarisations sont parallèle, on obtient ici une onde résultante dont la polarisation dépend de l’espace. Au centre (z=0), la polarisation est linéaire, à 45°. En s’écartant de de l’origine elle devient circulaire, puis après (donc à une distance totale de de l’origine) de nouveau linéaire mais selon l’axe orthogonal au précédent, et ainsi de suite. On obtient bien un gradient de polarisation.

Population du niveau d’énergie fondamental[modifier | modifier le code]

Historiquement, Dalibard et Cohen-Tannoudji on considéré les transitions et , ce qui correspond au modèle le plus simple permettant d’observer le refroidissement Sisyphe. Lorsque la lumière est dans un état (circulaire), le pompage amène les atomes dans le sous niveau d’énergie . Ceci résultat est obtenu en comparant l’effet du pompage () avec celui de l’émission spontanée (). En moyenne, on obtient donc pour une polarisation . De même, pour une polarisation , on obtient . La population du niveau d’énergie de l’état fondamental oscille spatialement entre et avec une période de .

Variation énergétique de l’état fondamental[modifier | modifier le code]

L’interaction entre la lumière et l’atome a également pour effet de déplacer les niveaux d’énergie. Ce changement d’énergie a un rôle crucial dans le refroidissement sub-Doppler et suit cette évolution:

Mécanisme d’absorption/émission[modifier | modifier le code]

Propriétés du piège[modifier | modifier le code]

Vitesse de l’atome[modifier | modifier le code]

L’efficacité du piège dépend fondamentalement de la vitesse de l’atome. Le piégeage est optimal lorsque les atomes subissent un pompage tous les , dans le cas ou le piège est un paire de faisceaux contrapropageants à polarisation croisée. Dans le modèle de la bille sur la tôle ondulée, cela correspond à avoir un saut à chaque fois que la bille est sur la bosse.

Si l’atome est moins rapide que la vitesse optimale, il n’aura pas le temps d’atteindre une partie très différente du piège avant d’être de nouveau excité. La différence d’énergie entre le photon émis et le photon absorbé n’est donc pas maximale: on perd en efficacité. Si l’atome est plus rapide que la vitesse optimale, alors ils traversera plusieurs bosses et plusieurs creux avant de subir un nouveau saut. En conséquence, il aura besoin d’une plus grande distance pour être refroidi.

Il est possible de jouer sur le critère « » en utilisant des faisceaux contrapropageants obliques. Dans ce cas, on peut obtenir des distances bien plus grandes.

References[modifier | modifier le code]

  1. (en) Paul Lett, Richard Watts, Christoph Westbrook, William Phillips, Phillip Gould et Harold Metcalf, « Observation of Atoms Laser Cooled below the Doppler Limit », Phys. Rev. Lett., vol. 61, no 169,‎
  2. (en) Claude Cohen-Tannoudji et Jean Dalibard, « Laser cooling below the Doppler limit by polarization gradients: simple theoretical models », JOSA B, vol. 6, no 11,‎ , p. 2023-2045
  3. (en) Steven Chu et al., « Optical molasses and multilevel atoms: experiment », JOSA B, vol. 6, no 11,‎ , p. 2072-2083
  4. (en) Claude Cohen-Tannoudji et William D. Phillips, « New mechanisms for Laser Cooling », Physics Today, no 10.1063/1.881239,‎
  5. a b c d et e (en) Harold Metcalf et Peter Van der Straten, Laser Cooling and Trapping, Springer, (ISBN 0387987282), « Cooling Below the Doppler Limit », p. 116
  6. a et b (en) Harold Metcalf et Peter Van der Straten, Laser Cooling and Trapping, Springer, (ISBN 0387987282), « Chapitre 8.1 », p. 110