Utilisateur:Apollinaire93/Portail

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Les dualités et triades dans le Ring[modifier | modifier le code]

Le ring est organisé autour de nombreuses dualités antinomiques qui s'articulent les unes avec les autres :

  • L'amour - Le refus de l'amour
  • Le pouvoir - L'absence de pouvoir
  • Les lois - La liberté
  • Les Dieux dans le ciel - Les Nibelungen sous la terre
  • Le Géant - Le Dragon
  • L'eau - Le feu
  • La lance de Wotan - La lance de Hagen
  • Siegmund - Sieglinde

Les dualités permettent le plus souvent de faire avancer l'histoire par un mouvement de balancier mais si ces dualités s'articulent par trois, elles deviennent destructrices :

  • Siegfried le héros - Bruhnilde la walkyrie héroïque
  • Brünnhilde l'épouse - Gutrune la maîtresse
  • Siegfried la victime agissante - Gutrune la femme délaissée agissante

D'autres triades sont retrouvées. Elles sont rares mais symbolisent un équilibre structurel de l'univers ; et quand ces triades sont menacées, tout l'univers est menacé :

  • les trois filles du Rhin
  • les trois Nornes
  • les trois journées du Ring

L'histoire secrète du Ring[modifier | modifier le code]

L'histoire secrète du Ring c'est le Ring lui-même : durant toute l’œuvre, les principaux protagonistes vont sans cesse rappeler les principaux épisodes du Ring dans d'incessant « flashbacks » qui n'ont pas comme but de rappeler à l'auditeur négligeant ce qu'il aurait oublié ou mal entendu. Ces retours en arrière permettent de diviser les protagonistes en deux catégories : ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas. Une interprétation plus osée permettrait même d'affirmer que le pouvoir dans le Ring est uniquement lié à la connaissance de son histoire secrète et que le pouvoir de l'anneau est uniquement lié au fait que l'ensemble des protagonistes qui connaissent l'histoire secrète sont persuadés de son pouvoir. À noter que, contrairement au Tarnhelm (heaume magique), l'anneau durant toute la tétralogie ne donnera lieu à aucune fantasmagorie. Seule la vision de l'anneau, par les personnes de pouvoir qui le convoitent, sera l'origine des catastrophes liées à sa malédiction. Un exemple caractéristique de l'importance de l'histoire secrète du Ring pour départager les « sachants » des « non-sachants » est donné par le dialogue entre Mime et Wotan au début de l'opéra Siegfried. Mime est fier de montrer au Wanderer qu'il fait partie des « sachants », mais ce dernier lui prouve qu'il ne sait pas tout et qu'il y a plus « sachant » que lui. Ainsi, Wotan transmettra à Mime son savoir : comment reforger Notung.

Les symboles[modifier | modifier le code]

Le Ring est dominé par de nombreux symboles :

  • L'anneau : forgé dans l'or du Rhin par le Nibelung Alberich qui a maudit l'amour, il représente le pouvoir de l'argent, son but est la croissance de son pouvoir[1], la domination de tout êtres. Quand il retourne dans le Rhin à la fin de l'œuvre, il symbolise le retour à la case départ (« la boucle est bouclée »). Ceci justifie qu'il soit le titre de l'œuvre. Donc, le renoncement d'Alberich à l'Amour le conduit au piège du Pouvoir, lorsque se sentant incapable d'être aimé pour lui-même il veut obliger autrui à l'aimer de force... Derrière ce renoncement, gît la Haine de soi.
  • La lance de Wotan, elle « représente le respect du traité et de l'ordre instauré par les lois humaines et divines », écrit Hans Mayer. Taillée par Wotan dans une branche du Frêne du Monde (Weltesche) qui depuis lors a dépéri, elle est le symbole de la domination, des entraves contractuelles et de la rigidité. Politiquement on peut la voir comme le pouvoir législatif sur lequel s'appuie Wotan représentant lui l'exécutif. Lorsqu'elle est brisée, Wotan perd sa légitimité. Dans une vision psychanalytique, c'est le phallus du Père, le pouvoir que son Fils rebelle va contester.
  • L'épée Notung, elle est le contrepoint de la lance de Wotan. Construite elle aussi par Wotan, elle est brisée par le pouvoir de la lance mais une fois reforgée, elle ne peut plus être brisée à nouveau et est employée pour anéantir celle-ci. Elle est le symbole de la liberté, de l'action et du talent, et ne se prête ainsi qu'à celui qui a les qualités pour l'utiliser. Dans la psychanalyse, c'est le phallus du Fils, l'instrument de sa libération face à l'autorité du Père. L'Épée est une arme plus évoluée que la Lance : la Modernité s'impose à la Tradition. En même temps, le nom de cette épée inspire le malheur (= Not) d'une conscience coupable de ce rejet (ou meurtre symbolique) du Père. Contrairement à la lance de Wotan elle est éphémère, elle change de propriétaire et est parfois brisée, parfois victorieuse.
  • Le Tarnhelm : C'est l'avatar de l'anneau, la puissance de métamorphose permise par l'argent ; il symbolise la faiblesse, la lâcheté, la dissimulation et l'hypocrisie, celui qui le porte peut avancer masqué si ce n'est caché ou sous une autre forme ou un autre visage. Chez C.G. Jung, ce masque s'appelle la Persona ; il a repris le masque de l'acteur dans le théâtre romain : per-suonare, une espèce de porte-voix. Car, socialement, nous sommes tous des hypocrites : nous avançons masqués parce que certaines vérités sont trop blessantes pour être exprimées crûment.
  • Le Frêne du Monde (Weltesche) dans lequel Wotan a taillé sa lance et tari la source. C'est l'Axe du Monde, qui relie la Terre au Ciel : abattu, tout lien entre ces deux mondes est rompu. Le Fils perd sa dimension divine et devient totalement humain. Wagner parle ainsi de la montée inéluctable de l'athéisme au cours du XIXe siècle. Le Crépuscule des dieux, c'est la perte d'une vision sacrée de la Vie et de l'Homme.
  • Le feu, incarné par le dieu Loge, dans lequel Wotan trouve un allié mais qui finira par dévorer presque tous les acteurs de la tétralogie. Ce feu des passions incarné par Loge doit être maîtrisé, sinon nous sommes submergés par l'inflation d'un Moi qui se divinise lui-même, par le désir de Toute-Puissance. Ainsi, Wotan est d'abord victime de lui-même et de son ambition avant d'être celui de Loge, et c'est le destin de tout amoureux du pouvoir. Il est décliné musicalement comme l'aveuglement dans L'Or du Rhin, l'interdit dans la Walkyrie et l'héroïsme dans Siegfried ; dans le Crépuscule des dieux, il coexiste avec son opposé, le thème de l'eau laissant présager le vide du renouveau.
  • L'eau, est symbole de la création et d'une évolution sereine. Elle est symbolisée par le Rhin. L'eau emportera Hagen, enfouit l'or représenté par l'anneau et éteint l'incendie du dernier acte du Crépuscule des dieux.
  • Le soleil / La nuit, dans les mises en scènes fidèles à Wagner ils représentent respectivement la force de vie et les formes de la mort : les ténèbres, l'inconscience. Wotan s'éveille au lever du soleil pour saluer un regain de puissance symbolisé par l'achèvement du Walhall. Siegfried fait son apparition une journée ensoleillée et meurt au coucher du soleil. Les scènes nocturnes mettent en avant le rêve (rêve de Hagen, sommeil de Fafner...) et les actes inconscients comme l'union folle des jumeaux qui est souligné à l'orchestre par le thème du malheur.
  • Le Walhall, il est le symbole de la puissance politique. Son thème musical est rigide, pompeux ; il ne se décline pas.

Personnages[modifier | modifier le code]

Les Filles du Rhin[modifier | modifier le code]

Elles sont issues du Rhin, élément liquide père de la nature et de la vie ; Wotan a par ailleurs pollué cette source de vie sans qu'il s'agisse clairement du Rhin ; cela ouvre l'hypothèse que l'insouciance et la faillite des filles du Rhin résulte de l'aliénation causée par Wotan.

Les trois nixes représentent donc la nature originelle, elles veillent sur l'or enfoui au fond du Rhin qui ne doit jamais remonter à la surface, c'est un élément négatif mais inhérent à la vie.

Wagner déclarait son attachement à leur égard en expliquant qu'elles avaient pour but de préserver l'homme de l'or en le distrayant par le secondaire, le sexe ; il s'agit donc d'un plaidoyer pour la femme.

On peut les rattacher aux trois dimensions du drame que Wagner théorisait dans son ouvrage Opéras et Drames. Jean-Jacques Nattiez leurs assigne trois fonctions : la poésie, la musique et la danse, Flosshilde qui brandit l'anneau à la fin du drame est le verbe.

Un élément de leurs personnalités est le jeu, Alberich les traite d'enfants rieuses, ce rire peut être cruel comme l'est la nature mais aussi séduisant et léger. Ce sont avant tout des comédiennes comme le montre la scène avec Siegfried, cependant elles savent aussi se montrer fragiles face au danger, graves et même compatissantes une fois leur jeu calmé.

Musicalement, elles sont extrêmement détaillées et liées au Rhin par le leitmotiv des vagues. Ce sont elles qui bouclent le Ring en permettant le retour à l'ordre naturel.

Fricka[modifier | modifier le code]

Femme légitime de Wotan, elle est la gardienne des conventions et de la morale. Froide et calculatrice, elle parait étrangère à sa sœur, la déesse de l'amour Freïa ; elle bénit les mariages légaux mais sans amour et maudit les actes d'amour réels mais illégaux. Elles se plaint de l'accouplement des Filles du Rhin avec des hommes et des infidélités de son mari, mais ses plaintes sont toujours intéressées par son propre égoïsme comme ne manque pas de le soulever ironiquement Wotan dans L'Or du Rhin ; sa mémoire est sélective, ainsi elle pousse Wotan à la construction du Walhall mais rejette sur lui les conséquences.

Coquette, elle rêve de bijoux. Loge utilise son envie astucieusement pour la faire interjeter en faveur de son projet. Cette coquetterie est un fantasme devant lui permettre de mieux assouvir sa possessivité sur le trop volatil Wotan. Quand celui-ci cède à son caprice, au cours de La Walkyrie, elle exulte et le fait savoir.

Fricka est donc la conscience bourgeoise de Wotan. Elle s'attache aux valeurs sûres et rigides (l'or, la forteresse, les conventions) et tient fermement son rang. Sa réflexion est insensible et rationnelle. Elle est incapable d'intuition ou d'attachement sincère. Quand Freïa est enlevée par les géants, elle se lamente sur la perte des pommes d'or.

Au temps de la création du Ring, le public prenait fait et cause pour la déesse, aujourd'hui elle apparaît plutôt comme une mégère et ce dès ses premières paroles destinées à réveiller brutalement Wotan. Fricka, par les possibilités qu'offrent son jeu d'acteur et son thème musical est incontestablement un personnage séduisant, elle apparaît faussement comme victime de la mégalomanie de Wotan dans L'Or du Rhin. On peut aussi l'interpréter comme idéaliste car elle semble persuadée d'être dans le bon, elle justifie son égoïsme par son statut d'être supérieur en tant que déesse et épouse du maître des dieux, elle se montre hautaine envers tous ses inférieurs, dont Loge et les humains. Sa personnalité peut être fort variable selon son interprète et le metteur en scène.

Wotan et ses avatars[modifier | modifier le code]

C'est sans doute le personnage le plus complexe de la tétralogie, le drame s'articule autour de ses actes et n'a lieu que par sa faute originelle. Pour beaucoup, c'est le personnage le plus fascinant du Ring car il montre des personnalités multiples et apparait lui-même sous plusieurs avatars.

Certaines analyses font de Wotan l’unique personnage du Ring, l’œuvre ne serait qu’une immense métaphore de son psychisme et tous les personnages des instances de sa personnalité. Wagner déclarait son attachement à ce personnage qui a failli nommer l’œuvre ; Wotan serait en réalité Wagner et le metteur en scène Nikolaus Lehnoff (de) va quant à lui jusqu'à placer la scène dans le crâne de Wagner car ce dernier déclarait que le Ring est « tout ce qu'il est et ressent ».

Wagner mettait en garde contre une interprétation au premier degré de ce personnage qui ne rendrait pas compte des différents ressorts de sa personnalité. Malgré une analyse accablante, la musique lui donne une réelle noblesse. Il apparait plus comme victime de sa corruption et de la fatalité que fondamentalement mauvais.

De la nature au pouvoir : Avant de devenir maître des dieux, il était l'air en tant qu'élément ; il vit donc dans les hauteurs du Walhall et est accompagné de tempêtes, de la foudre et envoie ses corbeaux espionner. Par l’arc-en-ciel conféré par son dieu-valet Donner il s’élève et rejoint son château.

Sa personnalité est dominée par l'instabilité et l'insatisfaction permanente, il est nomade dans l'âme. Jamais satisfait, il parcourt le monde inlassablement. Le manque ressenti par Wotan doit être comblé et il troque sa liberté pour le pouvoir, c'est ainsi qu'il commet la transgression originelle. En quête de domination, il abandonne son œil gauche symbole de l'intuition et du sentiment ; pour ce faire, il tarit la source de l'arbre-monde et le mutile. Il asservit ainsi les autres éléments comme Loge représentant le feu et dépendant de l'air. Il prend le statut de dieu et devient le maître des dieux.

Il est alors déjà aliéné, il aspire toujours à explorer de nouveaux horizons et c'est sous l'impulsion de Fricka et des dieux casaniers moqués par Loge qu'il fait bâtir le Walhall pour asseoir sa puissance. Il refuse le droit à son épouse de l'y enfermer au grand dépit de celle-ci lassée d'un mari si volage ; c'est pourtant pour un pouvoir légaliste fait de conventions qu’il l’a choisie pour femme au détriment de sa sœur Freia, déesse de l'amour. Il ne résidera donc que par intermittence au Walhall, préférant mener divers projets sous des avatars.

À la fin du drame, il ne voyage plus et reste fixé sur son trône comme l’aurait voulu Fricka, mais sa folie devient alors totale telle que décrit par Waltraute[2] dans Le Crépuscule des dieux. En abdiquant totalement sa nature il perdra tous pouvoirs et jouissances. En contraste, le dieu encore jeune dans L'Or du Rhin s’avère moins corrompu par un pouvoir encore en devenir ; il y apparaît mieux portant et domine Fricka, cette dernière prendra le dessus sur la volonté de Wotan durant la Walkyrie.

L’œil mutilé : malgré des allusions fréquentes, c’est un des aspects les plus obscurs de l’œuvre, Siegfried s’amuse de l’explication de Wotan : « Hahaha, tu me fais bien rire »[3], symbole que sa perte découle d’un raisonnement du passé.

Wotan vend son âme en échange du pouvoir de la lance. L'ayant acquis il peut s’allier au clan des dieux en prenant Fricka pour épouse, pourtant son pouvoir est fondé sur l’abdication du divin pour des lois bien réelles. Wotan rappelle à son épouse que c’est pour la conquérir qu’il a consenti à cette perte.

La perte de l’œil est une métaphore, pour s’être trop rapproché de son objectif il s’y crève l’œil. L’œil perdu peut être vu comme le prix à payer pour s’approprier une connaissance, cela nécessite de faire abstraction d’autres savoirs en recourant à une vision partielle. Cette perte est signe de force et de virilité comme le sont les cicatrices ; mais elle révèle également une fragilité, les véritables immortels étant eux éternellement beaux, jeunes et invulnérables.

L’œil manquant est celui du sentiment et de l’intuition qui sont abdiqués pour la froide raison de Fricka d’où découle le pouvoir légaliste de la lance. Wotan déclare à Siegfried ceci :

« Je vois, mon fils, qu'où tu ne sais rien, du moins sais-tu promptement t'aider. C'est grâce à l'œil, dont je suis privé, que tu aperçois celui qui m'est resté pour voir[4]. »

Cela signifie que Siegfried jouit de la partie mutilée de Wotan, à son inverse il est guidé par le pur et libre sentiment et se montre incapable de toutes réflexions ; c'est sous cet angle de vue que Siegfried rencontre Wotan ; c’est donc le négatif du vieux dieu et il prendra le dessus sur son autre moitié avant de périr à son tour victime de ses insuffisances. D'un point de vue mythologique, Odin a abandonné son œil pour qu'il serve de soleil, c'est donc grâce à la lumière du jour que Siegfried peut voir son père. Incapable de saisir les allusions de Wotan, Siegfried quant à lui estime simplement que quelqu'un lassé du « phraseur » qu'est son grand-père a dû le lui crever et il menace de faire de même pour son dernier œil[5].

En mettant en gage son œil pour le pouvoir, qui est par nature éphémère, Wotan perd son immortalité naturelle. Pour conjurer ce fait il consomme les pommes d’or de Freia, mais assoiffé de pouvoir il met également celle-ci en gage pour un bien symbolique et matériel : le Walhall. Bien qu’il la récupère via un subterfuge, il est poussé par la pulsion de mort et cessera de consommer les pommes de Freia ; il vieillira tout au long des journées conformément aux instructions scéniques de Wagner. C’est pourtant pour ne pas perdre l’immortalité qu’il récupère la déesse à grandes peines et au détriment du pouvoir de l’anneau ; cela montre qu’il n’a pas abdiqué malgré ses dires sa prétention au pouvoir de l’argent rejoignant ainsi Alberich.

La Lance de Wotan : Arrachée à l'arbre monde, il y a gravé les runes de sa loi. Wotan est un légaliste extrême ; contrairement à Alberich il ne tire pas son pouvoir de la tyrannie mais de ses propres lois auxquelles il est lui-même soumis. Il s'oppose clairement à Donner et Froh en protégeant le contrat sacré ; ces dieux sont pourtant des instances de sa propre volonté auxquelles il renonce avec peine, ces deux dieux réduits à des rôles figuratifs illustrent le conflit interne de Wotan[6].

Fricka est la gardienne de la lance car en prônant le respect des conventions et la froide analyse elle a une pensée juridique. Dans cette logique Fricka recadre souvent Wotan qui n'est pas adapté à ce rigorisme, il le lui dit en voulant faire de Siegmund une exception à ses lois « Tes facultés n'embrassent, des choses, que leurs habituels rapports, tandis que ma raison cherche un ordre inconnu »[7].

Toute sa problématique découle de son devoir de respect envers ses propres lois, sans quoi il perdra sa puissance ; en pleine dépression au deuxième acte de la Walkyrie, il note lui-même qu'il est ainsi le moins libre de tous.

Détestant le pouvoir de la lance qui l'entrave, il tue Hunding fidèle appliquant de son pouvoir[8].

La lance tue un Siegmund formaté par le dieu, mais elle s'avère impuissante contre Siegfried, un être véritablement libre ignorant les lois de Wotan. Quand Siegfried brise la lance il se fait révolutionnaire ; pour Wagner, Wotan est le représentant de l'ordre ancien vaincu par la liberté et la quête d'amour de Siegfried.

Une personnalité déséquilibrée : son appétit de pouvoir est à la mesure de son instabilité, c'est un palliatif boulimique à sa dépression constante. Il a donc l'obsession du contrôle absolu, il n'accorde son amour qu'aux êtres s'incarnant dans sa volonté et néglige les autres.

C'est ainsi qu'il vend Freia déesse de l'amour et symbole d'une liberté perdue comme il s’est lui-même vendu au pouvoir. Il abandonne Siegmund quand celui-ci ne peut plus accomplir ses plans, rejette sa fille chérie lorsqu'elle prend une initiative indépendante de lui et défie un Siegfried pas assez docile à son gout. Il fuit Fricka mais ne peut l'éliminer, celle-ci étant la gardienne de son pouvoir au sens où elle incarne les conventions qu'il a lui-même voulues à sa source.

Wotan fuit la vérité, se réfugiant dans ses multiples personnalités pour l'interpréter à son profit. C'est ainsi qu'il feint vouloir l'avènement d'Alberich[9] ou d'accepter que léguer son pouvoir dans Siegfried, c’est une manière de garder le contrôle. Il est hypocrite et accepte immédiatement le sophisme de Loge comme quoi voler un voleur n'est pas voler ; trouve des justifications douteuses pour conserver l'anneau ; Wotan se veut noble mais agit bassement, il prend un plaisir non dissimulé à martyriser Mime.

Malgré son apparat c'est un caractère faible, passant de l'excitation à la dépression profonde. Il agit comme un enfant, incapable d'assumer les conséquences négatives de sa volonté, mais contrairement à Siegfried celle-ci est structurée.

Wotan n'aura de cesse de vouloir conjurer sa malédiction originelle dont il ne prend conscience que tardivement, mais en voulant agir il ne fait que l'aggraver ; dans la mise en scène de Keith Warner (en) la mutilation de son œil s'aggrave au fur et à mesure du drame.

S'il est autoritaire c'est pour masquer sa fragilité, quand sa puissance lui échappe il devient suicidaire et dans la Walkyrie il fond en larmes alors qu'il accepte d’adoucir son autorité. Siegfried brise sa puissance et son image ce qui le plonge dans la folie totale ; il voulait pourtant l’avènement de son petit-fils mais n'en a pas supporté les conséquences.

La prise de conscience : entre L'Or du Rhin et La Walkyrie Wotan affirme à Brünnhilde avoir perdu son insouciance[10]. Pour échapper aux charges du pouvoir il se ressource via un retour à la terre symbolisé par l'élément Erda ; cet acte est un retour à la nature face aux contraintes d’un monde juridique rigide négligeant le droit naturel. Il s'accouple avec elle, peut être la viole-t-il[10], afin de donner naissance à Brünnhilde qui hérite de l'intuition et de la sagesse de sa mère et de l’indépendance et de la grandeur de Wotan. Contrairement à son père, elle n'est pas aliénée dans sa capacité à aimer.

L'analogie Wotan / Alberich : ils ont tous deux en commun le même acte : négliger l'amour pour le pouvoir ; celui d'Alberich est la puissance financière, celui de Wotan la politique. Mais Wotan à la différence d'Alberich n'a jamais voulu en payer le prix, il s’accroche à l’amour et n'aura de cesse de vouloir surmonter sa mutilation.

Wotan rejette son ombre noire Alberich mais agit comme lui, le thème musical du Walhall est issu de celui de l'anneau. Par ailleurs, il ne réussit pas à lui vouer un véritable combat. Dans l'or du Rhin il lui rend la liberté dès ses besoins satisfaits, dans Siegfried il discute paisiblement avec lui. Il ne nomme lui-même « Alberich de lumière » au premier acte de Siegfried[11] et bénit son fils haineux dans La Walkyrie[9].

Un père tyrannique : Wotan, personnage narcissique et dominateur a le profil type d’un père tyrannique. Il rejette son fils Siegmund quand celui-ci échoue dans les plans qu’il lui a assignés. Sieglinde est délibérément donnée à Hunding, un autre patriarche où elle est asservie à l’homme.

Brünnhilde prend la place de Fricka et il l’aime réellement, mais le père ne supporte pas que sa fille grandisse et se démarque de lui ; quand celle-ci s’oppose à sa volonté il l’a rejette et lui inflige une punition sexuelle, être violée et soumise au premier homme venu, la cadenassant ainsi à reproduire le schéma patriarcal. Celle-ci devra user de tous ses charmes pour adoucir sa punition mais leur lien privilégié sera définitivement rompu.

Il voudra léguer son pouvoir à sa descendance en la personne de Siegfried, mais il ne supportera pas que ce dernier soit différent de lui.

Le non-renoncement à l'amour : Il n'aura de cesse de fuir celui qu'il est devenu en se travestissant sous des avatars. En tant que Wälse il a montré un amour bien réel pour ses enfants qu'il condamne en tant que Wotan avant de les pleurer au cours d'une dernière étreinte à Siegmund redevenant ce père.

En tant que Wanderer il recherche la sagesse avec moins de résultats, ne l'aillant jamais possédée, et pour cause, c'est un être de passions symbolisées par son tonnerre et l'arc-en-ciel.

De plus il se montre réellement préoccupé par le cas de Freia, déesse de l'amour qu'il n'a vendue que sous la promesse d'une ruse de Loge, ce fait ramène à son incapacité à assumer les conséquences de ses actes.

Ses avatars de Wälse et du Wanderer : sous ces deux formes il fuit un pouvoir qu'il a lui-même voulu, Fricka ne manque pas de lui faire remarquer ce manque à ses obligations.

En faisant l'éducation de Siegmund il rejette ses propres lois et conventions ; il se lie sous cette forme à une humaine anonyme pour échapper à l'emprise de sa déesse de femme.

En tant que Wanderer il voyage sans cesse et fait à ses dires preuves d'humilité en bénéficiant de la modeste hospitalité de ses sujets. Sous cet avatar il ne commande plus mais observe le fait que ses lois soient dépassées.

Le père des combats Walvater : pour contrer l'armée d'esclaves d'Alberich, Wotan forme une armée de héros aux Walhall, ceux-ci n'en demeurent pas moins pré-formatés par Wotan et ce dernier s'inquiète de les voir tomber face à une armée fascinée par le pouvoir de l'argent ; la croyance des hommes dans les lois de Wotan est donc affaiblie.

Pour exciter et récolter ces guerriers, Wotan engendre des vierges guerrières : les Walkyries. Au nombre de neuf, on ne sait si elles sont sœurs ou demi-sœurs. Elles sont soumises aveuglément à la volonté de Wotan et ne vivent que pour lui, sa favorite Brünnhilde est qualifiée par Wotan d'incarnation de sa volonté[10]

Les Walkyries sont affranchies de l'influence de Fricka[12], ce que cette dernière reproche à son mari, elles sont le pendant de Wälse s'élevant contre l'ordre de Wotan. L’avatar du Walvater est encore un autre moyen d’affranchissement du dieu, il s’y montre capable d'amour pour ses Walkyries et particulièrement Brünnhilde, on peut le qualifier d’amour narcissique. L'irruption de Fricka lors de la Walkyrie réveille son instabilité et sa schizophrénie.

La supplication des Walkyries devant Wotan pour sauver leur sœur nous apprend que celui-ci subit sur ce point un violent conflit interne. Redevenu le maître des dieux, les Walkyries ne reconnaissent plus la volonté du maître des combats et le supplient de revenir sur sa décision, elles représentent l'amour encore constituant de Wotan mais celui-ci sera violemment réprimé, comme les Walkyries. La mise en sommeil de Brünnhilde symbolise le refoulement d’une instance de la personnalité de Wotan, son réveil n’en sera que plus brutal. Suivant cet événement il abandonne totalement cet avatar et les Walkyries errent au Walhall comme expliqué par Waltraute.

La névrose : face à sa corruption il recourait à des avatars pour continuer à perpétuer sa nature profonde. Wälse échoue, Walvater est brisé par Fricka et le Wanderer perd son sens après son échec avec Siegfried.

Brünnhilde était une instance de sa personnalité servile, mais quand celle-ci s’oppose au maître des dieux elle devient active et divergente. Siegfried, l’homme libre souhaité par Wotan s’avère aux antipodes des nécessités d’un pouvoir légaliste. Fricka qui représente la corruption de Wotan et le péché originel de celui-ci prend le dessus sur sa volonté le privant ainsi de toutes libertés et passions.

On le voit donc, toutes les composantes de la personnalité de Wotan se révèlent contradictoires et s’opposent de plus en plus violemment. Quand sa volonté de liberté symbolisée par l’épée brise son envie de pouvoir incarnée par la lance, Wotan qui n’a pas su faire la synthèse de ses désirs perd toutes raisons d’être. Il sombre alors dans une névrose de mort ; il perd l’usage de la parole, n’agit plus en rien et attend patiemment sa fin[2]. Waltraute nous apprend qu’une dernière lueur luit au fond de ses yeux qui l'amènera à tout de même prononcer une dernière phrase[2], c’est l’amour qui subsiste au fin fond du personnage ; l’amour étant la nature même indestructible du dieu[13]

On peut interpréter sa fin différemment ; à la mort physique du personnage, un retour à la nature en tant qu’élément est envisageable, un monde nouveau rééquilibré apparaissant.

Fasolt et Fafner[modifier | modifier le code]

Ils sont de la classe des bâtisseurs, ils habitent la terre contrairement aux nains et aux dieux, on peut les relier au révolutionnaire qu'était Wagner. Fasolt représente le bon révolutionnaire utopique cherchant l'amour et la liberté alors que son frère est rusé, cupide et avide de pouvoir ; tous deux ont pour but de s'emparer de Freïa mais pour des raisons totalement opposées. Quand Fafner s'empare de l'or, il cesse ses activités pour le couver de façon bourgeoise.

Le mode d'action des géants est simple et rigoriste, il est corrompu par le dieu perfide qu'est loge ainsi que par la volonté complexe et volatile de Wotan ; cette perturbation conduit les géants à l'aliénation et au meurtre de Fasolt par son frère.

Sieglinde offre l'eau à un Siegmund éreinté au moment de leur rencontre.

Siegmund et Sieglinde[modifier | modifier le code]

Le thème des Wälsung est dans un premier temps une marche héroïque et funèbre qui peut être joué de façon assagie ou agressive avant de se muer en plainte malheureuse qui dans un troisième temps évoque un désespoir très doux et consolateur soulignant ainsi la vocation au malheur.

Les deux jumeaux sont placés sous le signe du loup par le père Walse, avatar de Wotan qui s'accouple avec une mortelle pour leur donner naissance, mais si Siegmund est désiré, ce n'est pas le cas de sa sœur. Quand il juge son fils prêt à accomplir son plan il abandonne Sieglinde et sa mère aux sort de Brigands, on peut s'interroger sur le fait que cet enlèvement soit prémédité par Wotan en raison de trop nombreuses coïncidences. Wotan abandonne donc sa fille aux mains de son époux forcé Hunding, cependant il ne semble pas dépourvu d'amour pour elle comme le prouve son récit, il semble profondément attristé des sacrifices inhérents de son plan, signe que la toute-puissance de son pouvoir lui échappe. Wotan s'en remet au destin, défiant Hunding en fixant Notung au sein même de son foyer, promesse d'un espoir futur.

Leur mort découlera de la tentation d'un bonheur fou, leur rencontre est placée sous le signe de la lune, la nuit représente la mort dans le Ring, pour avoir négligé la clairvoyance du jour ils périront au lever du soleil.

Siegmund[modifier | modifier le code]

Dès sa plus jeune enfance il est élevé par Walse à défier toutes les conventions, à contester tout ordre établi. Il lui apprend à mener une vie dure et solitaire mais non dépourvu de noblesse, il est fier et combatif, capable de de douceur dans sa détermination. Siegmund aime profondément son père à qui il doit tout, il se réfère à lui et malgré sa mort présumé il compte toujours sur lui, Walse est comme un dieu pour lui ; c'est donc bien la volonté de Wotan qui l'influence malgré son déguisement. Siegmund, comme Siegfried est courageux et n'hésite pas à braver le danger, mais son formatage par Wotan le rend là déjà peu réfléchi, ainsi il est tout étonné qu'après avoir décimé la famille d'une jeune fille afin de l'aider, celle-ci terrifiée le rejette à son tour. Il semble incapable d'une pensée de fond indépendante de son éducation là où Siefried est de la névrose inverse en se montrant insensible à tout effort de Mime, Wotan-Wanderer et Brünnhilde. Comme lui Siegmund ne pense qu'au premier degré et écarte toute remise en question ; s'il s'élève contre un ordre moral qu'il ne comprend pas, c'est en obéissant à celui enseigné par Wotan-Walse. Cette état de fait sera impitoyablement relevé par Fricka dans son argumentaire.

Pourtant Siegmund est aussi capable de caractéristiques propres, il aspire à une paix impossible qui le sortirait du cauchemar dans lequel son père l'a plongé, il cherche l'amitié et l'amour d'une femme, ces points sont ses premières demandes à la Walkyrie lorsqu'elle lui annonce son départ vers le Walhall. Comme Wotan, l'insatisfaction le plonge dans une pulsion de mort qui lui sera fatale. Il préférera tuer sa sœur et fiancée que d'être séparé d'elle à nouveau, bien qu'il s'agisse aussi de lui épargner ainsi un sort cruel.

On peut considérer que Siegmund est inspiré par Freïa car il est sensible à la beauté de la nature et des femmes, son comportement est dicté par l'amour de son père, de Sieglinde et plus largement par la passion. Comme Freïa il sera victime d'un marchandage par les puissant, Wotan le vend au caprice de Fricka comme il l'a fait avec la déesse de l'amour pour le Walhall réclamé par sa femme.

Son thème musical (leitmotiv) est issu des premières notes de celui de la lance de Wotan par un mouvement descendant évoquant la gravité, mais il est contredit pas un mouvement ascendant le rompant. Quand Siegmund rompt la volonté de Wotan en se liant à Sieglinde, il perd sa raison d'être et meurt. Quand Wotan évoque Siegmund avec compassion c'est uniquement la partie descendante qui l'accompagne, mimant parfois le thème évoquant la névrose. Lorsque Siegmund évoque la femme, son ton adopte une grande douceur tout comme Fasolt et Siegfried ; ils sont tous trois assassinés lâchement par des êtres incapables d'amour (Fafner, Hagen) ou impuissant en amour (Wotan).

Siegmund fut dans un premier temps mal-aimé du public pour son apitoiement sur lui-même et sa destinée perpétuelle au malheur ; Siegfried apparaissait comme le véritable héros. Aujourd'hui pourtant les metteurs en scène s'acharnent sur ce dernier et soignent son père qui peut tout compte fait être interprété comme un être véritablement libre contrairement aux dires de Fricka, c'est par ailleurs l'avis de Patrice Chéreau. En effet sa liberté n'est pas animale et brute comme Siegfried mais responsable et liée à une morale stable dont il a conscience.

Sieglinde[modifier | modifier le code]

C'est elle qui domine l'action dans le premier acte de la Walkyrie, elle est mue par un désir de changement de situation mais aussi de de vengeance. Elle recueille son frère Siegmund, l'incite à affronter son époux Hunding, lui dévoile l'épée, le pousse à l'inceste puis à la fuite. Sans doute d'une intelligence plus concrète que son frère, elle le reconnaît en premier bien avant de lui révéler leurs liens fraternels. Elle prend de plus l'initiative seule d'endormir Hunding via un somnifère, son plan est donc très tôt planifié. Comme son frère, elle est placée sous le signe du malheur mais contrairement à lui elle montre un vain désir d'y échapper, plus rationnelle que son amant elle est vite rattrapée par la réalité.

Ses sauts de personnalité sont marqués par le refoulement, sa fuite est une libération alors que toute sa vie n'aura été faite que de renonciations à sa véritable nature. Face à cet état de libératoire elle prend peur et se montre schizophrène via un violent retournement d'humeur où elle voit leur tentative vouée à l'échec avant même que les événements pourtant prévus et défiés ne surviennent[14] ; Siegmund se déclare par ailleurs incapable de la suivre dans ses excès de zèle et la supplie de se calmer.

Alors qu'elle s'endort épuisée, elle se réveille brutalement, la libération provoquée par la fuite libère des refoulements profonds lui faisant retrouver violemment la mémoire sur son enlèvement par le clan de Hunding et la mort de sa mère alors qu'elle n'était qu'une enfant[15]. Elle a par ailleurs tenté soudainement de rejeter Siegmund[16], elle éprouve un complexe d'infériorité à son égard et a peur de le contaminer en raison de son viol par Hunding.

Soudain défaitiste, elle se montre alors en accord avec le destin malheureux des jumeaux et prophétise très exactement leurs pertes en annonçant l'épée brisée et la mort de Siegmund. Suicidaire, elle retrouve instantanément toute sa volonté quand Brünnhilde lui apprend qu'elle porte un enfant ; elle meurt en accouchant.

Son premier thème musical est souvent désigné « de la Compassion » et entrelacé au thème de Siegmund il forme le « leitmotiv de l'Amour ». Une fanfare dionysiaque lui est aussi attachée et prend toute sa puissance à la fin de l'acte 1, alors que le rideau se ferme précipitamment sur leurs ébats, l'orchestre continue, en gagnant en puissance il décrit un accouplement fou et libérateur. Enfin, le thème dit « de la Félicité » accompagne la découverte du corps de Siegmund, il évoque un désir obsessionnel dans une forme proche de celle de la « Tentation » accompagnant Hagen.

Waltraute rend visite à Brünnhilde contre l'ordre de Wotan

Waltraute[modifier | modifier le code]

Elle ne semble en premier lieu guère différenciée des autres Walkyries, son évolution survint au premier acte du Crépuscule des dieux. Comme Brünnhilde elle brave la volonté de Wotan par amour, comme sa sœur elle est convaincue d'accomplir ainsi la volonté profonde de son père mais contrairement à elle mais son indépendance s'arrêtera là alors que Brünnhilde se détourne de lui.

Sa description de la déchéance des dieux fait penser à un empire décadent, elle montre un sens du collectif en servant jusqu'à la fin le clan dont elle est issue. Elle reste conditionné par ses croyances initiales alors que Brünnhilde est aveuglée par un individualisme amoureux ; leur dialogue était donc sans espoir.

Hunding[modifier | modifier le code]

Il est le parfait négatif du couple Siegmund / Sieglinde. Il évoque le chien et la meute là où les jumeaux descendent du loup (Walse), Siegmund se décrit comme un louveteau solitaire ; dans la mise en scène de Patrice Chéreau Hunding est accompagné en toute occasion de sa meute composée du clan et de ses domestiques.

C'est un personnage psycho-rigide, il reproduit les coutumes et stéréotypes de son clan ; il encense le pouvoir mais à un niveau primaire, sans vision planétaire, c'est un propriétaire terrien.

Sa vie est sédentaire et répétitive comme le montre le fait qu'il rentre à sa demeure à une heure déterminée pour prendre le repas préparé par sa femme.

Tous ses actes sont déterminés par la coutume, c'est ainsi qu'il offre le gîte à Siegmund tout en le défiant pour le lendemain.

Son mariage est conventionnel, il n'y a pas d'amour ; Sieglinde est asservie aux taches domestiques et représentatives. Il est fortement misogyne alors que Wagner était réputé féministe, cet état est particulièrement mis en avant dans la mise en scène traditionnelle de Otto Schenk.

Il est de plus pervers là où les jumeaux se montrent nobles, il prend plaisir à fixer l'heure de la mort de Siegmund et en le désarmant préalablement, il brutalise inutilement Sieglinde et semble se moquer du récit de Siegmund.

Quand Sieglinde s'enfuit, il s'adresse à Fricka en réclamant vengeance. Wotan le traite de « valet de Fricka », sa propre femme déesse des conventions. D'une certaine manière il symbolise la déchéance de Wotan, celui-ci abdique en sa faveur alors qu'ils sont de natures antinomiques, Hunding est un pur fruit du système juridique de Wotan symbolisé par la lance et par sa femme pour lesquelles il a dû se mutiler via la perte de son œil gauche, celui de l'intuition.

Gutrune et Siegfried

Gutrune[modifier | modifier le code]

Elle est séduisante, son thème musical décrit bien son attirance et tout comme celui-ci c'est un personnage flou et indéfinissable, elle présente un visage paradoxal en faisant l'un des personnages les plus complexes du Ring malgré la rareté de ses apparitions et un rôle limité mais essentiel.

Elle est l'antithèse de Brünnhilde, timide et superficielle ; cependant elle a un statut véritable en tant que sœur de Gunther c'est un membre de la famille royale. Elle sait flatter l'orgueil de Siegfried adoptant une soumission au héros sans ambiguïté flattant ainsi son machisme. Là ou Brünnhilde se montre confiante et naïve, Gutrune est méfiante et réaliste tant à Siegfried ; son amour pour lui est sincère mais léger, elle sera l'abandonnée au profit d'une femme plus légitime.

Siegfried, héros terre à terre, incapable d'intellect se trouve donc comblé avec cette femme le poussant à la fête et à la frivolité, ne lui donnant ni leçons ni résistances et flattant son ego. Celle-ci est pourtant tout à fait consciente de la supercherie de leur union et elle la reconnaîtra avec bonne foi pour compassion envers Brünnhilde ; elle s'insurge envers la traîtrise de Hagen et Gunther dans laquelle elle eut le tort de se laisser embrigader sans son expressif consentement, finissant par en être victime. Son thème musical laisse entrevoir une grande sensibilité et une beauté d'âme profonde mais impuissante face à l'envergure des personnages l'entourant. Comme son frère Gunther elle veut sincèrement agir pour le bien de sa dynastie.

Le temps[modifier | modifier le code]

Cette œuvre est immense et gère le temps de manière étonnante et très contrastée. Parfois on est face à l'infini, d'autres fois l'action se déroule comme une journée normale.

Tout commence dès l'introduction. Elle est construite de telle sorte que l'auditeur ne perçoive pas quand la musique commence, nous donnant une profondeur infinie vers les origines du monde. Toute la genèse semble être contenue dans cette introduction, venant du néant, on se retrouve au bord du Rhin.

Entre le Prologue et La Walkyrie, le temps est tout aussi indéfini : il se passe au minimum quinze à vingt années le temps que les Walkyries et les jumeaux soient conçus et grandissent. Entre La Walkyrie et Siegfried, c'est plus concret : Siegfried va naître et grandir. Entre Siegfried et le Crépuscule, il se passe au plus quelques jours. On remarque donc qu'entre chaque pièce du Ring, le temps se réduit et l'action s'accélère.

Durant chaque journée, les actes et les scènes se déroulent sur quelques heures, une journée tout au plus.

Il faut aussi parler du temps psychologique que le spectateur et surtout l'auditeur perçoivent. Comme il est écrit plus haut, l'auteur a su écrire une musique qui parfois sait nous faire changer de temps. Le temps paraît très rallongé lors des monologues qui résument et expliquent les actions et événements passés, comme si l'auteur voulait nous ramener à l'écoute et la compréhension, alors que les moments les plus touchants semblent se dérouler dans un temps très contracté, la musique nous emportant.

Les thèmes conducteurs aident ainsi à nous faire voyager dans le temps en nous ramenant parfois au passé ou bien en nous projetant par intuition dans le futur (par exemple le thème original de l'épée qui apparaît pendant la conclusion de l'Or du Rhin).

  1. Cet aspect est mis en évidence par le fait qu'Alberich lorsqu'il est en possession de l'anneau ne devient pas immédiatement maître du monde mais se sert de son pouvoir pour asservir les Nibelungens afin d'accroître sa fortune via l'or.
  2. a b et c Paroles de Waltraute décrivant la folie de Wotan
  3. Rencontre au troisième acte de Siegfried entre le Wanderer et Siegfried
  4. Traduction et commentaire de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast
  5. « Mais, là-dessous, il te manque un œil Quelqu'un te l'aura crevé sans doute, dont tu barrais la route avec trop d'arrogance ? Allons, place ou tu pourrais bien perdre l'autre, aussi. » Traduction de de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast [1]
  6. Wotan : « Holà, Brutal Rien par la force ! Le bois de ma Lance est garant des traités nous n'avons que faire de ton marteau » ; Freia : « Malheur Malheur ! Wotan m'abandonne ! »Traduction de de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast
  7. Traduction de de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast
  8. À noter que ce meurtre a lieu alors que Wotan reprend son rôle de Walvater en s’apprêtant à pourchasser Brünnhilde.
  9. a et b « Soit, je te bénis, fils du Nibelung Plein, pour elle, d'un profond dégoût, je te lègue cette vaine splendeur de la divinité tu peux en rassasier ton insatiable haine. » Traduction de de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast
  10. a b et c Traduction de de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast
  11. "Licht-Alberich"
  12. Traduction de Louis-Pilate de Brinn'Gaubast
  13. Il s’agit d’un thème récurrent dans les opéras de Richard Wagner, le concept de « rédemption par l’amour ».
  14. Acte 2, scène 3.
  15. Acte 2, scène 5
  16. Acte 2, scène 3. Elle conjure Siegmund de fuir l'infidèle.