Saut vers la liberté
Saut vers la liberté
Photographe : Peter Leibing
Date de la prise de vue :
Lien vers la photo
Le Saut vers la Liberté est une photographie prise le à Berlin par Peter Leibing, photographe alors âgé de 20 ans. Elle surprend Conrad Schumann, aspirant sous-officier de la police anti-émeute de 19 ans, en train de sauter par-dessus les barbelés de la frontière séparant la RDA de la RFA.
La photo a été reprise dans les médias du monde entier et est instantanément devenue un des symboles importants de la Guerre froide[2]. Le Saut vers la Liberté appartient depuis 2011 au Patrimoine mondial de l'UNESCO en Allemagne[3].
Histoire de la photo
[modifier | modifier le code]Genèse
[modifier | modifier le code]Le Bureau politique du SED sous la direction de Walter Ulbricht et avec l'appui de l'Union soviétique décide de faire construire un mur à travers Berlin. La construction débute par la fermeture de la frontière du secteur soviétique le .
Conrad Schumann, à l'époque policier de la VPB du ministère de l'Intérieur de la RDA, est affecté à la sécurité frontalière pendant la construction de ce mur. Son unité a donc été envoyée de Dresde à Berlin le . Schumann est posté à la frontière du secteur dans la rue Bernauer qui a la particularité d'avoir un trottoir appartenant à Berlin-Ouest, et des bâtiments encore habités à Berlin-Est. Le , jour où a été prise la photo, il est en poste à l'angle de la rue Ruppiner qui est dans le secteur français sur la frontière provisoire alors constituée de barbelés.
Les habitations côté Est de la rue Bernauer sont le théâtre d'évènements dramatiques de fuite, comme plusieurs sauts d'habitants qui de leur fenêtre se jettent dans un drap des pompiers de Berlin-Ouest[4],[5]. Ces sauts spectaculaires sont filmés et retransmis à la télévision du côté occidental et une grande foule s'amasse sur les lieux.
Peter Leibing est bénévole dans l'Agence photographique Conti-Presse[6] qui l'a envoyé à Berlin le [7]. Il se rend immédiatement à la rue Bernauer et voit Schumann se promenant le long du mur, fumant sa cigarette. Les passants signalent à Peter que Schumann s'est approché plusieurs fois des barbelés pour en jauger la hauteur et pour l'abaisser et qu'il a chuchoté à l'un d'entre eux "Je vais sauter". Celui-ci informe alors la police de Berlin-Ouest qui envoie une camionnette de type Opel Blitz et ouvre la portière pour signifier à Conrad qu'ils l'attendent[8].
Pendant ce temps, Peter Leibing prépare son appareil photo Exakta équipé d'un téléobjectif de 200mm[9] et attend[2]. Les deux photographes Leibing et Klaus Lehnartz[10] savent que les policiers de l'Est ont reçu l'ordre de ne pas se faire photographier par des gens de l'Ouest. Ils dirigent donc leurs objectifs vers deux policiers qui patrouillent autour de Conrad. Les policiers s'éloignent et Schumann en profite pour sauter par-dessus les barbelés sans être repéré vers 16 heures et est photographié par Peter Leibing et Lehnartz[11]. Il laisse son arme tomber du côté occidental et se dirige dans la camionnette qui a toujours son moteur allumé et part directement pour le mettre à l'abri. Lehnartz amène alors Leibing au journal Bild qui publie la photo de ce dernier le jour suivant.
Le saut de Schumann est aussi enregistré sur une pellicule 16 mm par le cameraman Dieter Hoffman[1] qui travaille alors gratuitement à mi-temps pour la SFB[12]. Un autre photographe se tenait perpendiculairement à Schumann et a également pris des photos[13].
Conflits de droits d'auteur
[modifier | modifier le code]Peu après ces évènements, Lehnartz prétend être l'auteur de la photo et la vend sous son propre nom. Leibing porte plainte des années plus tard contre Lehnartz qui est ensuite interdit de se faire passer pour son auteur en 1981[7]. Cependant les rémunérations de droits d'auteur pour l'utilisation de la photo sont versées à l'Agence Conti-Press puisque Leibing l'a prise en son nom.
Après la faillite de Conti-Press en 1980, le négatif de la photo est confisqué par le bureau des Impôts pour sociétés en raison de dettes fiscales. Le négatif est ensuite vendu aux enchères par le professeur Dr. Hans-Dieter Loose (Directeur des Archives d'État de Hambourg) et Joachim W. Frank (Président de la Chambre des archives d'État). Encore une fois, il y a un différend juridique sur les droits à l'image et les frais associés, cette fois entre Leibing et les archives. Il est finalement convenu que les deux parties détiendraient les droits d'utilisation[9]. Depuis lors, le négatif du Saut vers la liberté se situe dans les archives de la ville de Hambourg[3].
Réception médiatique
[modifier | modifier le code]Leibing a réussi à prendre en une seule fois Schumann au milieu de son saut au-dessus des barbelés et lâchant son arme. Il a bénéficié de l'expérience qu'il avait acquise grâce à ses photos de compétitions de saut d'obstacles à Hambourg[14]. En un rien de temps, la photo fait le tour du monde et devient un symbole de fuite de la RDA. Le gouvernement de Berlin-Est ignore l'image, mais Berlin-Ouest la célèbre[15]. Le politicien du SPD, Egon Bahr, alors chef du Bureau de presse de Berlin-Ouest, la décrit peu après comme un "rayon de lumière"[7].
La même année, le New Yorker Overseas Press Club a primé le saut dans la liberté en tant que "Best Photograph" (Meilleure photographie) . Encore aujourd'hui, la photo est publiée encore et encore - de plus en plus en dehors de son contexte d'origine - sur des timbres, des biens de consommation, à des fins publicitaires et en tant qu'objet d'art. En 2009, les frères Florian et Michael Brauer ont créé avec Edward Anders le "Monument of the Jumping Soldier" à Berlin, une image grandeur nature du saut de Schumann. Il se situe non loin du lieu où a été prise la photo[16],[17].
En 2010, Jochen Vogt a réalisé un documentaire télévisé de 40 minutes pour WDR intitulé "Die Flucht, die nie zu Ende ging" retraçant l'histoire du saut de Conrad Schumann et de sa photo[18].
Amitié entre Leibing et Schumann
[modifier | modifier le code]Le photographe et le photographié entretiennent après la photo une longue amitié qui durera jusqu'à la mort de Schumann le . En 1986, à l'occasion du 25e anniversaire du mur de Berlin et de la photo, ils se sont retrouvés à l'angle de la rue Bernauer et de la rue Ruppiner, lieu de la photo[19],[20].
Source
[modifier | modifier le code]- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Sprung in die Freiheit » (voir la liste des auteurs).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (de) Christoph Links, « Schumann, Conrad », dans Wer war wer in der DDR?, vol. 2, Berlin, Ch. Links, , 5e éd. (ISBN 978-3-86153-561-4, lire en ligne)
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Rapport du policier Conrad Schumann sur sa fuite vers Berlin-Ouest le 15 août 1961, 16 août 1961.
- 3 Fotos von Leibing, vor, während und nach dem Sprung Dans le magazine LIFE du , S. 32/33.
- 11 août 1986, 25e anniversaire de la construction du mur: Conrad Schumann devant la photo de son saut
- Le Saut de sa vie : La Fuite. Comment Conrad Schumann est devenu le plus célèbre réfugié de la RDA. Une histoire en deux parties. de Stefan Küpper Dans le: Wochenend-Journal, samedi .
- Bundeszentrale für politische Bildung: Le Mur et ses représentations
- Le Saut de sa Vie Dans le Augsburger Allgemeine du .
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Vidéo sur youtube, Enregistrement vidéo du Saut La vidéo en question n'est plus disponible pour des raisons de droits d'auteurs revendiqués par Ruth Leibing.
- Ulrike Pilarczyk, Ulrike Mietzner: Le reflet de l'image. Analyse photo de série iconographique en sciences de l'éducation et sciences sociales. Klinkhardt, Bad Heilbrunn 2005, (ISBN 3-7815-1409-9), S. 76.
- Document du patrimoine documentaire mondial allemand Construction et chute du mur de Berlin et du Traité de Moscou, auquel le Saut vers la Liberté appartient également.
- Fuite de la rue Bernauer (Documentaire en Anglais)
- Film d'Images officiel du Mémorial du Mur de Berlin
- Informations à propos de l'agence Conti-Press aux archives de Hambourg
- La photo du garde-frontière fait encore le tour du monde. In: Berliner Zeitung vom 11. August 2001.
- Frederick Kempe: Berlin 1961: Kennedy, Khrushchev, and the Most Dangerous Place on Earth. G. P. Putnam’s Sons, New York 2012, (ISBN 978-0-425-24594-1).
- Un citoyen hambourgeois écrit l'histoire de la photo / Le futur rédacteur en chef d'Abendblatt Peter Leibing, a photographié en 1961 comment le policier national de la RDA Conrad Schumann a sauté vers la liberté. de Irene Jung sur abendblatt.de le 18 août 2011.
- Informations sur Klaus Lehnartz par le DHM
- Martin Stief: Desertion im geteilten Berlin. Lutte contre les désertions de policiers l'année de la construction du mur . BStU (Hrsg.), Berlin 2011, S. 6.
- Centre fédéral pour l'éducation politique: Le Mur et ses représentations
- Photo de Schumann peu avant son saut, aujourd'hui dans la collection historique de la police à Berlin.
- Jeanette Konrad: La photo: Conrad Schumann. Dans: Karambolage 344 – le 9 novembre 2014.
- Informations sur le „Saut vers la liberté“, 1961, Haus der Geschichte
- Le sauteur revient là où il a sauté. Dans: Berliner Morgenpost
- Saut vers la Liberté Dans : Wochenpost, le dimanche 14 août 2011.
- Saut vers la liberté - La fuite qui ne finit jamais (Die Flucht, die nie zu Ende ging). ARD, 2010.
- Les retrouvailles au Mur après 25 ans Dans: Hamburger Abendblatt le 26. Mai 1986.
- Photos de Conrad Schumann, y compris avec Peter Leibing