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Jonathan Franzen – Trio

– Je pensais qu'il n'y avait que les joueurs de base-ball qui chiquaient encore du tabac, dit Patty. C'est comment ?

– Sens-toi libre d'essayer si tu as envie de vomir, dit Richard en se levant. Bon j'y vais. Je vous laisse, les gars.

– Je veux essayer, je t'assure.

– Attends ! Je veux essayer, dit Patty.

– Pas vraiment une bonne idée, dit Richard.

–Je veux essayer, je t 'assure. »

L'humeur dans laquelle elle s'était trouvée avec Walter était irrémédiablement brisée à présent et elle était plutôt curieuse de voir si elle avait le pouvoir de faire rester Richard. Elle avait enfin trouvé l'occasion de prouver à Walter ce qu'elle essayait de lui expliquer depuis leur première rencontre - qu'elle n'était pas une personne assez bonne pour lui. C'était aussi l'occasion, bien sûr, pour Walter d'enlever brusquement ses lunettes, de se comporter comme un ogre et de chasser son rival. Mais Walter, là, comme toujours, voulait simplement que Patty ait ce qu'elle voulait.

– « Laisse-la essayer », dit-il.

Elle lui adressa un sourire plein de gratitude.

– Merci, Walter. »

Jonathan Franzen (né le 17 août 1959)– Freedom (2010, trad. éd. de L'Olivier, 2011) (page 138)

s:mars 2012 Invitation 1

Jonathan Franzen – Trio

– Je pensais qu'il n'y avait que les joueurs de base-ball qui chiquaient encore du tabac, dit Patty. C'est comment ?

– Sens-toi libre d'essayer si tu as envie de vomir, dit Richard en se levant. Bon j'y vais. Je vous laisse, les gars.

– Je veux essayer, je t'assure.

– Attends ! Je veux essayer, dit Patty.

– Pas vraiment une bonne idée, dit Richard.

–Je veux essayer, je t 'assure. »

L'humeur dans laquelle elle s'était trouvée avec Walter était irrémédiablement brisée à présent et elle était plutôt curieuse de voir si elle avait le pouvoir de faire rester Richard. Elle avait enfin trouvé l'occasion de prouver à Walter ce qu'elle essayait de lui expliquer depuis leur première rencontre - qu'elle n'était pas une personne assez bonne pour lui. C'était aussi l'occasion, bien sûr, pour Walter d'enlever brusquement ses lunettes, de se comporter comme un ogre et de chasser son rival. Mais Walter, là, comme toujours, voulait simplement que Patty ait ce qu'elle voulait.

– « Laisse-la essayer », dit-il.

Elle lui adressa un sourire plein de gratitude.

– Merci, Walter. »

Jonathan Franzen (né le 17 août 1959)– Freedom (2010, trad. éd. de L'Olivier, 2011) (page 138)

s:mars 2012 Invitation 2

Stéphane Mallarmé - Soupir

Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’azur !
— Vers l’azur attendri d’Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie,
Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.

Stéphane Mallarmé (18/03/1842-9/09/1898) - Poésies (1887)
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s:mars 2012 Invitation 3

Goethe - La porte de bronze de la mort 

« Je veux, Charlotte, qu’on m’ensevelisse avec ces habits : tu les as touchés, consacrés. J’en fais aussi la demande à ton père. Mon âme planera sur le cercueil : que l’on ne fouille pas dans mes poches. Ce nœud rosé, que tu portais sur ton sein quand je te vis pour la première fois, au milieu de tes enfants…. Oh ! embrasse-les mille fois, et raconte-leur l’histoire de leur malheureux ami ! Chers enfants !… Ils se pressent autour de moi ! Comme je te fus attaché ! Dès le premier instant, je ne pouvais plus te quitter !… Ce nœud, je veux qu’on l’ensevelisse avec moi. Tu me le donnas pour mon jour de naissance ! Comme je recevais avidement toutes ces choses !… Ah ! je ne pensais pas que ce chemin me conduirait là !… Calme-toi, je t’en prie, calme-toi !

Ils sont chargés…. Minuit sonne : que mon sort s’accomplisse ! Charlotte, Charlotte, adieu ! adieu ! »

Un voisin vit l’éclair et entendit le coup : mais, comme tout resta tranquille, il n’y songea plus.

Johann Wolfgang von Goethe (28/08/1749-22/03/1832) - Les Souffrances du jeune Werther (1774) (avant-dernière page)

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s:mars 2012 Invitation 4

Stendhal - « Messieurs les jurés, »

« Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point illusion, la mort m’attend : elle sera juste. J’ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Mme de Rênal avait été pour moi comme une mère. Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J’ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. Quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s’arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure, et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des gens riches appelle la société.

« Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d’autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés… »

Stendhal (23/01/1783-23/03/1842) - Le Rouge et le Noir (1830) (Chap. LXXI)

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s:mars 2012 Invitation 5

Walt Whitman - O Capitaine ! Mon Capitaine !

Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j'entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l'audacieux et farouche navire ;

Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Oh ! les gouttes rouges qui lentement tombent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.

Ô Capitaine ! mon Capitaine ! lève-toi et entends les cloches !
Lève-toi - c'est pour toi le drapeau hissé - pour toi le clairon vibrant,
Pour toi bouquets et couronnes enrubannés - pour toi les rives noires de monde,
Toi qu'appelle leur masse mouvante aux faces ardentes tournées vers toi...

Walt Whitman (31/05/1819-2/03/1892) - O Captain! My Captain ! (inspiré par la mort d'Abraham Lincoln - 1865)

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