Missing middle housing

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Graphique montrant trois courbes verte, bleue et rouge. La rouge stagne puis s'annule presque tout à fait à partir de 2010.
Construction de maisons individuelles (en bleu), d'immeubles de deux à quatre logements (en rouge) et d'immeubles de cinq logements et plus de la fin des années 1950 au début des années 2020.

Le concept de missing middle housing — soit « manque de logement intermédiaire » — désigne aux États-Unis, et dans une moindre mesure au Canada et en Australie l'absence d'échelon de logement entre la maison individuelle et l'immeuble de logement collectif de grande hauteur. À proprement parler, ce manque n'est que fonctionnel et ne reflète pas une carence en matière sociale.

Il date de la période à laquelle a commencé le zonage aux États-Unis, dans la première moitié du vingtième siècle. Jusqu'au début du XXIe siècle, cette carence est due à une interdiction juridique de construire quoi que ce soit d'autre que des maisons individuelles dans la grande majorité du territoire de chaque ville.

Ce manque est très pénalisant pour la société et l'urbanisme nord-américains, dans la mesure où il empêche l'existence de formes urbaines intermédiaires permettant en particulier la mixité des usages urbains. Ce manque d'une strate intermédiaire dans la typologie des formes urbaines nord-américaines est également à la fois la cause et la conséquence de la construction de hautes tours d'habitation, où logent en particulier tous ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter une maison individuelle.

Contexte[modifier | modifier le code]

Représentation schématique montrant six types de bâtiments d'habitation collective ou du moins individuelle groupée.
Exemples de logements intermédiaires « manquants » entre la maison individuelle et l'immeuble de logement collectif de grande taille.

Le terme de missing middle housing est inventé par l'architecte Daniel Parolek en 2010, qui nomme ainsi un ouvrage sous-titré « Thinking big and building small to respond to today’s housing crisis »[1],[2],[3]. En 2014, les logements américains se répartissent de la manière suivante :

Types de logements aux États-Unis
d'après le Bureau du recensement[4]
Type de logement Occurrence en 2014
Maison individuelle 63 %
Immeubles de dix logements ou plus 13 %
Autres immeubles 19 %

Le zonage fonctionnel américain est extrêmement normatif et interdit, dans la plus grande partie du territoire d'une agglomération, la construction de tout autre bâtiment que des maisons individuelles[5]. Dans l'agglomération de Boston, par exemple, 70 % des municipalités consacrent plus de 80 % de leur territoire exclusivement à l'habitat pavillonnaire[6].

Ce cadre de zonage fonctionnel a pour but explicitement affiché d'empêcher les implantations d'activités ressenties comme nuisibles, en particuliers des activités industrielles polluantes, à proximité des habitations. Mais il est créé majoritairement entre 1900 et 1950, à une époque où la ségrégation raciale est particulièrement forte. Un objectif sous-jacent à la mise en place de ce zonage est aussi de séparer physiquement les populations issues de groupes raciaux différents, et particulièrement d'exclure les « indésirables » des banlieues. Cela permet aux habitants relativement aisés de la banlieue résidentielle, à l'échelon de la collectivité la plus locale, de payer des impôts qui ne servent qu'au bénéfice d'une population homogène et aisée. En conséquence, l'habitat au centre-ville est subi et non choisi par les populations les plus modestes[7],[8].

La forme urbaine résultant de ce manque est la quasi-mitoyenneté des tours de copropriété, dites « condos », avec les zones pavillonnaires de maisons individuelles, presque sans transition. On peut observer de telles juxtapositions à Toronto par exemple[9].

Prise de conscience[modifier | modifier le code]

Photographie aérienne d'une zone pavillonnaire aux maisons toutes semblables à perte de vue.
Exemple d'une zone de construction obligatoire de maison individuelle à Rio Rancho au Nouveau-Mexique.

Plusieurs urbanistes réclament, notamment à partir de 2010, que le zonage soit assoupli de manière à autoriser des formes urbaines légèrement plus denses. Idéalement, ces urbanistes cherchent à aller plus loin et éliminer le zonage n'autorisant que la maison individuelle ; toutefois, ils ont bien conscience que ce vœu est totalement antinomique avec le paradigme ayant défini l'urbanisme américain durant près d'un siècle[6].

Les raisons de cette réclamation sont nombreux. En premier lieu, l'étalement urbain créé par le zonage favorise l'usage exclusif de l'automobile et des émissions importantes de gaz à effet de serre. À ce premier titre, des études menées en 2015 et 2017 montrent que le plus fort effet de réduction des émissions de carbone s'observeraient en convertissant des zones d'habitat pavillonnaire peu dense en zones d'habitat à densité moyenne. Deuxièmement, près d'un siècle après son adoption nationale en 1926 par la Cour suprême, le zonage continue de remplir la fonction ségrégative qui l'avait inspirée. Enfin, les études de rentabilité montrent que l'habitat « manquant » est justement celui qui minimise les coûts de développement et permettrait ainsi de cesser d'appauvrir les municipalités américaines[8].

Toutefois, le zonage fonctionnel n'est pas le seul paramètre à abolir afin de permettre cette densification. Il est également nécessaire d'autoriser des hauteurs maximales plus importantes, de revenir sur la surface minimale de chaque lot ainsi que sur la distance obligatoire de recul à la rue[10].

Des arguments couramment cités vont à l'encontre de cette politique visant à mettre fin au zonage n'autorisant que la maison individuelle. Le premier argument est que l'habitat pavillonnaire exclusif correspondrait à un idéal recherché par les Américains. Or les préférences de ces derniers évoluent rapidement, en particulier après la Crise des subprimes en 2008. Ainsi, l'appétence d'un échantillon de population de Houston pour une maison « plus petite, dans une zone plus densément bâtie et permettant l'accès piéton à des commerces et des restaurants » monte de 40 à 50 % entre 2008 et 2016. Plusieurs analyses montrent que le modèle de la maison individuelle n'est choisi que par défaut en l'absence d'alternative[11].

À la suite de la pandémie de Covid-19, un programme de remédiation au manque d'immeuble intermédiaire de logements est mis formellement en place. Le Missing Middle Housing Program, mis en place dans le cadre du plan de sauvetage est doté de cinquante millions de dollars dès mars 2022, et de la même somme en janvier de l'année suivante. Ce programme subventionne les chantiers de construction ou de réhabilitation de tels immeubles, les ensembles de moins de douze logements étant un peu plus subventionnés que les autres[12]. Le zonage interdisant la construction de cette catégorie de bâtiment est également modifié dans plusieurs villes, comme à Raleigh[13] ou Sacramento[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Missing middle housing : Thinking big and building small to respond to today’s housing crisis », Strong Towns, (consulté le ).
  2. (en) « “Missing Middle Housing” Website to Fill the Gap Between Supply and Demand », Planetizen, (consulté le ).
  3. (en) « Missing Middle Housing is a transformative concept that highlights the need for diverse, affordable housing choices in sustainable, walkable places », Opticos (consulté le ).
  4. (en) Amanda Kolson Hurley, « Will U.S. Cities Design Their Way Out of the Affordable Housing Crisis? », Next City, (consulté le ).
  5. (en) Brad Broberg, « On Common Ground — Missing Middle Housing », National Association of Realtors (en), (consulté le ).
  6. a et b Jake Wegmann 2019, Introduction, p. 114.
  7. Sophie Body-Gendrot, « Le malaise urbain aux Etats-Unis : de quoi parle-t-on ? », Revue des politiques sociales et familiales, no 31,‎ , p. 55-62 (ISSN 2490-7944, DOI 10.3406/caf.1993.1562, lire en ligne).
  8. a et b Jake Wegmann 2019, The Harms of Single-Family Zoning, p. 115.
  9. (en) Jay Cockburn, Anne Benaroya & Richard Dennis, « 99% invisible — Episode 491: The Missing Middle », 99% invisible, (consulté le ).
  10. Jake Wegmann 2019, Caveats, p. 114 & 115.
  11. Jake Wegmann 2019, Disputing Common Arguments forSingle-Family Zoning, p. 115 à 117.
  12. (en) « Missing Middle Housing Program », Michigan, (consulté le ).
  13. (en) Keegan McDonald, « What is the Missing Middle? », Raleigh, (consulté le ).
  14. (en) « 2040 general plan key strategy », Sacramento (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]