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Michel Henry

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Michel Henry est un philosophe et un romancier français né le 10 janvier 1922 à Haiphong (Viêt Nam) et décédé le 3 juillet 2002 à Albi (France).

Vie et œuvre de Michel Henry

Biographie

Michel Henry a vécu au Viêt Nam jusqu’à l’âge de 7 ans ; alors qu'il n'avait que dix-sept jours, il y a perdu son père commandant dans la marine, à cause d'un accident de voiture. Il s’est ensuite installé en France avec sa mère et a fait ses études à Paris. Dès juin 1943, il s’engage dans la Résistance où il rejoint le maquis du Haut Jura sous le nom de code de Kant, et devra redescendre de la montagne pour accomplir ses missions dans Lyon occupé par les allemands et quadrillé par les nazis, une expérience de la clandestinité qui va profondément marquer sa philosophie.

À l’issue de la guerre, il passe l’agrégation de philosophie, puis se consacre à la préparation d’une thèse sous la direction de J. Hyppolite, J. Wahl, P. Ricoeur, F. Alquié et H. Gouhier. Il rédige ensuite à partir de cette thèse son premier livre : Philosophie et phénoménologie du corps et le termine en 1950. Puis il se consacre à son premier grand ouvrage qui sera publié en 1963, L’essence de la manifestation.

Michel Henry a été, à partir de 1960, professeur de philosophie à l’Université de Montpellier. Le sujet de sa philosophie est la subjectivité vivante, c’est-à-dire la vie réelle des individus vivants.

Son roman L'amour les yeux fermés a obtenu le prix Renaudot en 1976.

Une phénoménologie de la vie

Le travail de Michel Henry est fondé sur la phénoménologie, qui est la science du phénomène. Sa réflexion le conduit au renversement de la phénoménologie de Husserl, qui ne connaîtrait comme phénomène que l'apparaître du monde, c'est-à-dire l'extériorité. Michel Henry oppose à cette conception de la phénoménalité une phénoménologie radicale de la vie[1].

Michel Henry définit la vie d'un point de vue phénoménologique comme ce qui possède la faculté et le pouvoir de « se sentir et de s'éprouver soi-même en tout point de son être ».[2] Pour lui, la vie est essentiellement force et affect, elle est par essence invisible, elle consiste en une pure épreuve de soi qui oscille en permanence entre la souffrance et la joie, elle est un passage toujours recommencé de la souffrance à la joie.[3] La pensée n'est pour lui qu'un mode de la vie car ce n’est pas la pensée qui nous donne accès à la vie, mais c’est la vie qui permet à la pensée d’accéder à soi.[4]

La vie ne se voit pas de l’extérieur, elle n’apparaît jamais dans l’extériorité du monde. La vie se sent et s’éprouve elle-même dans son intériorité invisible et dans son immanence radicale. Dans le monde nous ne voyons jamais la vie elle-même, mais seulement des êtres vivants ou des organismes vivants, nous ne pouvons pas voir la vie en eux.[5] De même qu’il est impossible de voir l’âme d’autrui avec nos yeux ou de l’apercevoir au bout de notre scalpel.

La vie n’est pas son propre fondement, nous ne nous sommes pas apportés nous-mêmes et par nos propres moyens dans la condition de vivant, la vie nous est donnée en permanence sans que nous n’y soyons pour rien. Nul ne s'est jamais donné la vie. Nous subissons la vie dans une passivité radicale, nous sommes réduits à la supporter à chaque instant comme ce que nous n’avons pas voulu, c’est cette passivité radicale de la vie qui est le fondement et la cause de la souffrance.[6],[7] Dans le même temps, le simple fait de vivre, d’être vivant et de se sentir soi-même plutôt que de n’être rien et de ne pas exister est déjà la plus grande joie et le plus grand des bonheurs. La souffrance et la joie appartiennent à l’essence de la vie, elles sont les deux tonalités affectives fondamentales de sa manifestation et de son auto-révélation pathétique[8].

Pour Michel Henry, la vie n’est pas une substance universelle, aveugle, impersonnelle et abstraite, elle est nécessairement la vie personnelle et concrète d’un individu vivant, elle porte en elle une Ipséité qui lui est consubstantielle et qui désigne le fait d’être soi-même, le fait d’être un Soi.[9] Qu’il s’agisse de la vie personnelle et finie des hommes, ou de la vie personnelle et infinie de Dieu.

Des informations complémentaires sur cette conception phénoménologique de la vie peuvent être trouvées dans les articles sur la vie et sur la philosophie de la vie.

Une théorie de la subjectivité

Alors que la question de l'être reprenait de l'importance en France dans la postérité de Heidegger, et que la question du sujet était relancée, Michel Henry a combiné ces apports pour produire son système philosophique. Le concept de vie en est le socle, principe indéductible, et donc l'essence de toute vérité selon Henry. La vie, échapperait ainsi par essence à toute mise à distance, à toute transcendance, confondant dans l'unité d'une épreuve la puissance spéculative d'un principe et la présence matérielle d'une expérience.

La vie à travers ses multiples manifestations focalise toutes les préoccupations de la pensée de Henry. La phénoménologie atteindrait ainsi ses limites, puisque la texture elle-même du phénoménal nous renvoie sans cesse à l'effectivité de la vie, qu'elle nécessite à titre de condition. C'est le sens du titre de l'ouvrage principal de Michel Henry, L'essence de la manifestation : le monde ne se déploie que devant un sujet, qui ne découvre cet espace d'extériorité que parce qu'il est d'abord en relation de passivité à l'égard de lui-même, comme vivant.

Deux modes de manifestation

Il existe selon Michel Henry deux modes de manifestation des phénomènes qui sont deux façons d’apparaître : l’extériorité qui est le mode de manifestation du monde visible, et l’intériorité phénoménologique qui est le mode de manifestation de la vie invisible.[10] Notre corps par exemple nous est donné de l’intérieur dans la vie ce qui nous permet par exemple de bouger notre main ou de la sentir, et il nous apparaît également de l’extérieur comme n’importe quel autre objet que l’on peut voir dans le monde.

L’invisible dont il est question ici ne correspond pas à ce qui est trop petit pour être vu à l’œil nu ou à des rayonnements auxquels l'œil n’est pas sensible, mais à cette vie à jamais invisible parce qu’elle est radicalement immanente et qu’elle n’apparaît jamais dans l’extériorité du monde : personne n’a jamais vu une force, une pensée ou un sentiment dans leur réalité intérieure apparaître dans le monde.

L’originalité de sa pensée

Toute la philosophie occidentale depuis ses origines grecques ne reconnaît selon Michel Henry que le monde visible et l’extériorité comme seul mode de manifestation.[11] La philosophie occidentale serait selon lui enfermée dans ce qu'il appelle dans l’essence de la manifestation le « monisme ontologique » ; elle ignorerait complètement l’intériorité invisible de la vie, son immanence radicale et son mode de révélation originaire qui est irréductible à toute forme de transcendance et à toute extériorité. Lorsqu’il est question de la subjectivité ou de la vie, celles-ci ne sont jamais saisies dans leur pureté, elles seraient systématiquement ramenées à la vie biologique, à leur rapport extérieur au monde, ou comme chez Husserl à une intentionnalité c’est-à-dire à une orientation de la conscience vers un objet qui lui est extérieur.

Michel Henry rejette le matérialisme, qui n’admet comme réalité que la matière, puisque la manifestation de la matière dans la transcendance du monde présuppose constamment la révélation de la vie à elle-même, que ce soit pour y accéder, pour pouvoir la voir ou pour pouvoir la toucher. Il rejette également l’idéalisme, qui ramène l’être à la pensée et qui est incapable par principe de saisir la réalité de l’être qu’il réduit à une image irréelle, à une simple représentation. Pour Michel Henry, la révélation de l’absolu réside dans l’affectivité et se trouve constituée par elle.[12]

La réception de sa philosophie

Sa thèse sur L’essence de la manifestation a été accueillie chaleureusement par les membres du jury qui ont reconnu la valeur intellectuelle et le sérieux de son auteur,[13] pourtant cette thèse n’a guère eu d’influence sur leurs travaux ultérieurs. Son ouvrage sur Marx a été rejeté par les marxistes qui étaient durement critiqués, comme par ceux qui refusaient de voir en Marx un philosophe et qui le réduisaient à un idéologue responsable du marxisme. Son livre sur La barbarie a été considéré par certains comme un discours anti-scientifique un peu simpliste et trop tranchant.

Quant à ses ouvrages sur le christianisme, ils semblent avoir plutôt déçu certains théologiens professionnels et exégètes catholiques qui se sont contentés de relever et de corriger ce qu’ils considéraient comme des « erreurs dogmatiques ». Son livre C’est moi la Vérité. Pour une philosophie du christianisme a fait l’objet d’un pamphlet dans Le tournant théologique de la phénoménologie française de la part de Dominique Janicaud qui ne voit dans l’immanence de la vie que l’affirmation d’une intériorité tautologique. Antoine Vidalin a publié un livre intitulé La parole de la Vie dans lequel il avance que la phénoménologie de Michel Henry permet une approche renouvelée de tous les domaines de la théologie.

Comme le dit Alain David dans un article paru dans la Revue philosophique de la France et de l’Etranger (numéro 3 de juillet - septembre 2001), la pensée de Michel Henry semble trop radicale, elle change trop profondément les habitudes de penser, sa réception se fait difficilement, même si tous ses lecteurs se disent impressionnés par sa « puissance », par « l’effet sidérant » d’une pensée qui « déblaye tout sur son passage », qui « provoque l’admiration » et qui pourtant « n’emporte pas la conviction ». Car on ne sait pas si l’on est confronté à « la violence d’une parole prophétique ou à une pure folie ». Rolf Kühn affirme également dans cette même revue, pour expliquer la difficile réception de l’œuvre de Michel Henry, que « si l’on ne pactise avec aucun pouvoir de ce monde, on se soumet inévitablement au silence et aux critiques de tous les pouvoirs possibles, puisqu’on rappelle à toute institution que son pouvoir visible ou apparent n’est, en somme qu’une impuissance, car personne ne s’apporte lui-même dans la vie phénoménologique absolue. »[14]

Ses ouvrages ont fait l’objet de nombreuses traductions, notamment en anglais, en allemand, en espagnol, en italien, en portugais et en japonais. Un nombre important d’ouvrages lui ont été consacrés, surtout en français, mais aussi en allemand, en espagnol et en italien. Plusieurs colloques internationaux ont également été consacrés à la pensée de Michel Henry à Beyrouth, Cerisy, Namur, Prague et Paris.[15] Michel Henry est considéré par certains comme l’un des philosophes contemporains les plus importants[16][17],[18], et sa phénoménologie de la vie commence à « faire école ». Un Centre d’études Michel Henry a été créé à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban) sous la direction du Professeur Jad Hatem.

Quelques aperçus de sa philosophie

Sur les problèmes de société

Michel Henry a fait un travail important sur Karl Marx, qu’il considère paradoxalement comme l'un des premiers penseurs chrétiens et comme l’un des plus grands philosophes de l’Occident, du fait de l'importance qu'il accorde dans sa pensée au travail vivant et à l'individu vivant en lequel il voit le fondement de la réalité économique. La raison pour laquelle la véritable pensée de Marx a été si mal comprise et si mal interprétée tient à l’ignorance complète des écrits philosophiques fondamentaux de cet auteur dans la constitution de la doctrine officielle du marxisme du fait de leur publication très tardive, par exemple en 1932 seulement pour L’idéologie allemande. Ce travail sur Marx a été publié en deux tomes intitulés respectivement Marx I. Une philosophie de la réalité et Marx II. Une philosophie de l’économie.

Dans son essai sur La barbarie, Michel Henry s’interroge sur la science, qui se fonde sur l’idée d’une vérité universelle et comme telle objective et qui conduit donc à l’élimination des qualités sensibles du monde, à l'élimination de la sensibilité et de la vie. La science n’est pas mauvaise en soi aussi longtemps qu’elle se borne à étudier la nature, mais elle tend à exclure toutes les formes traditionnelles de culture, à savoir l’art, l’éthique et la religion. La science livrée à elle-même conduit à la technique dont les processus aveugles se développent d’eux-mêmes de façon monstrueuse sans référence à la vie.

La science est une forme de culture dans laquelle la vie se nie elle-même et se refuse toute valeur, elle est une négation pratique de la vie, qui se prolonge dans une négation théorique sous la forme de toutes les idéologies qui ramènent tout savoir possible à celui de la science, à savoir les sciences humaines dont l’objectivité même les prive de leur objet : que valent des statistiques face au suicide, que disent-elles du désespoir dont il procède ? Ces idéologies ont envahi l’université et la précipitent vers sa destruction par l’élimination de la vie de ses recherches et de son enseignement. La télévision est la vérité de la technique, elle est la pratique par excellence de la barbarie, elle réduit tout événement à l’actualité, à des faits incohérents et insignifiants.

Cette négation de la vie résulte selon Michel Henry de la « maladie de la vie », de son secret mécontentement de soi qui la conduit à se nier elle-même, à se fuir elle-même pour fuir son angoisse et sa propre souffrance. Dans le monde moderne, nous sommes presque tous condamnés dès notre enfance à fuir notre angoisse et notre propre vie dans la médiocrité de l’univers médiatique, une fuite de soi et un mécontentement qui conduisent à la violence, au lieu de recourir aux formes traditionnelles les plus élaborées de la culture qui permettaient le dépassement de cette souffrance et sa transformation en joie. La culture subsiste malgré tout, mais dans une sorte d’incognito, elle est vouée à la clandestinité dans notre société matérialiste qui est en train de sombrer dans la barbarie.

Le communisme et le capitalisme ne sont pour Michel Henry que les deux visages d’une même mort, qui consiste en une même négation de la vie. Le marxisme élimine la vie individuelle au profit d’abstractions universelles comme la société, le peuple, l’histoire ou les classes sociales. Le marxisme est une forme de fascisme, c’est-à-dire une doctrine qui procède de l’abaissement de l’individu dont elle considère l’élimination comme légitime. Tandis que le capitalisme substitue des entités économiques telles que l’argent, le profit ou l’intérêt aux besoins véritables de la vie. Le capitalisme reconnaît cependant la vie comme source de la valeur, le salaire étant la représentation objective du travail réel subjectif et vivant. Mais le capitalisme cède progressivement la place à l’exclusion de la subjectivité par la technique moderne, qui remplace le travail vivant par des processus techniques automatisés, éliminant du même coup le pouvoir de créer de la valeur et ainsi la valeur elle-même : les biens sont produits en abondance, mais le chômage augmente et l’argent manque constamment pour les acheter. Ces thèmes sont développés dans son livre Du communisme au capitalisme, théorie d’une catastrophe.

Le prochain livre qu’il projetait d’écrire devait s’intituler Le Livre des Morts et devait traiter de ce qu’il appelait la "subjectivité clandestine". Un thème qui évoque la condition de la vie dans le monde moderne et qui fait aussi allusion à son engagement dans la Résistance et à son expérience personnelle de la clandestinité.[19]

Sur l’art et la peinture

Michel Henry s'est intéressé à la peinture ancienne, la grande peinture classique qui précède la figuration scientiste des XVIIIe siècle et XIXe siècle, mais aussi des créations abstraites comme celles du peintre Wassily Kandinsky. Michel Henry lui a consacré un livre intitulé Voir l’invisible, sur Kandinsky où il décrit son œuvre en des termes élogieux. Il analyse dans cet ouvrage les écrits théoriques de Kandinsky sur l’art et sur la peinture dans leur dimension spirituelle et culturelle comme moyen d’accroissement de soi et d’affinement de la sensibilité. Il explore les moyens de la peinture que sont les formes et les couleurs, il étudie leurs effets sur la vie intérieure de celui qui les regarde émerveillé en suivant les analyses rigoureuses et presque phénoménologiques qu’en propose Kandinsky. Il explique que toute forme de peinture susceptible de nous émouvoir est en réalité abstraite, c’est-à-dire qu’elle ne se contente pas de reproduire le monde, mais cherche à exprimer cette force invisible et cette vie invisible que nous sommes.

Sur le christianisme

Dans C’est moi la Vérité, pour une philosophie du christianisme, Michel Henry confronte sa phénoménologie de la vie aux textes fondateurs du christianisme : la Vie s’aime elle-même d’un amour infini et ne cesse de s’engendrer elle-même, elle ne cesse d’engendrer chacun de nous comme son Fils ou sa Fille bien-aimés dans le présent éternel de la vie. La Vie n’est pas autre chose que cet absolu d’amour que la religion appelle Dieu. Le commandement d’aimer n’est pas une loi éthique, mais la Vie elle-même. Cet ouvrage propose également une phénoménologie du Christ, qui est compris comme étant le Premier Vivant. Le vivant est simplement ce qui parvient en soi dans cette pure révélation de soi ou auto-révélation qu’est la Vie. C’est sous la forme d’une Ipséité effective et singulière que la Vie ne cesse de s’engendrer elle-même. Elle ne cesse d’advenir sous la forme d’un Soi singulier qui s’étreint lui-même, qui s’éprouve lui-même et qui jouit de soi, et que Michel Henry appelle le Premier Vivant. Ou encore l’Archi-Fils puisqu’il habite l’Origine et le Commencement lui-même, et qu’il est engendré dans le procès même dans lequel le Père s’engendre lui-même.

Comme il le dit dans son dernier livre Paroles du Christ, c’est dans le cœur que parle la vie, dans son auto-révélation pathétique immédiate, mais ce cœur est aveugle à la Vérité, il est sourd à la parole de Vie, il est dur et égoïste, et c’est de lui que vient le mal. C’est dans la violence de son auto-révélation silencieuse et implacable, qui porte témoignage contre cette vie dégénérée et contre le mal qui en provient, que se tient le Jugement qui est identique à la venue de chaque Soi en lui-même et auquel nul ne peut échapper.

Dans son livre Incarnation, une philosophie de la chair, Michel Henry commence par opposer la chair vivante et sensible, telle que nous l’éprouvons en permanence de l’intérieur, au corps matériel et inerte, tel que nous pouvons le voir de l’extérieur, semblable aux autres objets que l’on trouve dans le monde. La chair ne correspond pas du tout dans sa terminologie à la partie molle de notre corps matériel et objectif, par opposition aux os par exemple, mais à ce qu’il appelait dans ses livres antérieurs notre corps subjectif. Pour Michel Henry, un objet ne possède pas d’intériorité, il n’est pas vivant, il ne se sent pas lui-même et ne sent pas qu’on le touche, il ne fait pas l’expérience subjective d’être touché.

Après avoir situé le problème difficile de l’incarnation dans une perspective historique en remontant à la pensée des Pères de l'Église, il fait dans cet ouvrage une relecture critique de la tradition phénoménologique qui aboutit au renversement de la phénoménologie.[20] Il propose ensuite d’élaborer une phénoménologie de la chair qui conduit à la notion de chair originaire non constituée mais donnée dans l’archi-révélation de la Vie, ainsi qu’une phénoménologie de l’Incarnation.

Sur la psychanalyse

Michel Henry a fait une étude de la genèse historique et philosophique de la psychanalyse à la lumière de la phénoménologie de la vie dans son livre Généalogie de la psychanalyse, le commencement perdu, dans lequel il montre que la notion freudienne d’inconscient résulte de l’incapacité de Freud, son fondateur, à penser l’essence de la vie dans sa pureté. La représentation refoulée n’est pas de l’inconscient, elle n’est simplement pas formée : l’inconscient n’est qu’une représentation vide, il n’existe pas, ou plutôt le véritable inconscient, c’est la vie elle-même dans sa réalité pathétique. Et ce n’est pas le refoulement qui provoque l’angoisse, dont l’existence tient au seul fait de pouvoir, mais l’énergie psychique ou la libido inemployée. Quant à la notion de conscience, elle signifie simplement le pouvoir de voir, elle n’est qu’une conscience d’objet qui conduit à une subjectivité vide.

Œuvres

Œuvres philosophiques

  • L’Essence de la manifestation (1963)
  • Philosophie et Phénoménologie du corps (1965)
  • Marx :
    • I. Une philosophie de la réalité (1976)
    • II. Une philosophie de l’économie (1976)
  • Généalogie de la psychanalyse. Le commencement perdu (1985)
  • La Barbarie (1987)
  • Voir l’invisible, sur Kandinsky (1988)
  • Phénoménologie matérielle (1990)
  • Du communisme au capitalisme. Théorie d'une catastrophe (1990)
  • C'est moi la Vérité. Pour une philosophie du christianisme (1996)
  • Incarnation. Une philosophie de la chair (2000)
  • Paroles du Christ (2002)

Ouvrages posthumes

  • Auto-donation. Entretiens et conférences (2002)
  • Le bonheur de Spinoza (2003)
  • Phénoménologie de la vie :
    • Tome I. De la phénoménologie (2003)
    • Tome II. De la subjectivité (2003)
    • Tome III. De l’art et du politique (2003)
    • Tome IV. Sur l’éthique et la religion (2004)
  • Entretiens (2005)

Œuvres littéraires

  • Le jeune officier (1954)
  • L’Amour les yeux fermés (1976)
  • Le Fils du roi (1981)
  • Le cadavre indiscret (1996)

Notes et références

  1. Incarnation. Une philosophie de la chair (§ 1-15, pp. 35-132)
  2. Voir par exemple La barbarie (§ 1, p. 15)
  3. Voir par exemple L'essence de la manifestation (§ 52-70)
  4. Incarnation. Une philosophie de la chair (§ 15, p. 129)
  5. C'est moi la Vérité. Pour une philosophie du christianisme (§ 3, pp. 46-64)
  6. L'essence de la manifestation (§ 53)
  7. La barbarie (§ 4, pp. 126-128)
  8. L'essence de la manifestation (§ 70)
  9. Incarnation. Une philosophie de la chair (Introduction, p. 29)
  10. Voir par exemple la conclusion de L'essence de la manifestation (§ 70, p. 860)
  11. Voir L'essence de la manifestation (§ 11, p. 91)
  12. Voir L'essence de la manifestation (§ 70, p. 858)
  13. Revue philosophique de la France et de l’Etranger (numéro 3 de juillet - septembre 2001, p. 361)
  14. Revue philosophique de la France et de l’Etranger (numéro 3 de juillet - septembre 2001, p. 303)
  15. Voir la rubrique 'Colloques internationaux Michel Henry' dans page 'Actualité' du site officiel de Michel Henry
  16. Gabrielle Dufour-Kowalska : Michel Henry, passion et magnificence de la vie (couverture)
  17. Jad Hatem : Michel Henry, la parole de Vie (p. 13)
  18. Collectif (Colloque international de Montpellier 2003) : Michel Henry. Pensée de la vie et culture contemporaine (p. 10)
  19. Voir la page 'Biographie' du site officiel de Michel Henry
  20. Incarnation. Une philosophie de la chair (§ 1-15, pp. 35-132)

Voir aussi

Bilbiographie

Livres en français

  • Gabrielle Dufour-Kowalska : Michel Henry, un philosophe de la vie et de la praxis (1980)
  • Dominique Janicaud : Le tournant théologique de la phénoménologie française (1991)
  • Gabrielle Dufour-Kowalska : L’Art et la sensibilité. De Kant à Michel Henry (1996)
  • Jean-Michel Longneaux (éd.) : Retrouver la vie oubliée. Critiques et perspectives de la philosophie de Michel Henry (2000)
  • Jad Hatem : Critique et affectivité. Rencontre de Michel Henry et de l’orient (2001)
  • Alain David et Jean Greisch (Actes du Colloque de Cerisy 1996) : Michel Henry, l’épreuve de la vie (2001)
  • Gabrielle Dufour-Kowalska : Michel Henry, passion et magnificence de la vie (2003)
  • Jad Hatem : Michel Henry, la parole de vie (2003)
  • Rolf Kühn : Radicalité et passibilité. Pour une phénoménologie pratique (2004)
  • Philippe Capelle : Phénoménologie et Christianisme chez Michel Henry (2004)
  • Jad Hatem : Le sauveur et les viscères de l’être. Sur le gnosticisme et Michel Henry (2004)
  • Jad Hatem : Christ et intersubjectivité chez Marcel, Stein, Wojtyla et Henry (2004)
  • Sébastien Laoureux : L'immanence à la limite. Recherches sur la phénoménologie de Michel Henry (2005)
  • Antoine Vidalin : La parole de la vie. La phénoménologie de Michel Henry et l’intelligence chrétienne des Ecritures (2006)
  • Paul Audi : Michel Henry : Une trajectoire philosophique (2006)
  • Collectif (Colloque international de Montpellier 2003) : Michel Henry. Pensée de la vie et culture contemporaine (2006)
  • Raphaël Gély: Rôles, action sociale et vie subjective. Recherches à partir de la phénoménologie de Michel Henry (2007)

Livres en langues étrangères

  • (de) Rolf Kühn : Leiblichkeit als Lebendigkeit. Michel Henrys Lebensphänomenologie absoluter Subjektivität als Affektivität (1992)
  • (de) Rolf Kühn et Stefan Nowotny : Michel Henry. Zur Selbstentfaltung des Lebens und der Kultur (2002)
  • (es) Mario Lipsitz : Eros y Nacimiento fuera de la ontología griega : Emmanuel Levinas y Michel Henry (2004)
  • (it) Molteni Gioacchino : Introduzione a Michel Henry. La svolta della fenomenologia (2005)
  • (it) Marini Emanuele : Vita, corpo e affettività nella fenomenologia di Michel Henry (2005)
  • (en) Michael O'Sullivan : Michel Henry: Incarnation, Barbarism and Belief (2006)

Articles en français

Liens externes

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