Littérature tamoule classique

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La littérature tamoule classique, dont le cœur est constitué par la littérature du Sangam ou littérature Sangam, connaît probablement son âge d'or entre le Ier et le IVe siècle mais peu de choses nous sont connues de façon certaine.

Le tamoul est considéré comme la première langue classique de l'Inde avant même le sanskrit. Le gouvernement indien lui a d'ailleurs, en 2004, accordé le statut officiel de Classical Language (« Langue classique »).

Histoire[modifier | modifier le code]

Le tamoul possède une riche littérature qu'on ne peut malheureusement pas dater avec précision, les ōlai ou manuscrits gravés sur feuilles de palmier au moyen desquels elle a été transmise (par copies successives) ne pouvant survivre plus de 300 ans dans les conditions climatiques de l'Inde du Sud. Certains affirment que la littérature tamoule est vieille de plus de 2500 ans, mais les seules choses qui peuvent être datées avec précision sont les traces épigraphiques.

Il est également affirmé que l'œuvre la plus ancienne est un traité de Grammaire et de Poésie, le Tolkāppiyam (attribué à Tolkāppiyaṉār), mais il est possible que le Tolkāppiyam tel que nous l'avons aujourd'hui soit l'aboutissement d'un processus d'accrétion, où des parties composées par des auteurs distincts auraient été regroupées par un ultime rédacteur.

Poésie Sangam[modifier | modifier le code]

La poésie Sangam tenait une place essentielle dans cette littérature. L'origine du nom provient d'un récit de caractère légendaire, qui se trouve dans l'introduction du commentaire sur le Kaḷaviyal eṉṟa Iṟaiyaṉār Akapporuḷ. Cette introduction explique que les poètes se réunissaient en académies appelées caṅkam (prononcer « sangam »). C'est pourquoi on désigne souvent aujourd'hui la littérature tamoule classique par le nom de Littérature du Sangam.

Cette poésie se réfère aux poèmes écrits entre 300 av. J.-C. et 600 apr. J.-C.[1],[2],[3]. On en compte aujourd'hui 2 381, écrits par 473 poètes, dont 102 restent anonymes[4].

La période durant laquelle ces poèmes ont été écrits est couramment appelée « période Sangam », en souvenir de ces académies Sangam[5],[6],[7]. La littérature Sangam est essentiellement profane et traite de thèmes tamouls de la vie quotidienne[8].

Les poèmes appartenant à la littérature Sangam ont été composés par des Tamouls, tant des hommes que des femmes, de diverses professions et appartenant à diverses classes de la société. Les textes qui composent la littérature Sangam, d'inspiration non religieuse dans leur très grande majorité, ont été réunis en anthologies à une date mal déterminée. Des commentaires, des annotations, des colophanes ont été rajoutés aux alentours de l'an 1000. Ces anthologies ont elles-mêmes été regroupées en une super-anthologie, qui est appelée Eṭṭuttokai « Les Huit Recueils ». Dans le même ordre d'idées, on peut citer aussi d'autres regroupements d'œuvres comme les Pattup Pāṭṭu « Dix (longs) Chants » et les Patiṉeṇ Kīḻkkaṇakku, un recueil de 18 œuvres dont la plus célèbre est le Kuṟaḷ.

Les poèmes érotiques de la tradition Sangam s'appuient sur une symbolique caractéristique, les « paysages Sangam » (en langue tamoule : அகத்திணை « ordonnance interne »). Le principe de base, dont la première évocation intervient avec le Tolkappiyam (la plus ancienne grammaire du tamoul), est la classification des poèmes en différents modes (dits thinaïs, en tamoul : திணை), selon la nature du poème, le lieu et les sentiments évoqués. Chaque thinaï est étroitement associé à un paysage particulier (un peu à la manière de la « roue de Virgile »), et l'imagerie associée (les fleurs, arbres, animaux, métiers, le climat et la géographie) revient dans chaque poème de façon à évoquer un aspect particulier de la relation amoureuse.

Les premiers thinaï sont:

  • la montagne (kurinji, குறிஞ்சி) ;
  • la forêt (mullai, முல்லை) ;
  • les prés (marutham, மருதம்) ;
  • la mer (neithal, நெய்தல்) ;
  • le désert (paalai, பாலை).

D'autre genre de thinaïs, non paysagers, kaikkiLai et perunthinai, furent adjoints à ceux-là pour évoquer l'indifférence et l'amour impossible. Des thinaïs similaires se retrouvent dans la poésie puram, mais les genres évoquent plutôt un métier ou une occupation qu'un paysage.

Les chefs-d'œuvre de la tradition Sangam étaient oubliés depuis des siècles lorsqu’à la fin du XIXe siècle, plusieurs érudits tamouls parmi lesquels S. V. Damodaram Pillai et U. V. Swaminatha Iyer[9],[10] recueillirent et numérotèrent patiemment de nombreux manuscrits à des stades variés de dégradation. C'est ainsi qu'ils firent imprimer successivement Tolkāppiyam, Nachinarkiniyar urai (1895), Tholkappiyam Senavariyar urai, (1868), Manimekalai (1898), Silappatikaram (1889), Pattupattu (1889), et Purananuru (1894), autant d'anthologies accompagnées de commentaires savants. Au total, Damodaram Pillai et Swaminatha Iyer publièrent plus de 100 ouvrages, dont des poèmes mineurs.

Détail de la composition des anthologies Sangam[modifier | modifier le code]

Les Eṭṭuttokai (les « Huit Recueils ») sont:

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Kamil Veith Zvelebil, Companion Studies to the History of Tamil Literature, p.12
  2. K.A. Nilakanta Sastry, A History of South India, OUP (1955) p.105
  3. Tamoul classique
  4. George L. Hart III, The Poems of Ancient Tamil, University of California, 1975.
  5. L’Irayanaar Agapporul, daté des environs de 750 apr. J.-C., mentionne les légendes Sangam. Une inscription du début du Xe siècle mentionne les réalisations des premiers rois Pandya pour établir une Sangam à Madurai. Voir K.A. Nilakanta Sastry, A History of South India, OUP (1955) p.105
  6. « La datation limite de Eṭṭuttokai et de Pattupattu peut être située aux environs de 700 apr. J.-C. » - Vaiyapuri Pillai, History of Tamil language and literature p.38.
  7. « … La langue tamoule de ces courts témoignages s'épanouit durant les premiers siècles de l'ère actuelle, culminant en l'émergence d'un corpus poétique de très haute qualité […] À ce corpus, le nom de poésie Sangam fut donné plus tard… ». Burton Stein, A History of India (1998), Blackwell p.90.
  8. Les seuls poèmes religieux Sangam sont des poèmes qui apparaissent dans le paripaatal. Tout le reste de la littérature Sangam traite des émotions et des relations humaines. Voir K.A. Nilakanta Sastri, A History of South India, Oxford University Press, , p. 330-335.
  9. D'après (en) Une bibliothèque de manuscrits de Palmyre
  10. Cf. Kamil V. Zvelebil, Companion Studies to the History of Tamil Literature

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • François Gros, Le Paripātal (Texte Tamoul), Introduction, traduction et notes, Publications de l'Institut Français d'Indologie, no 35, Pondichéry, 1968 (prix Saintour en 1969).
  • François Gros, Le Livre de l'Amour de Tiruvalluvar, Connaissance de l'Orient, Collection UNESCO d'œuvres représentatives, Gallimard, Paris, 1992.

Articles connexes[modifier | modifier le code]