Florigène

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Florigène fait référence en botanique à une substance hypothétique[1] ou à un signal qui induit la floraison dans les plantes L'idée derrière le concept de florigène est celle d'une substance transportée à travers la plante du site de production (souvent les feuilles) vers les méristèmes apicaux, où se forment les fleurs[2]. Le florigène régule le moment précis auquel une plante passe de la phase végétative à la phase de reproduction en induisant la formation de structures florales, comme les boutons floraux. Ce moment précis est conditionné par divers facteurs environnementaux tels que la photopériode (la durée du jour et de la nuit), la température et d'autres signaux internes de la plante.

Découverte[modifier | modifier le code]

Les premières observations concernant le florigène remontent au XIXe siècle. Un scientifique allemand du nom de Julius von Sachs a proposé une hypothèse concernant des stimuli hormonaux chez les plantes[3]. En 1920, d’autres chercheurs, Garner et Allard, ont étudié la réponse photopériodique des plantes face aux différences de longueur des journées. Ils ont pu comparer les courtes et longues journées selon la présence de lumière[4]. À la suite de ces expériences, un scientifique russe Chailakhyan, a poursuivi ces recherches en 1936[4]. Il a modifié la longueur des journées ce qui lui a permis d’accélérer ou de décélérer la transition de la plante vers la floraison. Également, il a analysé plusieurs types de plantes en comparant leur réponse ontogénétique, c’est-à-dire le processus de développement d’un organisme jusqu’à la maturité. Ces résultats ont permis d’établir les structures de la plante nécessaire lors de la floraison. Par ailleurs, il a constaté que le même processus de floraison se produisait peu importe le modèle de plantes. Ainsi, il a établi la présence de florigène agissant comme une hormone, déclenchant ou non l’activité d’éclosion[5]. Ces analyses ont ensuite développé un intérêt généralisé dans la communauté scientifique.

Le florigène, une hormone ?[modifier | modifier le code]

Dans la littérature, la protéine florigène est souvent référée en tant qu'hormone de floraison. Par définition, une hormone est une substance sécrétée dans le fluide tissulaire de l’organisme, tel que le sang chez les animaux et le phloème chez les plantes, afin de stimuler une action spécifique d’une ou de plusieurs cellules[6].  Dans le cas des plantes, le florigène est une protéine produite par des cellules spécialisées situées dans les feuilles déjà établies via la transcription du gène FLOWERING LOCUS T (FT)[7]. Ce processus transcriptionnel se fait lorsque la plante est exposée à une photopériode LD (ou de journée longue).  La transcription est activée par CONSTANS (CO), un facteur de régulation transcriptionnelle[8].  La protéine est ensuite médiée par ces cellules spécialisées du parenchyme (dites ‘companion cells’), avant d’être relâchée dans le phloème[9].  À l’aide du phloème, la protéine florigène se dirige vers les extrémités apicales de la plante, tels que les bourgeons, afin de promouvoir leur croissance et leur floraison[10],[11].

Le florigène, au cœur d'interactions plus complexes[modifier | modifier le code]

Des études plus récentes ont montré que le florigène résulte de l’interaction de plus d’un facteur, et les composantes de la molécule peuvent différées selon les espèces. En effet, le florigène chez Arabidopsis, plante de journées longues, est composé entre autres de la protéine FLOWERING LOCUS T (FT) en interaction avec le facteur de transcription FLOWERING LOCUS D (FD), alors que la protéine Heading date 3a (Hd3a) correspond à l’homologue de FT chez le riz, une plante faisant la floraison lors des jours courts[12].

L’activation du facteur de transcription florigène (FT) permet d’activer à leur tour des facteurs de transcription nécessaires à la floraison par l’entremise de l’interaction entre FT et le promoteur des gènes leafy (lfy) et apetala1 (ap1). En effet, les facteurs de transcription LFY et AP1 ont pour rôle de changer la nature des tissus à côté du méristème apical, qui forme la tige. Lorsque LFY et AP1 sont activés par FT, ils induisent le changement du méristème apical en méristème floral, nécessaire à la floraison[13].

En plus des interactions de base entre la florigène et les facteurs de transcription LFY et AP1 nécessaires à la floraison, le florigène interagit avec diverses autres molécules. Par exemple, la protéine kinase calcium-dépendante CPK33 est responsable de la phosphorylation de la composante FD de le florigène, et cette phosphorylation est primordiale pour une floraison normale[14].

Rôles et fonctions de la protéine florigène FT[modifier | modifier le code]

La protéine florigène FLOWERING LOCUS T (FT) est une "hormone" qui influence la floraison mais également la croissance des plantes en ayant plusieurs effets sur celles-ci via divers processus.  Chez les tomates, en instaurant un équilibre entre SFT (un homologue de FT) et SP (un inhibiteur de FT), le florigène permet la régulation des cycles de croissance et de cessation des vivaces, l'accélération du processus de maturation des feuilles ainsi que leur complexité, et la croissance des tiges[15].  Afin d’aider la maturation de la feuille, la protéine florigène incite la maturation vasculaire des tiges en accélérant le processus de formation de leurs parois secondaires, ce qui permet la reproduction cellulaire dans la région apicale méristématique de la plante.  Ceci est atteint en activant les gènes responsables de cette maturation, soit MADS et MIF[16].  En plus d’avoir un rôle centrale par rapport à la floraison des angiospermes, la protéine florigène est aussi responsable, en partie, de la régulation des processus tels que la fructification, le stade végétatif, le contrôle de l’ouverture et fermeture des stomates, ainsi que la tubérisation[17].  En ce qui à trait aux stomates par exemple, leur ouverture est initiée lorsqu’il y a une sur-expression de florigène dans les cellules gardes (qui forment le stomate) causée par une augmentation de l’activité des pompes H+ / ATPase dans celles-ci[18].

L'importance de la photopériode[modifier | modifier le code]

Chez les plantes, la floraison se produit selon un contrôle photopériodique, c’est-à-dire que c’est la longueur de la journée qui détermine si la plante fera des fleurs ou non[8]. Il existe ainsi des plantes dites de jours courts, qui ne font des fleurs que si la durée de la phase lumineuse est inférieure à un seuil (photopériode critique), ainsi que des plantes de jours longs, pour qui la floraison a lieu lorsque la phase lumineuse dépasse la photopériode critique[19]. De manière générale, les plantes de jours courts font des fleurs en hiver alors que celles de jours longs font des fleurs en été, lorsque les périodes lumineuses sont plus longues.

Il est primordial de mentionner le concept de photopériode lorsqu’il est question du florigène puisque sa production est directement influencée par la longueur de la journée. En effet, les photorécepteurs des plantes, particulièrement les phytochromes (PHY), mesurent la longueur de la nuit et vont, par exemple, activer le florigène lorsque la nuit est plus courte chez les plantes de journées longues[20]. Cette activation du florigène par les photorécepteurs se fait via la protéine Constans (CO), un facteur de transcription stabilisé par la lumière bleue à la fin des journées longues. La longueur du jour détermine donc le niveau de stabilité du facteur de transcription CO et ainsi l’expression du gène florigène et de sa protéine[21].


Références[modifier | modifier le code]

  1. « Florigène », sur Flora QUEBECA
  2. François Parcy, « Mais qu’est ce qui fait donc fleurir les plantes ? », Pour la science, no n°381,‎
  3. Jean-Baptiste Pierre, « Recherche de déterminants génétiques de la date de floraison chez la Légumineuse modèle, Medicago truncatula », Sciences agricoles, Agrocampus - Ecole nationale supérieure d'agronomie de rennes,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. a et b (en) N. P. Aksenova, E. L. Milyaeva et G. A. Romanov, « Florigen goes molecular: Seventy years of the hormonal theory of flowering regulation », Russian Journal of Plant Physiology, vol. 53, no 3,‎ , p. 401–406 (ISSN 1608-3407, DOI 10.1134/S1021443706030174, lire en ligne, consulté le )
  5. Georges Bernier, « L'identification de l'hormone florigène : la quête du Graal de la physiologie végétale est-elle enfin terminée ? », Bulletins de l'Académie Royale de Belgique, vol. 18, no 7,‎ , p. 241–270 (DOI 10.3406/barb.2007.28631, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) « Definition of HORMONE », sur www.merriam-webster.com, (consulté le )
  7. Ken-ichiro Taoka, Izuru Ohki, Hiroyuki Tsuji et Chojiro Kojima, « Structure and function of florigen and the receptor complex », Trends in Plant Science, vol. 18, no 5,‎ , p. 287–294 (ISSN 1360-1385, DOI 10.1016/j.tplants.2013.02.002, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b (en) Xiaofeng Gu, Yizhong Wang et Yuehui He, « Photoperiodic Regulation of Flowering Time through Periodic Histone Deacetylation of the Florigen Gene FT », PLoS Biology, vol. 11, no 9,‎ , e1001649 (ISSN 1545-7885, DOI 10.1371/journal.pbio.1001649, lire en ligne, consulté le )
  9. Qingguo Chen, Raja S. Payyavula, Lin Chen et Jing Zhang, « FLOWERING LOCUS T mRNA is synthesized in specialized companion cells in Arabidopsis and Maryland Mammoth tobacco leaf veins », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 115, no 11,‎ , p. 2830–2835 (ISSN 1091-6490, PMID 29483267, PMCID 5856545, DOI 10.1073/pnas.1719455115, lire en ligne, consulté le )
  10. Katja E. Jaeger et Philip A. Wigge, « FT protein acts as a long-range signal in Arabidopsis », Current biology: CB, vol. 17, no 12,‎ , p. 1050–1054 (ISSN 0960-9822, PMID 17540569, DOI 10.1016/j.cub.2007.05.008, lire en ligne, consulté le )
  11. Laurent Corbesier, Coral Vincent, Seonghoe Jang et Fabio Fornara, « FT protein movement contributes to long-distance signaling in floral induction of Arabidopsis », Science (New York, N.Y.), vol. 316, no 5827,‎ , p. 1030–1033 (ISSN 1095-9203, PMID 17446353, DOI 10.1126/science.1141752, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Hiroyuki Tsuji, Shojiro Tamaki, Reina Komiya et Ko Shimamoto, « Florigen and the Photoperiodic Control of Flowering in Rice », Rice, vol. 1, no 1,‎ , p. 25–35 (ISSN 1939-8425 et 1939-8433, DOI 10.1007/s12284-008-9005-8, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Ralf Müller-Xing, Oliver Clarenz, Lena Pokorny et Justin Goodrich, « Polycomb-Group Proteins and FLOWERING LOCUS T Maintain Commitment to Flowering in Arabidopsis thaliana », The Plant Cell, vol. 26, no 6,‎ , p. 2457–2471 (ISSN 1532-298X et 1040-4651, PMID 24920331, PMCID PMC4114945, DOI 10.1105/tpc.114.123323, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Nozomi Kawamoto, Motomu Endo et Takashi Araki, « Expression of a kinase-dead form of CPK33 involved in florigen complex formation causes delayed flowering », Plant Signaling & Behavior, vol. 10, no 12,‎ , e1086856 (ISSN 1559-2324, PMID 26440648, PMCID PMC4854353, DOI 10.1080/15592324.2015.1086856, lire en ligne, consulté le )
  15. (en) Akiva Shalit, Alexander Rozman, Alexander Goldshmidt et John P. Alvarez, « The flowering hormone florigen functions as a general systemic regulator of growth and termination », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 106, no 20,‎ , p. 8392–8397 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 19416824, PMCID PMC2688896, DOI 10.1073/pnas.0810810106, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Akiva Shalit-Kaneh, Tamar Eviatar-Ribak, Guy Horev et Naomi Suss, « The flowering hormone florigen accelerates secondary cell wall biogenesis to harmonize vascular maturation with reproductive development », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 116, no 32,‎ , p. 16127–16136 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 31324744, PMCID PMC6690031, DOI 10.1073/pnas.1906405116, lire en ligne, consulté le )
  17. (en) P. A. Pin et O. Nilsson, « The multifaceted roles of FLOWERING LOCUS T in plant development », Plant, Cell & Environment, vol. 35, no 10,‎ , p. 1742–1755 (ISSN 0140-7791 et 1365-3040, DOI 10.1111/j.1365-3040.2012.02558.x, lire en ligne, consulté le )
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  21. (en) Shanshan Yang, Brock D Weers, Daryl T Morishige et John E Mullet, « CONSTANS is a photoperiod regulated activator of flowering in sorghum », BMC Plant Biology, vol. 14, no 1,‎ (ISSN 1471-2229, PMID 24884377, PMCID PMC4046011, DOI 10.1186/1471-2229-14-148, lire en ligne, consulté le )