Défense d'intoxication volontaire
En droit pénal canadien, la défense d'intoxication volontaire est un moyen de défense de qui permet de réduire la portée d'une infraction, selon le degré d'intoxication de l'accusé.
Si l'accusé avait un niveau d'intoxication faible ou moyen, cela n'a aucun impact et ce n'est pas un moyen de défense.
Si l'accusé avait un degré d'intoxication élevé, il peut transformer une infraction d'intention spécifique en infraction d'intention générale. En outre, cela ne peut pas être utilisé pour les infractions d'intention générale. Par exemple, le meurtre au premier degré[1]est une infraction d'intention spécifique car cela exige l'intention mentale de tuer, tandis que l'homicide involontaire coupable est une infraction d'intention générale, car commettre ce crime n'est pas lié à une intention mentale précise. Donc une personne qui était fortement intoxiquée pourrait tenter de faire réduire une accusation de meurtre pour une accusation d'homicide involontaire coupable. Ou bien si l'individu est accusé d'avoir utilisé des explosifs dans l'intention de causer la mort [2], le degré d'intoxication élevé peut faire réduire cette infraction d'intention spécifique à une infraction moindre d'intention générale
Si l'accusé avait un degré d'intoxication extrême, cela s'apparente à la défense d'automatisme ou d'aliénation mentale. La preuve de l'intoxication extrême est difficile à faire. D'après l'arrêt R. c. Daviault[3] de la Cour suprême du Canada, l'accusé n'a pas la capacité d'accomplir l'acte voulu et condamner un accusé qui était extrêmement intoxiqué est une violation du principe de justice naturelle de la Charte canadienne des droits et libertés.
Inconstitutionnalité de l'article 33.1 du Code criminel
[modifier | modifier le code]Toutefois, en réaction à l'arrêt Daviault, le législateur a ajouté l'article 33.1 au Code criminel[4], qui empêche d'utiliser l'intoxication extrême comme moyen de défense lorsque cela implique l'atteinte à l'intégrité physique à une personne, donc cela exclut les voies de fait, agressions sexuelles et autres agressions, mais cela peut encore servir aux atteintes à des biens, comme pour le vol par exemple.
En juin 2020, la Cour d'appel de l'Ontario a invalidé l'art. 33.1, concluant qu'il violait les articles 7 et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés[5]. La Cour suprême dans l'arrêt R. c. Brown[6] de 2022 confirme que l'article 33.1 C.cr. est inconstitutionnel. Cette décision affirme cependant que pour réaliser l'objectif souhaité, le législateur a tout de même la possibilité d'adopter une infraction distincte d'intoxication criminelle. Elle cite trois motifs séparés d'inconstitutionnalité : il y a « la négation de (1) la volonté, (2) de la mens rea et (3) de la présomption d’innocence d’un seul coup »[7]. La mens rea[8] et la volonté[9] sont à l'article 7 de la Charte canadienne, tandis que la présomption d'innocence est à l'article 11 d)[10].
Nouvelle disposition
[modifier | modifier le code]Le législateur fédéral a rapidement produit un texte qui prévoit que l'individu commet l'infraction reprochée si, avant de se trouver en état d'intoxication extrême, la personne a une mens rea de négligence pénale (l'écart marqué par rapport à la norme de diligence)[11]. Selon le professeur de droit Hugues Parent, pour être pleinement efficace, la nouvelle disposition ne doit pas se limiter à définir l'intoxication extrême à un état s'apparentant â l'automatisme (la maîtrise consciente de soi ou la conscience de sa conduite), elle doit également englober les intoxications qui ne perturbent pas la conscience mais affectent le rapport à la réalité de l'individu, comme dans les psychoses toxiques[12].
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- art. 229 a) C.cr.
- art. 81 (1) C.cr.
- [1994] 3 RCS 63
- Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 33, <https://canlii.ca/t/ckjd#art33>, consulté le 2022-05-14
- R. c. Sullivan, 2020 ONCA 333, par. 195 ss.
- 2022 CSC 18
- R. c. Brown, 2022 CSC 18 (CanLII), au para 155, <https://canlii.ca/t/jp649#par155>, consulté le 2022-06-22
- R. c. Brown, 2022 CSC 18 (CanLII), au para 90, <https://canlii.ca/t/jp649#par90>, consulté le 2022-06-22
- R. c. Brown, 2022 CSC 18 (CanLII), au para 96, <https://canlii.ca/t/jp649#par96>, consulté le 2022-06-22
- R. c. Brown, 2022 CSC 18 (CanLII), au para 99, <https://canlii.ca/t/jp649#par99>, consulté le 2022-06-22
- Première session, quarante-quatrième législature,70-71 Elizabeth II, 2021-2022CHAMBRE DES COMMUNES DU CANADA PROJET DE LOI C-28 Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême)
- La Presse. « Un projet de loi qui comporte une faille majeure, selon un expert ». En ligne. Page consultée le 2022-06-22
Bibliographie générale
[modifier | modifier le code]- Martin Vauclair, Tristan Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 25e édition, Montréal, Édition Yvon Blais, 2018.
- Barreau du Québec, Collection de droit 2019-2020, volume 12 -Infractions, moyens de défense et peine, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019