Avortement enzootique des brebis et des chèvres

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L’avortement enzootique des brebis et des chèvres (également connu sous les noms de chlamydiose ovine, chlamydophilose, avortement enzootique ovin, chlamydiose des petits ruminants), est une maladie abortive touchant principalement le mouton et la chèvre et due à la bactérie Chlamydophila abortus. Elle provoque des avortements dans les 2 ou 3 dernières semaines de gestation, sans signe avant-coureur, avec mortinatalité des agneaux et inflammation des placentas, ou bien la naissance d'agneaux mort-nés ou chétifs. Les brebis infectées peuvent également mettre bas des agneaux en bonne santé. C'est également une zoonose face à laquelle les femmes enceintes sont particulièrement à risque.

Agent causal[modifier | modifier le code]

Affichette sanitaire apposée sur une clôture à Spring Hill, en Grande-Bretagne, et indiquant un foyer d'avortement enzootique. L'information est à destination des femmes enceintes, chez lesquelles Chlamydophila abortus peut, exceptionnellement, entraîner un avortement. Photographie Andy Gryce.

La maladie est due à la bactérie Chlamydophila abortus[1]), une bactérie appartenant à la famille des chlamydiaceae[2] et au groupe des rickettsies. Il s'agit d'une bactérie intracellulaire obligatoire assimilée à une bactérie Gram - [3] qui existe sous deux formes, une métaboliquement inerte (la forme infectante) et une métaboliquement active (la forme intracellulaire). La forme infectante peut survivre dans le milieu extérieur, de plusieurs jours [4] à plusieurs mois [5].

Extension et importance[modifier | modifier le code]

Chlamydophila abortus a été isolée sur tous les continents, sauf l'Australie[6]. L’avortement à Chlamydia se produit également chez la chèvre et, moins fréquemment, chez les bovins, les porcs, les chevaux et les cervidés. Du fait des avortements, la maladie génère de grosses pertes économiques dans de nombreuses régions du monde, en particulier pour les troupeaux confinés pendant la période de gestation.

Potentiel zoonotique[modifier | modifier le code]

L'infection à Chlamydophila abortus est une zoonose, mais la contamination humaine reste rare[7]. Elle se traduit par des symptômes pseudo-grippaux[8] et peut provoquer des avortements chez les femmes enceintes[9]. L'infection peut également provoquer une septicémie avec atteinte hépatite, rénale, pulmonaire, ainsi qu'une CIVD[10]. Le traitement est à base de tétracycline, érythromycine et autres macrolides ou quinolones. La prévention passe par le respect des règles d'hygiène.

Symptomatologie[modifier | modifier le code]

Au niveau du troupeau[modifier | modifier le code]

L'infection est généralement introduite dans un troupeau sain par l’achat d’animaux infectés. La première année, elle se traduit par quelques avortements, suivis, en seconde année par une « tornade d’avortements » qui peut toucher jusqu'à 30 % des brebis[11] dans leurs trois dernières semaines de gestation. Immunisées par la première infection, les femelles ayant avorté mettent bas normalement et donnent le jour à des agneaux apparemment sains à la saison suivante. Les mâles nés de mères contaminées peuvent cependant développer une épididymite et excréter des Chlamydophila dans le sperme[12].

La transmission s'effectue par voie orale, respiratoire ou conjonctivale. Les femelles infectées excrètent de nombreuses particules infectieuses au moment de l’avortement ou de la mise-bas. L'agent causal se retrouve dans le placenta et les liquides fœtaux des femelles qui avortent. Chez la brebis, l’excrétion débute avec l'avortement. Elle se poursuit pendant deux à trois semaines, contaminant ainsi le milieu qui devient la principale source d’infection pour les autres femelles. L'excrétion urinaire et fécale persiste plus longtemps, mais elle est moindre[13]. Elle peut perdurer plusieurs années, avec des pics périodiques de 3-4 semaines en période d’ovulation, ce qui assure la persistance de la maladie au sein du troupeau.

Au niveau individuel[modifier | modifier le code]

Classiquement, l’avortement survient au cours des 2 à 3 dernières semaines de la gestation, avec mortinatalité et inflammation placentaire.

La réceptivité est maximale entre 60 et 100 j de gestation. Les brebis restent, la plupart du temps, asymptomatiques. L'infection ne gagne l'utérus gravide que dans les deux derniers mois de gestation. Si la brebis est contaminée dans les premiers temps de la gestation, celle-ci se termine par une résorption fœtale, un avortement ou la naissance d'agneaux chétifs. Dans le cas contraire l’avortement interviendra à la gestation suivante. L’infection des femelles non gravides évolue souvent vers une guérison et le développement d’une immunité. Elles peuvent cependant avorter à la gestation suivante.

Si la femelle donne naissance à un agneau vivant malgré l'infection, le nouveau-né peut-être prématuré, chétif ou malade (pneumonie, arthrite, conjonctivite). Après l’avortement, les rétentions placentaires sont rares chez la brebis[14].

Lésions et diagnostic[modifier | modifier le code]

Aucune lésion macroscopique pathognomonique n’est associée à la maladie, que ce soit sur la mère ou sur les avortons.

Dans un troupeau de petits ruminants, des avortements en fin de gestation associés à l'expulsion de membranes fœtales nécrosées doit faire suspecter une infection à C. abortus. Des calques colorés de placentas infectés mettant en évidence un nombre important de micro-organismes confortent la suspicion, mais il faut alors éliminer les autres causes d'avortements au dernier tiers de gestation : infection à Toxoplasma gondii , Campylobacter, Listeria, Salmonella, brucellose ou fièvre Q.

Un recours plus poussé au laboratoire est donc indispensable pour établir un diagnostic de certitude, soit par des techniques de mise en évidence directe[15] ou indirecte[16].

Traitement et prévention[modifier | modifier le code]

L'administration de tétracycline longue action permet de prévenir l'avortement, mais n’empêche pas l’excrétion de la bactérie à la mise-bas. L’érythromycine, d’autres macrolides ou les quinolones peuvent également être utilisés.

Un dépistage sérologique dans la période suivant la mise-bas identifie les troupeaux infectés, ce qui permet de mettre en œuvre des mesures de contrôle. Les brebis ayant avorté doivent être isolées pendant 3 semaines et les autres animaux tenus à l’écart des zones souillées. Le renouvellement doit se faire à partir d’animaux venant d’élevages indemnes.

Plusieurs vaccins sont disponibles pour lutter contre la maladie, sans toutefois parvenir à l’éradiquer. Ils permettent de réduire l’incidence et la sévérité des avortements, mais ne protègent pas totalement. Les vaccins vivants[17] diminuent l’excrétion de la bactérie et sa propagation.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Anciennement « Chlamydia psittaci souche abortive des mammifères » ou Chlamydia psittaci «  sérotype-1 ».
  2. La famille des chlamydiaceae est divisée en 2 genres. Le genre Chlamydia avec 3 espèces : C. trachomatis (humain), C. suis (porc) et C. muridarum (souris et hamster), et le genre Chlamydophila avec 6 espèces : C. psittaci (oiseaux), C. felis (chat), 'C. abortus' (brebis, chèvre, vache), C. caviae' (cochon d’inde), C. pecorum (brebis et vache) et C. pneumoniae (humain). Chaque espèce est étroitement corrélée avec son hôte.
  3. Elle est en fait difficilement colorable par la technique de Gram.
  4. Dans des conditions d'humidités et de températures moyennes.
  5. Quand les températures avoisinent 0 °C.
  6. La Nouvelle-Zélande est également indemne.
  7. Manipulation d'avortons et de produits infectés, ou incident au laboratoire.
  8. Fièvre, maux de tête, vomissements, vertiges.
  9. La période s'étendant de la quatorzième à la trente-sixième semaine de grossesse est la période sensible.
  10. Coagulation intravasculaire disséminée.
  11. 60 à 90 % dans l'espèce caprine.
  12. Phénomène inconnu dans l'espèce caprine.
  13. Chez la chèvre, l’excrétion peut débuter plusieurs semaines avant l’avortement et se poursuivre jusqu'à plus de 2 semaines après celui-ci. Le lait peut également véhiculer l'agent causal.
  14. Plus fréquentes chez la chèvre, et parfois associées à une métrite. Seules 50 % des chèvres guérissent après un avortement chlamydophilique. Dans l'espèce caprine, la chute de production laitière peut représenter 30 à 90 % et il n’est pas rare d’observer des complications de pneumonie et d'arthrite.
  15. Immunofluorescence, PCR, examen bactérioscopique direct par coloration de Giemsa ou de Ziehl-Neelsen modifié, ce dernier examen d'interprétation délicate car il est difficile de distinguer l'agent causal de Brucella et de Coxiella.
  16. Sérologie, fixation du complément, ELISA, avec le risque de faux positifs.
  17. À base de C. abortus ovis souche 1B.

Références[modifier | modifier le code]