Réformes Childers

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 2 août 2021 à 15:10 et modifiée en dernier par Matpib (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Portrait de Hugh Childers, en 1878.

Les réformes Childers (Childers Reforms en anglais) désignent une série de changements menée en 1881 par le secrétaire d'État à la Guerre Hugh Childers, réorganisant l'infanterie de l'Armée britannique.

Contexte

Au milieu du XIXe siècle, l'Armée britannique est le sujet de plusieurs débats politiques. Si elle gagne de nombreuses guerres coloniales, la guerre de Crimée en 1854-1856 démontre qu'elle manque d'effectifs (à cause des troupes dispersées dans tout l'empire), que ses officiers généraux manquent de professionnalisme et son intendance d'efficacité. La mutinerie des troupes indiennes en 1857-1858 eut comme conséquence l'intégration des troupes de la Compagnie des Indes orientales, augmentant la liste des régiments, le plus souvent composés d'un seul bataillon. Une commission fut donc mandatée en 1858 pour proposer des améliorations, mais son rapport rendu en 1862 déclencha de vives oppositions[1].

Quand le Parti libéral gagne les élections de 1868, le nouveau premier ministre William Gladstone soutient une première série de réformes qui portèrent le nom du secrétaire d'État à la Guerre Edward Cardwell, de 1868 à 1874 (les Cardwell Reforms) : interdiction des châtiments corporels, amélioration du recrutement, augmentation de la solde, réduction du service militaire à six ans (permettant de disposer ensuite de réservistes), adoption du fusil Martini-Henry, abolition de l'achat des commissions par les officiers (la noblesse perd le contrôle des régiments, au profit d'un corps d'officiers moins incompétents) et recrutement régional des hommes (chaque régiment ayant un territoire de recrutement)[1]. De 1867 à 1871, l'Armée britannique se retire du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, laissant à ces territoires le soin de lever leurs propres unités[2], ce qui libère quelques effectifs.

Après une période où le gouvernement est confié aux conservateurs (2e gouvernement Disraeli de 1874 à 1880), Gladstone et les libéraux reviennent au pouvoir en , cette fois avec Hugh Childers comme secrétaire d'État à la Guerre. Juste après les défaites britanniques d'Isandhlwana () contre les Zoulous, de Maiwand () contre les Afghans et de Majuba () contre les Boers[3], Childers lance une nouvelle série de réformes militaires, les Childers Reforms, par le General Order 41/1881, daté du , complété par le General Order 70/1881 du .

Refonte de l'organisation

Seule l'infanterie est concernée par la refonte ; la cavalerie, l'artillerie et la Garde ne sont pas touchées.

Avant cette réforme, les régiments d'infanterie étaient composés d'un ou deux bataillons d'active (regular), complétés par des régiments de milice et des bataillons de volontaires en cas de besoin. L'ensemble est réorganisé, le nombre de régiments est réduit, les bataillons de miliciens et de volontaires sont intégrés dans les régiments d'infanterie, prenant un numéro de bataillons à la suite des bataillons réguliers. Les régiments n'ont qu'une vocation administrative, les bataillons sont envoyés séparément en opération.

Tous les régiments d'infanterie perdent leur numéro, leur nom se résumant essentiellement au nom du « district régimentaire » (Regimental District) correspondant à un comté, ou une partie, ou un regroupement (la taille variant en fonction de la population). Mis à part pour les 25 premiers régiments, leur nombre est réduit en amalgamant deux régiments en un seul, avec un nouveau nom. Théoriquement, chacun des nouveaux régiments doivent comporter deux bataillons d'active (dont le premier doit être disponible en permanence pour servir outre-mer), deux de milice et un de réservistes (nombre très variable dans la pratique).

Cette refonte de l'organisation régimentaire s'accompagne d'une standardisation des couleurs distinctives des uniformes (au col et aux manches), en fonction de la nationalité : blanc pour les régiments anglais et gallois, vert pour les irlandais, jaune pour les écossais et bleu foncé pour ceux bénéficiant de la mention Royal dans leur nom.

Nouveaux noms

La nouvelle liste des régiments d'infanterie est publiée le [4], entraînant de vives réactions conservatrices, notamment parmi les militaires des régiments amalgamés.

Régiments d'infanterie britanniques
Avant la réforme Après 1881
1st (The Royal) Regiment of Foot Royal Scots (Lothian Regiment)
2nd (The Queen's Royal) Regiment of Foot Queen's (Royal West Surrey Regiment)
3rd (The East Kent) Regiment of Foot Buffs (East Kent Regiment)
4th (The King's Own Royal) Regiment of Foot King's Own (Royal Lancaster Regiment)
5th Regiment of Foot (Northumberland Fusiliers) Northumberland Fusiliers
6th (Royal 1st Warwickshire) Regiment of Foot Royal Warwickshire Regiment
7th (Derbyshire) Regiment of Foot Royal Fusiliers (City of London Regiment)
8th (The King's) Regiment of Foot King's (Liverpool Regiment)
9th (The East Norfolk) Regiment of Foot Norfolk Regiment
10th (The North Lincolnshire) Regiment of Foot The Lincolnshire Regiment
11th (The North Devonshire) Regiment of Foot Devonshire Regiment
12th (The East Suffolk) Regiment of Foot Suffolk Regiment
13th (1st Somersetshire)(Prince Albert's Light Infantry) Regiment of Foot Prince Albert's (Somersetshire Light Infantry)
14th (Buckinghamshire, The Prince of Wales's Own) Regiment of Foot Prince of Wales's Own (West Yorkshire Regiment)
15th (The Yorkshire East Riding) Regiment of Foot East Yorkshire Regiment
16th (The Bedfordshire) Regiment of Foot Bedfordshire Regiment
17th (The Leicestershire) Regiment of Foot Leicestershire Regiment
18th (The Royal Irish) Regiment of Foot The Royal Irish Regiment
19th (The 1st Yorkshire North Riding - Prince of Wales's Own) Regiment of Foot Princess of Wales's Own (Yorkshire Regiment)
20th (The East Devonshire) Regiment of Foot Lancashire Fusiliers
21st (Royal Scots Fusiliers) Regiment of Foot Royal Scots Fusiliers
22nd (The Cheshire) Regiment of Foot Cheshire Regiment
23rd Regiment of Foot (Royal Welsh Fusiliers) Royal Welsh Fusiliers
24th (The 2nd Warwickshire) Regiment of Foot South Wales Borderers
25th (The York) Regiment of Foot (King's Own Borderers) The King's Own Borderers
26th (The Cameronians) Regiment of Foot
90th Regiment of Foot (Perthshire Volunteers) (Light Infantry)
The Cameronians (Scotch Rifles)
27th (Inniskilling) Regiment of Foot
108th Regiment of Foot (Madras Infantry)
Royal Inniskilling Fusiliers
28th (North Gloucestershire) Regiment of Foot
61st (South Gloucestershire) Regiment of Foot
Gloucestershire Regiment
29th (Worcestershire) Regiment of Foot
36th (Herefordshire) Regiment of Foot
Worcestershire Regiment
30th (Cambridgeshire) Regiment of Foot
59th (2nd Nottinghamshire) Regiment of Foot
East Lancashire Regiment
31st (Huntingdonshire) Regiment of Foot
70th (Surrey) Regiment of Foot
East Surrey Regiment
32nd (Cornwall Light Infantry) Regiment of Foot
46th (South Devonshire) Regiment of Foot
Duke of Cornwall's Light Infantry
33rd (The Duke of Wellington's) Regiment of Foot
76th Regiment of Foot
Duke of Wellington's (West Riding Regiment)
34th (Cumberland) Regiment of Foot
55th (Westmorland) Regiment of Foot
Border Regiment
35th (Royal Sussex) Regiment of Foot
107th Regiment of Foot (Bengal Light Infantry)
Royal Sussex Regiment
37th (North Hampshire) Regiment of Foot
67th (South Hampshire) Regiment of Foot
Hampshire Regiment
38th (1st Staffordshire) Regiment of Foot
80th (Staffordshire Volunteers) Regiment of Foot
South Staffordshire Regiment
39th (Dorsetshire) Regiment of Foot
54th (West Norfolk) Regiment of Foot
Dorsetshire Regiment
40th (2nd Somersetshire) Regiment of Foot
82nd (The Prince of Wales's Volunteers) Regiment of Foot
Prince of Wales's Volunteers (South Lancashire Regiment)
41st (The Welsh) Regiment of Foot
69th (South Lincolnshire) Regiment of Foot
Welsh Regiment
42nd (Royal Highland) Regiment of Foot, The Black Watch
73rd (Perthshire) Regiment of Foot
Black Watch (Royal Highlanders)
43rd (Monmouthshire) Regiment of Foot
52nd (Oxfordshire) Regiment of Foot
Oxfordshire Light Infantry
44th (East Essex) Regiment of Foot
56th (West Essex) Regiment of Foot
Essex Regiment
45th (Nottinghamshire) Regiment of Foot
95th (Derbyshire) Regiment of Foot
Sherwood Foresters (Derbyshire Regiment)
47th (The Lancashire) Regiment of Foot
81st (Loyal Lincoln Volunteers) Regiment of Foot
Loyal North Lancashire Regiment
48th (The Northamptonshire) Regiment of Foot
58th (Rutlandshire) Regiment of Foot
Northamptonshire Regiment
49th (Princess Charlotte of Wales's) (Hertfordshire) Regiment of Foot
66th (Berkshire) Regiment of Foot
Princess Charlotte of Wales's (Berkshire Regiment)
50th (The Queen's Own) Regiment of Foot
97th (The Earl of Ulster's) Regiment of Foot
Queen's Own (Royal West Kent Regiment)
51st Regiment of Foot (King's Own Light Infantry)
105th Regiment of Foot (Madras Light Infantry)
The King's Own Light Infantry (South Yorkshire Regiment)
53rd (The Shropshire) Regiment of Foot
85th (The King's Light Infantry) Regiment of Foot
The King's Light Infantry (Shropshire Regiment)
57th (The West Middlesex) Regiment of Foot
77th (The East Middlesex) Regiment of Foot
The (Duke of Cambridge's Own) Middlesex Regiment
60th (The King's Royal Rifle Corps) Regiment of Foot King's Royal Rifle Corps
62nd (Wiltshire) Regiment of Foot
99th Duke of Edinburgh's (Lanarkshire) Regiment of Foot
The (Duke of Edinburgh's) Wiltshire Regiment
63rd (The West Suffolk) Regiment of Foot
96th Regiment of Foot
Manchester Regiment
64th (2nd Staffordshire) Regiment of Foot
98th (The Prince of Wales's) Regiment of Foot
The (Prince of Wales's) North Staffordshire Regiment
65th (2nd Yorkshire, North Riding) Regiment of Foot
84th (York and Lancaster) Regiment of Foot
The York and Lancaster Regiment
68th (Durham) Regiment of Foot (Light Infantry)
106th Regiment of Foot (Bombay Light Infantry)
Durham Light Infantry
71st (Highland) Regiment of Foot (Light Infantry)
74th (Highland) Regiment of Foot
Highland Light Infantry
72nd (Duke of Albany's Own Highlanders) Regiment of Foot
78th (Highlanders) Regiment of Foot (The Ross-shire Buffs)
Seaforth Highlanders (Duke of Albany's/Ross-shire Buffs)
75th (Stirlingshire) Regiment of Foot
92nd (Gordon Highlanders) Regiment of Foot
Gordon Highlanders
79th (The Queen's Own Cameron Highlanders) Regiment of Foot Queen's Own Cameron Highlanders
83rd (County of Dublin) Regiment of Foot
86th (Royal County Down) Regiment of Foot
Royal Irish Rifles
87th (Royal Irish Fusiliers) Regiment of Foot
89th (The Princess Victoria's) Regiment of Foot
Princess Victoria's (Royal Irish Fusiliers)
88th Regiment of Foot (Connaught Rangers)
94th Regiment of Foot
Connaught Rangers
91st (Princess Louise's Argyllshire) Regiment of Foot
93rd (Sutherland Highlanders) Regiment of Foot
Princess Louise's (Argyll and Sutherland Highlanders)
100th (Prince of Wales's Royal Canadians) Regiment of Foot
109th Regiment of Foot (Bombay Infantry)
Prince of Wales's Leinster Regiment (Royal Canadians)
101st Regiment of Foot (Royal Bengal Fusiliers)
104th Regiment of Foot (Bengal Fusiliers)
Royal Munster Fusiliers
102nd Regiment of Foot (Royal Madras Fusiliers)
103rd Regiment of Foot (Royal Bombay Fusiliers)
Royal Dublin Fusiliers
The Prince Consort's Own Rifle Brigade
1st West India Regiment
2nd West India Regiment

Conséquences

L'organisation mise en place en 1881 perdure jusqu'au milieu du XXe siècle. La seconde guerre des Boers (1899-1902) met en lumière le manque d'effectif de l'Armée britannique, l'armée de Childers ne pouvant envoyer que l'équivalent d'un seul corps d'armée sans réduire ses garnisons outre-mer[5], d'où dans un premier temps la création de plusieurs nouveaux bataillons réguliers (d'active) au sein des régiments. Les réformes Haldane de 1907, créant la Territorial Force, permettent de libérer assez de bataillons pour autoriser en l'envoi d'un petit Corps expéditionnaire britannique composé de deux corps d'armée (soit quatre divisions d'infanterie).

Les deux conflits mondiaux entraînent une très forte augmentation des effectifs de l'armée, par création d'un grand nombre de bataillons supplémentaires au sein des régiments, notamment ceux ayant un district de recrutement très urbanisé[6]. Le retour au temps de paix entraîne la dissolution des bataillons surnuméraires.

En 1921, les régiments de cavalerie sont à leur tour amalgamés deux à deux pour la majorité d'entre-eux (le combat à cheval ayant perdu sa pertinence) ; quelques régiments d'infanterie complétèrent leur nom avec l'apport d'un Royal. En 1922, la fondation de l'État libre d'Irlande a pour conséquence la suppression des cinq régiments irlandais casernés dans la partie sud de l'île : les Connaught Rangers, Leinster Regiment, Royal Dublin Fusiliers, Royal Irish Regiment et Royal Munster Fusiliers. Le nombre de régiments est réduit en 1957 et 1966 (Defence White Paper) avec deux séries d'amalgames de régiments, puis de façon plus radicale en 1990 (Options for Change) et 2003 (Delivering Security in a Changing World) pour tenir compte de l'évolution du contexte, la fin de la guerre froide autorisant d'importantes réductions d'effectifs.

Notes et références

  1. a et b (en) « United Kingdom 1930 - 38 Overview », sur http://www.britishmilitaryhistory.co.uk/.
  2. (en) Stephen Badse, Doctrine and Reform in the British Cavalry 1880-1918, Aldershot, Ashgate Publishing, , 360 p. (ISBN 978-0-7546-6467-3, lire en ligne), p. 37.
  3. (en) Edward M. Spiers, The Late Victorian Army : 1868-1902, Manchester, Manchester University Press, , 375 p. (ISBN 978-0-7190-2659-1, lire en ligne), p. 59.
  4. (en) War Office, « The Queen has been pleased to approve of the following changes », The London Gazette, no 24992,‎ , p. 3300-3301 (lire en ligne)
  5. Spiers 1992, p. 59-60.
  6. Les deux records furent le London Regiment (fondé en 1908 avec les bataillons territoriaux du Royal Fusiliers) avec un total de 88 bataillons levés lors de la Première Guerre mondiale, et le Northumberland Fusiliers (recruté dans l'agglomération de Newcastle upon Tyne) avec 52 bataillons.

Articles connexes