Wikipédia:Legifer/septembre 2015

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Application territoriale du droit français sur Internet[modifier le code]

Bonjour,

Le cas se présente régulièrement sur Wikipédia, tant aux contributeurs qu'aux sysops, et la question est complexe, aussi je la pose ici. Je m'excuse par avance si elle est un peu brouillonne. À vrai dire il y a plusieurs question

Quel est l'état du droit et en particulier de la jurisprudence concernant l'application de la législation française aux sites Internet qui, comme Wikipédia, sont hébergés à l'étranger ? Plus précisément, un contributeur de Wikipédia, étranger, peut-il être visé par la justice française pour des éditions faites sur Wikipédia en français, à la suite d'une plainte émanant d'un citoyen français ?

Il y a, il me semble, une jurisprudence qui veut que la Wikimedia Foundation soit considérée comme un hébergeur plutôt que comme un éditeur (ce qui ne lui évite pas toute responsabilité pour autant). Mais (par ailleurs ?), le droit français s'applique-t-il forcément à des contenus hébergés sur Wikipédia ? J'ai cru comprendre à la lecture de cet article qu'une récente jurisprudence tend à dire que la législation française s'applique à un site Internet lorsqu'il est destiné à un public français (car on considère que l'infraction est commise sur le territoire de la République). En clair, un contributeur belge (par exemple) pourrait être visé par une plainte déposée auprès de la justice française par un plaignant français ? Ai-je bien compris ? La jurisprudence a-t-elle varié depuis ? Et sait-on si la justice a déjà, par le passé, examiné le cas de Wikipédia à cette aune ? Je par exemple dans nos avertissements généraux « Wikipédia ne s'adresse à aucun pays en particulier », ce qui semble être une tentative de la Fondation de ne pas se voir appliquer la jurisprudence que j'ai évoquée précédemment.

Concernant le droit d'auteur et la contrefaçon, j'ai toutefois trouvé un article plus récent (2014) qui évoque lui comme critère de jurisprudence l'accessibilité du contenu par le public français et non la notion de destination comme supra.

Remarque : Ma question ne vise pas le champ du droit d'auteur, mais plutôt celui du droit de la presse (notamment loi du 29 juillet 1881), en particulier sur les questions de diffamation, ainsi que celui du droit au respect de la vie privée.

Merci par avance si vous pouvez fournir un éclairage sur tout ou partie de mes questions.— Jules Discuter 5 septembre 2015 à 19:08 (CEST)[répondre]


Bonsoir. Je vais essayer de débrouiller les « brouillons ».
Il y a deux types de problèmes : d'une part, est-ce qu'un jugement de tel ou tel pays pourra considérer que Wikipédia est hors la loi suivant sa loi nationale ; et d'autre part, quels seraient les moyens dudit pays pour faire appliquer sa décision. Vaste problème...
A/ Droit d'auteur et propriété intellectuelle
  • Les questions relatives aux droits d'auteurs sont hors sujet, parce que en gros, le droit d'auteur est protégé de manière ~identique dans le monde entier. Il y a des nuances dans l'intensité de la protection (photographies) ou son étendue (œuvres exposées sur la place publique) ou dans sa durée, mais dans l'ensemble si c'est grossièrement illégal dans un certain pays ce sera illégal partout. Le principal problème dans ce secteur est celui du commons:Commons:Freedom of panorama, traité par ailleurs. L'autre problème principal est celui de la durée de protection aux USA, qui est cauchemardesque - mais bref.
  • La jurisprudence disponible sur les questions transnationales porte surtout sur le droit de la propriété intellectuelle, donc des contextes commerciaux ou assimilés : concurrence déloyale, contrefaçons, etc. Dans ce contexte, il est clair qu'à partir du moment où une page internet est accessible à un public (eg) français, une partie du délit (communication au public) est évidemment constitué en France, et de ce fait un tribunal français est compétent pour examiner et juger la chose. C'est ce que dit la jurisprudence, et c'est logique. Qu'il juge alors en droit français ou pas (oui, un tribunal français peut être amené à appliquer du droit étranger...) est relativement indifférent, parce qu'en matière de droit de la propriété intellectuelle, les législations nationales découlent de traités et sont à peu près bien alignées. C'est à ce niveau que se juge la question de « territorialité des marques » : un truc au Vénézuela fait-il concurrence à un truc de même nom en Aquitaine ? Pour faire court, ce genre de question ne concerne pas Wikipédia dans sa forme actuelle. Après, savoir ce que deviennent les moyens d'exécution forcée, c'est une autre question.
B/ Plaintes civiles ou au pénal
Les plaintes en France correspondent à deux grands types d'infractions : soit de la protection de la vie privée (article 9 du code civil) soit de la protection contre la calomnie. Pour ce qui concerne Wikipédia, c'est un article qui dit quelque chose de quelqu'un qui fâche le quelqu'un en question, et on se reçoit un message de râlante = qu'est-ce qu'on fait ?
D'une manière générale, il faut retenir que à partir du moment où ce qu'écrit un article est pertinent sur le plan encyclopédique et est sourcé, il n'y a pas de problème à le publier dans un projet encyclopédique. Donc, soit l'information doit être supprimée suivant les critères internes de WP (WP:NPOV et WP:V), soit elle doit (sur le fond) être maintenue.
Donc, pour ce genre de problème, la question à se poser avant tout est celle de l'intérêt de l'encyclopédie ; dans la quasi totalité des pays les lois sont bien faites, et si c'est réellement d'un intérêt encyclopédique c'est de ce fait publiable.
Mais ceci dit, certains « collaborateurs » confondent l'intérêt encyclopédique avec la capacité de répondre exhaustivement à « question à un champion » ; il y a de très nombreuses « informations » (dans le sens « assertion factuelle ») qui n'ont aucun intérêt encyclopédique (dans le sens de « connaissance nécessaire sur un sujet ») et peuvent de ce fait être supprimées. La protection juridique ne s'étend pas à ces insertions.
C/ Wikimedia Foundation est considérée comme un hébergeur.
Oui, c'est à dire que d'éventuelles publications illégales sur WP n'entraînent pas une responsabilité directe de WP, mais entraînent en droit français (1) une responsabilité de l'internaute ayant publié la chose (2) un devoir du site hébergeur de supprimer la chose à partir du moment où il en a été informé, et que c'est effectivement illégal ; et (3) une responsabilité pénale si cette suppression n'est pas exécutée.
Maintenant, savoir si ces pénalités seront efficaces est une autre question.
Et d'autre part, cette responsabilité est celle du site hébergeur et de son responsable légal. Elle ne concerne en aucun cas les administrateurs du site, à supposer même qu'ils agissent sous l'autorité du responsable du site (ce qui ici n'est pas le cas). Donc, savoir si la justice française peut inquiéter des responsables d'un site situé en Floride ... bof, bof, voir question suivante.
D/ un contributeur de Wikipédia, étranger, peut-il être visé par la justice française ?
Globalement, non. Une décision de justice française ne peut être exécutoire de plain droit que sur des personnes résidant en France (y compris pour des étrangers). Pour des personnes à l'étranger, il faut un exequatur, c'est possible mais (très) compliqué.
Cordialement, Biem (discuter) 6 septembre 2015 à 19:52 (CEST)[répondre]

Révélation de l'identité d'un chef de corps des forces spéciales françaises[modifier le code]

Question soulevée dans Discussion:13e_régiment_de_dragons_parachutistes#Liste_des_chefs_de_corps et Wikipédia:Le_Bistro/1_septembre_2015#Anonymat_des_militaires. Apokrif (discuter) 6 septembre 2015 à 02:22 (CEST) au nom de l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de militaires et de personnels civils du ministère de la défense.[répondre]

Bonjour. Comme précisé dans le décret, et rappelé au Bistro, la règle d'anonymat ne concerne pas (1) les directeurs, (2) les chefs de services ou d'unités, (3) leurs adjoints, et (4) des personnels militaires ou civils dont la nomination fait l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française. Ceci pour une raison très simple, toutes ces personnes sont administrativement des ordonnateurs secondaires, c'est à dire qu'ils peuvent signer des contrats pour l'unité et ont une responsabilité administrative es fonction dans la comptabilité financière et la comptabilité du matériel (ou par leur nomination pour le cas 4°), et il ne serait pas légal que ces fonctions soient tenues de manière anonyme. Donc les noms des chefs de corps du 13ème dragon ne peuvent pas être tenus secrets. CQFD, l'IP a tort sur le plan juridique. Après, que ça présente ou pas un intérêt encyclopédique c'est une autre question. Cordialement, Biem (discuter) 6 septembre 2015 à 14:08 (CEST)[répondre]
Merci Biem. J'ai restauré la visibilité des versions concernées dans l'historique, puisque le masquage avait pour fondement la potentielle illégalité de la mention du nom de l'actuel chef de corps. Cdlt, — Jules Discuter 6 septembre 2015 à 14:41 (CEST)[répondre]
Sauf que son nom n'avait pas été publié au J.O. Mais les risques juridiques sont faibles, du moins tant qu'il n'est pas attenté à sa vie ou à celle de sa famille sur la base des informations remises à disposition. Si cela devait arriver, c'est une autre histoire (et je ne parle même pas de la responsabilité morale) : mieux vaut ne pas être à la place de celui ou celle qui y aurait participé par ses actions ou ses conseils actifs. --La femme de menage (discuter) 6 septembre 2015 à 15:23 (CEST)[répondre]
La question discutée ici est celle de la légalité (ou pas), au vu de ce que dit l'arrêté du 7 avril 2011. L'opportunité d'une publication est une autre question.
Effectivement, des chefs de corps de telles unités sont des « cibles » médiatiquement payantes pour des terroristes. Mais à leur niveau, ils sont sensibilisés à la chose, sont payés et protégés pour ça ; et mettre leur identité en clair dans Wikipédia ne change pas grand chose. S'il faut prendre une précaution quelconque, c'est de ne mettre que les noms des anciens chefs de corps. Mais c'est juste mon avis perso. Cordialement, Biem (discuter) 6 septembre 2015 à 18:22 (CEST)[répondre]
S'agissant du (hors-)sujet de l'opportunité: AMHA le secret vise moins à éviter des actions violentes, ponctuelles et visibles, contre une personne physique, qu'à empêcher une surveillance discrète, à long terme, des activités de l'intéressé. Apokrif (discuter) 6 septembre 2015 à 21:16 (CEST)[répondre]
L'aspect moral est en plus. Et j'ai dit que je n'en parlais pas (à chacun d'être assez intelligent pour comprendre ce qu'implique la diffusion d'un nom alors que l'intéressé demande à ce qu'il ne le soit pas pour des raisons de sécurité. Qu'il soit bien ou mal payé).
Mais la pseudo-analyse juridique est du grand n'importe quoi. Son nom en tant que chef de corps n'a pas été publié au JO. Donc sa publication est illégale. "Il ne serait pas légal que ces fonctions soient tenues de façon anonyme"... Ah bon ? Les arrêtés de nominations non publiés aux JO, les obligations de confidentialité et autres classifications secret-défense, c'est illégal ?
De plus, le 13e RDA dépend de la DRM, considérée comme un service spécialisé de renseignement, relève de cet article de loi. (Voir p. 10 et 33 de ces conclusions d’une mission d’information parlementaire sur l’évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement). Concernant l'identité réelle, la source secondaire indique que sa révélation est elle aussi couverte par l'art.L413-13 du code pénal. L'article de loi est sujet à interprétation - j'avais compris qu'elle ne concernait que les agents utilisant d'une fausse identité - mais dans de tels cas, je me fie plus aux sources secondaires qu'à une analyse personnelle. Qu'elle émane de moi ou d'un bénévole anonyme. --La femme de menage (discuter) 7 septembre 2015 à 08:38 (CEST)[répondre]
Cette discussion est ridicule et ces arguments sont n'importe quoi : où as tu vu qu'il fallait publier au JO la nomination d'un chef de corps ? ça ne se fait jamais... Où as tu vu que ce chef de corps agit sous une fausse identité ? L413-13 du code pénal n'a rien à faire ici... Biem (discuter) 7 septembre 2015 à 10:58 (CEST)[répondre]

Publication d'échange de mail de demande de modification[modifier le code]

Bonjour chers collègues, je viens vous demander un éclairage au sujet d'une situation qui m'arrive en tant qu'administrateur du Wiktionnaire. J'ai reçu de la part d’un cabinet d’avocat une demande de modification d'article sous couvert du droit des marques. Ma question porte sur la publication de cette demande sur la wikidémie (le bistrot du Wiktionnaire), cela est-il autorisé légalement par le droit français (je suis Français, le cabinet d’avocat aussi) ? --Lyokoï (discuter) 22 septembre 2015 à 20:08 (CEST)[répondre]

Bonjour. Non. Sauf autorisation de l'émetteur, un échange de courrier est privé. Pour des tiers il est couvert par le secret de la correspondance, par rapport au destinataire il relève de toute manière du droit d'auteur et ne peut être publié sans l'autorisation de ce dernier. Maintenant, en pratique, ça dépend du contenu : sauf erreur une telle demande s'apparente à une demande administrative envoyée à une institution, non pas à une correspondance intuitu personae, et je vois mal qui se plaindrait de sa diffusion dans ladite institution. Cordialement, Biem (discuter) 23 septembre 2015 à 06:52 (CEST)[répondre]
Voir aussi : Wikipédia:Legifer/juin 2013#Botox et Wiktionnaire. Cordialement, Biem (discuter) 23 septembre 2015 à 06:59 (CEST)[répondre]
Vous n'êtes donc pas d'accord avec ce qu'écrit http://www.thelys-avocats.fr/le-secret-des-correspondances-face-au-droit-la-preuve/ : Le droit au secret ne doit pas s’attacher à toute correspondance, mais seulement aux lettres impliquant par leur contenu une certaine intimité. ? Lmaltier (discuter) 23 septembre 2015 à 07:45 (CEST)[répondre]
Si, c'est bien ça : « est-il autorisé de publier une correspondance »=non, ce n'est pas autorisé, mais ce n'est pas nécessairement interdit. Ca peut l'être par diverses considérations, à voir au cas par cas. Si la lettre n'a pas de valeur litteraire elle ne fait pas l'objet de droit d'auteur. Si elle ne dit rien d'intime elle ne relève pas de la protection de la vie privée. Si elle n'a pas de contenu commercial elle ne relève pas du droit de la concurrence ou du secret commercial. Etc.
Le point est que transmettre une correspondance privée à des tiers (et encore plus la publier) n'est jamais un acte anodin. Ca engage la responsabilité pleine et entière de celui qui fait cette divulgation. Et si l'auteur trouve qu'il y a problème, il est en droit de protester et d'agir en justice, dans un domaine où la règle est la protection du secret de la correspondance. Il faut donc s'assurer que le contenu est de toute manière tel que ça ne posera pas de problème particulier.
Ici, par exemple, est-ce que le fait que tel cabinet d'avocats travaille pour telle marque est une information publique? Si elle est sensible et néanmoins diffusée, ça peut être un problème. Est-ce que la diffusion des adresses mail et des noms des personnes s'occupant de l'affaire peut être sensible ? Etc.
Dans le monde Wikimedia, cependant, on exige une protection stricte du droit d'auteur, tout ce qui est publié devant l'être sous une licence libre. Dans ce sens, il n'est pas possible de placer une correspondance privée sous licence libre sans l'autorisation de son auteur. Il n'y aura probablement pas de problème juridique à le faire, mais c'est formellement contraire aux règles locales.
Cordialement, Biem (discuter) 23 septembre 2015 à 12:44 (CEST)[répondre]
Merci beaucoup pour ces réponses. Je suis donc libre d'assumer ou non la divulgation de cette demande. Sachant maintenant que c'est une demande qui m'a été adressée, mais qui devrait l’être à la communauté si j’anonymise et que j’enlève les passages s'adressant uniquement à moi, je peux poster leurs arguments pour qu'on puisse les étudier, non ? --Lyokoï (discuter) 23 septembre 2015 à 15:48 (CEST)[répondre]
« si j’anonymise et que j’enlève les passages s'adressant uniquement à moi, je peux poster leurs arguments pour qu'on puisse les étudier » La question est alors différente. Il ne s'agit pas d'une divulgation de correspondance (dont on ne saura même pas d'où elle vient), mais d'une (re-)présentation originale. Dans tous les cas, si on ne fait que exposer des arguments, oui, on peut le faire.
On peut prendre la chose dans l'autre sens : il est toujours légitime d'exposer « des » arguments dans la mesure où c'est nécessaire pour une discussion communautaire ; et dans la mesure où la formulation exacte est susceptible d'être importante pour apprécier à sa juste portée l'explicite et (surtout) l'implicite des arguments, il est nécessaire de les reproduire le plus fidèlement possible : à titre de comparaison, en terme de droit d'auteur, le droit de courte citation dit bien qu'une citation est justifiée « dans la mesure justifiée par le but à atteindre » - ici, pour être irréprochable, c'est tous les arguments pertinents qui doivent être reproduits, mais ceux-là uniquement. La re-présentation gomme énormément de problèmes juridiques.
Cordialement, Biem (discuter) 23 septembre 2015 à 16:43 (CEST)[répondre]
D'accord, c'est mieux ainsi. Merci pour toute ces réponses de grande clarté, nous allons ainsi pouvoir avancer plus vite. Merci encore ! Wikichaleureusement, Lyokoï (discuter) 24 septembre 2015 à 12:00 (CEST)[répondre]