Discussion:Voices on the Air: The Peel Sessions

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The Scream[modifier le code]

1/ Francis Dordor dans BEST n°126 de janvier 1979

Il faut toujours avoir recours à l’étymologie pour savoir de quoi il retourne avec les éléments étrangers. J’ai conservé cette habitude de mes années de latin, au collège. Je me suis donc penché sur la signification de : «banshee», terme d’origine irlandaise qui désigne une Dame Blanche, dont les cris présagent la mort. Enfin l’Angleterre avait accouché d’une déesse venimeuse injectant dans les pupilles des kids un étrange alliage, fait de stupre et de solennité. Siouxsie sur scène, ses petits seins blêmes, ses cuissardes vernies, sa voix spectrale et sa danse de la mort était fascinante, la magie passait bien que le groupe ait été particulièrement confus. Désormais Siouxsie représentait un des nouveaux péchés capitaux du rock. Et puis il y avait cette vaillante résistance face aux tentations du business. Le groupe attendait son heure, comme une araignée embusquée dans la partie la plus sombre de sa toile. Les Banshees furent le dernier groupe new wave à être signé par une grosse compagnie. Ce signe-là était révélateur d’une nouvelle chimie dans le Londres musical, pour certains il s’agissait de la fin véritable du mouvement punk, pour d’autres le début d’une ère nouvelle. Le premier simple «Honk Kong Garden» était un pur joyau, onde de jouissances et beat velvetien. Enfin alors que l’hiver déroulait ses mille langues de froid sous nos pas innombrables, l’album de Siouxsie et de ces maléfiques Banshees allait rythmer cette inquiétante progression. «The Scream», tel en est le titre, accompagné d’une pochette aquatique. Mais de ce cri nul son ne nous parvient, c’est un cri muet, un cri avorté car cet album est un échec injustifiable. Déception, quand tu nous tiens. Il semble que, poussé aux fesses par leur compagnie, le groupe soit allé un peu trop vite en besogne et que son talent n’ait été enregistré que sur une piste alors qu’il en méritait 16. Je ne sais pas, j’attendais un sabbat électrique et je n’obtiens qu’une piètre orgie de sons (mal) triturés et de mots sans intérêt. Difficile à ingérer un album aussi désolé et désolant, qui infuse sa prétention stérile et son ennui incurable. Les deux seuls titres buvables sont «Helter Skelter», reprise des Beatles et «Switch», à peine inquiétant. Décidément le seul cri disponible à l’écoute de cet album, c’est «au secours !». C’est même assez déplaisant d’en arriver là.


2/ Emmanuelle Debaussart dans Rock & Folk hors série n°11 300 Disques Incontournables 1965-1995 © 1995 Rock & Folk

Siouxsie Sioux, Susan Dallion de son vrai nom, et Severin le bassiste, membres du Bromley Contingent, le fan-club des Pistols, ont commencé à jouer avec Marco Pirroni, futur Adam & The Ants, et avaient comme batteur... Sid Vicious, deux mois avant qu’il ne rejoigne les premiers. Une histoire de routes qui se croisent. Presque de famille. Une interférence qui se reproduira plus tard avec Cure, Robert Smith dans le rôle du guitariste intermittent des Banshees. En 78, après avoir remanié la formation (qui connaîtra toujours quelques fluctuations au cours des ans), Siouxsie et ses nouvelles recrues (John McKay et Kenny Morris) sortent leur 1er album : “Scream”. Un cri primal produit par Steve Lillywhite. Sous pochette subaquatique, “Scream” s’ouvre sur un bref instrumental, “Pure”, où Siouxsie, très discrètement, joue de sa voix comme d’un instrument supplémentaire. Une voix qui dévoile en quelques vocalises de multiples possibilités, mais opte ensuite pour un registre unique : psalmodié avec du coffre, fin de phrase en cri étouffé, une sorte de parler emphatique et linéaire, avec un mot appuyé, un autre jeté en l’air, une série de tricot nouvelle vague, incantatoire, vibrant de mélodies avortées. Un style qui sera caricaturé, notamment en France, par tous les groupes new wave à chanteuse et vaudra à Siouxsie son surnom de grande prêtresse. La musique aussi, indéniablement, marque son époque même si elle se cherche encore, très brute, syncopée, hésitant entre des bases rock’n’roll (“Carcass”) et l’envie de tout déstructurer, de tout réinventer, allant même jusqu’à s’offrir, presque paradoxalement, une reprise d’un morceau des Beatles, “Helter Skelter”, complètement massacré (Siouxsie se rattrapera en 83 avec “Dear Prudence”, excellent cette fois). Il y a de bons morceaux mais pas vraiment de tubes. Le premier “Honk Kong Garden”, sorti la même année sous forme de single, ne figure pas sur l’album. “The Scream” néanmoins est intéressant car il contient en vrac tous les éléments qui seront développés par la suite. Album genèse, il ouvre des portes sur l’après-punk. Première période du son Banshees, il esquisse les bases du son batcave. Il faudra attendre “Kaleidoscope” en 80, le 3e album, pour que Siouxsie exploite à fond toutes les promesses vocales suggérées ici, et l’arrivée de Budgie, un ex-Slits, amenant du même coup toute une nouvelle gamme de percussions, pour que le groupe prenne une nouvelle orientation. Emmanuelle Debaussart dans Rock & Folk hors série n°11 “300 Disques Incontournables 1965-1995” © 1995 Rock & Folk.

Join Hands[modifier le code]

1) Gilles Riberolles dans BEST n°136 de novembre 1979

Il est difficile de parler de Siouxsie et des Banshees, et encore plus de «Join Hands». Pour cette simple raison que ce disque est un produit (une oeuvre ?) parfaitement anachronique, isolée ou presque, dans son époque ; il n’est plus question d’apprécier la qualité des musiciens, de la production, de l’esthétique ou de la composition... Siouxsie vous donne des frissons ou elle vous laisse indifférent, c’est tout ; point n’est besoin de chercher la retouche, c’est un disque grossièrement extrémiste dans lequel la compréhension laisse la place à la sensation ; ce que je veux dire c’est que ce n’est pas un travail intelligent ou réfléchi, ou quoi que ce soit, c’est purement physique... Siouxsie était cette pécheresse qui en 77 se refusait, malgré les propositions abondantes des maisons de disques, de se corrompre en signant quelque contrat que ce soit ; bon, puis quand elle et ses Banshees se sont décidés à s’engager avec Polydor, on s’est dit que c’était la fin d’un combat, et que les irréductibles se lassaient de terrasser des moulins, il était temps pour le rock and roll de regagner son appartement ; c’était l’hiver. Et puis Siouxsie sort son premier album comme un grand cri d’angoisse, et puis son deuxième album comme une intense prière... ses traits se sont figés dans l’extravagance où le théâtre a sa place, Nina Hagen étant la jumelle allemande. Mais bien plus que les provocations nazies, «Join Hands» est taché de profonde violence ; d’une violence soumise, résignée, dans laquelle le danger n’est pas présent mais imminent, je veux dire que ce truc est comme une longue prière de la secte Insatisfaction, une prière qui pleure ses morts et qui espère pour le futur, une prière qui se résume sans détours par le «The Lords Prayer» qui clôt l’album, un traditionnel religieux où la distorsion vient tirer les vers du nez d’une vérité sans fondements. C’est sincèrement insupportable.


2) Philippe Manoeuvre dans Rock & Folk n°154 de novembre 1979

Inutile de tergiverser. Les disques des nanas sont extrêmement ennuyeux, d’une manière qui n’est pas sans rappeler les... nanas elles-mêmes. Or, envers et contre tout, et je n’échappe pas à l’épidémie, ils continuent à se vendre comme des petits pains ; que ce soit écrit Edith Summer ou Donna Nylon dessus, ça marche. Il faut dire que 99% des chanteurs ont tellement de choses à dire et des voix tellement intelligentes qu’on se sent en verve pour chercher AUTRE CHOSE, justement, ailleurs. Oui, alors, Siouxsie ? Ben, elle nous les gonfle. Pas de doute. Voilà une belle salope qui s’est fabriqué un chouette petit mythe de prêtresse punkoïdo-nazie et s’est fait connaître dans le style fille-de-Manson, tout à fait convaincante sous ses swastikas et ses bas résille. Elle signe chez Polydor et... entreprend de gommer tout le piquant de son acte, finissant par donner des concerts en grande tenue baba cool. Son premier album pouvait faire illusion dans la catégorie «orgasme cérébral et lame de rasoir dans le vagin mais ça ne fait rien je vais t’en tailler une». Hélas ! Le second disque est encore plus affirmé dans un genre trop fréquenté ces jours-ci : boredom. Sur la seconde face, il y a ce long morceau épique à la «Radio Ethiopia», bestiales errances qui aboutissent à une Siouxsie chantant... «Au Clair de la Lune» en français. Ça va pas, non ? A quarante-neuf balles le disque, «Au Clair de la Lune» sur fond de riffs distordus ? Et quoi encore ? Et elle s’étonne que le batteur et le guitariste aient quitté le groupe en plein concert ! Après tout, Siouxsie Sioux, Patti et Debby ont ceci en commun : elles n’ont pas osé, pas franchi le pas et continuent dans la grande tradition des chanteuses soutenues par un groupe de boys sexistes ; depuis la Mère Vartan, on connaît la ritournelle. Croix gammée ou pas.




Kaleidoscope[modifier le code]

François Ducray dans BEST n°147 d'octobre 1980 © 1980 BEST

Etrange personne que Miss Sioux. Quelqu’un de salement résolu, en tous cas. Si vous ignorez tout de son histoire, apprenez qu’elle fut d’abord connue en tant que passionaria extrémiste du Bromley Contingent, ce gang de punks originels d’où jaillirent les Pistols. Vestale plutôt que groupie (les temps étaient au mépris du sexe), Siouxsie était l’ultime provocation : belle mais glaciale, intelligente mais massacreuse, vêtue de défroques atroces estampillées de swastikas, maquillée pour un sacrifice sans discours et sans fin. Rotten & Co, au moins, jouaient, parlaient. Et les Slits affichaient une science toute joyeuse de la mise en pièces des schémas reçus. Tandis que S.S. elle, restait cette marionnette jusqueboutiste qu’aucune compromission spectaculaire ne semblait toucher. Et puis elle aussi fit un groupe, juste pour cracher ses stridences continues derrière ses anathèmes. Ce qui n’est rien d’autre que la seule base réelle de toute musique tripale, comme le comprit si vite Lydon pour mieux contre-attaquer. Et Siouxsie, à sa façon, le suivit. «The Scream», le premier album, annonçait franchement le style : un cri qui datait des primes heures, et il fallait qu’il sorte. Guitares placides et cruelles, rythmique imperturbable, sauvagement étale, mots de violence totale et voix de transe. Un chant d’angoisse et de révolte, deux faces de vraiment rude splendeur, pourtant. L’erreur fut de recommencer, alors que les choses et les gens avaient déjà changé. D’où l’échec du second disque et la rupture qui s’ensuivit : départ du batteur et du guitariste, accusés de «gauchisme purement petit-bourgeois !» Et d’où cet album de renouvellement formel, d’adaptation climatique. «Kaleidoscope» est une collection de petites chansons férocement aguichantes. Les mélodies de Steve Severin (le bassiste rescapé des foudres) ne refusent plus la sombre beauté qui sert les phrases maintenant ramassées, imagées, de Siouxsie. Les guitares s’offrent un peu d’espace et de subtilité, et si l’atmosphère demeure grave, on n’est plus submergé ni tétanisé : juste accroché, (je n’ose dire séduit), les yeux au-dessus de la boite d’où s’échappent des vocalises colorées décidément bien pénétrantes. Vous vous souviendrez de «Christine», de «Happy House» et de «Red Light», et de l’étrange Miss Sioux, plus de doute.

1) Gérard Bar-David dans BEST n°157 d'août 1981

A chaque fois, c’est la même histoire. Je pose le Siouxsie nouveau sur ma platine et dès les premières mesures, quelque part dans ma tête, des cellules se révoltent et hurlent «beurkkk». Les connes, elles n’ont vraiment rien compris. Il me faudra au moins cinq écoutes successives de ce «Juju» pour venir à bout de mes dernieres réticences : les choses qui vous dérangent ont vraiment du mal à s’imposer, j’en fais la triste expérience avec mes propres fonctions organiques. C’est vrai, Miss Siouxsie dégage un climat particulièrement inquiétant. Si vous avez la chance de la voir évoluer sur scène tel un long papillon noir, elle vous fera, comme moi, songer à une héroïne des années trente, une Mata Hari fantomatique et torturée, capable de vous prendre par la main pour vous emmener au plus loin de sa tête. Depuis «Kaleidoscope», le LP précédent, la production incombe à Nigel Gray (Police, etc.). Il parvient à conserver l’originalité fantastique et noire du groupe tout en la canalisant : «Spellbound» ouvre la première face comme une longue mélopée presque sans âge : elle vous enveloppe complètement comme un sombre brouillard semblable à celui dans lequel Jack l’éventreur pouvait évoluer. Comme cet «Into The Light» aux climats de films d’épouvante : regardez-la, imaginez-la à demi plongée dans les ténèbres et, soudain, au détour du sillon, c’est le fulgurant contraste de l’ombre contre la lumière intense. Sur fond de percussions très saccadées de Budgie, John Mc Geogh (ex-Magazine), le nouveau guitariste, trace ses riffs en forme d’éclairs et la voix de Siouxsie éclate tel un roulement de tonnerre. «Juju», si je ne m’abuse, c’est un maléfice, une sorcellerie. C’est avant tout un titre qui colle parfaitement à la musique des Banshees. C’est à se demander si Siouxsie ne dissimule pas dans sa loge des milliers de statuettes de cire sur lesquelles elle a planté quelques cheveux. Parfois, elle doit se lever au milieu de la nuit pour y planter des millions d’aiguilles et nous envoûter : alors s’il vous plaît, ne tentez pas de briser le charme.



2) Jean-Michel Dupont dans ROCK n°44 de septembre 1981

Une tête de diable au rictus maléfique, qui émerge d’une bouillie de portées sur fond noir anthracite. Pas sorcier de comprendre que ce n’est pas précisément le genre d’album que l’on écoutera cet été sous les palmiers ! Un rapide coup d’oeil sur les titres : «Halloween», «Head Cut», «Voodo Dolly» me conforte dans mon angoisse et c’est la peur au ventre que je me risque dans ma première descente aux enfers. De longues plages pathétiques, tourmentées et une voix de Pythie-Patti qui se lance dans d’inquiétantes imprécations. Ce disque semble sortir tout droit d’une crypte de l’île de Man, et cette première écoute me remplit d’un effroyable malaise. Impossible de reculer pourtant ! Je dois poursuivre l’aventure à tout prix, dussé-je y laisser une partie de ma raison. Je multiplie donc les écoutes et vais même jusqu’à me rendre à un concert du groupe ! C’est là que je me rends compte que Siouxsie ne se prend pas trop au sérieux dans son rôle de prêtresse et que je me laisse séduire par son charme livide. L’Enfer à ce moment me parait plus doux et je commence à m’y sentir à l’aise. Je vibre alors sur cette rythmique martiale et ces guitares trafiquées qui s’entrecroisent à l’infini. Musique simpliste, mais tout en climat, qu’une production alchimique rend puissante et fouillée. Les nouveaux Banshees sont plus malins que leurs prédécesseurs, c’est sans doute la raison pour laquelle le disque marche si bien là-haut, en Angleterre. Ils combattent l’Enfer avec la musique de l’Enfer dans une sorte d’exorcisme homéopathique. Je prends lentement goût à la thérapeutique et me sens de mieux en mieux dans l’antre du Démon. Presque sans souci de l’avenir, mon esprit dévale alors sur chaque morceau dans une course éperdue vers l’inconnu lorsque l’ultime question me saisit : rejoindrai-je un jour l’autre rive du Styx ?


A Kiss...[modifier le code]

1) Patrick Eudeline dans BEST n°175 de février 1983

Watts, Huxley, Leary : les vieux maîtres ! Qui avaient vu dans le L.S.D. 25 du bon docteur Hoffman la porte chimique à la conscience élargie. Celle que le roi Mescal avait ouverte sur sa colline mexicaine, que les Brahmanes avaient empoignée, que Jésus-Christ lui-même... Siouxsie, elle, y accède à jeun... Une belle nature chanceuse. Qui nous prosterne devant des «Cascade» envahies de commotions lysergiques et des soleils fluos... O.K. sa «Dream-House» est un vrai moulin déjà hypothéqué par dix générations de rêveurs psychédéliques. Elle nous prend par la main dans ce Disneyland déglingué où ne manque aucune pièce de l’échiquier du trip d’acide. Déjà, la pochette la montre déjantée et caverneuse comme une sorcière de descente de speed, comme une Grace Stick du petit matin des seventies. Ce que Nina Hagen n’a qu’effleuré, Siouxsie le balance intact : la vieille projection hippie fantasmée. Sans la morale et les dépassements idéologiques des 60’s agonies. Un mal ou un bien ? Son trip post-punk explosé en souk néo-romantique : où veut-elle en venir ? Nous prouver qu’elle est un sacré poète allumé maudit de Baudelaire Digest et de Lewis Carroll technicolor ? Produit par les Banshees avec l’équipe habituelle (Severin, Budgie...) et l’insensé trio classicos des trois nanas violonistes (qui accompagnent aussi Marc Almond and the Mambas), «Dream-House» est une foire écoeurante de sensations consommées à l’abécédaire de la défonce hallucinogène. Avec ses fanfares de manèges hantés et ses frissons primitifs. Bien plus «fourni» que les précédents, qui s’épanchaient en prétentieuses nappes synthétiques, pseudo-contemporaines. Un son, bien sûr. Le même, d’ailleurs, que les Toyahs et autres angelots médiévaux. Et un disque plaisant tant il est chargé de sautes d’humeurs baroques, de paysages-clichés inventoriés. Je vous épargnerai l’habituel discours sur les dangers d’un tel trip pour le rock éternel, malgré l’envie qui m’en ronge. La Siouxsie en est à l’étape 68 du trip psychédélique ressuscité. Lui manque, pour le moins, la MOTIVATION quelle qu’elle soit de la chose. Il semble que tout cela, le look insensé comme l’inventaire musical, ne soit guidé que par le besoin prétentieux de faire quelque chose de «différent»... Comme les pop-psychédéliques anglais et leur nouvelle variété. Ce n’est, malgré la pose, sans doute que cela, le noir délire de la Siouxsie. Un peplum pop.

2) Michka Assayas dans Rock & Folk n°193 de février 1983

Admettons que l’insoutenable grandiloquence de la cheftaine Walkyrie ait pu demeurer en-deçà du seuil du grotesque, voire faire preuve d’une séduisante vigueur sur une poignée de 45 tours. Mais c’était il y a longtemps. Depuis, Vampirella commet tous les ans des albums où, sur fond de roulements de tambour mystérieux et de riffs fangeux, elle lance les même imprécations satanico-infantiles avec une constance qui confine à la sénilité précoce. Cette fois-ci, les Banshees ont retrouvé des chutes inédites de «A Saucerful Of Secrets» qu’ils ont adroitement remontées pendant le sommeil de leur égérie. La sorcière ne s’est rendu compte de rien, et pendant qu’elle poursuit ses vociférations, les Banshees farceurs se tordent de rire. Si elle savait ce que ça allait donner ! Hi hi hi !


1) Jean-Eric Perrin dans BEST n°192 de juillet 1984

Siouxsie & the Banshees sont un cas à part. Après avoir prouvé leur originalité pendant des années, par des albums sombres et beaux, aujourd’hui que le groupe est consacré comme grand inspirateur du gothic rock, ils pourraient se reposer un peu et aérer leur propos. «Hyaena», le nouvel album, vient pourtant apporter un démenti formel à tout changement de ligne. Depuis «A Kiss In The Dreamhouse», il s’est pourtant passé des choses : le plus gros hit de leur carrière avec le «Dear Prudence» des Beatles, un double live, les expériences Smith/Severin dans The Glove, et surtout celle des Creatures (Siouxsie/Budgie), le duo voix/percussions très riche, qui savait passer sans vergogne de la pop au tribal le plus inattendu. Alors que Robert Smith évoque une prochaine fin de collaboration avec les Banshees, ce nouveau disque, sous sa pochette sinistre et aussi peu informative que possible, est un nouveau pas dans l’univers onirique de la Sioux. Moins sulfureux, moins violent qu’auparavant, le groupe à-part atteint une certaine sérénité dans l’amplitude et le théâtral. Arrangements raffinés, tempos plus tranquilles, vocaux plus doux ; on nage, à l’écoute d’Hyaena dans un monde de rêve un peu figé et très anglais, un monde à la Lewis Caroll, rempli d’animaux surprenants et de personnages éthérés. Il y a des moments de calme très majestueux, et des chevauchées fantastiques, c’est l’anti pop et l’anti rock par excellence. Siouxsie a décidé de poursuivre sa route, la plus escarpée : qu’elle en retire, au moins, du respect.



2) Thierry Chatain dans Rock & Folk n°211 de septembre 1984

Les années passent, les guitaristes aussi (cette fois, c’est Robert Smith qui s’y colle), l’emballage change (une hyène cubisto-mexicano-primitive remplace la sempiternelle photo glacée), le contenu reste à peu près identique. La mort, le sang et la souffrance sont une nouvelle fois au rendez-vous dans les sombres incantations de Siouxsie, qui planent comme des vautours au-dessus des rythmes martelés et des guitares torturées par mille pédales d’effets. Vous pouvez très bien vous en tamponner le coquillard, en trouvant que le numéro de la harpie gothique commence à sentir très fort le faisandé. Vous pouvez aussi admirer la ténacité de la grande prêtresse du honteux et de l’innommable, qui poursuit imperturbablement son chemin malgré les quolibets de ceux qui ne comprennent rien — c’est bien connu, les grands artistes sont toujours des incompris. Pour ma part, je me contente d’aller à la pêche, sachant qu’il y a toujours quelques morceaux de choix dans les albums des Banshees. J’en ai rapporté «Dazzle», vertigineuse cavalcade nimbée de cordes moelleuses, «Take Me Back» et son swing liquide, presque décontracté, avec un orgue type Jimmy Smith minimaliste, et «Swimming Horses» pour sa jolie et délicate simplicité. Le fait que deux de ces trois chansons soient sorties en simple me confirme dans mon opinion : certains groupes capables du meilleur, mais sujets à une coupable auto-indulgence, feraient mieux de s’abstenir d’enregistrer des LPs. Suivez mon regard.


Tinderbox[modifier le code]

1) Thierry Chatain dans Rock & Folk n°231 de juin 1986

Il est tentant de comparer la carrière de Cure et celle de Siouxsie & the Banshees. Pas seulement parce que, à deux reprises, Robert Smith s’est retrouvé guitariste des Banshees. Surtout parce que ces deux groupes incarnent une certaine idée du rock britannique cachant ses idées noires sous des atours pop, parfois entre des expérimentations plus extrêmes. «Tinderbox», justement, peut apparaître comme une sorte de pendant de «The Head On The Door», dans la mesure où il constitue une tentative de recentrage. Ou, si l’on préfère, un album convenu — exactement ce que l’on peut attendre de Siouxsie & the Banshees. D’où une certaine déception. Même si les éléments - déchaînés bien sûr - sont invoqués à travers la photo de tornade de la pochette (l’eau et l’air) et le titre («Tinderbox» signifie briquet à amadou), l’impression dominante est que le savoir-faire l’emporte sur l’inspiration. Les chansons sont certes travaillées, et parfois lyriques («Candyman», «Cities In Dust»), l’interprétation maîtrisée, on reste néanmoins sur sa faim, le disque manquant de diversité et d’un grain de folie. Bref, l’amadou ne parvient pas à s’enflammer, faute d’étincelles.


2) Jean-Eric Perrin dans BEST n°214 de mai 1986

Même après des années, des titres comme «Christine», «Hong Kong Garden», «Happy House» restent gravés dans les mémoires, comme autant d’héroïques souvenirs. Mais ça fait déjà longtemps que Siouxsie et son groupe ne produisent plus de tubes. Pourtant, «Tinderbox», ce nouvel album après un long silence, marque une nouvelle direction. La veuve noire semble avoir fini de délayer ses errances gothiques, elle n’éprouve plus le besoin de chanter comme si elle devait mourir dans la minute, elle a acquis une manière de sérénité sur cet album. C’est un disque en demi-teinte, une collection de huit chansons un peu lentes, pleines, des sortes de poèmes musicaux tranquilles, qui manquent cruellement de l’acidité d’autrefois. En fait, on reste sur sa faim : la voix est belle, d’autant plus qu’elle s’est simplifiée, les guitares sont riches et les percussions savantes, on a affaire à des musiciens rodés et lyriques en même temps, mais ce qui coince, c’est la trop grande similitude de ces chansons, après plusieurs écoutes, on est bien incapable d’en discerner une de l’autre. Alors on peut se permettre la nostalgie des tubes vénéneux évoqués plus haut.


Boomerang[modifier le code]

1) José Guerreiro dans Rock & Folk n°270 de janvier 1990

Où l’on reparle de contrastes. Entre la lumière et l’obscurité, la chaleur et le froid, le minimalisme et l’amplitude — présents dans la voix ensorceleuse de Siouxsie comme dans les rythmes tarabiscotés du grand Budgie. Les Creatures sont le passe-temps favori de la paire d’as d’un groupe qui se voulait uniquement provocateur et forcément éphémère («die young», cette foutaise) à ses débuts en pleine effervescence punk et qui treize ans après continue à tenir le haut du pavé post-77, j’ai nommé Siouxsie & The Banshees. Les Creatures, projet parallèle dont la naissance remonte à mai 81, au moment de l’enregistrement de l’album «Ju Ju», n’avaient jusqu’à maintenant à leur actif qu’un seul et unique album enregistré en 83 dans les îles Hawaï («Feast»). Cette fois, c’est en Espagne, dans un couvent reconverti en ranch, que les deux dissidents ont concocté leurs tropi-colderies expérimentales relevées d’un soupçon de claviers ou de cuivres. A l’arrivée, une quinzaine de déclinaisons percussives et vaguement «waveuses» sur le thème du mantra dont on retiendra l’élan incantatoire et un certain titillement érotique. Un croisement de laborantine et de romanichelle couplé à un sorcier (de) clinique au pays du flamenco — genre que la dame estime plus que tout — ça ne peut pas faire de mal. Quand les Sirènes se mettent au gaspacho...


2) Olivier Sarrazin dans Les Inrockuptibles n°21 de février-mars 1990

En premier plan, quelques épineux se détachent en arabesques sur un ciel bleu azur virant au turquoise. Debout, caché derrière ces herbes folles, se tient un couple nu. Appareil photo à la main, Anton Corbijn aurait-il saisi l'apparition furtive d'Adam et Eve perdus dans le jardin d'Eden ? A-t-il plutôt immortalisé Dame Siouxsie et son complice Budgie, batteur des Banshees depuis 79, dans leurs aventures musicales mais néanmoins parallèles ? La pochette du deuxième album des Creatures est résolument mystérieuse. Elle témoigne du même souci de renouvellement qui habitait déjà "Through the looking glass" et "Peep show". A ce titre "Boomerang" est plus dans la veine de ces deux disques que de "Feast", le premier Creatures. Pour l'enregistrer, celle qu'on a hâtivement qualifiée de prêtresse du rock gothique a emprunté les chemins de traverse. En compagnie de Budgie, Siouxsie s'est arrêtée en Espagne. C'est donc sous le soleil qu'ils ont péché en concoctant un album proche de l'exercice de style. Non que "Boomerang" se perde en expérimentation sonore, mais l'album est riche, dense, difficile d'accès. Le climat y est langoureux, la musique lancinante. La tension demeure linéaire au fil des deux longues faces, mais l'impression de fluidité s'estompe vite. Ce sont les chansons ("You !") qui présentent de véritables contrastes. Tous les titres sont construits sur la même opposition, entrechoquent un minimalisme tout britannique et une fantaisie latine, presque exotique. Le chaud et froid des premières écoutes passé, "Boomerang" vous reviendra. Vous n'aimez pas ? Lancez-le.


Superstition[modifier le code]

Les Inrocks, critique de Christian Larrède


On la croyait morte, ou mère de famille, ou spécialiste du macramé : trois ans sans nouvelles d'une ex-égérie new-waveuse, ça peut être long pour certains. Long-Nez nous la joue, sur les photos de pochette, en robe fourreau, mains spasmodiquement croisées sur un appareil urogénital et glaïeul hautement symbolique. Bon, et la musique dans tout ça, enfin' Les chansons ? Eh bien (étonnement), elles existent, légèrement ensoleillées, primesautières presque, toutes gorgées du suc de synthétiseurs charnus et de tambours gentiment tribaux. D'accord, les textes sont toujours aussi sinistrement stupides et les musiciens dotés d'imparables tronches de cake. Mais, fait unique dans leur carrière, on ressent le plaisir de l'enregistrement, la récréation (entre deux réunions Tupperware ?) qu'a constitué l'élaboration de l'album. Siouxsie condescend parfois à moduler, telle la chanteuse sincère qu'elle sait jouer et Severin, entre deux crises d'alcoolémie, bidouille quelques petites choses sensibles aux claviers. Kiss them for me et son matois refrain, ou un Shadowtime mystérieux, poétique et enroulant sont là pour en témoigner : ils ont eu envie de se et de nous faire plaisir. Prochaine station : Siouxsie relève définitivement le manche à balai qu'elle a dans le fondement et se lance dans le music-hall en compagnie de Robert Smith.