Ceque

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Le système de ceque (du quechua: siq'i qui signifie ligne) était une série de voies rituelles menant de Cuzco au reste de l'empire inca[1],[2] qui servaient à organiser les sanctuaires ou huacas environnants.

Les ceques constituaient un système spatial religieux complexe, qui donnait à la capitale de Tahuantinsuyo un caractère éminemment sacré.

C'étaient des vecteurs qui émanant du temple du soleil à Cuzco, le Coricancha irradiaient vers les lieux saints dans tout l'Empire Inca. Les lignes étaient étroitement liées non seulement à la géographie et à la géométrie, mais aussi à l'astronomie et à l'environnement social, puisque chaque huaca était lié à la représentation des différents peuples andins, aux corps célestes, ainsi qu'aux groupes sociaux. La plupart des ceques étaient des lignes associées aux pèlerinages[3].

Graphique du musée du Coricancha expliquant le système inca des huacas et des ceques.

Organisation[modifier | modifier le code]

Le Sapa Inca Pachacutec[4] avait divisé son empire en quatre régions appelées suyus et donc le nom de l'empire en langue quechua était Tawantinsuyu (ou Tahuantinsuyo), ce qui signifie « quatre parties ensemble ».

La ville de Cuzco - en forme de Puma - et les 4 suyus.

Cuzco, la capitale, était le centre et le point de rencontre de ces quatre sections, qui convergeaient vers Coricancha, le temple du Soleil.

Cuzco était divisé en deux quartiers, Hanansaya au nord et Hurinsaya au sud. De chaque quartier partaient des routes royales menant à deux des quatre suyus. Hanansaya menait à Chinchay Suyu au nord-ouest et à Anti Suyu au nord-est, tandis que Hurinsaya était l'origine des routes vers Qulla Suyu au sud-est et à Kunti Suyu au sud-ouest[5].

Selon les informations de Polo de Ondegardo (es) et du père Bernabé Cobo, chaque région contenait 9 ceques, à l'exception du Kunti Suyu, qui en comptait 14 ou 15[6]. Ainsi, un total de 41 ou 42 voies identifiées rayonnaient du temple du soleil à Cuzco, menant à des sanctuaires ou huacas importants sur le plan religieux et cérémoniel[7].

L'officier espagnol Polo de Ondegardo a décrit le système topographique des ceques dans un rapport La relation des sanctuaires des Indiens avec les 4 ceques (1561)[8].

Ce système d'organisation ressemblait à un grand quipu qui, avec ses cordes et ses nœuds, couvrait toute la ville[9].

Les ceques[modifier | modifier le code]

Panneau du musée du Coricancha expliquant le système des ceques.

Les lignes ceques issues du Coricancha suivent des itinéraires relativement rectilignes, jusqu'aux confins des terres conquises par Pachacutec[4]. Quatre des lignes correspondent à quatre branches principales du réseau routier inca le Qhapaq Ñan [10].

Chaque ceque était tracé vers un peuple particulier, mais l'itinéraire était surtout déterminé par les huacas à relier le long de son chemin. C'est l'emplacement des huacas qui semble dicter le dessin de la ligne ceque et non l'inverse[11]. Les ceques peuvent être relativement droits ou avoir des segments qui sont droits, mais les chemins tournent ou zigzaguent fréquemment[9],[12], cependant, les ceques ne se croisent généralement pas[13].

On pense également que ces lignes montrent l'organisation sociale et politique de Cuzco, en particulier les groupes incas et non incas et sont les frontières des territoires de chaque ayllu. Les ceques suivent souvent des ruisseaux ou des canaux, qui étaient des marqueurs naturels des zones irriguées[14].

Huacas[modifier | modifier le code]

Les huacas étaient des lieux d'importance cérémonielle, rituelle ou religieuse disposés le long des sentiers ceques. Bernabé Cobo en compte environ 350[15] au total. Certains huacas étaient des éléments naturels, tels que des sources, des rochers ou des grottes, tandis que d'autres étaient des éléments artificiels tels que des bâtiments, des fontaines ou des canaux, un repère astronomique ou la tombe d'un personnage vénéré, pouvait aussi être un huaca.

Découpage de l'empire inca.

Le nombre de huacas sur chaque ligne variait, typiquement de 3 à 13 ou plus par ceque.

Certaines personnes appartenant à des groupes familiaux spécifiques ont été désignées comme gardiennes de chaque huaca[16]. Le culte de chacun des huacas était responsable de ce groupe social et devait être pratiqué selon un calendrier rituel.

Enfin, certains huacas étaient des observatoires astronomiques orientés dans la direction de points précis à l'horizon, avec lesquels les Incas enregistraient le lever et le coucher du soleil et d'autres étoiles[9].

Lignes et rituels Siq'i[modifier | modifier le code]

Certains aspects du système ceque restent flous. R. Tom Zuidema (en) a émis l'hypothèse que les huacas pourraient être liés à la compréhension inca de l'astronomie.

Les Incas suivaient un calendrier lunaire synodique (le temps était mesuré en phases de la Lune). Ils observaient des rituels calendaires périodiques célébrant des événements tels que les solstices et différents centres ont été utilisés pour différents événements astronomiques[17].

En prolongement de cette théorie, Zuidema a proposé que chacun des 328 huacas puisse représenter un jour dans l'année, le temps pour la Lune d'effectuer 12 révolutions et que certains des ceques étaient utilisés pour les lignes de visée astronomiques[18],[19]

Définition[modifier | modifier le code]

Dans le premier dictionnaire de la langue quechua (Diego González Holguín (es), 1608), on trouve le mot Ceque comme racine de nombreux termes :

  • Ceqque ou ceques : Frontière.
  • Ceqqueni ou Cequeni : Respectez la ligne, délimitez.
  • Ceqquena : Un outil pour tracé les lignes.
  • Ceqquescca ou Cequescca : Les lignes (qui concerne)
  • Cequercarini : Parcourir beaucoup de lignes.
  • Apu Allpa Tupuk ou apu cequek : Celui qui mesure la terre ou les parts de chaque communauté.
  • Muyu ceque : Circonférence d'un cercle.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Farrington (1992 p. 370)
  2. (en) D'Altroy 2003 (p. 155)
  3. (en) The ceque system
  4. a et b (en) Farrington 1992 (p. 370)
  5. (es) Bauer 1992 (p. 184)
  6. (en) D'Altroy 2003 (p. 162)
  7. (en) D'Altroy 2003 (p. 155-163)
  8. (es) Relación de los fundamentos acerca del notable daño que resulta de no guardar a los indios sus fueros (1571)
  9. a b et c (en) Brian S. Bauer. 1998. The Sacred Landscape of the Inca: The Cusco Ceque System. The University of Texas Press, Austin. 161 pages, plus 76 pages of appendices, notes, glossary, references, and three indices.
  10. (es) Bauer 1992 (p. 183)
  11. Bauer 1992 (p. 187)
  12. (es) Bauer 1992 (p. 202)
  13. (es) Bauer 1992 (p. 201)
  14. (en) Farrington 1992 (p. 370-373)
  15. Bernabe Cobo, "Historia del Mundo Nuevo" (Treizième livre, CHAPITRE XVI): "C'étaient les Guacas (huacas) et les sanctuaires généraux qui se trouvaient à Cuzco et ses environs dans un rayon de quatre lieues, avec le temple de Coricancha et les quatre derniers qui ne sont (pas) placés dans les Ceques, ils viennent à être trois cent trente-trois, répartis par quarante Ceques; auxquels, en ajoutant les piliers ou marqueurs qui marquaient les mois, ils viennent remplir le nombre de trois cent cinquante, avant plus que moins. Dont (parmi eux) il y avait beaucoup d'autres individus adorés, non par tous, mais par ceux auxquels ils appartenaient; comme ceux des provinces soumises à l'Inca, qui n'adoraient que leurs indigènes et les cadavres (tombes) de chaque lignée, que leurs descendants vénéraient seuls''.
  16. (es) Bauer 1992 (p. 185)
  17. (es) Zuidema 168-169.
  18. (es) Bauer 1992 187-202.
  19. (en) Edwin Krupp, Echoes of the Ancient Skies : The Astronomy of Lost Civilizations, Mineola, Dover Publications, Inc., , 182–183, 270–276 (ISBN 978-0-486-42882-6, lire en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bustamante Patricio :
  • (es) Elorrieta Salazar Fernando y Elorrieta Salazar Edgardo , 1996 - El Valle Sagrado de Los Incas, Mitos y Símbolos - Sociedad Pacaritampu Hatha, Cuzco, Perú.
  • (es) Faure, Edgar et autres - Aprender a Ser - UNESCO, Editorial Universitaria, Santiago, Chile, 1973.
  • (es) Cobo Bernabé - Historia del Nuevo Mundo (1653) - In BIBL. AUT. ESP. Tomi XCI, XCII, Madrid 1956
  • (es) Inca Garcilaso de la Vega - Commentarios reales (1609) - Rusconi, Milano 1977
  • (it) Cristóbal de Molina - Relación de las fabulas y ritos de los Incas - (1573) in COL. LIBR. DOC. HIST. PERU’ (1a Serie, tomo I, Lima 1916). Traduzione italiana a cura di Mario Polia (Il Cerchio, Rimini 1993)
  • (es) Fray Martín de Murúa - Historia general del Perú (1613) - In COLL. CRÓNICA DE AMÉRICA Dastin V. 20°. Madrid 2001)
  • (es) Felipe Guamán Poma de Ayala - Nueva coronica y buen gobierno (1584 - 1614) - In COL. CRÓNICA DE AMÉRICA (Historia 16. V. 29°, 29b, 29c. Madrid 1987)
  • (es) Franklin Pease G.Y. - Los Incas - Lima 2003
  • Nathan Wachtel - La vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la conquête espagnole (1530-1570), Gallimard, 1971
  • (es) Marius S. Ziolkowski - La guerra de los Wawqui - Quito 1996
  • (es) Sullivan William - El Secreto de Los Incas - Grijalbo, Barcelona, España, 1999.
  • (es) Angles Vargas, Víctor (1998) - Historia del Cuzco incaico - Tercera edición, Lima: Industrial gráfica S.A., Chavín 45.
  • (es) Espinoza Soriano, Waldemar (1997) - Los Incas - Tercera edición, Lima: Amaru Editores.
  • (es) Porras Barrenechea, Raúl (1999)- El legado quechua - Lima: Fondo Editorial de la Universidad Nacional Mayor de San Marcos. (ISBN 9972-46-069-X).
  • Rostworowski, María :
    • (es) Pachacútec Inca Yupanqui - Lima: Editorial Torres Aguirre (1953).
    • (es) Historia del Tahuantisuyo - Lima: Instituto de Estudios Peruanos (1995).
    • (es) Historia de los Incas - Lima: Prolibro–Asociación Editorial Bruño.
  • (en) Terrance D'Altroy, The Incas, Malden, Blackwell Publishing, (lire en ligne).
  • (en) I. S. Farrington, « Ritual geography, settlement patterns and the characterization of the provinces of the Inka heartland », World Archaeology, vol. 23, no 3,‎ , p. 368–385.
  • Brian S. Bauer :
    • (en) « Ritual Pathways of the Inca: an analysis of the Collasuyu Ceques in Cuzco », Latin American Antiquity, vol. 3, no 3,‎ , p. 183–205 (DOI 10.2307/971714).
    • (es) El espacio sagrado de los Incas. El sistema de ceques del Cuzco. Cuzco: CBC, 2000.
  • R.T. Zuidema :
    • (it) Etnologia e storia. Cuzco e le strutture dell’impero inca. Torino 1971
    • (es) El sistema de ceques del Cuzco. Lima: PUCP, 1995.
    • (en) « Archaeoastronomy in Mesoamerica and Peru », Latin American Research Review, vol. 16, no 3,‎ , p. 167–170.

Annexes[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]