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Arthur Poitevin, compositeur et musicien, résistant français[modifier | modifier le code]

Photo d'identité d'Arthur Poitevin


Arthur Poitevin est un compositeur et musicien aveugle, résistant français et déporté. Il est né le 6 décembre 1917 à Port-en-Bessin-Huppain, Calvados, et décédé à Port-en-Bessin le 7 juin 1951, à l'âge de 34 ans. [1]

Enfance et éducation[modifier | modifier le code]

Né dans une famille de pêcheurs de Port-en-Bessin et quatrième d'une fraterie de cinq enfants, Arthur perd précocement la vue jusqu'à l'âge de 3 ans suite à un glaucome.

Il suit une formation musicale adaptée pour jeunes aveugles à l'Institut des Jeunes Aveugles de Clermont-Ferrand à partir d'octobre 1925, son talent musical repéré par Luise Boutroux, épouse de Pierre Villey, docteur ès lettres, professeur à l'université de Caen alors secrétaire général de l'Association Valentin Haüy.

Arthur rejoint ensuite le Conservatoire de Clermont-Ferrand où il obtient le Premier Prix de violon ainsi que le Second prix de piano.

Carte de déporté résistant Arthur Poitevin

Ses études achevées, il devient professeur de musique dans l’enseignement catholique à Bayeux. Il s'engage également dans les Jeunesses Maritimes Chrétienne (JMC).

Photo et matricule de déporté au camp de concentration Natzeiller-Struthof Arthur Poitevin

Pianiste et violoniste, il occupe la fonction d'organiste à la Cathédrale de Bayeux. Il compose la musique et écrit les paroles de plusieurs chansons relatant ses origines, son amour de la musique ou des chants à teneur religieuse.

Résistance et déportation[modifier | modifier le code]

Après l'occupation par l'Allemagne nazie, il devient un membre actif de la Résistance (mouvement Libération-Nord de Basse Normandie[2]) dans un réseau fournissant des renseignements sur les positions allemandes le long de la côte normande. [3]

Arrêté par les nazis en septembre 1943, il est interné dans le camp de concentration de Natzweiler-Struthof en novembre 1943 après un transit par le commissariat de Bayeux, la prison de la Maladrerie à Caen puis la prison de Fresnes. Au Struthof, il porte le matricule 5967 5967. Son réseau a été infiltré par un agent de la Gestapo se faisant passer pour un Polonais cherchant à passer en Espagne.

Le cousin d'Arthur, Joseph Poitevin, également résistant, avait été arrêté par la Gestapo le 23 août 1943. Arthur était parti avec son épouse Raymonde Poitevin se cacher à Mézidon mais s'est fait prendre alors qu'ils repassaient à Bayeux chercher des affaires. Lors de l'évacuation du camp du Struthof fin août 1944, il est ensuite transférés à Dachau le 6 septembre 1944 (matricule 101336). Le camp de Dachau sera libéré par les américains le 29 avril 1945.[4]

Le Block 10 du camp du Struthof était sous la direction d'un kapo luxembourgeois qui tolérait les instruments de musique des détenus, ainsi que leurs chants. Le 19 janvier 1944, Arthur, surnommé "Tutur" compose un chant "La Voix du Rêve", qui évoque à la fois le camp et l'espoir de la libération, Il remonte ainsi le moral des codétenus leur redonnant courage et espoir. [5]

LA VOIX DU REVE[modifier | modifier le code]

Paroles et Musique d'Arthur Poitevin

Choral à 4 voix mixtes et orgue


I

Quand revient le moment du rêve,

Que peu à peu le Block entier s'endort,

Dans le soir qui s'achève,

Quand le vent de la nuit vient pleurer près des miradors,

Parfois en notre âme un peu lasse,

Monte soudain un trouble sans pareil,

C'est comme un gai refrain qui passe,

C'est comme un rayon de soleil.


Refrain

Écoutez c'est la voix du rêve,

Qui revient chanter en nos cœurs,

Déjà l'aube se lève,

Présageant pour l'avenir des jours meilleurs,

Miradors, barbelés, brimades, cela n'est plus que des souvenirs amers,

Nous rirons de nos peines bien loin de Natzweiler.


II

Le songe a supprimé l'espace,

À la maison nous voici de retour,

La chaise est à sa place,

Au coin de la table où nous prenions nos repas chaque jour,

Voici venir le cher visage,

Nos bien-aimés nous sourient tendrement,

Pour ne pas troubler le mirage,

Les gars ronflez plus doucement.


III

Quelle allégresse règne en notre âme,

Ah! Quel bonheur! Ah! qu'il fait bon chez nous!

Enfants, parents ou femmes,

Tous leurs baisers ne nous avaient jamais semblé si doux,

Notre fringale est apaisée,

Plus de Mutzen! Adieu les numéros,

Fini: appels, rabiots, corvées,

Mais ne remue pas tant là-haut.


IV

Aujourd'hui cela n'est qu'un songe,

Oui! Mais demain le réalisera,

Si les jours se prolongent,

Disons-nous que bientôt la liberté nous reviendra,

Pour cette liberté chérie,

Préparons bien nos cœurs et nos esprits,

Afin que nos fils en leur vie,

N'aient à jamais, à venir ici.

Dernier RefrainNatzweiler est un mauvais rêve,

Qui bientôt fuira de nos cœurs,

Déjà l'aube se lève,

Présageant pour l'avenir des jours meilleurs,

Miradors, barbelés et chaînes,

Ne seront plus que souvenirs amers,

Nous rirons de nos peines bien loin de Natzweiler.



“L'aveugle, Tutur, considérait qu'il fallait tenir, résister. Un soir, au réfectoire, un chant s'éleva dans le silence. Tutur venait d'inventer les paroles et l'air d'une chanson sur le camp de Natzweiler, et il la chantait pour remonter le moral de ses copains. Cette fois encore, c'était lui qui donnait une leçon de courage aux autres. À sa manière, il participait à la solidarité et donnait une leçon de dignité humaine.

Les copains, auditeurs silencieux, étaient pris d'émotion, mais aussi remplis d'espoir à l'écoute de "La voix du rêve". Le rêve? C'était la liberté! Il y avait plus d'une larme sur les joues des uns et des autres, et le dernier couplet ‘ouverture sur la liberté’ engageait à l'optimisme.”

“Nous avions fait venir Tutur dans notre Block, un soir, pour l'entendre interpréter sa chanson. Je me souviens avec quelle attention émue nous l'écoutions. Je ne pouvais que penser à mes enfants. Cette chanson devint la nôtre au camp. Les êtres qui nous étaient chers n'étaient pas oubliés, cette vie que nous menions n'était qu'un cauchemar puisque le rêve pour nous était de recouvrer la liberté.

J'ai vu des camarades avoir les larmes aux yeux, c'était des larmes de tendresse à l'adresse de leurs familles qui ignoraient tout d'eux, mais qu'ils pensaient revoir bientôt tellement leur optimisme était grand. Brave Tutur, tu nous as aidés beaucoup à remonter le moral de nos camarades.

Il m'est arrivé lorsque j'allais voir les plus abattus, de leur fredonner ta chanson; un sourire effleurait leurs lèvres, ils reprenaient confiance.” [6]

Libération[modifier | modifier le code]

Cérémonie


Le camp de Dachau est repris par l'armée américaine le 29 avril 1945 mais il n'est pas encore possible d'en sortir, Arthur et un camarade, Jacques Noë, décident de s'échaper.

Le vendredi 11 mai 1945, Arthur Poitevin et son camarade se cachent dans un camion de ravitaillement pour le village de Dachau à 5km du camp, puis regagnent la France à pied puis en train pour finalement arriver à l'hôtel Lutetia le 16 mai.

Arthur retourne à Bayeux le 17 mai 1945 et y retrouve son épouse. Il y reprend son métier de musicien et est titulaire de l'orgue de l'église Saint Patrice et continue d'enseigner et composer, notamment participant actif de l'association de l'Orphéon. Arthur et Raymonde ouvrent une librairie "Au Mirador". [7]

Ils ont ensemble un premier fils, Marc, puis une fille Odile, et enfin les jumeaux Jacques et Jean en octobre 1950. Arthur Poitevin décède auelques mois après la naissance de ses deux derniers fils, d'une faiblesse du coeur qu'il avait fragile et que le passage en camp où il avait eu le typhus a sans doute empiré.

Journal de déportation[modifier | modifier le code]

Arthur a dicté à son épouse Raymonde Poitevin un journal, court récit témoignant de sa déportation. Ce journal a été publié en 1996 dans un livre rédigé par les collégiens du Collège Paul Verlaine à Evrecy et du Collège Alain Chartier à Bayeux, avec une préface de Jean Quellien et sous la direction de François Le Gros, François Marsault et Patrick Sénécal.[8][9]

Ce journal reprend les paroles de la Voix du Rêve.

Projet de maquette tactile "Arthur Poitevin"[modifier | modifier le code]

Le CERD-Struthof a accueilli le 7 octobre 2021 une délégation du Lions Club pour évoquer le projet de maquette tactile à destination des malvoyants et des non-voyants.

Ce projet s'inscrit dans une démarche mémorielle. Il permettra de rendre hommage à Arthur Poitevin, professeur de musique, aveugle depuis l'âge de 3 ans, déporté au camp de Natzweiler en 1943 pour fait de résistance. Le 19 janvier 1944, il composa, dans le camp, le chant intitulé "La Voix du rêve", une oeuvre devenue un hymne pour tous les déportés.[10][11]

Rue Arthur Poitevin[modifier | modifier le code]

Le 29 janvier 2020[12], la rue du 6 juin à Port-en-Bessin a été rebaptisée "rue Arthur Poitevin" pour lui rendre hommage en tant que personalité représentative de la commune, en présence de ses fils Marc Poitevin et Jean Poitevin, et de Jean Villeret déporté NN à ses côté à Natweiler-Struthof[13] sous le patronage de Pierre-Albert Cavey, Maire de Port-en-Bessin-Huppain.

  1. [1],AMICALE NATIONALE DES DÉPORTÉS ET FAMILLES DE DISPARUS DE NATZWEILER-STRUTHOF ET DE SES KOMMANDOS
  2. « Faire une recherche - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
  3. [2],AMICALE NATIONALE DES DÉPORTÉS ET FAMILLES DE DISPARUS DE NATZWEILER-STRUTHOF ET DE SES KOMMANDOS
  4. [3],site de la municipalité de Port-en-Bessin Huppain
  5. [4],a voix du rêve Chant de Natzweiler-Struthof Paroles et musique de Arthur Poitevin Composé dans le Block 10, le 19 janvier 1944
  6. Roger Leroy, Roger Linet, Max Nevers (préface du Dr Henri Laffitte) Camp de Concentration du Struthof (Bas-Rhin) Éditions Messidor (1991) (375 p. - 16 p. de planches illustrées, carte, 22 cm) ISBN : 978-2-20906-602-5 pp. 225-227.
  7. [5],a voix du rêve Chant de Natzweiler-Struthof Paroles et musique de Arthur Poitevin Composé dans le Block 10, le 19 janvier 1944
  8. « Natzweiler-Struthofbibliography », sur www.natzweiler-struthof.com (consulté le )
  9. Artur Poitevin, Collège Paul Verlaine et Collège Alain Chartier, Bayeux et le Bessin : 1940-1944 vie quotidienne, Résistance, Déportation, Libération, Collège Alain-Chartier] [Collège Paul-Verlaine, (ISBN 978-2-9510186-0-0, lire en ligne)
  10. « Une délégation du Lions Club soutient le projet de Maquette tactile du CERD », sur Mémorial Struthof (consulté le )
  11. « Centre Européen Des Résistants Déportés – Appel aux dons | Port-en-Bessin-Huppain », sur www.portenbessin-huppain.fr (consulté le )
  12. « 29 janvier 2020 À Port-en-Bessin – Amicale nationale des déportés et familles de disparus de Natzweiler-Struthof et de ses Kommandos » (consulté le )
  13. Ouest-France, « Port-en-Bessin-Huppain. De nouvelles rues, place et promenade inaugurées », sur Ouest-France.fr, (consulté le )