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Utilisateur:Samuel Perron-Desrochers/Inquiétudes concernant la réalité virtuelle

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L'arrivée de la réalité virtuelle dans la vie courante soulève plusieurs problèmes éthiques. Certaines de ces issues ont déjà été soulevées par l'arrivée des jeux vidéos et sont aussi présentes dans l'utilisation d'un casque de réalité virtuelle afin de jouer à un jeu. Mais la personnification d'un avatar est plus réelle dans cet univers 3D fictif et même une exposition modérée a des effets sur nos comportements sociaux. Une des questions les plus importantes de la réalité virtuelle porte sur les règles. Dans la réalité, il y a des lois à respecter, mais dans l'environnement 3D, il est plus difficile de décider si les lois et le code moral peuvent être différents que dans la réalité.

Dans d'autres utilisations de la réalité virtuelle, on peut comparer celle-ci à un couteau à double tranchant. Elle peut en effet être utilisée pour augmenter notre empathie envers un peuple ou une situation ou à l'inverse nous rendre plus insensibles à certains événements.

Le double usage[modifier | modifier le code]

Un soldat de l'Armée royale néerlandaise se trouve sur la station de tireur en formation dans le Virtual Training Suite.

À cause de l'immersion profonde qu'implique la réalité virtuelle, c'est le média le plus puissant à ce jour pour augmenter l'empathie des individus. Au lieu d'une transmission traditionnelle, par le biais de l'écran, un visiocasque fait vivre la scène à l'utilisateur. L'expérience semble si vraie que Chris Milk, réalisateur chez With.in (anciennement Vrse), affirme que «[la réalité virtuelle] permet de relier les humains entre eux d'une façon plus profonde que jamais.» [1]

À l'inverse, la réalité virtuelle est aussi le média le plus puissant pour diminuer l'empathie. Les usages militaires en sont un exemple. D'un côté, elle est utilisée pour entraîner les soldats et les pilotes, entrainement qui fournit une sorte de préexpérience du terrain et qui permet «de réagir à des environnements ou situations dangereuses ou une mauvaise décision signifie la vie ou la mort»[2]. D'un autre côté, les armes virtuelles qui réagissent comme leurs homonymes réels permettent «d'apprendre aux soldats comment neutraliser une cible.»[2],[3] Autrement dit, lorsque le soldat aura à tirer sur une cible humaine, l'ayant fait plusieurs fois dans une simulation réaliste, fournie par un casque de réalité virtuelle, il hésitera moins avant de tirer.

La violence en réalité virtuelle[modifier | modifier le code]

La violence, un des enjeux du jeu vidéo, voit son importance amplifiée par la réalité virtuelle. Alors qu'il est courant que dans les jeux tels que Call of Duty, Battlefield ou Assassin's Creed que le joueur soit appelé à tuer, de façon plus ou moins violente, certains développeurs de la nouvelle génération de jeux vidéo ont décidé de s'éloigner totalement de ce chemin. Par exemple, la compagnie Guerilla Games, qui développe un des premiers jeux de tir à la première personne en réalité virtuelle, Rigs : «Ne pas avoir à confronter la mort -- c'est une décision que nous avons prise délibérément. La RV prend la violence, même irréaliste ou avec des personnages en dessin animé, et la rend assez réelle, à un niveau apparemment inconscient, pour choquer même ceux qui se disent actuellement insensibles aux morts virtuelles.[...] C'est plus intense, vous pouvez détourner le regard, mais vous ne pouvez y échapper. Vous allez le ressentir, comme tout dans la réalité virtuelle, d'une façon beaucoup plus intense.»[4] Les développeurs ont donc contourné le problème ainsi : les joueurs qui "meurent" sont éjectés de leur exosquelette et réapparaissent dans un nouveau.

Alors que le débat sur les effets des jeux vidéos violents sur le comportement des individus ne possède toujours pas de conclusion claire, les études de Ferguson, Markey et Markey et Olson, sorties en 2010, suggèrent que les effets sont inexistants sur les sujets qui ne sont pas à ris/que, mais qu'ils peuvent augmenter les risques d'actes violents chez les sujets possédant déjà une tendance aux actes violents[5]. Ainsi, avec la commercialisation de la réalité virtuelle et en sachant que les expériences vécues sont plus intenses, l'impact de la violence présentée dans ce média sur notre société reste une zone grise, au même titre que dans le jeu vidéo.

Les effets sur les comportements sociaux[modifier | modifier le code]

L'esprit humain est comparable à de la pâte à modeler. Il existe plusieurs qui peuvent l'influencer, notamment l'environnement physique[6]. Or, dans la réalité virtuelle, le but est de projeter l'utilisateur dans un environnement physique virtuel, ce qui pourrait modifier nos comportements et apporter des modifications encore inconnues sur l'expression du patrimoine génétique d'un individu[7].

La projection dans ce nouvel environnement et contexte à un effet puissant sur l'esprit du sujet, modifiant son comportement. Ce changement est appelé effet Proteus. Le Dr Nick Yee, qui a nommé le phénomène, donne en donne un exemple : «J'ai donné aux participants un avatar laid ou un bel avatar, et puis je leur ai demandé d'interagir avec un étranger virtuel.[...] Les participants ayant un joli avatar s'approchèrent plus et dévoilèrent plus d'information personnelle à l'étranger virtuel que les participants ayant l'avatar laid.»[8] L'étude du Dr Nick Yee propose aussi que dans le contexte d'un jeu d'entrainement virtuel, la projection d'un sujet dans un corps en santé motiverait les sujets et les inciteraient à faire durer leur session d'entrainement plus longtemps, suggérant des impacts positifs sur la santé.[8] Considérants les faits précédents, l'utilisateur de la réalité virtuelle semble facilement manipulable par le programme, ce qui soulève certains questionnements.

Selon plusieurs études, les effets psychologiques d'une immersion virtuelle durant moins d'une heure subsistent pour un certain temps.[7] Toutefois, aucune expérience n'a été réalisée sur des immersions longues durées, autrement dire sur l'usage que le public fera de cette technologie. Les risques potentiels d'une immersion plus longue, surtout pour les utilisateurs plus jeunes, dont le cerveau n'est pas totalement développé, sont «la dépendance, la manipulation, des changements psychologiques imperceptibles, développer des maladies mentales et un manque d'authenticité.»[7] Il est possible aussi que les utilisateurs en viennent à négliger leur corps physique et leur environnement en faveur des interactions ayant lieu dans l'univers virtuel.[7] Avec plusieurs casques de réalité virtuelle déjà sur le marché, il est pertinent de soulever des inquiétudes face à ces risques qui n'ont pas été évalués pour des utilisations plus longues.

L'encadrement du contenu[modifier | modifier le code]

Les sociétés modernes comportent un ensemble de règles et de codes moraux que chacun se doit de suivre afin d'éviter le chaos. Or, le but de la plupart des expériences virtuelles, par exemple les jeux vidéos, est de projeter l'utilisateur dans un nouvel univers possédant ses propres lois, dans la peau d'un avatar possédant son propre code moral. Jusqu'à maintenant, les actions de l'avatar étaient transmises uniquement par une manette ou par l'entremise d'un clavier et d'une souris, ce qui permet un certain détachement des actions entreprises par l'avatar. Alors que dans la réalité virtuelle, ce sont les mouvements de l'utilisateur qui transmettent les actions à l'avatar. Il est plus difficile de se détacher des bonnes ou des mauvaises actions que le personnage incarné exécute, lorsque ce sont les mouvements du corps au complet qui contrôle l'avatar au lieu de seulement les mains. 

Dans le cas d'une immersion solo, c'est-à-dire que le joueur est le seul "humain" et qu'il est entouré de personnages non joueurs dans un univers 3D, il existe quelques inquiétudes d'ordre moral à soulever. En effet, dans certains jeux, tels que ceux de la série Grand Theft Auto, le personnage principal participe à des missions où il est appelé à faire plusieurs actes illégaux et immoraux. Il a même souvent la possibilité de continuer ses méfaits en ne participant à aucune mission. Si des actions de ce genre venaient à être proposées à un utilisateur en réalité virtuelle, il y a un risque que cela nuise au développement moral du joueur. Vraisemblablement, «il est mal de traiter les humains virtuels de façon cruelle puisque cela rend plus probable que nous traitions les vrais humains de façon cruelle.L'explication derrière réside dans le fait que les émotions utilisées dans le traitement des humains virtuels sont les mêmes que dans le cas des vrais humains puisque ces actions se ressemblent énormément.»[9] De plus, il existe un risque d'offenser l'entourage de l'utilisateur qui voit le sujet mimer ces actes violents ou dégradants.[9] Encore aucune loi n’encadre le contenu pouvant être montré ou «à exécuter» par l'utilisateur. Comme dans le cas des jeux vidéos avant la réalité virtuelle, cela reste à la discrétion de celui qui utilise le logiciel.

Dans le cas d'une immersion multi-utilisateur, c'est-à-dire que le sujet est entouré d'autres utilisateurs, personnifiées par leur avatar, et parfois de quelques personnages non joueurs, des problèmes d'ordres sociaux et moraux sont à soulever. En effet, avec la popularisation des réseaux sociaux, il y a eu de nouveaux problèmes, tels que la cyberintimidation ou le vol d'information sur la vie privée. L'arrivée de la réalité virtuelle pousse ces problèmes au deuxième niveau. Tout comme les réseaux sociaux, il est impossible de causer quelque tort physique que ce soit à un autre utilisateur par l'entremise des avatars. Toutefois, il est possible de causer des torts psychologiques. Dépendamment de la proximité entre l'utilisateur et son avatar, l'individu peut prendre une insulte faite à son avatar comme une insulte personnelle.[9] La présence d'un univers 3D où ont lieu les interactions ouvre aussi la porte à d'autres zones grises en ce qui concerne les actes criminels ou dégradants. Par exemple, il est incertain si un acte criminel commis dans la réalité virtuelle doit être considéré comme un vrai acte criminel et avoir des répercussions légales sur le malfaiteur. À l'instar des réseaux sociaux, il faudra un certain temps avant que la législation s'adapte à cette nouvelle réalité.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Les citations dans l'article provenant d'une source en anglais ont été traduite en français par l'auteur de l'article.
  2. L'article fait souvent référence aux jeux vidéos à titre d'exemple : là ou applicable, il n'est pas nécessaire que le contexte soit un jeu vidéo, bien que ce soit actuellement le contexte le plus répandu à ce jour pour les interactions en réalité virtuelle.
  1. Chris Milk, « La réalité virtuelle: l'ultime machine à empathie » (consulté le )
  2. a et b (en-GB) « Virtual reality war - Virtual Reality », Virtual Reality,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. (en-GB) « Virtual reality military weapons - Virtual Reality », Virtual Reality,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en-GB) Michael Rundle, « Death and violence 'too intense' in VR, developers admit », WIRED UK,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. Benoît Gagnon, « La violence dans les jeux vidéo et leurs effets : qu’en pensent les joueurs ? », Criminologie, vol. 45,‎ (ISSN 0316-0041 et 1492-1367, DOI 10.7202/1013723ar, lire en ligne, consulté le )
  6. (en-GB) The Committee Office, House of Lords, « House of Lords - Behaviour Change - Science and Technology Committee », sur www.publications.parliament.uk (consulté le )
  7. a b c et d (en) Michael Madary et Thomas K. Metzinger, « Real Virtuality: A Code of Ethical Conduct. Recommendations for Good Scientific Practice and the Consumers of VR-Technology », Virtual Environments,‎ , p. 3 (DOI 10.3389/frobt.2016.00003, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b (en) « The Proteus Effect | Health Games Research », sur www.healthgamesresearch.org (consulté le )
  9. a b et c (en) Ronald L. Sandler, Ethics and Emerging Technologies, Palgrave Macmillan, (ISBN 9781137235213, lire en ligne)