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Utilisateur:LangueurLettre/Brouillon

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Thématiques[modifier | modifier le code]

Les thématiques propres à l'oeuvre théâtrale de Marie Brassard sont issues d'une poétique de la dualité. C'est-à-dire que ses pièces sont imaginées et construites en fonction d'une ou de plusieurs tensions thématiques. Ainsi, elle souhaite abolir les frontières qui délimitent la réalité quotidienne. On peut donc parler d'un récit d'une incapacité[1] et d'un désir de transcender ce que la réalité empêche. Par le texte et la mise en scène, elle revisitera les conceptions déjà établies de l'identité personnelle afin de contrecarrer l'impuissance humaine.

L'inquiétante étrangeté[modifier | modifier le code]

Les textes de Marie Brassard mettent en scène une transparence thématique. C'est-à-dire que l'abstrait se superpose sur le concret et vice versa. C'est un dispositif qui permet de flouer les limites du réel et de l'imaginaire de sorte qu'ils s'imbriquent l'un dans l'autre jusqu'à la confusion. Le sentiment de l'inquiétante étrangeté[2] est donc provoqué par la présence d'éléments à la fois vérifiables et inexplicables, à la fois oniriques et réels. « Toutes les idées, même les plus rationnelles, possèdent une traînée qui fait appel à la fantaisie, à l'imagination ou à l'irrationnel. »[1] Dis Marie Brassard au sujet de ce qu'elle appellera une poétique de l'étonnement. C'est à la jonction entre l'hyperréalisme et le surréalisme que son oeuvre apparaît comme une hallucination qui n'aurait rien d'anodin. En effet, elle transforme le milieu intime du rêve en quelque chose de réel et de social.[3]

Poétique du vestige[4][modifier | modifier le code]

Les créations de Marie Brassard se construisent généralement autour de fragments artistiques, de documentaires ou de photographies qui existent déjà. Il y a donc nécessairement un emprunt à la culture qui entoure la créatrice au moment de se mettre à la rédaction de ses pièces; emprunt qui marque le caractère très post-moderne de son oeuvre. Ces emprunts permettent de faire jaillir les souvenirs et la mémoire essentielle à la construction d'un rêve autour d'une réalité. C'est par la poétique du vestige que Marie Brassard s'inscrit donc dans une actualité artistique vivante et revendique le rôle social et engagé de l'artiste. « De nos jours, s'affirmer comme artiste constitue un engagement politique. »[1] En effet, Marie Brassard désire que l'artiste ait droit à la reconnaissance sociale au même titre qu'un médecin ou qu'un avocat puisqu'il se sert de son langage pour mettre le monde sous les projecteurs. Son engagement social prend réellement le dessus dans sa pièce La noirceur[5] où elle dénonce l'embourgeoisement montréalais, la solitude urbaine et l’égoïsme contemporain.

Recherche de la vérité[modifier | modifier le code]

Une autre tension thématique omniprésente dans l'oeuvre de Marie Brassard oppose et converge en même temps la réalité et la fiction dans le texte. Avec cette tension, la créatrice est en constante recherche de la vérité; celle qui est au-delà des apparences, des conventions ou des suppositions. C'est en quelque sorte un paradoxe d'aller chercher le véridique dans l'imaginaire, mais selon Marie Brassard, c'est dans ces espaces personnels, dans le rêve, dans l'enfance statique, dans la solitude et dans la mort que les vérités universelles se cachent.[3]

Figures du double[modifier | modifier le code]

Le théâtre de Marie Brassard multiplie les personnages rêvés à l'intérieur d'une même personne physique. Avec une multitudes d'identités vocales et visuelles et avec des présences imaginaires, la thématique du double identitaire est alors centrale. Les spectateurs sont à la fois confrontés à des alter-ego, à des doubles, à des êtres oniriques, à des présences divines ou à des clones de l'actrice elle-même. Le point de vue du propos est alors fortement axé sur l'intériorisation de chacun de ces personnages: « Alors que je travaillais à l'écriture de la pièce, j'ai réalisé que je voulais écrire une pièce sur les rêves en empruntant un point de vue différent, où celui qui s'adresse à nous ne serait pas le rêveur, mais le rêvé. »[6]

Le désir[modifier | modifier le code]

À travers cette profusion de personnages, Marie Brassard joue dans les zones troubles du désir.[7] Chacune des identités, qu'elles soient réelles ou imaginées, ont le désir de quitter leur propre corps pour se réfugier dans leur intériorité, le désir d'effacer ce qui les sépare du reste du monde. En d'autres mots, les désirs chez ces personnages sont des aspirations inaccessibles en réalité, mais rendues possibles par le dispositif théâtral et la mise en scène.

La condition post-humaine[modifier | modifier le code]

Les identités rêvées de Marie Brassard sont représentées, la plupart du temps, comme des créatures de l'imaginaire, des créatures de rêve. Ils empruntent leur aspect physique et vocal de la condition artistique post-humaine. Ils sont donc représentés au-delà de leur corps et de leur voix par des prolongements d'eux-mêmes qui peuvent faire penser à la pièce de Marie Chouinard bODY_rEMIX/les_vaRIATIONS_gOLBERG[8] ; une chorégraphie dans laquelle les danseurs s'approprient plusieurs supports artificiels afin d'amplifier leurs mouvements et de modifier leur véritable apparence humaine.

Auto représentation[modifier | modifier le code]

Les solos de Marie Brassard s'inspirent, sans le cacher, de la vie de l'autrice. Ils sont fortement influencés par la matière autobiographique et, bien que ce soit de façon distordue, ils la mettent en scène. En effet, sa réalité personnelle est le point d'encrage de son oeuvre et sera la première préoccupation de son travail de création autant sur le plan de l'écriture que sur celui du jeu ou de la mise en scène.

Relation avec le public[modifier | modifier le code]

Selon Marie Brassard, c'est par la mise en scène de ses expériences personnelles qu'elle entretient une relation particulière avec le public. L'acte théâtral se complète en incluant les spectateurs dans cette auto représentation. Le théâtre est, selon elle, un acte de communication avant tout.[1] En adoptant un point de vue personnel sur le monde, elle illustre sur scène une réalité commune et c'est alors que le public peut s'identifier à quelque chose plutôt que de se le voir imposer. Ici aussi Marie Brassard s'inscrit dans un engagement artistique par la relation que son oeuvre entretient avec son public en faisant de l'intime quelque chose qui se partage et qui se vit.

Jonction identitaire[modifier | modifier le code]

L'auto représentation passe également par la convergence entre le personnage et l'actrice. La perméabilité des différences entre le personnage de fiction, le personnage de l'actrice et l'actrice elle-même se joue des codes de la représentations. Le même concept s'applique aux personnalités des personnages qui semblent appartenir à tous et à personne en même temps. Nous sommes donc en présence d'un décloisonnement personnel[3], d'un changement de regards sur le monde avec l'invention d'identités parallèles à la créatrice qui n'existeraient que par le songe ou la réflexion. L'unique figure stable à laquelle le public peut se rattacher est celle du corps sur scène, donc de l'artiste elle-même. En d'autres mots, Marie Brassard livre donc une performance auto fictionnelle dans laquelle elle se joue elle-même ainsi que toutes ses visions du monde.

Cette convergence identitaire est possible par l'emploi de la première personne. Ainsi, les personnages sont plus faciles d'approche et leur appropriation par l'autrice et par le public se fait d'elle-même. En effet, « le pronom "je" appartient à tous »[9], il passe tour à tour entre les mains de chacun des personnages en permettant une prise de parole multiple qui demeure intime et personnelle. « La première personne construit une manière d'espace transitionnel entre la réalité et la fiction, où tout ce qui se déroule est paradoxalement toujours imaginaire et toujours vrai. »[9] Avec l'utilisation de la première personne, Marie Brassard crée des boucles de mises en abyme où le caractère fictionnel de l'oeuvre est remis en question.

Monodrame et auto représentativité[modifier | modifier le code]

Le monodrame est un genre d'écriture dramatique contemporaine qui vise à transmettre aux spectateurs le plus justement possible l'intériorité du personnage en illustrant sur scène le monde tel que celui-ci le perçoit.[10] L'auto représentativité de Marie Brassard s'inscrit dans ce genre dramatique à travers les prises de parole des personnages et par ce que Gilbert David appelle « la poétique du corps parlant. »[7] C'est-à-dire la combinaison en une seule personne de toutes les fonctions scéniques principales, soit l'autrice, l'actrice et la metteure en scène. En incarnant toutes ces fonctions, Marie Brassard signe le pacte de l'autofiction avec le public; ainsi, dans le solo, il sera incontestablement question d'une auto représentation autant sur le plan du texte seul que de sa mise en scène.

Structure textuelle[modifier | modifier le code]

Processus d'écriture[modifier | modifier le code]

Certes, l'oeuvre de Marie Brassard relève de l'art performatif autant que du théâtre. Cependant, le texte préside toute forme de représentation et c'est par lui que ses pièces prennent tout leur sens.

Le souci de représenter la réalité le plus fidèlement possible chez Marie Brassard passe tout d'abord par la manière dont elle l'écrit. Afin de reconstituer les hésitations, les tournures de phrases et les tiques de langage qui appartiennent à l'oralité, elle écrit ses pièces en s'enregistrant d'abord et en retranscrivant l'extrait sonore ensuite. L'improvisation et la spontanéité de langage est alors à l'origine du sens et du rythme. De cette manière, il y a une transposition de la réalité sur papier à travers une écriture qui se veut dépouillée de toute intention de littérarité. Dans un sens, il serait adéquat de qualifier l'écriture de Marie Brassard d'anti-théâtrale, puisqu'elle dit s'opposer au travestissement de l'expérience humaine qu'impose le dispositif théâtral. « Donner cette impression de vérité semble presque contre-nature, opposé à l'artificialité fondamentale du véhicule dramatique. »[1]

Discours et parole[modifier | modifier le code]

Dans les œuvres en solo de Marie Brassard, les personnages naissent dans le texte d'abord par la parole. C'est-à-dire que leurs discours priment leur apparition physique. Cette caractéristique du texte amène des mises en abymes, des glissements narratifs et un type de dialogisme fictionnel[7]: le récit général entre en conversation avec les discours des personnages ou alors s’opère une convergence de tous les discours internes des identités présentes. Avec cette importance d'émergence accordée à la parole, le théâtre de Marie Brassard est donc un théâtre de l'écoute. Premièrement par le rôle de l’émettrice qui est en tout temps explicite et met de l'avant l'acte de communication que l'artiste désire avoir avec son public. Puis par le caractère plurivocal de ses pièces. C'est-à-dire par la diversité de prises de parole et par le langage technique (son, musique, éclairage) qui prend, en quelque sorte, la fonction d'un discours à part entière.

Le discours et la parole est également mis de l'avant par le processus formelle de l’antonomase. Les personnages n'ont pas de noms propres afin de soustraire leur individualité du texte et de laisser leurs discours et leurs regards prendre le dessus.

Mise en scène[modifier | modifier le code]

La pierre angulaire à l'origine de toute mise en scène chez Marie Brassard est le caractère hautement métathéâtral[3] de ces solos. La métathéâtralité est un terme introduit par Lionel Abel en 1963 pour désigner un dispositif théâtral qui se reconnaîtrait lui-même, par son propre langage, qui susciterait une réflexion ou créerait une distance critique par rapport à lui-même. En d'autres mots, la métathéâtralité c'est « dire qu'il y a du théâtre. »[11] Ainsi, le dispositif sur lequel repose le récit est très fragile, puisqu'il est conscient de lui-même. La métathéâtralité renforce l'auto représentation au profit de la fiction.

En tant que metteure en scène, Marie Brassard incorpore à ses pièces des éléments technologiques qui servent à illustrer le plus justement possible le monde onirique et fantastique qu'elle construit. Ses jeux de rêves et ses fabulations sur le fantasmes sont possibles notamment grâce à des distorsions vocales, des effets d’échos, des amplifications et des modifications des effets de présences.[12] C'est pourquoi son processus de mise en scène passe avant tout par une mise en voix.[7] Chacune des composantes de la scénographie agissent sur la mise en scène et sur le récit de façon autonome. En effet, elles ont leur propre langage et agissent seules sur l'action afin de déformer l'appareil scénique[13] et de fractionner la fiction en mondes contiguës. Par exemple, la perception des spectateurs dans Jimmy, créature de rêve sera dissociée alors que les composantes scéniques les force à percevoir et à entendre deux choses complètements différentes.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Saint-Pierre, Christian, Une oeuvre d’art en soi : Entretien avec Marie Brassard, Cahiers de théâtre Jeu inc, (OCLC 748617300, lire en ligne)
  2. Freud, Sigmund, 1856-1939., Das Unheimliche und andere Texte = L'inquiétante étrangeté et autres textes, Gallimard, (ISBN 2070413144 et 9782070413140, OCLC 47237062, lire en ligne)
  3. a b c et d David, Gilbert Fortin, Dominique, Mise en voix de l'intime : étude de cinq solos de Marie Brassard, Université de Montréal, (OCLC 969913431, lire en ligne)
  4. Philippe Manevy, « Lire Marie Brassard », Revue Spirale,‎ , p. 82-84 (ISSN 9782924359303[à vérifier : ISSN invalide])
  5. Marie Brassard, Jimmy, créature de rêve, La noirceur, peepshow, Québec, Les Herbes Rouges, , 146 p. (ISBN 9782894195543), p. 41-86
  6. Marie Brassard, Jimmy, créature de rêve, inédit, manuscrit, , p. 15 f.
  7. a b c et d Gilbert David, « Monodrame et performance autofictionnelle dans les créations en solo de Marie Brassard », Voix divergentes du théâtre québécois contemporain, no 47,‎ , p. 103–121 (ISSN 1923-0893 et 0827-0198, DOI 10.7202/1005618ar, lire en ligne, consulté le )
  8. « bODY_rEMIX/les_vARIATIONS... », sur compagnie marie chouinard (consulté le )
  9. a et b Hubier, Sébastien., Littératures intimes : les expressions du Moi, de l'autobiographie à l'autofiction, Colin, (ISBN 2200263333 et 9782200263331, OCLC 192057137, lire en ligne)
  10. (ru) Nicolas Evreinov, Introduction au monodrame, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, , p. 149-167
  11. Équipe de recherche Fabula, « métathéâtralité », sur Florence Dupont (consulté le )
  12. « Marie Brassard | De Jimmy à Nelly, un talent foudroyant », sur La Fabrique culturelle (consulté le )
  13. Sarrazac, Jean-Pierre., Jeux de Rêves et Autres Détours, Circé, (OCLC 1084430842, lire en ligne)