Utilisateur:Geuten/TraductionElOroDeMoscú04

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Le voyage et la réception à Moscou[modifier | modifier le code]

Le convoi pris le cap vers l'URSS, et la nuit du 2 novembre, Staline fut averti qu'étaient arrivés à Odessa trois bateaux chargés de l'or - le "Kursk" arrivait un jour plus tard suite à une avarie -, avec exactement 5 779 caisses de métal précieux. Un des collaborateurs du général de la GPU (es) Walter Krivitsky décrivait ainsi la scène extraordinaire dans le port russe :

« Toute la zone à proximité de docks fut évacuée et cernée par des cordons de troupes spéciales. A travers de cet espace vide entre les quais et les voies de chemin de fer, les plus grands chef de la GPU portaient les caisses d'or sur leur dos. Pendant plusieurs jours ils restèrent à transporter l'or et à l'envoyer à Moscou en convois armés. On essaya de me donner une idée de la quantité d'or qu'ils avaient déchargée à Odessa, pendant que nous nous marchions sur la grande Place rouge. On me montra l'étendue qui nous entouraient et on me dit : "Si toutes les caisses d'or que nous avons empilées sur les quais d'Odessa étaient mises ici l'une à côté de l'autre, elles auraient couvert complètement la Place rouge."[1] »

L'or, gardé par la 173ème régiment du NKVD, fut transféré immédiatement au Dépôt de l'Etat des Métaux précieux du Commissariat du Peuple pour les Finances (Gokhran) (équivalent au Ministère des Finances), à Moscou, où il fut reçu en qualité de dépôt de garantie en accord à un protocole, daté du 5 novembre, pour lequel fut nommée une commission de réception formée par les représentants du Commissaire aux Finances, J.V. Margoulis, directeur du service des métaux précieux, O.I. Kagan, directeur du service des devises, le représentant du Commissaire au Commerce extérieur et l'ambassadeur espagnol en Union soviétique, Marcelino Pascua[2]. L'or est arrivé dans la capitale soviétique un jour avant le 19ème anniversaire de la Révolution d'Octobre. Entre les 6 et 7 novembre eut lieu l'arrivée et la réception des caisses qui contenaient le métal précieux en accord avec "la déclaration verbale de l'ambassadeur de la République espagnole à Moscou (...) et des préposés de la Banque d'Espagne qui accompagnaient le convoi (...) (étant donné que) les caisses n'étaient pas numérotées ni accompagnées de documents qui en auraient indiqué la quantité, le poids ou la pureté du métal".[3] D'après Orlov, Staline a fêté l'arrivée de l'or par un banquet auquel assistèrent des membres du Bureau politique et il leur aurait dit : «Les Espagnols ne verront plus jamais leur or, comme non plus ne vienne leurs oreilles», expression tirée d'un proverbe russe[4].

L'or resta bien surveillé au Gokhran sous garde militaire, et entre le 9 et le 10 novembre 1936 arrivèrent les dernières 2 021 caisses, celles qui avaient voyagé avec le "Kursk", le protocole d'usage étant signé le 10. Ensuite, on procéda à l'examen d'un échantillon de 372 caisses qui devait servir pour rédiger l'acte de réception préliminaire, qui fut fait le 20 novembre. Puis on recompta la total du dépôt, travail pour lequel les quatre "porteurs de clefs" espagnols avaient prévu un an. Cependant, le recomptage, qui débuta le 5 décembre 1936, se termina le 24 janvier 1937, et fut malgré tout effectué avec un soin maximal. On ouvrit 15 571 sacs, contenant 16 classes distinctes de monnaies d'or : livres sterling (70%), pésétas espagnoles, francs français, monnaies autrichiennes, florins hollandais, francs suisses, pésos mexicains, pésos argentins, pésos chiliens et, évidement, une extraordinaire quantité de dollars US. Le dépôt complet se montait à 509 287,183 kilos d'or en monnaie et 792 346 kilos d'or en lingots et fractions : un total exact de 510 079 529,3 grammes d'or brut, qui pour un titrage moyen de 900 pour mille équivalait à 460 568 245,59 grammes d'or fin (quelques 14 807 363,8 onces troy). La valeur de cet or était de 1 592 851 910 pésétas-or (518 millions de dollars US)[5]. En outre, la valeur numismatique des monnaies était bien supérieure à l'or qu'elles contenaient, bien que les soviétiques ne calculèrent pas cette valeur et n'en tiendront pas compte[6]. Par contre, on prit un soin extraordinaire à énumérer les monnaies qui étaient fausses, défectueuses ou qui contenaient moins d'or qu'elles n'auraient dû. Les soviétiques n'ont jamais expliqué ce qu'ils ont fait des monnaies rares et anciennes, bien qu'il soit douteux qu'ils les aient refondues. Burnett Bolloten expose qu'il est possible qu'ils accaparèrent toutes les monnaies de valeur numismatique avec l'intention de les vendre progressivement sur la marché international[7].

La comptabilisation terminée, le 5 février 1937, l'ambassadeur espagnol et les responsables soviétiques G. F. Grinko, Commissaire des Finances, et N. N. Krestinsky, son adjoint pour les affaires extérieures, signèrent l'acte de réception définitif du dépôt de l'or espagnol, un document en français et en russe[8]. Le paragraphe 2, section 4 de ce document stipulait que le Gouvernement espagnol restait libre de réexporter ou de disposer de l'or, et le dernier point incluait une clause suivant laquelle les soviétiques ne prendraient aucune responsabilité pour l'usage du dépôt qu'en feraient les autorités républicaines. La dite clause établissait que "au cas où le Gouvernement de la République ordonnait l'exportation de l'or reçu en dépôt en URSS, ou dans le cas où il disposerait de celui-ci d'une autre façon, la responsabilité exprimée dans le présent acte par le Commissaire du Peuple pour les Finances sera réduite automatiquement, en tout ou en partie en proportion des dispositions du Gouvernement de la République espagnole". Il restait clair qu'il s'agissait d'un dépôt que la République pouvait utiliser librement, en l'exportant ou en l'aliénant, ce en quoi les autorités soviétiques n'assumeraient aucune responsabilité. On peut signaler que l'URSS enregistra l'Etat espagnol comme dépositaire titulaire, et non la Banque d'Espagne, son vrai propriétaire[9].

Lorsque le 15 janvier 1937 le périodique de la CNT Solidaridad Obrera dénonça "l'insensée idée d'envoyer les réserves d'or à l'étranger", l'agence gouvernementale Cosmos publia une note officieuse (20 janvier) affirmant que les réserves se trouvaient encore en Espagne[10]. Peu de temps après, les querelles entre les organisations anarchistes et du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste) avec le gouvernement de socialistes et de communistes se manifesteront par les (es) violences des journées de mai 1937[11], qui se termineront par la déroute des anarchistes.

Bientôt tous les intervenants dans l'affaire de l'or sortirent de scène. Stashevsky fut exécuté en 1937 et l'ambassadeur Rosenberg en 1938. Orlov, craignant d'être le suivant, pris la fuite la même année vers les Etats-Unis d'Amérique, à la réception d'un télégramme de Staline. Les Commissaires du Peuple aux Finances soviétiques, Grinko, Krestinsky, Margoulis et Kagan, furent exécutés le 15 mars 1938 ou disparaitront d'une manière ou l'autre, accusés d'appartenir au bloc «trotskiste de droite» antisoviétique. Dans un étalage de sarcasmes, Grinko fut accusé d'avoir commis des «tentatives pour saper la puissance financière de l'URSS». Les quatre fonctionnaires espagnols envoyés pour superviser l'opération furent retenus par Staline jusqu'en octobre 1938 et alors seulement ils furent autorisés à partir pour des endroits différents à l'étranger : Stockholm, Buenos Aires, Washington et Mexico, respectivement. Quant à l'ambassadeur espagnol, Marcelino Pascua, il fut nommé à Paris[12].

Test Références[modifier | modifier le code]

  1. Walter Krivitsky, In Stalin's Secret Service, pp. 112-13. Cité par: (Bolloten 1989: 270).
  2. (1897-1977) Docteur en médecine, membre du PSOE, directeur de la Santé en 1931. Nommé ambassadeur à Moscou puis à Paris. Après la guerre, professeur à la John Hopkins University (Baltimore). Connu pour ses travaux de biostatistique. Plus tard, fonctionnaire à l'Organisation mondiale de la Santé (Genève).
  3. Texte du protocole du 7 novembre.
  4. Congrès des Etats-Unis, Sénat, Scope of Soviet Activity, pp. 3431, 3433-34. Cité par : (Bolloten 1989: 280-1)
  5. Ce chiffre est celui qui est donné dans le dernier bilan de la Banque d'Espagne en tant qu'or sous la garde du Ministère de l'Hacienda.
  6. (Viñas 1976: 210)
    Notons qu'une vente importante de ces monnaies aurait fait chuter leur valeur numismatique vers leur valeur en or pur contenu.
  7. (Bolloten 1989: 270-1).
  8. (Olaya Morales 2004a: 294), (Viñas 1976:210)
  9. Original de l'acte dans les archives historiques de la Banque d'Espagne.
  10. (Olaya Morales 2004a: 296)
  11. Juan Eslava Galán, La jaula de grillos republicana / "Le panier de crabe républicain", chapitre de Una historia de la guerra civil que no va a gustar a nadie / "Une histoire de la guerre civile qui ne va plaire à personne", (ISBN 84-08-06511-4)
  12. (Bolloten 1989: 273), (Martínez Amutio 1974: 58) y (Prieto 1997: 130).