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Un bouc émissaire est un individu, un groupe, une organisation, etc. choisi(e) pour endosser une responsabilité ou une faute pour laquelle il/elle est, totalement ou partiellement, innocent(e).

En psychologie sociale, l'intérêt pour le phénomène du bouc émissaire a été très vivace dans les années 1930-40, lorsque Dollard a proposé sa théorie de la frustration-agression. Après avoir fait l'objet de nombreuses critiques, le phénomène a été revisité dans les années 60-70 avant de sombrer dans l'oubli. Plus récemment, un certain renouveau est observé avec les travaux de certains auteurs tels que Peter Glick et Zachary Rothschild.

Psychologie sociale : Modèles explicatifs du bouc émissaire[modifier | modifier le code]

La persistance du phénomène de bouc émissaire, initialement rituel, dans nos sociétés actuelles, sécularisées et rationnelles, pourrait surprendre [1] et les théories psycho-sociales ont suggéré diverses explications relatives à cette permanence.

Causes du phénomène de bouc émissaire[modifier | modifier le code]

Frustration[modifier | modifier le code]

C'est (en) John Dollard et ses collaborateurs qui en 1939 [2], ont élaboré une des premières théories concernant le phénomène du bouc-émissaire dans le domaine de la psychologie sociale: la théorie de la frustration-agression.

Pour conceptualiser cette théorie, Dollard (1939) s'est inspiré d'un concept développé par Sigmund Freud dans son livre Deuil et mélancolie (1917). En effet, celle-ci suggère que le blocage d’une atteinte au plaisir ou à l’expression d’une pulsion cause, chez la personne, de la frustration. Dans cette optique, cette frustration mène soit à un sentiment de culpabilité ou à de l’agression.

Dollard va utiliser cette théorie pour l'appliquer à des dynamiques présentes en psychologie sociale au travers de ses expériences, en reprenant la prémisse suivante: «l'agression est toujours une conséquence de la frustration[3]. La théorie va impliquer deux prédictions:

  1. «l’agression qui ne peut être dirigée directement sur l’agent frustrant sera déplacée vers une autre cible
  2. l’expression d’agression est cathartique, elle diminue la probabilité de futures agressions»[4]

L'agression est tournée de manière privilégiée vers la source de la frustration, mais si celle-ci est absente ou non accessible (hiérarchie), l'agression est déplacée vers un bouc-émissaire, la cible la plus facile (groupes minoritaires). Il dira également que l’agression peut être «ouverte» ou non (fantasmes, rêves), cela dépend des inhibitions du sujet et du contexte. Miller (1948) et Berkowitz (1962)[5] vont, un peu plus tard, mettre en avant ce concept à partir de la théorie de Dollard (1939) en disant que le sujet va déplacer l’agression sur une cible similaire à l’agent frustrant. Au plus elle lui ressemble, au plus les agressions lui seront dirigées. L’hostilité déplacée est une hostilité qui est dirigée vers une cible similaire à l’agent frustrant. Au plus on s’éloigne de la similarité avec la cible originale, au plus on rentre dans une hostilité généralisée. Selon eux, à l’origine de ces deux processus, il reste une même chose: le degré d’inhibition de sujet frustré quant à l’agression de l’agent frustrant[4].

La théorie, développée par Dollard (1939), a tenté d'englober les dimensions interpersonnelles et intergroupales mais la dernière est restée très minime sur le plan expérimental. Cela veut dire que dans beaucoup des recherches qui ont été faites, le phénomène a été étudié dans un contexte interpersonnel plutôt que dans un contexte où deux groupes sont concernés. Pourtant Dollard avait pour ambition de pouvoir l’appliquer au groupe.

D'après Leyens, J-P. et Yzerbyt, V. (1997)[6], les expériences de Dollard et ses collaborateurs en 1939 avaient démontrés un lien entre le lynchage des noirs américains et la courbe du prix du coton. La frustration lié à l'économie du coton provoquait une plus grande agressivité envers la minorité inoffensive que représentaient les esclaves noirs.

Cependant la théorie du bouc-émissaire telle que formulée par Dollard fut beaucoup critiquée et a été reformulée plus tard. Nombreux sont les auteurs qui l'ont remis en question. En effet, Bandura et Walters (1963)[4] en font partie. Ils ont émis des doutes quand au lien direct entre frustration et l’agression. Selon eux, la frustration ne mène pas forcément à l’agression et elle n’est pas une condition nécessaire à l’agression.

Plusieurs travaux ont tenté de le prouver. Michael Billig[4] les citent dans sa méta-analyse. En voici quelques uns:

  1. McCord, McCord et Howard (1961) [7] [4]ont montré que le simple fait d’être dans un contexte agressif, au travers d’un film par exemple, augmente l’agressivité des sujets.
  2. Un autre auteur, Buss (1961) [8] [4] explique que l’agression est utilisée comme un outil et est utilisé que sous certaines conditions et vers certains buts. Tout cela est appris au travers des processus de socialisation.
  3. Billig (1976) écrit que la théorie du bouc-émissaire reformulée par Berkowitz (1962) [9]semble insinuer que la vision de la théorie doit être plus large pour contenir l’exogroupe et ses particularités pour expliquer « pourquoi un groupe en particulier, par rapport à un autre, est choisi comme objet d’hostilité déplacée et dans quelles circonstances le phénomène de bouc-émissaire prendra ou ne prendra pas place »[4]

Conflit interne et projection d'états subjectifs[modifier | modifier le code]

La projection constitue un mécanisme inconscient d'attribution erronée de ses propres états (sentiments, intentions) à autrui[10] [1] et déni du fait que les états en question appartiennent à la personne[11] [1]. Dans le phénomène du bouc émissaire, la découverte d'aspects inacceptables par l'individu (ou le groupe) initie la projection de ces aspects sur d'autres personnes, qui sont ensuite punies pour la possession de ces traits négativement perçus[1]. En transférant ce "mal" sur le bouc émissaire, ce processus permettrait notamment de diminuer la dissonance cognitive consécutive à la découverte d'aspects contradictoires avec l'image de soi qu'entretient l'individu ou le groupe[12] [1].

Peur et Anxiété[modifier | modifier le code]

  • La peur d'un danger peut être gérée par l'attaque préventive de la source de la menace. Mais parfois la menace est mal appréhendée et la source de celle-ci mal identifiée. Ce qui détourne l'attaque préventive contre un ou des individus innocents devenant alors des bouc-émissaire. Ce fut le cas lors que la seconde guerre mondiale lorsque les japonais-américains furent enfermés dans des camps de relocalisation après l'attaque de Pearl Harbor. En effet, la peur des espions et terroristes a poussé à la suspicion de tout le groupe minoritaire Nippo-Américain[13].
  • L'anxiété est, quant à elle, une émotion plus diffuse mais également liée à l'insécurité. Afin d'atténuer cette émotion, un groupe minoritaire peut-être désigné comme étant un groupe dangereux, déloyal ou menaçant. Cette désignation permet d'expliquer et justifier une anxiété ressentie autrement inexplicable.

Culpabilité et sentiment de perte de contrôle[modifier | modifier le code]

Culpabilité[modifier | modifier le code]

Le déplacement de la culpabilité est la forme classique du phénomène de bouc-émissaire. Par un mécanisme de projection, le bouc-émissaire porte, pour d'autres, la responsabilité de fautes, de pensées ou de pulsions ressenties comme mauvaises[13]. Ce mécanisme permet au groupe ou à l'individu l'utilisant de maintenir un sentiment de moralité intact[14].

Sentiment de perte de contrôle[modifier | modifier le code]

Les individus ont besoin de maintenir le sentiment d'avoir un certain contrôle sur leur environnement[15] [16] [14]. Lorsque ce sentiment de contrôle est attaqué par un événement imprévu et qui semble avoir une origine inconnue ou extrêmement complexe (comme une épidémie ou une récession par exemple), les individus doivent trouver des stratégies de défense contre cette attaque[14].

Afin de comprendre et de simplifier la réalité, un bouc-émissaire peut-être désigné comme étant le responsable[14]. Les génocides, qui surviennent pendant des périodes de crises, peuvent en partie être expliqués par ce besoin désigner un coupable pour simplifier un réel trop complexe[17] [14]. Toujours afin de répondre à ce besoin de conserver un sentiment de contrôle, les individus sont naturellement attirés par des idéologies attribuant la responsabilité d'éléments perçus comme négatifs aux actions d'un groupe. Cette stratégie a l'avantage de proposer une solution facile aux problèmes : éliminer le bouc-émissaire[18].

Cette simplification, qu'Allport appelle le "tabloid thinking", permet donc "de maintenir une perception du monde comme étant stable, ordonnée et prévisible, plutôt que chaotique et dangereuse"[13].

Modèle à double dimension de Rothschild[modifier | modifier le code]

Un groupe choisit collectivement une cible pour porter la responsabilité d'un éléments négatif, afin de répondre à une motivation individuelle.

Dans son modèle à double dimension, Rothschild avance deux origines motivationnelles au phénomène de bouc émissaire: le besoin de conserver un sentiment de moralité, et le besoin de conserver un sentiment de contrôle.

  • Conservation du sentiment de moralité: un groupe peut déplacer la culpabilité sur un individu ou un autre groupe, lui attribuant la responsabilité d'un élément négatif, en conservant ainsi un sentiment de moralité.
  • Conservation du sentiment de contrôle: lors d'un événement négatif dont la cause est inconnue ou peu claire, un groupe peut choisir un bouc-émissaire pour porter la responsabilité de cet événement, et ainsi augmenter le sentiment de contrôle sur les événements[14].

Préjugé[modifier | modifier le code]

En 1948, Bodhan Zawadzki[19] reprend la théorie du phénomène de bouc-émissaire proposée par Dollard et ses collaborateurs (1939) et fournit quelques éléments supplémentaires. En effet, si la personne ne décharge pas cette frustration et l'accumule, cela peut laisser une marque invisible qui le rendra beaucoup plus rapidement agressif à la prochaine frustration. Il donne l'exemple des gens qui à force, ont un caractère hostile, amer et blâment le monde pour leur déception, leur échec et leur misère[19]. Quand cette hostilité est portée par un groupe, elle peut trouver dans les minorités une cible parfaite. En effet, un certain accord serait trouvé pour désigner un groupe minoritaire sans défense. De plus, selon l'auteur, c'est un phénomène qui renvoie à la tendance générale à ne pas aimer ce qui est étranger. Il met ça en rapport avec notre peur primitive.

Cependant, l'hostilité déplacée doit être justifiée parce que manifester de la haine sans raison porte atteinte à l'image du groupe ainsi qu'à ses valeurs morales et " intellectuelles "/ "rationnelles ". Quand ces justifications sont trouvées au moyen d'un processus psychologique de rationalisation, le groupe majoritaire peut mettre en place des comportements préjudiciables envers le groupe minoritaire.

Toutefois, Zawadzki perçoit quelques limitations à la théorie. En voici les principales:

  • Il considère cette théorie comme une théorie des pulsions où le préjugé est un phénomène causé par un processus émotionnelle interne plus qu'un réponse à un stimulus.
  • La théorie n'explique que le besoin mais pas le pourquoi.
  • La théorie ne tient pas compte du point de vue de la minorité. Elle explique le processus du point de vue du groupe majoritaire. Selon lui, les deux groupes impliqués dans le processus de bouc-émissaire, doivent être pris en considération pour avoir une bonne explication du phénomène.

En 1980, Aronson a proposé une théorie du déplacement de l'agression[Notes 1] qui postule que dans les situations difficiles où les individus ne peuvent exprimer directement leur frustration à l'égard de la véritable cause du problème, cette frustration sera déplacée sur certains groupes visibles, peu puissants et peu appréciés. Les préjugés entretenus à l'égard de ce groupe avant l'occurrence de la frustration vont guider la sélection des victimes[1].

Conformisme[modifier | modifier le code]

L'adhésion des individus d'un groupe à ce processus (sélection et attaque d'un bouc-émissaire) peut se faire par nécessité de se conformer au groupe, entre autre pour éviter d'être soi-même choisit comme bouc-émissaire.[13]

Evasion de responsabilité et besoin d'auto-préservation[modifier | modifier le code]

Dans le phénomène moderne de bouc émissaire, ce dernier peut être choisi de façon consciente par les persécuteurs qui tentent de dévier la responsabilité des actes qu'ils ont commis sur une cible.[1] La motivation principale du processus réside dans ce cas en un besoin d'auto-préservation. Par exemple, dans les cas où une organisation fait face à une crise importante (e.g., problèmes financiers), les plus hauts placés dans l'organisation sont mis sous pression d'assumer leur responsabilité et perçoivent de ce fait une menace à leur propre survie (ou à celle de leur poste, voire à l'image de l'organisation). Les réactions émotionnelles, telles que la peur ou la colère, associées à la perception de menace mènent à rechercher un bouc émissaire sur lequel la menace sera déviée. Les figures publiques se rendent compte en effet que celui qui sera pris pour responsable de la crise (i.e., le bouc émissaire) devra en subir les conséquences (perte d'emploi, disgrâce), sauf s'il parvient à dévier le blâme sur d'autres personnes à sa place. La peur (d'être puni, de perdre quelque chose d'important, de paraître ignorant ou incompétent, etc.) constitue donc, outre le besoin d'auto-préservation, un facteur important dans l'occurrence du phénomène.

De même, Kraupl-Taylor[1] a étudié le phénomène de bouc émissaire dans des groupes thérapeutiques et considère qu'il en existe de deux types:

  • Le bouc émissaire "purificateur"[Notes 2] correspond à la conception traditionnelle d'une victime sur laquelle le mal est transféré pour purifier un individu ou un groupe.
  • Le bouc émissaire "malfaiteur"[Notes 3] est un individu qui est puni pour de mauvais comportements. Dans ce cas, le mal est un comportement intentionnel et non un élément transférable à d'autres. Selon l'auteur, la punition du bouc émissaire est la motivation principale et répond à une tentative de la part des agresseurs d'échapper aux conséquences de leurs propres actions, ainsi qu'à une manière préventive d'empêcher la répétition future de ce comportement - que ce soit par les véritables coupables ou par d'autres membres du groupe. Par ailleurs, en sanctionnant ces personnes perçues comme totalement différentes d'eux-mêmes, les agresseurs peuvent se sentir moralement supérieurs. Dans les tous les cas, le processus a pour but d'assurer la survie de la majorité.

Aspects fonctionnels pour le groupe[modifier | modifier le code]

Lorsqu'un groupe fait face à une situation de crise apparemment insoluble par les moyens habituels, le recours à un bouc émissaire pour remettre sur lui la responsabilité des problèmes rencontrés constitue une manière pour le groupe d'assurer sa survie et son fonctionnement[10] [1]. Lorsque la majorité des membres d'un groupe s'engagent dans la persécution commune d'un bouc émissaire, cela leur permet d'augmenter leur unité et les liens créés en cette occasion peuvent ensuite former la base d'autres activités groupales.[20] [1] Cette motivation est désignée sous le terme de "résistance collaborative"[Notes 4]. Par ailleurs, la persécution d'un membre du groupe peut également être délibérée afin de permettre au groupe d'observer les réactions du leader face à cette agression et de déterminer, par ce biais, s'il est digne de confiance.[20] [1]

En ce sens, le phénomène du bouc émissaire est fonctionnel pour le groupe et peut être positif si ce dernier, tout en maintenant son existence, analyse les raisons qui l'ont amené à recourir au bouc émissaire afin d'appréhender différemment les prochaines crises.[1]. Toutefois, si cette analyse n'est pas réalisée, utiliser un bouc émissaire en temps de crise peut devenir ensuite une méthode routinière pour le groupe, qui ne tente plus de mettre à jour les véritables causes des problèmes et se concentre sur la recherche d'une cible adéquate à blâmer pour leur occurrence.[1]

Dans les familles, le recours à un bouc émissaire peut également constituer un moyen de conserver l'unité familiale lorsque les tensions sont très fortes et/ou les méthodes de gérer cette tension ne sont pas très efficaces.[21] [1] Les membres de la famille tentent de soulager la tension existante en rejetant le blâme sur l'un d'entre eux, généralement un enfant, qui est alors présenté comme émotionnellement perturbé et assume le rôle de patient. La focalisation sur le "patient" permet à la famille de maintenir son unité. Le processus peut se révéler fonctionnel puisqu'il permet une stabilité familiale, mais s'il se maintient sur le long-terme, il n'est pas sans conséquences pour l'enfant qui assume le rôle de bouc émissaire.[1].

Protection de l'estime de soi[modifier | modifier le code]

Pour Erving Goffman, les êtres humains sont des acteurs sociaux qui présentent une certaine image d'eux-mêmes aux autres et tentent de protéger cette image.[1] Lorsque d'autres techniques de protection ont échoué, Douglas[1] propose que les individus recourent au bouc émissaire pour protéger leur image de soi en déviant l'attention sur un autre qu'eux-mêmes. Le processus qui mène à prendre une personne pour bouc émissaire impliquerait donc de blâmer autrui pour des comportements qui, s'ils étaient attribués à l'individu, diminuerait l'estime de soi.[22] [1].

Un autre moyen de protéger l'estime de soi, par exemple lorsqu'un individu ressent un sentiment d'infériorité, est d'attaquer un autre perçu comme plus faible que soi afin de se convaincre de sa propre force. Ceci peut aussi se faire en s'associant à un groupe perçu comme fort par sa domination sur un autre groupe (par exemple des groupes de haine comme le Ku Klux Klan) [13]

Idéologie sociale[modifier | modifier le code]

Peter Glick [18] a proposé un modèle idéologique du bouc émissaire, en porte-à-faux avec les théories classiques dans lesquelles le phénomène est considéré essentiellement comme le résultat de processus psychodynamiques. Ce nouveau modèle se concentre sur l'explication de situations de persécution groupales, tel que l'Holocauste et identifie 4 conditions pour l'occurrence du phénomène:[18]

  • Lorsque des conditions de vie difficiles sont présentes dans une société (e.g., très haut taux de chômage), elles génèrent une frustration commune chez un grand nombre d'individus qui tentent de trouver des explications plausibles à ce qui leur arrive. Certaines explications seront culturellement et personnellement préférées (e.g., une idéologie qui met le blâme ailleurs que sur soi ou son groupe d'appartenance) et orienteront la recherche causale; de même que les stéréotypes préalablement entretenus dans la société en question à l'égard des groupes sociaux qui la composent.
  • Certains groupes peuvent alors être perçus comme la cause plausible de ce qui a lieu (e.g., le gouvernement blâmé pour la mise en place des politiques inefficaces, ou les immigrés blâmés pour le manque de ressources).
  • Une idéologie sociale existante ou nouvelle recevra du soutien si elle semble offrir une explication et des solutions potentielles à la situation. Si un grand nombre d'individus collectivement frustrés adhérent à cette idéologie (e.g., nazisme) et que cette dernière identifie par ailleurs un groupe social donné (e.g., les juifs) comme responsable de ce qui arrive, il sera alors susceptible d'être la cible de beaucoup d'hostilité et de devenir le bouc émissaire.
  • Enfin, pour que ce groupe identifié soit persécuté, l'idéologie doit promouvoir l'agression envers lui comme la solution nécessaire à la résolution des problèmes.

Selon l'auteur, ce modèle permet de comprendre l'Holocauste ainsi que d'autres situations, telles que le génocide arménien, le génocide rwandais, les violences anti-chinoises en Indonésie ou encore, les agressions commises par les serbes en Bosnie et au Kosovo. Le modèle permettrait également de prédire quels groupes sont susceptibles d'être pris pour boucs émissaires dans les pays ou les sociétés en proie aujourd'hui à certains problèmes sociaux et économiques.[18]

Tableau récapitulatif des différents modèles[modifier | modifier le code]


Le bouc émissaire[modifier | modifier le code]

Sélection du bouc émissaire[modifier | modifier le code]

Différence[modifier | modifier le code]

Un des facteurs cruciaux qui guide le choix du bouc émissaire est la présence d'une différence perçue par rapport aux agresseurs. [1] Il s'agirait le plus souvent de différences de magnitude: le bouc émissaire possède certaines caractéristiques en plus ou en moins que ses agresseurs. [1] Dans les petits groupes ou les familles dans lesquels les membres sont très visibles les uns pour les autres, la différence est d'autant plus facilement remarquée et servira de base à la sélection. [1]

Les victimes peuvent être sélectionnées sur la base de différences ethniques ou culturelles visibles, surtout si elles attirent l'attention de individus dotés d'une personnalité autoritaire.[23] [1] Les préjugés peuvent également ajouter au poids des différences visibles: lorsque la différence ethnique de certains membres dans le groupe se double d'attentes particulières à leur égard, ces personnes peuvent devenir une cible facile au sein du groupe.[1]

Toutefois, même dans des groupes dont les membres sont de la même origine ethnique et du même sexe, le phénomène de bouc émissaire peut avoir lieu car tout différence perçue, même définie sur base du critère le plus trivial (e.g., couleur de cheveux) peut être suffisante pour l'initier. [1]

Antipathie[modifier | modifier le code]

Certains auteurs ont proposé que la sélection d'un individu comme bouc émissaire est initié par l'antipathie ressentie envers cet individu ou ce groupe. [24] [1] Les préjugés entretenus préalablement par les agresseurs ou toute différence perçue comme irritante (et/ou menaçante) sont suffisants pour provoquer cette aversion; indépendamment de ses causes premières. Toutefois, selon ces auteurs, un individu ou un groupe perçu comme antipathique deviendra bouc émissaire uniquement si la société traverse une crise importante qui génère de la frustration chez la majorité. Celle-ci sélectionnera alors le groupe (ou l'individu) le moins aimé pour déplacer sur lui sa frustration et le blâmer de ce qui a lieu. [1]

Par exemple, Carl Hovland et Robert Sears ont trouvé une corrélation négative entre les prix du coton (indicateur de prospérité) dans 14 Etats des U.S.A. et le taux de lynchage des Noirs entre 1882 et 1930: plus les conditions économiques étaient mauvaises (donc plus le prix du coton diminuait), et plus le nombre de victimes augmentait. Les résultats ont été interprétés comme le fait que la population, frustrée par les conditions économiques, reportait son agressivité sur un groupe-bouc émissaire, les Noirs, envers lequel étaient préalablement entretenues des attitudes négatives.[6]

Disponibilité et proximité[modifier | modifier le code]

Le bouc émissaire est souvent une personne qui est connue de ses agresseurs et qui n'en est pas physiquement éloignée, ce qui signifie que tous partagent le même espace (au sein d'un groupe ou d'une société) pendant un temps relativement long[1]. Cette connaissance préalable de la victime est nécessaire pour que l'agresseur puisse, dans les cas où il tente de soulager une frustration, être relativement certain que la personne choisie ne va pas se défendre et l'attaquer; une perspective qui risque d'augmenter encore sa frustration initiale. Par ailleurs, dans les cas où l'agresseur cherche à échapper au blâme et le dévie délibérément sur un autre individu, il est également important que la victime désignée soit perçue par les autres membres du groupe comme une cause plausible de ce qui a eu lieu. Enfin, dans les cas où ce sont des comportements ou des attributs de la victime qui entraînent sa sélection, l'agresseur ne peut avoir remarqué ces traits qu'en côtoyant le futur bouc émissaire de façon relativement proche. Dans tous les cas, il est donc nécessaire que la victime et l'agresseur soient physiquement proches et que ce dernier ait une certaine connaissance de la première.

Selon Douglas[1], il existe toutefois des exceptions à ce schéma. Parfois, un groupe ou un individu étranger à une communauté est pris pour cible dès son arrivée dans l'espace commun (e.g., pays, organisation, etc.). Ici le critère de proximité est rempli mais la connaissance des victimes est uniquement basée sur l'impression immédiate qu'en ont eu les agresseurs ou, éventuellement, de la réputation qui précède ces personnes. Enfin, certains individus semblent constamment pris pour boucs émissaires dans des contextes différents (e.g., école, travail, etc.). L'hypothèse qu'émet Douglas[1] à ce sujet postule que ce sont leurs comportements ou leur apparence qui les rendent éligibles à ce rôle. Il est également possible que ces personnes, ayant été victimisées par le passé, ont développé des attentes en ce sens et en viennent à accepter le rôle de bouc émissaire comme part intégrante de leur existence.

Manque de pouvoir social et comportements déviants[modifier | modifier le code]

Selon Douglas[1], en particulier dans les théories qui postulent un déplacement de l'agression, le bouc émissaire est souvent quelqu'un perçu comme peu puissant. En effet, ces théories proposent qu'en cas de frustration à l'égard d'une personne puissante, l'individu (ou le groupe) en colère mais craignant les représailles va déplacer cette frustration sur une personne perçue comme quelqu'un de faible et de peu susceptible de se défendre. Par exemple, un employé qui fait l'objet de remontrances de la part de son chef mais ne peut exprimer sa colère de peur de perdre son emploi pourra ensuite décharger cette tension sur un subalterne, lequel se retrouve dans une position similaire à celle qu'à connue précédemment son supérieur. De même, certains membres au sein d'un groupe peuvent ressentir de la colère vis-à-vis du leader pour un échec mais, craignant de s'en prendre directement à lui, ils déplacent leur frustration sur un individu faible du groupe qu'ils blâment de ce qui a eu lieu.

Le manque de pouvoir social peut s'exprimer de différentes façons: la victime paraît peu susceptible de résister à ce rôle de bouc émissaire ou de contre-attaquer,[19] dépend de l'agresseur[19] (e.g., comme dans l'exemple du subalterne ci-dessus), n'a que peu d'influence sur ses pairs [1] et se montre peu compétente dans les tâches groupales[1]. Souvent, le bouc émissaire est sélectionné parmi les membres qui se trouvent à la périphérie du groupe et ont un statut marginal: ils sont isolés, n'ont pas de compétences particulières et leur opinion n'est pas prise en compte par les autres. Ces membres marginaux sont tolérés essentiellement parce que le groupe sait qu'en leur absence, d'autres devront prendre leur place[1]. Il existerait cependant un recouvrement entre les critères qui indiquent le manque de statut social et ceux qui engendrent de l'antipathie; les deux critères ne peuvent donc être clairement dissociés[1].

Toutefois, cette hypothèse d'une sélection sur base d'une faiblesse perçue a été remise en question[24] [1]. En effet, le bouc émissaire peut parfois être le leader du groupe, donc le membre le plus puissant en son sein, notamment s'il est perçu comme la cause des problèmes rencontrés ou comme la personne censée les sortir de cette crise. Pour certains auteurs, le bouc émissaire est prioritairement un individu déviant de la norme sociale. [23] [14] Or, ce statut de déviant, qui permet au groupe de maintenir un équilibre, serait égal à celui des leaders de haut statut [25] [1], ce qui semble indiquer que le bouc émissaire n'est pas toujours un individu à faible pouvoir social.

Par ailleurs, le fait de s'en prendre à un membre puissant du groupe a quelque chose de valorisant pour les agresseurs qui, tout en déchargeant leur frustration sur le bouc émissaire, renflouent leur estime d'eux-mêmes mise à mal par l'événement frustrant. [24] [1] De même, Glick[18] propose que, dans les cas de frustration partagée par une grande partie de la population, le bouc émissaire est toujours un groupe considéré comme puissant: des intentions malveillantes lui sont attribuées ainsi que le potentiel de causer les torts dont il est accusé. Ces représentations du bouc émissaire dériveraient essentiellement des stéréotypes et préjugés qui ont cours dans la société en question.[18]

Congruence entre attribut et le problème du groupe[modifier | modifier le code]

Selon Johnson[10] [1], même si la sélection du bouc émissaire paraît être effectuée sur base de facteurs non rationnels, « elle n'est jamais aléatoire, il existe toujours au moins un lien symbolique entre la victime et la frustration [ressentie par] des agresseurs »[Notes 5]

Caractéristiques personnelles[modifier | modifier le code]

La plupart des auteurs s'accordent en général sur des critères relatifs à la perception de la victime par ses agresseurs, et non sur les "véritables" attributs que posséderait le bouc émissaire. Certaines caractéristiques personnelles ont toutefois été mises en évidence dans la littérature - même s'il est sans doute nécessaire de demeurer prudent dans le traitement de ces données qui sont peu nombreuses, très contextualisées (dans des groupes thérapeutiques ou certains groupes de jeunes aux Etats-Unis), et essentiellement corrélationnelles. Autrement dit, aucun lien de causalité ne peut être déterminé: est-ce que les personnes ont été choisies sur base de ces caractéristiques, ou ont-elles développées ces caractéristiques suite à leur victimisation?[1]

Douglas[1] a réuni des données de différents auteurs qui ont étudié le phénomène dans des groupes d'adolescents et d'adultes aux U.S.A. et il cite les caractéristiques individuelles suivantes chez les boucs émissaires:

« 

  • Provocants, très anxieux, possèdent des maniérismes irritants ou supérieurs, et semblent insinuer qu'ils en savent plus que les autres
  • Mieux nantis et en font étalage
  • Paraissent plus vertueux
  • Ont des intérêts différents des autres membres du groupe
  • N'acceptent pas les valeurs du groupe
  • Sont les plus malades ou les plus faibles
  • Incapacité à gérer l'agression par autrui
  • Mode passif ou masochiste
  • Incapacité à gérer ses propres sentiments de colère
  • Tendance à être accablés par la culpabilité
  • Besoin de rechercher le rejet, le ridicule et la punition
  • A une identité sexuelle confuse
  • Produit un comportement de recherche d'attention
  • Apparaît comme ayant des pulsions agressives pauvrement organisées ou insuffisantes
  • A une différence perceptible et évidente
  • Exprime une ambivalence marquée envers les membres les plus aimés du groupe  »

— Tom Douglas, 1995, p.142

Conséquences du processus du bouc émissaire[modifier | modifier le code]

Impacts psychologiques[modifier | modifier le code]

Dans les familles, le fait que le processus soit fonctionnel en permettant une certaine stabilité familiale signifie que le phénomène peut se maintenir sur le long-terme au détriment du bouc émissaire (généralement, un enfant). En effet, Bell et Vogel[21] [1] mettent en évidence que les enfants choisis comme boucs émissaires sont la proies de tensions psychiques très fortes. Selon les auteurs, les "agresseurs" se rendent instinctivement compte que le fait de devenir bouc émissaire handicapera la victime et qu'il est donc nécessaire de choisir un individu dont la contribution à la famille est faible et/ou dont il sera possible pour un autre membre de la famille de prendre en charge ses tâches.[1] Par ailleurs, le phénomène est à double tranchant et les "agresseurs" éprouvent généralement beaucoup de culpabilité, surtout en raison de leur attitude ambivalente à l'égard de la victime: ils ressentent du désespoir et de la colère envers son comportement tout en renforçant ce dernier par des encouragements implicites.[1]

De même, lorsque le bouc émissaire est délibérément choisi pour dévier la responsabilité de certains membres d'un groupe ou pour conserver l'image de l'organisation, la victime fait face à des conséquences plus ou moins importantes (e.g., perte d'emploi, disgrâce).[1]

Enfin, suite à des persécutions répétées, certains en viennent à considérer qu'il est inévitable pour eux d'assumer ce rôle, qu'il fait partie intégrante de leur existence. [1] Ils s'attendent à être pris pour boucs émissaires où qu'ils aillent et s'exposent ainsi à des processus tels que la prophétie autoréalisatrice.

Réactions possibles de la victime[modifier | modifier le code]

Alors que, dans le rituel traditionnel, la victime était généralement tuée ou exilée après avoir été choisie comme bouc émissaire, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le phénomène a donc pris une nouvelle forme où les victimes, une fois sacrifiées pour la faute que d'autres ont commis ou pour les échecs du groupe, peuvent revenir ensuite pour demander réparation.[1]

Pour se défendre, le bouc-émissaire émissaire peut faire appel à la loi (comme c'est le cas des procès après des génocides), par la politique comme c'est le cas avec les Commissions de vérité et de réconciliation, ou encore par l'art comme l'a fait Picasso avec sa peinture "Guernica".[26]

Par exemple, certaines personnes incarcérées pendant des années ont été ensuite trouvées innocentes des crimes dont elles étaient accusées. Selon Douglas[1], ces erreurs judiciaires peuvent être interprétées comme un phénomène de bouc émissaire moderne. En effet, les crimes commis dans ce genre de cas concernent généralement des actes violents, qui choquent l'opinion publique, laquelle met la pression sur les forces de l'ordre pour trouver les coupables. Puisqu'il est plus facile de trouver des suspects que des preuves irréfutables de leur culpabilité, une personne peut être choisie selon les mêmes critères utilisés pour sélectionner tout autre bouc émissaire (e.g., différence, antipathie, disponibilité etc.). En ce sens, le phénomène actuel du bouc émissaire a la capacité de s'auto-perpétuer une fois initié, car la victime qui revient demander justice pour les torts commis à son encontre peut ré-enclencher tout le processus.[1] Dans l'exemple de l'erreur judiciaire, l'inspecteur de police en charge de l'affaire pourra être rétrogradé ou contraint de démissionner pour dévier le blâme et calmer les esprits, devenant ainsi le nouveau bouc émissaire.

Il est par ailleurs attendu du leader qu'il assume « la responsabilité symbolique en cas d'échec afin que la recherche de qui ou quoi est véritablement responsable ne détruise pas l'image publique de l'organisation »[Notes 6]. Aussi, dans une organisation en crise où plusieurs personnes occupent des postes à haute responsabilité, celles-ci risquent de se voir blâmées pour la situation et sont conscientes de se trouver dans une position de vulnérabilité. De façon préventive, ces personnes peuvent commencer alors à s'accuser les unes les autres pour s'assurer que nul ne sera le seul à porter l'entièreté de la responsabilité.[1]

Enfin, dans certains cas, les deux parties peuvent conclure un marché (implicite ou explicite). La victime accepte alors le rôle de bouc émissaire et les pertes associées (e.g., en termes de prestige ou de perspectives de promotion) mais tout en gagnant quelque chose en échange (e.g., la liberté d'aller ailleurs ou de changer d'alliance).[1]

Interventions possibles[modifier | modifier le code]

Avant de tenter une résolution, la première chose à faire est de s'assurer qu'on se trouve bien dans une situation de bouc-émissaire. C'est à dire que la victime est bien innocente, au moins en partie, de ce dont elle est tenue pour responsable. [1]

Réactions possibles des leaders[modifier | modifier le code]

Les leaders d'un groupe peuvent avoir, spontanément ou non, plusieurs réactions possibles. Garland et Kolodny[27] ont donné une liste des interventions pouvant être prises par les leaders pour enrayer le phénomène de bouc-émissaire:

  • La composition du groupe est modifiée
  • Des informations sur la situation sont données au groupe
  • Le bouc-émissaire est protégé par le leader
  • Une diversion est créée
  • Tentative de réduction des interactions
  • Une possibilité est donnée au groupe de décharger son hostilité
  • Recherche des motivations derrière le phénomène de bouc-émissaire
  • Tentative de faire le groupe se concentrer sur les aspects positif qu'a le bouc-émissaire pour le groupe
  • Demander au groupe d'exercer un contrôle sur les comportements déplaisant du bouc-émissaire sans pour autant l'exclure.
  • En utilisant des jeux de rôles pour que les membres du groupe prennent conscience de ce qu'il se passe
  • Retirer le bouc-émissaire du groupe

Niveaux d'intervention[modifier | modifier le code]

La résolution du phénomène de bouc-émissaire peut être approchée autant au niveau individuel (en se concentrant sur la victime) qu'au niveau groupal (en se concentrant sur le groupe mettant en place le phénomène). L'idéal étant d'intervenir aux deux niveaux à la fois. On peut aussi s'intéresser au processus lui-même.[1] [28]

Niveau groupal[modifier | modifier le code]
Psycho-éducation[modifier | modifier le code]

Le groupe doit comprendre dans quelle dynamique il se trouve, et doit reconnaître qu'un bouc-émissaire a été désigné (et qu'il est donc totalement, ou en partie, innocent).[1]

Reconnaissance[modifier | modifier le code]
  • Reconnaissance des causes du phénomène

Il faut comprendre pourquoi un bouc-émissaire a été choisi, pourquoi le groupe a préféré avoir recours à ce phénomène plutôt que d'affronter les réelles sources de la tension. [1] [29] [30] Le groupe doit également comprendre pourquoi il a choisit telle victime plutôt qu'une autre et être éduqué au concept de stéréotype qui joue un rôle dans cette sélection. [30]

Il est très difficile pour le groupe de reconnaître qu'il est impliqué dans un processus de bouc-émissaire, car il est difficile de faire la distinction entre les causes rationnelles et irrationnelles qui mènent à la sélection d'un responsable des tensions vécues dans le groupe. [1]

Les causes réelles ne sont pas toujours saisissables. Pour Feldman et Wodarski, il vaut donc mieux se concentrer sur l'ici et maintenant du groupe. On peut, par exemple, s'intéresser à comment la victime et le groupe considèrent le problème. "Ainsi, la nature dynamique de ces forces sociales impliquée dans le phénomène de bouc-émissaire deviendra apparente" [31].

  • Reconnaissance des émotions impliquées

Ken Heap propose de se concentrer sur les émotions en apportant au groupe un "support actif" et une "acceptation totale" de ses émotions et pulsions. Il faut donc pour cela faire ressortir les émotions présentes dans le groupe et éduquer le groupe sur le pouvoir qu'ont ces émotions. Il faut aussi faire prendre conscience aux membres du groupe que la relation entre un stimulus émotionnel et une réponse comportementale n'est pas figée pour toujours et qu'il est possible de la modifier. [32] [1]

Niveau individuel[modifier | modifier le code]
  • Recherche d'information sur la victime

Pour Feldman et Wodarski [31], il faut s'intéresser à l'ici et maintenant. La recherche d'information sur la victime, préalable à une intervention, consiste à s'intéresser à ses réactions face à sa sélection en tant que bouc-émissaire, à ce qui peut être pertinent dans son histoire (famille, écoles, emplois, etc), et à ses traits de personnalité et ses comportements pouvant constituer un terrain propice à être sélectionné comme bouc-émissaire. Il faut aussi s'intéresser au statut et au rôle que le bouc-émissaire a dans le groupe.

  • Ecarter la victime

Ecarter la victime permet au groupe de prendre du recul sur la situation et d'apprendre à gérer ses tensions et ses problèmes sans avoir recours au bouc-émissaire. [29] Mais cette solution ne permet pas au groupe de comprendre pourquoi un bouc-émissaire était nécessaire au départ et le groupe risque de trouver un autre bouc-émissaire parmi ses membres ou parmi des individus proches de lui. [1]

  • Reconnaissance par la victime

Faire prendre conscience à la victime de ses besoins et en particulier dans son besoin d'être considérée comme mauvais ou sans valeur. [29]

Processus[modifier | modifier le code]
  • Attention portée à l'apparition de bouc-émissaire

"Il faudrait essayer d'empêcher certain membre du groupe d'être bloqués dans de tels rôles dès les premières réunions, car il est difficile de retirer une étiquette de déviant une fois qu'elle a été attribuée" [33]

L'intervention au niveau du processus peut se faire dès le début du groupe en prévenant celui-ci de l'existence de ce phénomène et de sa forte probabilité d'apparition. Elle peut aussi avoir lieu dès le début du phénomène en faisant immédiatement prendre conscience au groupe ce qu'il est en train de se passer afin de ne pas laisser les rôles s'installer de cette manière. On peut alors demander au groupe "Qu'est-ce que vous pensez que vous essayer de faire en agissant de cette manière?". Cependant, demander "Pourquoi faites-vous cela à X" n'a que peu d'intérêt. [33]

  • Les 5 principes de Cowger: [34]
  1. Confronter le bouc-émissaire et le groupe avec leurs comportements
  2. Eviter une situation de "gagnant-perdant": si le bouc-emissaire quitte son rôle, le groupe implose, et si le groupe conserve son fonctionnement, le bouc-émissaire est blessé. Il faut donc rester souple dans son intervention pour conserver l'équilibre entre ces deux possibles.
  3. L'intervenant doit faire attention à maintenir une relation avec chaque membre du groupe car ce phénomène concerne le groupe dans son ensemble, et pas uniquement ceux qui y semblent impliqués.
  4. Le processus doit être expliqué et clarifié pour le groupe.
  5. Des règles de base doivent être décidées et des normes développées au sein du groupe.

Concepts liés[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. "Scapegoat Theory of Prejudice"
  2. "Purifying Scapegoat"; dans Douglas, T. (1995). Chap.4, p.63.
  3. "Malefactor Scapegoat"; dans Douglas, T. (1995). Chap.4, p.63.
  4. "collaborative resistance"; dans Douglas, T. (1995). Chap.7, p. 133.
  5. « [I]t is never random, there being at least a symbolic connection between the victim and the frustration of the scapegoaters. » Douglas, 1995, chap.7, p.133.
  6. «[O]ne of the responsibilities of leadership is to accept symbolic responsibility for failure, so that the search for whoever or whatever may have been truly responsible does not destroy the public image of the organisation.»; Douglas, 1995, chap. 6, p.94.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al am an ao ap aq ar as at au av aw ax ay az ba bb bc bd et be Douglas, T. (1995). Scapegoats: transferring blame. London: Routledge. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Douglas » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  2. Dollard, J., Doob, L., Miller, N., Mowrer, O., & Sears, R. (1939). Frustration and aggression. New Haven, CT: Yale University Press. cal Review, 48, 364-366.
  3. Dollard, J., Doob, L., Miller, N., Mowrer, O., & Sears, R. (1939). Frustration and aggression. New Haven, CT: Yale University Press. cal Review, 48, 364-366
  4. a b c d e f et g Billig, M.,Social psychology and intergroup relations, Academic Press (European Monographs in Social Psychology), 1976 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Billig » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  5. Berkowitz, L., Frustration-Aggression Hypothesis: Examination and Reformulation , Psychological Bulletin, 1989, p. 59-73.
  6. a et b Psychologie Sociale, Editions Mardaga, 1997, p.299
  7. McCord, W.; McCord, Joan; Howard, A. Familial correlates of aggression in nondelinquent male children.The Journal of Abnormal and Social Psychology, Vol 62(1), Jan 1961, 79-93. doi: 10.1037/h0045211
  8. Buss, A. H. The Psychology of aggression, New York: Wiley, 1961
  9. Berkowitz L (1962), Aggression: A Social Psychological Analysis. New York: McGraw-Hill
  10. a b et c Johnson, H. (1961). Sociology: A Systematic Introduction. London: Routledge & Kegan Paul.
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  15. Bandura, Albert. Self-efficacy: toward a unifying theory of behavioral change. Psychological review, 1977, vol. 84, no 2, p. 191.
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