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Utilisateur:Cepvdqa/Brouillon

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La Belgique, pays de vins, vignes et vignobles, d’hier et d’aujourd’hui

Depuis plus de 125 ans et le travail de Joseph Halkin, en 1895, basé sur la toponymie et les sources écrites de la fin du XIXe siècle, aucune publication n’a proposé une approche globale de l’histoire de la vigne en Belgique. Une étude récente (à paraitre) vous fera découvrir de nombreux aspects méconnus de notre histoire viticole. Même les plus érudits y trouveront nombre d’informations qui n’avaient jamais été publiées !

Le vin belge a le vent en poupe. On en produit de plus en plus, les vignobles se visitent, organisent des activités festives. En 2023, deux guides sont consacrés aux vins belges  ! La superficie du vignoble belge est passée en moins de 15 ans d’une centaine d’hectares à plus de 800 ha fin 2022 ; la viticulture a littéralement explosé en Belgique. À l’heure des changements climatiques, faut-il y voir une opportunité de reconversion ? À moins que l’Histoire ne nous rattrape ? Des vignes dans nos régions, il y en a eu partout, mais il y a longtemps…

Découvrons le renouveau des vignobles avant de retourner au Moyen Âge.

La renaissance du vignoble belge fin du XXe siècle

La renaissance est timide. C’est à Torgny, surnommé la Provence belge, que des naturalistes, ayant observé des espèces méridionales, tentent la culture des cépages nobles (ou vinifera). En 1955, ils plantent 750 pieds de Müller-Thurgau (Rivaner au Luxembourg) dont il ne restera que 300 pieds ayant survécu à l’hiver 1956 ! Heureusement, cet hiver exceptionnellement froid ne s’est plus reproduit par la suite. Cependant, la suite des plantations ne put se faire qu’en 1958 pour atteindre 3 000 pieds (les plants avaient aussi gelé chez les pépiniéristes en 1956). Ce fut l’hiver du siècle et le dernier dont le froid fut dommageable aux vignes. Entre la première plantation du clos de la Zolette et sa suite trois ans plus tard, la culture se modernise : le traditionnel échalas des bords de Meuse est remplacé par une culture palissée, sur fils, comme au Luxembourg. Ce vignoble à la frontière de la Lorraine française a eu sa célébrité jusque dans les années 1980 lorsque son vigneron, Georges Petit, fit de celui-ci un lieu touristique, vendant trois fois plus de vin censé être local que ce que ses vignes pouvaient produire…


1963 Les vignobles de la refondation

La viticulture renait en 1963 suite à la plantation de deux vignobles : l’un flamand, à Borgloon (Looz) et l’autre wallon, à Huy. Il n’y eut aucune concertation entre le Limbourgeois Jan Bellefroid et le Hutois Charles Legot. Comme à Torgny, ce sont des cépages allemands précoces qui sont plantés… Le hasard veut que ces années correspondent au début du réchauffement climatique. Ces vignobles ont prospéré et existent toujours…

L’ère du renouveau de la viticulture s’amorce lentement. En 1965, quelques vignerons amateurs créent l’association des Cordeliers de Saint-Vincent, qui permet la rencontre et les échanges entre vignerons amateurs. Deux de ses membres ont joué un rôle important dans le développement des vignobles belges à la fin du XXe siècle.

Les pionniers

Le flamand Jan Bellefroid, de Borgloon, mettra son expérience au service des vignerons tant flamands que francophones. Son exemple sera suivi par la plantation de plus de vingt vignobles au Limbourg et en Brabant flamand dont les vins sont commercialisés. Ainsi, le sénateur Jos Daems devient vigneron en 1971 et sera à l’origine de la création de la première appellation contrôlée de Belgique : « Hageland ». Le plus grand vignoble flamand, Genoels Elderen bénéficiera des conseils de Jan Bellefroid.


Au sud du pays, en 1972, est créé un vignoble d’un hectare sur le terril d’Herlaimont, il sera pendant vingt ans le plus grand vignoble wallon.


Début des années 1980, Charles Henry, de Seraing, exploite plusieurs vignobles et expérimente de nombreuses variétés de vignes qu’il reproduit par ailleurs. Il organise expositions et conférences sur la vigne, et son charisme convainc de nombreux Wallons à planter la vigne. Il a inspiré le domaine de Mellemont (en 1994) qui sera le plus grand vignoble commercial wallon jusqu’en 2005.


Dans les années 1970 et 1980, le Hutois Charles Legot est suivi par quelques autres néo-vignerons avec lesquels il relança la Société Horticole et Viticole de Huy. Une Journée des vignerons avec une grande paulée (repas d’après vendange en Bourgogne) est organisée à Huy le 9 août 1992 et réunit les vignerons wallons.


Dans les années 1990, de grands vignobles sont plantés en Flandre, comme Chardonnay Meerdael en 1994 qui mise sur les vins mousseux.

Une autre viticulture se crée à Tirlemont en 1993 où Hugo Bernar veut produire des vins bio dans son vignoble de 70 ares. Cela l’amènera à planter des cépages résistants aux maladies (qualifiés aussi d’interspécifiques ou PiWi) provenant d’Allemagne. Plusieurs Flamands sont séduits par cette viticulture respectueuse de l’environnement et plantent ces nouveaux cépages qui ne demandent que 2 ou 3, contre 10 à 15 traitements antifongiques annuels, avec des pesticides, pour les cépages classiques (vinifera).

Deux approches différentes de la viticulture vont alors se côtoyer Le vignoble des Agaises (cuvée Ruffus) est planté en 2002 sur un sol du même type que celui de la Champagne, près de Binche, dans le Hainaut ; il mise sur un vin mousseux similaire au Champagne et réalisé à l’identique, avec les mêmes cépages. Le succès a été immédiat et ce vignoble n’a cessé de grandir sans arriver à répondre à la demande. Il sera imité par les vignobles du Chant d’Eole et du Mont des Anges dès 2009.

Dans le Namurois, Jeune pensionné, Philippe Grafé investit sa fortune dans le vignoble du Chenoy en 2003. Il popularise les cépages résistants du côté wallon près de 10 ans après Hugo Bernar. Son voisin l’imitera rapidement et transformera en 2005 ses prairies en domaine du Ry d’Argent. Il sera aussi l’inspirateur de nombreux autres vignobles, comme celui de Bioul en 2009.

En 2005, la Wallonie ne comptait pas 10 ha de vignes alors que la Flandre en possédait plus de 50 ha. La réussite des vignobles du Chenoy et des Agaises, mais aussi de Bon Baron en bord de Meuse, planté à partir de 2003 et du Ry d’Argent, signe le début d’une viticulture commerciale qui ne cessera de se développer dans les années 2010 et 2020 alors que les plantations continuent en 2024.

Fin 2022, la Belgique compte 802 ha de vignes plantées. 157 vignerons vendent du vin en Flandre avec 52 % de la surface viticole belge et 102 vignerons en Wallonie où la taille des vignobles est plus importante et où se poursuivent les plantations. Après 2025, la Wallonie devrait dépasser la Flandre en termes de superficie viticole et de production de vins, principalement des mousseux.

Retour au Moyen Âge : L’arrivée de la vigne dans nos contrées

Dans l’Europe septentrionale, le Moyen Âge central est caractérisé par un climat assez chaud, qualifié d’optimum climatique par les historiens. Ces conditions sont favorables à l’agriculture et aux bonnes récoltes, ce qui entraine une forte croissance de la population de nos régions, qui fait plus que doubler entre le XIe et le XIVe siècle.

En Belgique, la vigne est arrivée dès le IXe siècle, plantée autour des abbayes par les moines. Elle est destinée à la production de vin pour l’eucharistie, mais aussi comme boisson saine et hygiénique quotidienne distribuée aux malades et aux voyageurs, souvent aristocratiques, les prieurés et abbayes étant les seules auberges de l’époque. Les premiers vignobles sont attestés à Gand en 815, à Huy et à Liège en 830. Après ces premières mentions, il n’y a plus de trace de ces vignobles avant le XIIIe siècle. Il semblerait donc que ceux-ci ont disparu et seront recréés plus tard.

La croissance de la population à la fin du Haut Moyen Âge entraine une croissance des communautés religieuses et la création de nombreux prieurés et abbayes.

Mais, jusqu’au XIVe siècle, la plupart des abbayes importent leurs vins de la France proche et des bords du Rhin. Où elles possèdent des vignobles. Ce n’est souvent qu’après le XIVe siècle que les abbayes plantent et achètent des vignobles aux alentours de leur siège. Ainsi, Villers-la-Ville acquiert de nombreux vignobles dans le Brabant et à Louvain. Ces mêmes abbayes revendront ensuite leurs vignobles lointains dès lors que la culture de la vigne devient possible dans des régions proches des monastères.

La culture de la vigne devenue rentable comparativement aux vins d’importation, le vignoble belge se développe. Le prestige de la vigne et du vin incite les notables et seigneurs féodaux à en planter sur leurs terres ou à investir dans des pressoirs publics leur appartenant, mais mis à disposition des communautés religieuses ou des vignerons locaux. C’est aussi une façon pour le seigneur de marquer son pouvoir tout en étant un soutien à sa population. Ainsi, aux XIVe et XVe siècles, la vigne se plante partout en Belgique, c’est l’âge d’or de la viticulture belge du Moyen-Âge.

Les historiens locaux peuvent lister tous les lieux où la vigne a été plantée soit par des documents d’époque, soit via la toponymie (le nom des lieux). Ils ont relevé 162 villages où la vigne a été cultivée dans le Brabant, 118 en province de Liège, 81 dans celle de Namur, 46 au Limbourg, mais seulement 14 en Hainaut et Flandre occidentale, 6 en Flandre orientale et 3 à Anvers alors qu’on en relève 22 dans le Luxembourg. Ces chiffres peuvent parfois sembler surprenants au vu de la situation viticole de 2024 où, par exemple, le Hainaut est aujourd’hui la province wallonne la plus plantée de vignes !

Ces différences ont une explication géopolitique et économique liée au découpage féodal de la future Belgique vers 1300-1400.

Le comté de Flandre fait alors partie du royaume de France et importe les vins français par la voie maritime, à Bruges, qui est alors le port de mer le plus important de Belgique.

Le comté du Hainaut est alors réparti, à parts égales, sur les territoires actuels de la France et de la Belgique. Sa frontière ouest jouxte les vignobles franciliens dont les vins sont importés par la voie terrestre.

Le duché de Brabant et la principauté de Liège se fournissent principalement en vins du Rhin et de la Moselle acheminés par voie fluviale, puis terrestre jusqu’à ce que le climat permette la culture de la vigne sur leurs propres territoires. Lorsque le Brabant devient bourguignon au début du XVe siècle les nombreuses querelles entre les souverains de Bourgogne et de France incitent les premiers à taxer fortement les vins français afin de favoriser la viticulture locale qui deviendra particulièrement florissante autour de Louvain.

L’âge d’or de la viticulture médiévale dure une trentaine d’années et se situe au XIVe siècle. Mais dès le siècle suivant, le climat évolue vers plus de fraîcheur, de sorte que la culture de la vigne perd peu à peu de sa rentabilité. Les seigneurs cèdent alors leurs vignobles à des métayers (on dirait aujourd’hui qu’ils les louent) moyennant une rente. Mais ceux-ci ne pouvaient payer celle-ci qu’à condition de faire du bénéfice. Les aléas climatiques et le lent refroidissement ont eu raison des métayers, le prix du blé augmentant, ils ont abandonné la vigne pour cette culture beaucoup plus rentable. Par ailleurs, la découverte du houblonnage des bières permet de produire des boissons qui se conservent, ce qui n’était pas le cas jusque-là et a créé une concurrence dont le vainqueur est connu…

Le « petit âge glaciaire » a eu raison de la vigne déjà moribonde et la Belgique devient le pays de la bière !

Au XVIIe siècle, seuls les meilleurs terroirs, ceux qui sont les mieux exposés, ou en bordure de Meuse dans la région liégeoise, seront encore soignés ; ailleurs, comme autour de Louvain, la culture de la vigne est abandonnée au profit de la culture céréalière. C’est ainsi que disparaît la vigne dans presque toute la Belgique, au XVIIIe siècle.

Certains ont accusé une clause secrète du traité des Pyrénées de 1659 qui aurait interdit la culture de la vigne en Belgique. D’autres ont affirmé que la cause de la disparition des vignes est leur arrachage par les armées de Louis XIV, mais on sait qu’elles ont été replantées là où elles produisaient encore, comme à Huy après la fin des hostilités. Quelques vignobles, propriété des communautés monacales, se sont maintenus dans le Limbourg jusqu’à ce que la Révolution française les chasse de leurs abbayes en 1796. Les biens des monastères ont été sécularisés, vendus au plus offrant qui ont abandonné ces cultures difficiles, ne mûrissant pas toujours. Les Français ont donc bien quelques responsabilités, mais indirectes…

Mais le prestige du vin local est tenace et le XIXe siècle sera caractérisé par quelques tentatives, souvent infructueuses, de la recréation d’un vignoble belge. La tentative flamande la plus célèbre est celle menée par J.F. Audoor à Wezemael initiée en 1813 sous l’ère napoléonienne. Ce vignoble, planté en 1815 dans la Belgique devenue hollandaise et cultivé par un vigneron débauché à Huy, eut ses heures de célébrité et reçut la visite de l’empereur Guillaume d’Orange en 1829, mais périclita après le décès de son propriétaire en 1835.

En 1830, le gouvernement hollandais soutint initia la création d’un vignoble modèle à Uccle, dans les Pays-Bas du Sud, afin de montrer qu’il n’y a pas que les Français à savoir cultiver la vigne. La révolution belge, suivie de l’indépendance et du renvoi des hollandais plus au nord, sonne le glas de ce projet de vignoble modèle.

Dès 1831, à l’initiative du sénateur Van Hoobrouck de Mooreghem et avec le soutien de Charles Rogier, le jeune État belge reprendra cette idée et transformera son vignoble planté en 1827 en un vignoble modèle (avec le même expert espagnol Pazuengos que les Hollandais) en Flandre orientale, dans un coin perdu non loin de Renaix. Mais ils ne savaient pas que le climat n’était pas propice à la culture de la vigne et ce vignoble périclita rapidement.

En 1842, le chevalier Le Lièvre de Stoumont eut l’idée de recréer un vignoble à Profondeville, convaincu que le coteau avait des similitudes avec celui du Johannisberg sur les bords du Rhin, il le nomma Mariensberg et y investit sa fortune, espérant un retour sur investissement qui, malheureusement, ne vint pas. Il avait pourtant le soutien de sénateurs, mais ceux-ci lui refusèrent toute aide ou subside. À son décès en 1852, ses enfants se hâtèrent de vendre les vins qui n’avaient pas trouvé acquéreur ainsi que les terrains.

Le vignoble de l’abbaye de Tongerloo, planté en 1858, fournissait du vin de messe aux paroisses voisines. Une partie des vignes plantées sur les murs de l’enceinte, protégées des gelées assuraient une (petite) production annuelle. C’est un des rares vignobles non meusiens à avoir passé le cap du XXe siècle et à faire l’objet de vieilles cartes postales.

Du XVIIIe au XXe siècle, les bords de Meuse sont les seuls endroits où la vigne s’est maintenue en Belgique. Mais l’industrialisation de la région liégeoise aura raison des vignobles et de leurs revenus aléatoires en comparaison des salaires des ouvriers.

Au début du XXe siècle, une tentative de reconstitution du vignoble liégeois initiée par Louis Genonceaux a laissé de nombreuses traces dans les archives. Malgré les moyens mis en œuvre (création d’une formation des vignerons, pieds de vigne offerts), le projet a échoué. Est-ce parce qu’en 1914 la mobilisation générale et la Première Guerre mondiale ont anéanti ces efforts ? Quelques vignobles professionnels se sont maintenus jusqu’en 1940 entre Amay et Huy, le dernier de ceux-ci disparaissant à la fin de la guerre sans trouver de repreneur.

Cependant, la vigne n’a jamais totalement disparu de Belgique contrairement à ce qu’on affirme souvent. Au début des années 1950, plus de trente vignerons amateurs cultivaient des petits vignobles de vignes hybrides et résistantes aux maladies. Elles avaient souvent été fournies par le Bruxellois Georges Mariman qui les promotionnait via les cercles horticoles. Seules quelques rares variétés précoces arrivaient à maturité et ne produisaient que des vins qui ravissaient peu de palais, si ce n’est celui de leurs producteurs !

Mais, depuis les années 1920 et jusque 1960, la Belgique possède de nombreux hectares de serres à vignes où est cultivé du raisin de table. Aux portes de Bruxelles, les villages d’Overijse, Hoeilaart ou La Hulpe et quelques villages voisins sont devenus des « glazen dorp », ou villages de verre, aux coteaux tapissés de 35 000 serres ! Cette culture sous abri et chauffée au printemps permettait de produire des raisins de luxe exportés dans le monde entier. L’entrée de la Belgique dans le marché économique de la Communauté Européenne a sonné le glas de cette industrie florissante suite à l’importation de raisins de table bon marché venant du pourtour méditerranéen. Trois serristes perpétuent cette tradition en 2024 et proposent les délicieux raisins « Royal » et « Léopold ».