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Utilisateur:AlekN/Stanisław Piasecki

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Stanisław Piasecki (1900-1941) Rédacteur en chef de la revue « L’ABC littéraire et artistique », « Droit au but » et « Combat ».  Stanisław Piasecki est écrivain, critique littéraire et homme d’action sociale. Il est membre de l’OWP, du Parti national lors de la Seconde guerre mondiale et directeur du Département central de propagande de l’Organisation Nationale Militaire (NOW) lors de la Seconde guerre mondiale.


Stanisław Piasecki naît le 15 décembre 1900 à Lwów. Son père, Eugeniusz Piasecki, orthopédiste et enseignant, est l’un des pères fondateurs du mouvement scout polonais. Il enseigne l’éducation physique à l’Université de Poznań;  sa candidature fut proposée au Prix Nobel. Sa mère, Gizela, née Silberfeld, est issue d’une famille d’origine juive. La question des racines juives de Piasecki est importante, car elle sera un des arguments de ses opposants idéologiques, vu que Piasecki et ses collaborateurs sont antisémites. Le futur écrivain possède deux sœurs: Eugenia et Władysława.

    Ses parents prennent soin pour qu’il reçoive dans sa jeunesse une éducation patriotique, tout en accordant une attention particulière à l’éducation physique et au bon fonctionnement social de leurs enfants. Le père, jouant de temps en temps du piano,  a aussi inculqué à ses enfants une éducation musicale. Le jeune Stanisław est sportif, part en randonnées de montagnes, escalade les cimes, skie et fait du patin à roulettes ; il est par ailleurs scout. Son intérêt pour la montagne est dû au fait que famille possède une villa appelée Klemensówka, située à Zakopane.  Depuis tout petit, Piasecki fait preuve de courage et dans sa jeunesse, il est lui est même arrivé d’escalader en solitaire le sommet de  Zamarzła Turnia, dans les Tatras et d’y passer la nuit, situation décrite par la suite suite dans son livre « Związek Białej Tarczy » (fr : L’union du bouclier blanc). Les parents de Stanisław ne veulent pas qu’il étudie dans une école autrichienne et, avec Marian Smoluchowski et Eugeniusz Romer, fondent une école privée, dont la directrice est Julia Benoni-Dobrowolska. Dès sa prime jeunesse, on constate que Piasecki possède un talent littéraire. Un petit « Journal en image » familial, rédigé par Stanisław, où écrivent les amis de son père, en est la preuve. Durant la Première guerre mondiale, quand son père sert dans l’armée russe, le jeune Piasecki et sa mère habite à Zakopane, où Stanisław passe, en 1917, son baccalauréat. Il s’inscrit ensuite à l’École polytechnique de Lwów, voulant étudier l’architecture. En 1918, lorsque son père reçoit la proposition de travailler à l’Université de Poznań, il déménage avec en Grande Pologne, continuant ses études, mais cette fois à la Faculté de droit et d’économie de l’Université de Poznań. C’est probablement là, comme nous en informe Wojciech Wasiutyński, qu’il se lie avec un groupe d’étudiants de gauche, qui deviendra par la suite « Union pour l’assainissement de la République polonaise ». Étudiant, il mène une vie de bon vivant et adore entre autres jouer aux cartes.

    En 1920, il décide de participer à la Troisième insurrection de Silésie et se rerouve de service dans les unités du général Tadeusz Kutrzeba. Le futur rédacteur en chef du journal « Prosto z mostu »  (fr: Droit au but) et prendra part à la guerre polono-bolchévique. La décision de s’engager dans l’armée, commente Maciej Urbanowski, historien de la littérature et connaisseur de la vie et de l’oeuvre de Piasecki, est due à son vif tempérament et son profond patriotisme. Czesław Miłosz l’a même surnommé comme  « fanatique du patriotisme ».

    Lorsque l’Insurrection silésienne prend fin, Piasecki retourne aux tâches universitaires et s’engage dans des œuvres sociales auprès de l’organisme national du nom « L’Union des jeunesses académiques nationales », qui en 1922 deviendront  « L’Union des jeunesses académiques suprapolonaises ». Il fait partie de la rédaction du mensuel étudiant « Akademik » (fr: Maison des étudiants) et du journal national démocrate « Dziennik Wileński » (fr: Le quotidien de Wilno), plus est, il rend visite avec ses amis à Roman Dmowski, qui habite alors à Chlodów en Grand Pologne. En 1925, il obtient sa maîtrise en sciences économiques.

    Après les études, il déménage à Varsovie, où comme journaliste il collabore avec la « Gazeta Warszawska » (fr: Gazette de Varsovie) et le « Wieczór Warszawski » (fr: Le soir de Varsovie). Dès 1927, il travaille auprès du quotidien « ABC », créé par Stanisław Skrzetelski. Il y remplit les fonctions de secrétaire de rédaction, critique de théâtre et ds oeuvres musicales. La même année, il est nommé rédacteur responsable de la revue varsovienne « Placówka. Ilustracja. Polska » (fr: En poste. L’illustration. La Pologne), éditée grâce à l’appui du Département de presse de l’Association des soldats du général Dowbór, dont la devise est « Ku chwale Ojczyzny » (fr: Pour l’honneur de la patrie). À partir de 1928, il rédige le « Soir de Varsovie », édité tout d’abord par Jerzy Zdziechowski et Tadeusz Kobylański. En 1929, le périodique est racheté par Eryk Kurnatowski. En 1935, un contentieux a lieu entre les actionnaires du journal et, suite à un une sentence juridique, c’est Zdziechowski qui a le contrôle temporaire de la publication, où Piasecki remplit la fonction de rédacteur en chef ; il y publie jusqu’à l’automne 1936, date à laquelle un tribunal octroie la publication à Kobylański, suite à quoi Piasecki rompt sa collaboration.

    1929 est l’année où Piasecki fait ses débuts comme homme de lettres, en publiant un roman d’aventures à caractère anticommuniste: Związek Białej Tarczy (fr: Union du Bouclier Blanc). Les deux volumes portent les titres respectifs: « Sur les traces des complots » et « Pris au piège », et sont édités à Poznań en 1929. L’œuvre ne suscite pas de réactions positives parmi les critiques et activistes du mouvement national. Deux ans plus tard, paraît son roman Szerokie dusze  (fr: Plénitude des âmes), dans les colonnes du journal « ABC », d’août 1931 à janvier 1932. Lui aussi ne suscite pas d’intérêt majeur.

   Dès 1932, Piasecki devient rédacteur du numéro spécial hebdomadaire: « L’ABC littéraire et artistique ». Il arrive à convaincre  quelques écrivains de renom de venir y écrire, tels que Adolf Nowaczyński, Karol Irzykowski et le jeune Jerzy Andrzejewski, qu’on ne veut pas publier dans « Wiadomości literackie » (fr: Nouvelles littéraires). Le temps passant, c’est W. Wasiutyński qui devient son collaborateur le plus proche et à qui il propose d’écrire des feuilletons. Comme publiciste, Piasecki s’occupe de compte-rendu de pièces de théâtre, d’événements musicaux et sportifs. Il porte pour la vie politique un intérêt qui est moindre. Il publie le plus grand nombre de ses critiques littéraires lors de ses activités à l’ « ABC ». Il édite ensuite une partie de ses écrits en 1934, dans un volume intitulé  « Prosto z mostu » (fr : Droit au but), mais cette fois la publication est accueillie avec enthousiasme par les critiques de la presse.

    Czesław Miłosz écrit que Piasecki avait « un visage juif, bien maigre ». Stefania Kossowska, née Szurlej, souligne aussi dans un dialogue avec Jerzy Pietrkiewicz, datant de 1996, la « svelte silhouette » du rédacteur, qui était de petite taille, contrastait avec son tempérament, que l’écrivaine compare à un volcan en ébullition. W. Wasiutyński écrit: « On aurait dit que cet homme s’est juré que le terme danger n’existe point dans son vocabulaire » (dans W. Wasiutyński, Quatrième génération, Œuvres choisies, vol.1, Gdańsk 1999, p. 448). Piasecki a donc une approche de la vie qui se veut active et énergique. Ses collaborateurs ont gardé de lui l’image d’un homme courageux et  paisible, mais  sachant s’énerver brusquement si besoin. D’après W. Wasiutyński, il ne tolérait pas la couardise et coupait tout contact avec celui qui en faisait preuve. Il adorait la musique de Karol Szymanowski, ce que décrit Konstanty Ildefons Gałczyński dans son poème « Okulary Staszka » (fr : Les lunettes de Staszek). En novembre 1928, il se marie avec Irena Religioni, chanteuse d’opéra. Son épouse - Wasiutyński  n’en fait mention que plus tard - était divorcée et le mariage a donc dû être célébré à l’Église réformée d’Augsbourg. Telle fut la cause du fait que tous deux ont caché l’état civil d’Irena. L’épouse de Piasecki l’aide en permanence dans ses travaux de rédaction. Ils ont un enfant, Élisabeth, qui est née en 1937. Dans la mémoire de bon nombre de personnes, l’épouse de Piasecki était l’instigatrice de son antisémitisme militant.

    Après 1926, Stanisław devient membre du parti « Obóz Wielkiej Polski » (fr: Parti de la Grande Pologne). Il procède à tout un diagnostique au sujet des différences entre la génération des jeunes et des anciens activistes, usant de catégories psychiques et de différenciations selon les expériences vécues. À son avis, les plus âgés, satisfaits de ce que le pays soit indépendant, sont incapables de prendre des risques et combattre activement les dangers qui menacent la nation polonaise, alors que la situation est parfaitement comprise par les plus jeunes. Après la liquidation de l’OWP (1933), Piasecki ne s’est pas engagé institutionnellement dans la mouvance nationale et sa relation avec les nationaux démocrates est en fait le résultat d’une identité idéologique commune et des relations amicales avec les activistes nationaux. Il se peut que cette absence dans ces organisations, ait sa source dans la volonté de vouloir sauvegarder un espace, le plus large possible, pour des collaborateurs venus de divers horizons, afin que ses revues gagnent en audience, ce qui jamais n’aurait eu lieu, si celles-ci étaient strictement rédigées par des gens du Parti. Dès la naissance du parti « Obóz Narodowo-Radykalny » - ONR  (fr: Parti national-radical), en avril 1934, c’est Piasecki qui en rédige les premiers numéros, appelé « Sztafeta » (fr : Le relais), bien que le rédacteur en chef soit Jan Mosdorf.

    En 1935, Skrzetelski propose à Piasecki de transformer le numéro spécial de l’« ABC » consacré aux lettres, en un hebdomadaire littéraire à part, dont il serait le rédacteur en chef et qu’on appellerait «Prosto z mostu », c’est-à-dire « Droit au but », reprenant ainsi le titre du livre de Piasecki de 1934. C’est W. Wasiutyński qui convainc Piasecki de saisir l’occasion et  Piasecki accepte. Dans les premiers numéros, il essaye de convaincre le lecteur, que l’initiative doit son succès à la popularité du numéro littéraire spécial de l’ « ABC », la parution d’un hebdomadaire à part devenait donc une obligation. Piasecki, avec un ton fanfaron, annonce que son journal sera ainsi « le plus important hebdomadaire littéraire de Pologne ».  À partir du 6 janvier 1935, le journal paraît chaque dimanche matin.  Il doit en principe traiter des questions littéraires et artistiques, promouvoir de nouveaux écrits et posséder son propre service d’informations, passant en revue les événements culturels de la semaine. Dans ses mémoires, Wasiutyński constate avec pertinence: « Droit au but - c’est Piasecki » (dans : Le côté droit du labyrinthe. Fragments de mémoires;  red: W. Turek; introd.: W. Walendziak, Gdańsk 1996, p. 161). L’historien Wojciech Turek est d’avis que l’on peut résumer le profil de l’hebdomadaire en trois phrases : « Droit au but » est antijuif, antiurbain et antibureaucratique. Ses ennemis le décrivent comme un nationaliste, un antisémite et même un fasciste. La rédaction se compose de W. Wasiutyński, I. Piasecki et Bronisław Świderski, activiste relégué de l’Université Jagellone, pour activités nationalistes dans le cadre de l’ONR. Ils sont souvent soutenus par Stefan Siwirski. Malgré ses convictions bien établies, Piasecki est resté dans la mémoire de ses collaborateurs comme un  rédacteur libéral, qui respecte l’autonomie créatrice, les décisions et les textes des écrivains qui travaillent pour lui. Au début, le journal n’a pas eu un caractère national bien défini, car le rédacteur lui-même voulait y attirer les représentants de diverses options idéologiques. Il avait l’opinion d’être, selon S. Kossowska, un « rédacteur parfait ».

    Au départ, le siège social du journal se trouve au 24 de la rue Nowy Świat, à Varsovie, puis déménage dans l’appartement des Piasecki, 6 rue Książęca. Le concurrent naturel du journal « Droit au but » sont les « Nouvelles littéraires », rédigées par Mieczysław Grydzewski, dont Piasecki voudrait éliminer la domination. Il n’atteindra pas son but, mais les historiens admettreront, que la qualité et le niveau de son journal était à la hauteur des antagonistes.

    Le premier numéro de « Droit au but » commence par un article de Piasecki, intitulé Le droit de créer, dans lequel il lance un appel pour qu’on restitue le pouvoir créateur à l’être humain (dans: S. Piasecki, Le droit de créer, « Droit au but ». Choix d’articles de presse littéraires, commentaires de M. Urbanowski, Éditions Arcana, Cracovie 2003, p. 155-159). Le texte est écrit d’un point de vue critique, aussi bien envers le matérialisme totalitaire de l’Union soviétique, que le laisser-faire capitaliste, associé aux États-Unis. Le rédacteur en chef y apparaît comme un humaniste, défenseur des valeurs humaines et de la petite propriété privée, face aux pressions d’une culture de masse et d’une productivité capitaliste. Il en appelle au droit de l’homme dont il est le contemporain à posséder sa propre créativité et une liberté de travailler, indépendamment des modes, tendances dominantes et automatisation industrielle.

    Lors de la période allant de 1935 à 1937, Piasecki désire que son journal ait un caractère pluraliste et regroupe un large spectre d’écrivains, qu’il veut constamment agrandir. (Il désire, entre autre capter Kazimierz Wyka, disciple des idées de Brzozowski, « le plus éminent critique littéraire de son temps »). Le fondateur de « Droit au but » voudrait que son hebdomadaire rejoigne les milieux et groupes sociaux les plus divers de la Pologne de l’entre-deux-guerres. Le journal a comme mot d’ordre de « faire sauter les clans », écrit-il à K. Wyka. Il désire que les écrivains se départagent selon leurs différences des points de vue et non selon les obédiences et les clans » (dans : M. Urbanowski , Nous nous battons au juste pour la même cause… »; Lettres de S. Piasecki à K. Wyka; Parallèles, correspondance et dédicaces dans la littérature polonaise du XXe et XXIe siècles, Cracovie 2020, p. 162 à 192). Le rédacteur en chef de « Droit au but » tient avant tout à publier des jeunes auteurs, qui savent discerner « l’esprit du temps ».

    Au sommet de son existence journalistique, « Droit au but » est édité à quinze mille exemplaires, chiffre se rapprochant du tirage des « Wiadomości literackie (fr : Nouvelles littéraires). On y trouve des auteurs comme:  Zofia Kossak-Szczucka, Andrzej MikuŁowski,, Jan Bajkowski, K.I. Gałczyński, J. Andrzejewski, Wojciech Żukrowski, Karol Irzykowski,  Jan Dobraczyński,  Bolesław Miciński,  Aleksander Świętochowski, Jerzy Waldorff, J. Mosdorf, (souvent sous pseudonyme d’ ndrzej Witkowski), Eugeniusz Piasecki, J. Pietrkiewicz, Alfred Łaszowski, Wincenty Burek, Czesław Straszewicz, Wincenty Lutosławski, Włodzimierz Pietrzak, Stanisław Szukalski, (Stach de la Warta), Kazimiera Iłłakowiczówna et Zygmunt Nowakowski.

      Son intérêt pour la culture et le talent littéraire qu’il possède, ont fait que Piasecki découvre et prend soin de bon nombre jeunes artistes, dont Jerzy Andrzejewski ou K. I. Gałczyński, à qui - en tant que rédacteur en chef - il propose de collaborer au journal, bien que le poète habite encore à Wilno (son premier poème paru dans « Droit au but » s’intitule Wilno. Rue d’Allemagne.) Tadeusz Gajcy est aussi l’un des artistes découvert par Piasecki, qui au lendemain de l’éclatement de la Seconde guerre mondiale, lui rend visite. Il promet au jeune poète de publier en primeur ses premiers écrits. Dès 1936, K.I. Gałczyński entreprend une intense collaboration avec Piasecki et devient l’un des principaux auteurs du journal, ouvrant  ainsi devant soi de vastes horizons et avançant sur les chemins de la gloire. C’est à cette époque que Gałczyński écrit un article, qui lui sera souvent rappeler, surtout après la Deuxième guerre mondiale, intitulé: Lettre aux amis de Droit au but. L’année suivante, la série de la bibliothèque de « Droit au but », publie un recueil de poésies de Gałczyński, Oeuvres poétiques, tandis que l’auteur obtient le prix des lecteurs de l’hebdomadaire. Peu après, leurs chemins respectifs bifurqueront et chacun suivra sa propre voie idéologique, ce qui transparaîtra, selon des spécialistes en littérature, dans le poème « L’Impressario et le poète ». D’autres positions paraissent dans la bibliothèque de l’hebdomadaire, dont un ensemble d’essais Le droit de créer de Piasecki, Voyages aux enfers de Miciński, L’offensive de Nowaczyński, ainsi que Détails de pogroms, d’un remarquable écrivain français, toutefois antisémite virulent, Louis Ferdinand Céline.

    Pour cause de difficultés financières, qui constamment grugent le journal, Piasecki est obligé, contre son gré, de restreindre le cercle des  collaborateurs publiés. Les honoraires versés sont plutôt maigres et par surcroît payés avec retard. Dans la période qui suit, vers 1938, la ligne éditrice de « Droit au but » succombe à une radicalisation nationaliste et antisémitel, ce qui provoque le départ d’un jeune auteur d’essais de renom B. Miciński, qui rompt ses relations avec le journal, suivi de Jerzy Andrzejewski. Selon W. Wasiutyński, Piasecki en personne ne voulait plus collaborer avec l’auteur du Ład serca (fr: La loi du cœur) le traitant de « girouette », après que ce dernier ait ostentatoirement versé de l’argent à une action de charité juive. Après la Seconde guerre mondiale, Andrzejewski a renié tous ses écrits de l’entre-deux-guerres, publiés dans les journaux de Piasecki.

    « Jutro » (fr : Demain) est un autre journal dans lequel Piasecki s’engage dès 1936. Cette publication se veut être une plateforme de dialogue entre l’ONR et le Mouvement national-radical, le RNR. Le premier rédacteur en chef est W. Wasiutyński, par la suite remplacé par Piasecki. Le journal ne paraît qu’une demi-année et ne peut faire face aux coûts financiers, à cause des confiscations de la censure. Le fiasco de cette entreprise provoque des dettes. En 1937, Piasecki doit démissionner de la rédaction et de la société éditrice qu’il a fondée.

    M. Urbanowski, historien de la littérature, est convaincu que Piasecki est bien plus un publiciste qu’un critique littéraire en règle. L’auteur du « Droit au but » est persuadé que la littérature est intrinsèquement attachée à la vie de la nation et ne doit pas en être isolée, et séparée de la réalité tangible. Les œuvres d’art sont pour lui l’expression d’une nation concrète, et leur juste interprétation doit être liée à leur créateur et la nation dont il est issu. Selon M. Urbanowski, Piasecki interprète les œuvres d’art comme des « documents sociologiques » qui enregistrent les événements, tendances, modes et idées présentes dans la société. Il est l’ennemi de « l’art pour l’art, du fait d’abstraire l’oeuvre de son auteur et de ceux à qui elle s’adresse ». Il ne les conçoit pas comme des « existences pures » qui seraient selon la philosophie nietzschéenne « hors du bien et du mal ». Piasecki comme rédacteur ne considère pas uniquement les œuvres culturelles par le prisme de la vie de ceux qui les font, mais aussi par le biais des idées qu’elles suscitent. Et en même temps, il juge de manière négative une littérature « dépourvue d’idées », ainsi qu’une politique au service d’un parti. Il est bon de rappeler qu’il appréciait énormément l’œuvre de K.I. Gałczyński et Wojciech Bąk. Pour ce qui est des écrits de Witold Gombrowicz, il portait dessus un jugement des plus négatif.

    Pour les questions d’ordre culturel et esthétique, Piasecki est convaincu que l’art est un fragment de la vie, synonyme même de la vie d’une nation. Un artiste devrait donc refléter dans sa création les temps qui lui sont propres, exprimer ce qu’il y a de plus actuel et être lié à la réalité et la vie de la nation. Tels devraient être les conditions d’un art qui se veut supérieur. Un art véritable doit, selon Piasecki, s’opposer à  la médiocrité. Il en appelle à la création d’un art polonais qui soit original et exprime une idée qui vaincrait le nihilisme idéologique et civilisateur. Il met en premier des valeurs telles que la simplicité, l’esprit de sobriété, la virilité, une certaine dureté et rejette une stylistique « baroque ».

    Il est resté le défenseur de la littérature du XIXe siècle et de son réalisme, ennemi de l’esthétisme, auquel il oppose l’éthique, et de toute avant-garde. Le langage des textes de Piasecki est direct, clair, transparent, fort, doté d’un caractère et même agressif. Il partage les œuvres en celles d’ « hier », « d’aujourd’hui » et celles de « demain ». Les premières n’ont pas tenu le coup face aux défis contemporains, les secondes sont considérées comme importantes. Pour ce qui est de celles de « demain », elles devraient être une sorte d’avant-garde préparant les événements futurs. Piasecki revendique une écriture qui va « droit au but », hors des modes, directe, claire, bien accentuée, mais apportant un jugement concret sur les tendances culturelles. Dans un tel contexte, il est clair que le rédacteur de « Droit au but » avait un jugement négatif sur les auteurs écrivant de manière baroque, trop intellectuelle ou exhibant leur érudition. En lisant des textes culturels, Piasecki les ramène souvent aux thèses idéologiques qu’ils véhiculent et par leur biais se forge un jugement - négatif ou positif.

    Le nationalisme professé par Piasecki est un nationalisme catholique. Il rejette en même temps tout nationalisme païen, qu’il critique dans le Troisième Reich allemand. L’idée  politique qu’il confesse se résume en un amour de la patrie et le fait de tendre vers une indépendance politique, économique et surtout culturelle. Pour Piasecki, le nationalisme doit être avant tout moderne et répondre aux défis du monde contemporain. C’est pour cette raison qu’il rejette les catégories de pensée datant du XIXe siècle, telles que le positivisme, matérialisme, agnosticisme, scientisme, déterminisme, libéralisme, mais aussi l’étatisme de l’État. Il leur oppose la foi catholique, le programme global catholique, qui doit mener à la construction d’une nouvelle réalité. Il y a aussi dans les écrits de Piasecki un élément missionnaire, une conviction que les Polonais ont une mission spéciale dans le monde. Il percevait cette mission comme un apport à la civilisation latine et la construction d’un État-nation fort, situé entre deux régimes totalitaires et matérialistes: l’Union soviétique et le Troisième Reich allemand, véritables dangers pour l’existence de la Pologne. Il faut aussi souligner, que Piasecki, contrairement au totalitarisme soviétique et allemand, observait avec sympathie le fascisme italien, appréciant son programme de modernisation.

    Au niveau des réflexions, cet esprit missionnaire a pris la forme d’un « impérialisme de l’idée », voulant porter au monde les idées de catholicité et de polonité, contrairement au chauvinisme impérial et annexioniste (dans: S. Piasecki, L’impérialisme de l’idée; « Droit au but », du 24 avril 1935, no 16, p. 1). L’action de propager cette idée polonaise doit être « éminemment offensif », ambitieux et avoir pour but un véritable apport à la civilisation humaine.

    Au niveau géopolitique, Piasecki rejette toute possibilité d’entente avec les États totalitaires et professe l’idée d’une alliance entre les peuples situés entre la Mer Baltique et la Mer Noire, basée sur un idéalisme métaphysique. Pour ce qui est des affaires internationales et des minorités ethniques en Pologne, il exprime des idées différentes de celles de son camp politique. L’historien Jakub Siemiątkowski, le considère comme le plus grand « ukrainophile » dans la mouvance nationale polonaise. L’auteur de « L’Union du Bouclier Blanc » est entre autres partisan d’une alliance polono-ukrainienne (S. Piasecki, La question la plus importante, parmi celle importantes, « Droit au but », du 8 décembre 1935, no 51, p. 1) et d’une formation, comme il l’appelle, d’une double nation polono-ukrainienne » (W. Wasiutyński, La quatrième génération, dans Œuvres choisies, t.1, red: W. Turek, Gdańsk 199, p. 391). La question qui différencie Piasecki des nationaux-démocrates « types », est son attitude positive envers Józef Piłsudski.

    Piasecki est convaincu que l’existence de ses contemporains a lieu en des temps marqués par une catastrophe, fruit du matérialisme, athéisme et relativisme. Le changement qu’il espère doit apporter la naissance d’une nouvelle époque qui sera capable de rompre la dichotomie des deux systèmes politiques matérialistes : le capitalisme et le communisme. Dans ses réflexions, il juge très sévèrement le système capitaliste et le libéralisme économique, où il perçoit la naissance d’une culture de masse et une standardisation de l’homme contemporain, qui dans sa vie devient principalement mu par la mode. Sa réponse au capitalisme consiste à proposer un programme d’une propriété morcelée et d’une démonopolisation et déconcentration du capital, qui devraient libérer tout homme des modes et lui permettre une créativité originale et sans entraves. C’est à cause d’un tel programme qu’il subit les critiques venant de personnalités plus âgées, comme par exemple W. Lutosławski. Une culture qui se veut vraiment nationale doit, selon Piasecki, être le résultat des toutes les actions des membres d’une communauté donnée.

     Pour ce qui est de son antisémitisme, il est dû à un principe de base concernant l’impossibilité de l’existence d’un accord entre deux peuples égaux sur un territoire donné. Il ne voit pas la possibilité d’assimiler la minorité juive par les Polonais, bien que lui-même soit bénéficiaire de cette assimilation, car descendant de Juifs. Il la combat avec acharnement, faisant la promotion de ce qu’appelle Ewa Maj, historienne, une désassimilation et se met même à discréditer les thèmes liés à l’assimilation, présents chez des auteurs nationaux démocrates, dans leurs textes écrits dans le passé. À la place d’assimilation, il propose le sionisme en tant qu’action positive, tout comme l’émigration juive de Pologne et les projets visant à la formation d’un État national juif en Palestine.

    W. Wasiutyński souligne tout particulièrement l’influence de Piasecki sur le milieu des maximalistes au Parti national (à savoir: Jan Gralewski, Andrzej Mikułowski, Jan Bajkowski et Stefan Surzycki). Bien que radicaux, ils se distancient du ONR, qui refuse comme Piasecki, une pensée minimaliste pour tout ce qui se rapporte au nationalisme. Les échos de ces points de vue se trouvent chez d’autres auteurs écrivant dans les colonnes de « Droit au but », Karol Stefan Frycz, par exemple.

    Piasecki subit des attaques de ses opposants politiques justement à cause de son attitude envers les questions juives, qui sont  en contraste avec les origines de sa mère. On l’appelle souvent, par dérision : « Stanisław Papilotte ». Julian Tuwim lui consacre les vers suivants: « Un poète jaloux d’un Stanislas, homme de lettres, aux origines sarmates dit-on, alors que lui est juste poète juif avec un cafetan - description  fidèle des  deux parties, où il proclame que le rédacteur de « Droit au but » a des origines juives, dont il a honte. En 1937, en page titre de la revue satirique « Szpilki » (fr: Les épingles), paraît une caricature de Piasecki et  Wasiutyński en tenues d’apparat polonaises, le dessin soulignant leurs traits juifs.  

    Piasecki est partisan d’un accord entre les organisations nationales qui se font concurrence. En 1937, il soutient la création de la Confédération Polonaise, qui veut coordonner les activités du Parti national et de l’ONR,  deux concurrentes, création qui en fait n’a rien changé. En octobre 1937, il rejoint le « Comité de presse pour la  lutte et l’obtention d’une frontière polono-hongroise ». Les membres du Comité forment une assemblée éclectique, car s’y retrouvent : Jerzy Braun, W. Wasiutyński, Tadeusz Lipkowski et Wojciech Zaleski. L’organisation a essayé d’intervenir directement au Ministère des affaires étrangères polonais et, le 15 novembre 1935, a organisé dans la Salle de l’Association des Techniciens une manifestation avec le mot d’ordre: « L’armée polonaise - en avant vers la Rus ! », où Tytus Wilski , avocat, K.S. Frycz, Julian Babinski, Adolf Maria Bocheński et Wojciech Zaleski, prononcent des discours.

     Au moment de l’éclatement de la Seconde guerre mondiale, Piasecki prépare le dernier numéro de « Droit au but », qui paraîtra le 10 septembre 1939. Peu après, il quitte Varsovie et se rend vers l’Est de la Pologne, à l’appel du colonel Roman Umiastowski. Jusqu’à fin septembre, il réside hors de Varsovie, puis y revient et réaménage son appartement, pour qu’il n’y ait pas trace de l’ancienne rédaction. Il ne croit pas à une fin prochaine de la guerre, mais prévoit une attaque des Allemands contre la France et l’Union soviétique.

   N’appartenant à aucun parti durant la Second République polonaise, Piasecki rejoint alors le Part national clandestin et devient membre de sa direction. Y sont présents: Mieczysław Trajdos, Witold Staniszkis, Bogusław Jezierski, Władysław Jaworski, Roman Rybarski, Zygmunt Berezowski et Aleksander Dębski. Il participe aussi à la formation des prémices d’une organisation militaire, qui porte le nom de « S ». Il rejoint « Narodowa Organizacja Wojskowa » - la NOW (fr: L’Organisation nationale militaire). C’est dans le cadre de celle-ci, qu’il dirige le Département central de propagande, qui fait partie de la Vème  section du Commandement Central de la NOW, la plus nombreuse des sections, car résultant d’une tactique adoptée par la NOW. Les combattants nationaux ne possédant pas suffisamment d’armes et sachant la supériorité de l’occupant, décident de se concentrer sur les activités de propagande.

    À l’automne 1939, Stanisław Piasecki, Ryszard Szczesny, Edmund Gliński, Tadeusz Lukasiewicz, A. Mikułowski, J. Bajkowski décident de créer un journal qui sera l’organe de presse clandestin du Parti national. La rédaction de la future organisation veut que le nom du journal soit puissant, fort, dur et viril. Au début, le titre devait être « Szaniec » (fr: Barricade), mais en définitif, on choisit « Walka » (fr: Combat) et Piasecki en devient le rédacteur en chef. Le premier numéro de « Combat » sort le 4 décembre 1939. L’imprimerie se trouve dans le  quartier varsovien de Czerniaków. Piasecki y écrit sous pseudonyme de Staszek et Stanisław Mostowski. Le journal est rédigé avec beaucoup de soins et propage des idées éminemment antiallemandes, antisoviétiques et antiukrainiennes. Dans ses textes, datant de la Seconde guerre mondiale, Piasecki se situe dans la mouvance nationale - conformément à la ligne du Parti national – et veut convaincre qu’il y a une inimitié naturelle du Troisième Reich et de l’Union soviétique envers la Pologne et considère les deux pays totalitaires comme ennemis des Polonais. Au début de la guerre, il écrit dans les pages de « Combat », que le sort des juifs est pire que celui des Polonais. Selon Piasecki, lorsque la population polonaise est soumise à l’extermination, les Juifs ne sont quedénigrés symboliquement et placés dans des ghettos (dans : Le Gouvernement Général - Paraddisus Judeorum, dans « Walka », 1940, no 10). Il faut cependant rappeler, que lorsqu’il écrivait ces lignes, comme le signale l’historien Szymon Drabner, le rapport des assassinats de Polonais et Juifs était de 10 contre 1.  

    Dans l’immeuble de la Philharmonie nationale à Varsovie, Piasecki ouvre une cafeteria appelée « Arkadia », où viennent souvent les écrivains et des jeunes gens, qui en 1942 fondent la revue « L’Art et la nation ». Le pianiste Witold Lutosławski y joue parfois au piano. C’est là que l’auteur de « Droit au but » emploie ses anciens collaborateurs et leurs épouses, comme par exemple Natalia Gałczyńska, la femme de K. I. Gałczyński, ou bien Irena Pietrzak, la compagne de Włodzimierz. Elles y travaillent comme serveuses. Les cuisines d’Arkadia, sont le lieu d’où l’on colporte le journal « Combat ». L’activité du local a pour but de pourvoir aux besoins financiers de Piasecki et de ses anciens collaborateurs.

    Le 4 décembre 1940, l’imprimerie de « Combat » est encerclée par les Allemands, ce qui met fin à son travail. Piasecki est lui aussi arrêté le même jour dans son appartement. Après son arrestation, la direction du CWP NOW est transmise aux anciens activistes maximalistes: J. Bajkowski, comme rédacteur en chef et A. Mikułowski, comme son remplaçant. Formellement et jusqu’à sa mort, l’auteur de « Droit au but »  reste directeur de la section. Le 5 décembre 1940, le personnel d’Arkadia est arrêté, dont Irena Piasecka, et après des interrogatoires, tous sont envoyés dans des camps de concentration.

    Le rédacteur en chef de « Combat » est arrêté et transféré vers l’Allée Szucha, ou des mois durant il est soumis à des interrogatoires d’une grande brutalité. Le 31 décembre 1940, il est transporté à la prison de Pawiak, où se trouve déjà son épouse.  Incarcéré, Piasecki garde son calme et demande seulement, par message secrets, qu’on prie pour lui et son épouse. Il y accomplit le travail de bibliothécaire, ce qui lui permet de se mouvoir librement dans le bâtiment et d’organiser un réseau d’informations avec d’autres détenus. En plus, grâce aux messages secrets, il garde contact avec la rédaction de « Combat » et les dirigeants clandestins nationaux. Selon certains témoins, il est même arrivé à transmette des textes pour la presse clandestine. Zbigniew Stypułkowski et Jerzy Zdziechowski essayent de le libérer de la prison de Pawiak. Ce dernier a même écrit une lettre demandant l’intervention de l’ambassadeur d’Italie, Giuseppe Bastianini.

    Le 12 juin 1941, Piasecki est transporté à Palmiry, dans les environs de Varsovie et fusillé dans une exécution de masse. Le 22 septembre 1941, sa femme est déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Durant l’Insurrection de Varsovie, l’appartement de la rue Książęca, les manuscrits les mémoires e Piasecki et son opus magnum, consacré au roi Bleslaw Chrobry, ont brûlé dans un incendie.

     Après la guerre, le 20 mai 1946, la dépouille de Stanisław Piasecki a été exhumée et déposée au cimetière de Palmiry (tombe XXIV, quartier I-13). En 1946,  K.I. Galczynski a écrit en sa mémoire un émouvant poème intitulé: « Les lunettes de Staszek ». Aujourd’hui, une plaque commémorative a  été placée au 6 rue Książęca, maison où il habitait.