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Buffon - Pour bien écrire
Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son sujet, il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une chaîne continue, dont chaque point représente une idée ; et, lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que celui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir. C’est en cela que consiste la sévérité du style ; c’est aussi ce qui en fera l’unité et ce qui en réglera la rapidité, et cela seul aussi suffira pour le rendre précis et simple, égal et clair, vif et suivi. À cette première règle, dictée par le génie, si l’on joint de la délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix des expressions, de l’attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux, le style aura de la noblesse. Si l’on y joint encore de la défiance pour son premier mouvement, du mépris pour tout ce qui n’est que brillant et une répugnance constante pour l’équivoque et la plaisanterie, le style aura de la gravité, il aura même de la majesté.
Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707 - 16/04/1788) - Discours sur le style (1753)
s:avril 2008 Invitation 1Nina Bouraoui - La cigarette de mon père Il s'approcha de moi. Éclata du rire. Surprise d'entendre le son de sa joie, je me mis à sourire et lui lançai un regard complice. Heureux père, il me proposa une autre cigarette. Gênée, je refusai mais il insista. Tremblante et confuse je n'arrivais pas à l'allumer. Il la retira délicatement de ma bouche et grilla une allumette au bout de la colonne de tabac blond qui se transforma en braise fumante. Je le remerciai en oubliant que des gestes de mon maître n'étaient jamais inconséquents. J'attendais un mot. Un reproche. Infime, mais un reproche ! Rien ne vint. Il me tendit la cigarette, et, au passage, l'écrasa sur mon sourire. Il dessina au fer rouge quatre petites boursouflures puis, une main derrière ma nuque, il pressa plus fort afin d'écraser la cigarette contre l'émail de mes dents. « Tu voulais fumer. Eh bien voilà ! » dit-il en quittant ma chambre. Nina Bouraoui - La voyeuse interdite (page 67) - (Éditions Gallimard, 1991) |
s:avril 2008 Invitation 2Edmond Rostand - Dans la Crypte des Capucins, à Vienne
Edmond Rostand (01/04/1868 - 02/12/1918) - L'Aiglon (dernière scène) |
s:avril 2008 Invitation 3Albert Samain - Je rêve de vers doux ...
Albert Samain ( 3/04/1858 - 1900) - Au jardin de l'infante (1893) |
s:avril 2008 Invitation 4Buffon - Pour bien écrire Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son sujet, il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une chaîne continue, dont chaque point représente une idée ; et, lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que celui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir. C’est en cela que consiste la sévérité du style ; c’est aussi ce qui en fera l’unité et ce qui en réglera la rapidité, et cela seul aussi suffira pour le rendre précis et simple, égal et clair, vif et suivi. À cette première règle, dictée par le génie, si l’on joint de la délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix des expressions, de l’attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux, le style aura de la noblesse. Si l’on y joint encore de la défiance pour son premier mouvement, du mépris pour tout ce qui n’est que brillant et une répugnance constante pour l’équivoque et la plaisanterie, le style aura de la gravité, il aura même de la majesté. Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707 - 16/04/1788) - Discours sur le style (1753) |
s:avril 2008 Invitation 5Bernard-Marie Koltès - Père et fils Charles : Tu es mon père, que tu le veuilles ou non, et cela, ta vieille cervelle ne peut pas l’oublier. Rodolfe : Comment es-tu si sûr que je sois ton père, toi, alors que je ne le suis pas moi-même ? De toute façon, les mères sont les papas et les mamans à la fois ; un père, c’est comme une petite averse au-dessus de l’océan, pas le temps de voir où les foutues gouttes ont filé. Et puis, je n’en ai rien à foutre. Charles : Alors, je veux, du moins, que tu te souviennes de moi. Seulement cela. Je veux rester dans le souvenir de quelqu’un pour ne pas mourir, même dans le souvenir d’une vieille cervelle comme la tienne. Cela, tu ne me le refuseras pas. Tu ne peux pas me le refuser. Rodolfe : Bien sûr que je le peux. J’oublie tout, je n’ai plus de mémoire. D’ailleurs, je t’ai déjà oublié. Charles : Pourquoi est-ce que tu veux mon malheur ? Rodolfe : Parce que je ne te veux rien. Bernard-Marie Koltès (9/04/1948 - 1989) - Quai Ouest (Éditions de Minuit, 1985). |