Imidazopyrazinone

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Aequorea victoria.

Les imidazopyrazinones sont une classe de composés polycycliques et hétérocycliques. On peut considérer les dérivés de ces molécules comme faisant partie de la même classe. Les dérivés se retrouvent naturellement chez de nombreux animaux marins (méduse Aequorea victoria, crevette Oplophorus gracilirostris[1]…), et sont en partie à l’origine de propriétés bioluminescentes chez ceux-ci.

Ces propriétés luminescentes sont au cœur de plusieurs sujets de recherche pour des applications, médicales par exemple.

Par ailleurs, les imidazopyrazinones présentent aussi un intérêt médical pour leurs propriétés antioxydantes[2].

Famille moléculaire et noyau[modifier | modifier le code]

Le noyau imidazopyrazinone, de formule brute C6H5N3O ou C5H2N4O, est formé de l’assemblage d’une structure de pyrazine ainsi que d’un imidazolinone.

L’imidazo[1,2-α]pyrazin-3(7H)-one (numéro CAS 19943-93-2), l'imidazo[1,2-α]pyrazin-3(2H)-one (no CAS 1822915-18-3) et l'imidazo[4,5-b]pyrazin-2-one[3] (no CAS 1823279-58-8) sont des molécules faisant partie de cette famille.

Imidazo(1,2-a)pyrazin-3(7H)-one. Imidazo(1,2-a)pyrazin-3(2H)-one. Imidazo(4,5-b)pyrazin-2-one.
Imidazo(1,2-a)pyrazin-3(7H)-one.
Imidazo(1,2-a)pyrazin-3(2H)-one.
Imidazo(4,5-b)pyrazin-2-one.


Tautomérisation[modifier | modifier le code]

L’imidazo[1,2-α]pyrazin-3(2H)-one se tautomérise en imidazo[1,2-α]pyrazin-3-ol (no CAS 676460-49-4).

Réaction de tautomérie de l’imidazo[1,2-α]pyrazin-3(2H)-one.

Exemples de molécules dérivées[modifier | modifier le code]

Source[4].

Coelenterazine.

L’imidazo[1,2-α]pyrazin-3(7H)-one est l’imidazopyrazinone dont les dérivés sont les plus renseignés. En effet, cette molécule est le chromophore commun de la Cypridina luciferin (en) ainsi que de la coelenterazine (en). Ces molécules sont des luciférines. La coelenterazine possède elle-même de nombreux dérivés étudiés, notamment avec des substitutions de groupement en position C2, C6 et C8. Ces changements ont une importante influence sur la luminescence des molécules[5].

Cypridina luciferin.

Propriétés luminescentes[modifier | modifier le code]

Les luciférines de type imidazopyrazinone subissent des réactions produisant de la luminescence sans ATP, ni Mg2+, contrairement aux réactions du système bioluminescent de la luciole (ayant comme luciférine la amino D-luciférine)[6].

Lors d’une réaction de production de bioluminescence, la luciférine de type imidazopyrazinone se complexe avec un enzyme luciférase (NanoLuc luciférase)[7], puis réagit avec l’oxygène afin de former du dioxétanone, molécule de haute énergie. La molécule formée subit ensuite une décarboxylation, donnant un produit directement de son état S1 (état excité), celui-ci se désexcite spontanément, produisant ainsi un rayonnement autour de 400 nm, selon les substituants[4].

Ces processus possèdent un haut rendement quantique, principalement induit par les effets électroniques des substituants en position C6[8].

Ainsi, les dérivés d’imidazopyrazynone sont responsables de la bioluminescence chez de nombreuses espèces marines.

Axes de recherche sur le sujet[modifier | modifier le code]

Affinité avec le récepteur mGlu2 (neurotransmetteur)[modifier | modifier le code]

Noyau imidazopyrazinone.

L’efficacité de dérivés de l’imidazopyrazinone en tant que déclencheur de réactions métaboliques (déclenchement qui se fait en se complexant avec le glutamate, un neurorécepteur et récepteur métabotrope) a été étudiée en modifiant les substituants en position C2 et C6 du noyau imidazopyrazinone. Ainsi, les dérivés étudiés peuvent remplacer les molécules biologiques ayant normalement ce rôle : il s’agit de Scaffold Hopping (de) (remplacement d’une molécule par une autre, ayant un rôle identique, mais une structure différente).

Cette étude a été menée en se concentrant sur le mGlu2 (en) (récepteur avec lequel le glutamate se lie) car il est particulièrement intéressant par son importance en neuropharmacologie, et puisqu'il réagit bien avec l’imidazopyrazinone. Cette étude pourrait permettre de développer des traitements diminuant l’excitabilité, destinés à des patients souffrant de crises d’épilepsie ou de schizophrénie[9].

Utilisation pour détecter les superoxydes (réaction avec O2)[modifier | modifier le code]

L’étude montre que l’imidazopyrazinone peut servir de sonde pour détecter les anions superoxyde O2, en réagissant très rapidement avec ceux-ci, réaction produisant de la luminescence, ce qui rend la détection des superoxydes aisée. Les ions superoxyde sont des sous-produits de la respiration aérobie, ils sont donc présents en milieu physiologique. L’utilisation des dérivés d’imidazopyrazinone comme sonde permet de détecter O2 à partir d’une concentration de 19 pM[5],[10],[11].

6-(4-Méthoxyphényl)imidazo[1,2-a]pyrazin-3(7H)-one.

Cette détection est rendue possible par une réaction entre les molécules luminescentes et les superoxydes de type CRET (chemiluminescence resonance energy transfer) : les dérivés d’imidazopyrazinone sont oxydés par les ions superoxydes, le produit de cette première étape est dans son état excité. Ainsi, il produit un rayonnement absorbé par un receveur d’énergie produisant à son tour un rayonnement.

La structure des sondes dérivées d’imidazopyrazinone a été modifiée par des substitutions afin d’étudier l’influence de celles-ci sur les propriétés luminescentes, ce qui a une répercussion sur leur intérêt dans le rôle de sonde. Par exemple, le 6-(4-méthoxyphényl)imidazo[1,2-a]pyrazin-3(7H)-one (no CAS 706815-02-3) produit une lumière rouge par chimiluminescence, contrairement à la majorité des autres dérivés qui produisent plutôt de la lumière ayant pour longueur d'onde 400 nm environ (situé dans le bleu)[12].

Utilisation comme cage afin de contrer l'inhibition des luciférases par le cuivre[modifier | modifier le code]

L’utilisation de l'imidazopyrazinone a permis d’en connaître davantage sur les différents types de luciférase des organismes vivants, marins, bioluminescents. En effet, à la suite de travaux de recherche, il a été mis en évidence que l’oxydation de l’imidazopyrazinone par le cuivre inhibe l’activité enzymatique de la luciférase. Cette inhibition de l’activité de la luciférase constitue donc un frein pour la production de lumière. Pour répondre à cette problématique, une molécule contenant un groupe imidazopyrazinone (pic-DTZ) est utilisée comme cage afin de réagir avec le cuivre pour empêcher l’inhibition de la luciférase. C’est le premier exemple de transformation des substrats de la luciférine marine par l'intermédiaire d'un métal. Cette découverte ouvre ainsi la voie à d'autres questions et possibilités concernant l'évolution et les mécanismes moléculaires entourant les systèmes bioluminescents marins natifs[13],[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Satoshi Inouye, Ken Watanabe, Hideshi Nakamura et Osamu Shimomura, « Secretional luciferase of the luminous shrimp Oplophorus gracilirostris: cDNA cloning of a novel imidazopyrazinone luciferase », FEBS Letters, vol. 481, no 1,‎ , p. 19–25 (ISSN 0014-5793, DOI 10.1016/S0014-5793(00)01963-3, lire en ligne, consulté le )
  2. Frederic De Wael, Aminopyrazines et imidazopyrazinones : des hétérocycles d'intérêt potentiel en chimie médicinale (thèse), UCL - Université Catholique de Louvain, (lire en ligne)
  3. PubChem, « Imidazopyrazinone » (consulté le )
  4. a et b John Lee, « Perspectives on Bioluminescence Mechanisms », Photochemistry and Photobiology, vol. 93, no 2,‎ , p. 389–404 (ISSN 0031-8655, DOI 10.1111/php.12650, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b Katsunori Teranishi et Osamu Shimomura, « Coelenterazine Analogs as Chemiluminescent Probe for Superoxide Anion », Analytical Biochemistry, vol. 249, no 1,‎ , p. 37–43 (ISSN 0003-2697, DOI 10.1006/abio.1997.2150, lire en ligne, consulté le )
  6. Satoshi Inouye, Methods in Enzymology, vol. 326, Academic Press, coll. « Applications of Chimeric Genes and Hybrid Proteins Part A: Gene Expression and Protein Purification », , 165–174 p., « [12] Fusions to imidazopyrazinone-type luciferases and aequorin as reporters ».
  7. Nicolas Boute, Peter Lowe, Sven Berger, Martine Malissard, Alain Robert et Michael Tesar, « NanoLuc Luciferase – A Multifunctional Tool for High Throughput Antibody Screening », Frontiers in Pharmacology, vol. 7,‎ (ISSN 1663-9812, lire en ligne, consulté le ).
  8. Yuki Ishii, Chihiro Hayashi, Yoshihisa Suzuki et Takashi Hirano, « Chemiluminescent 2,6-diphenylimidazo[1,2- a]pyrazin-3(7 H)-ones: a new entry to Cypridina luciferin analogues », Photochemical & Photobiological Sciences, vol. 13, no 2,‎ , p. 182–189 (ISSN 1474-9092, DOI 10.1039/c3pp50197c).
  9. Ana I. De Lucas, Juan A. Vega, Aránzazu García Molina, María Lourdes Linares, Gary Tresadern, Hilde Lavreysen, Daniel Oehlrich, Andrés A. Trabanco et José M. Cid, « Scaffold Hopping to Imidazo[1,2- a ]pyrazin-8-one Positive Allosteric Modulators of Metabotropic Glutamate 2 Receptor », ACS Omega, vol. 6, no 35,‎ , p. 22997–23006 (ISSN 2470-1343, DOI 10.1021/acsomega.1c03739, lire en ligne, consulté le )
  10. Ryan J. Mailloux, « An update on methods and approaches for interrogating mitochondrial reactive oxygen species production », Redox Biology, vol. 45,‎ , p. 102044 (ISSN 2213-2317, DOI 10.1016/j.redox.2021.102044, lire en ligne, consulté le )
  11. Katsunori Teranishi, « Development of imidazopyrazinone red-chemiluminescent probes for detecting superoxide anions via a chemiluminescence resonance energy transfer method », Luminescence, vol. 22, no 2,‎ , p. 147–156 (ISSN 1522-7235 et 1522-7243, DOI 10.1002/bio.939, lire en ligne, consulté le )
  12. Yongcun Yan, Xin-yan Wang, Xin Hai, Weiling Song, Caifeng Ding, Jingyu Cao et Sai Bi, « Chemiluminescence resonance energy transfer: From mechanisms to analytical applications », TrAC Trends in Analytical Chemistry, vol. 123,‎ , p. 115755 (ISSN 0165-9936, DOI 10.1016/j.trac.2019.115755, lire en ligne, consulté le )
  13. Justin J. O'Sullivan, Vanessa J. Lee et Marie C. Heffern, « Copper‐mediated oxidation of imidazopyrazinones inhibits marine luciferase activity », Luminescence, vol. 38, no 2,‎ , p. 216–220 (ISSN 1522-7235 et 1522-7243, DOI 10.1002/bio.4415, lire en ligne, consulté le )
  14. Justin J. O'Sullivan, Valentina Medici et Marie C. Heffern, « A caged imidazopyrazinone for selective bioluminescence detection of labile extracellular copper(II) », Chemical Science, vol. 13, no 15,‎ , p. 4352–4363 (ISSN 2041-6539, DOI 10.1039/D1SC07177G, lire en ligne, consulté le )