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Gatekeeping

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L'expression gatekeeping (littéralement « garder le portail ») ou gardien[1] en français désigne dans le domaine de la communication, les intermédiaires chargés de gérer l’accès de certaines informations ou événements à la sphère publique, par le choix de la médiatisation. Par exemple, les journalistes sont des gatekeepers[2] qui jouent le rôle de « portier » : ils laissent entrer certaines informations dans le champ public, et en bloquent d’autres.

Définition

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Les gatekeepers[3] sont des professionnels de l’information qui sont des intermédiaires de l’espace public. Autrement dit, ils sont chargés de gérer l’accès à une information pour la rendre visible auprès de la population, des institutions et du monde médiatique.

L'information est filtrée et distribuée sur différents supports : les journaux, la radiodiffusion, Internet.

La pratique a été théorisée par le psychologue Kurt Lewin[4] en 1947 et se retrouve dans plusieurs domaines de la recherche, dont celui des sciences de la communication, du journalisme[5], des sciences politiques, et de la sociologie. Elle fut tout d’abord appliquée à la chaîne alimentaire, puis retransmise au domaine de la communication médiatique par le professeur David Manning White, en 1950.

Cette théorie de la communication du « gatekeeping » tente d’expliquer le fonctionnement de la machine médiatique. Selon cette théorie, partant du postulat que pour un journaliste il n’est pas possible de relater toutes les informations, ils sont obligés de sélectionner les sujets selon une logique structurelle et organisationnelle centrée sur les médias. Les informations envoyées au public sont donc les faits qui passent au crible des conférences de rédaction.

Pour vulgariser, les gatekeepers sont des « filtres »[6], qui prélèvent dans le flux d'informations et des discours qui leur parviennent ceux qui retiennent le plus leur attention, pour permettre à un journaliste ou communicant de les retransmettre par la suite au public. Ceci va constituer un « miroir de la réalité ». Ce principe permet de susciter l’interrogation et des réactions auprès du grand public. Cela sous-entend qu’il existerait une couverture biaisée de l’actualité, car la production journalistique s'éloignerait des faits de société à l'occasion des filtrages opérés par le milieu médiatique.

L’influence des médias dépendait, à en croire surtout la sociologie des médias anglo-saxonne, de deux autres personnages : le gate-keeper et l’opinion-leader. Le premier était le « garde-barrière », celui qui décidait quel contenu serait diffusé, ce qui accéderait ou pas à la lumière médiatique, ce qui constituait un événement ou une opinion représentable : un rédacteur en chef, par exemple. Quant au leader d’opinion, c’est le personnage qui pèse sur la vision d’autrui, soit en vertu d’une autorité morale ou intellectuelle qu’on lui prête et qui lui donne un droit privilégié de faire connaître son opinion, soit parce qu’il tient une place clef dans des réseaux humains de proximité, qu’il est par exemple, très représentatif d’une communauté, que beaucoup sollicitent son avis..., notamment pour interpréter les messages qu’ils reçoivent par les médias.

Ce système déjà compliqué à six entrées (l’argent , l’urgent, les gens et le propriétaire, le gatekeeper[7] et l'opinion leader) dépendait en outre de la nature technique des médias : il est évident que l’on ne reflète pas la réalité de la même façon (donc que l’on n’exerce pas pareillement de l’influence) par trois colonnes de textes en première page écrites la veille à la plume d’oie par leur auteur avant d’être composées ou par quarante secondes d’images numériques achetées en ligne à une agence de presse et montée à la hâte.

Modèles du gatekeeping

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Modèle de Kurt Lewin[8]

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C’est à Kurt Lewin, psychologue américain spécialisé dans la psychologie sociale et comportementaliste, que revient la première théorie de la sélection des nouvelles de Gatekeeping publiée en 1947. Cette théorie était à l’origine appliquée à la chaîne alimentaire par les femmes américaines pendant la Seconde Guerre mondiale[9].

L’objectif de cette étude était de mettre en évidence le fait que le menu présenté à table par la ménagère dépendait toujours de la sélection effectuée par celle-ci lorsqu’elle faisait les courses.

Kurt Lewin en conclut que le changement des habitudes alimentaires d’une famille dépend de la décision de la femme, car c’est en effet elle qui assure la sélection des produits alimentaires au marché. En d’autres termes, elle joue bien le rôle de « portier », puisqu’elle laisse entrer certains éléments et pas d’autres à la maison.

Elle sera appliquée au secteur de la communication par d’autres chercheurs.

Modèle de David Manning White

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C’est David Manning White, professeur à l’Université de Boston aux États-Unis, qui reprend l’étude précédente de Kurt Lewin, et qui applique sa théorie de Gatekeeping à la communication médiatique en 1950. Sa principale préoccupation était de comprendre les facteurs qui influencent la sélection des informations dans les organes de presse, ainsi que pourquoi ils en sélectionnent certaines et en rejettent d’autres.

David M. White constate que les canaux de transmission des informations comportent des « airs de sélection » dont la fonction principale est de filtrer les informations à diffuser[10]. Cette fonction est donc similaire à celle du « portier » de Lewin. Selon lui, la décision de faire entrer une information et d’en rejeter une autre revient au rédacteur en chef, qui a ce rôle de « gatekeeper », de « portier ».

Voici ce que White en conclut après son étude effectuée au bureau de presse du journal The Peoria Star (quotidien local américain), et relativement à la manière de travailler du rédacteur en chef M. Gates :

  • Les critères du choix des nouvelles sont subjectifs et relèvent du jugement de valeur du sélectionneur.
  • Le rejet d’une nouvelle est motivé par le fait qu’elle soit dénuée d’intérêt.
  • La forme de l’information est déterminante dans la sélection.
  • La sélection d’une nouvelle dépend aussi de la concurrence avec d’autres organes de presse.

Toutefois, il faut noter que cette théorie ne prend en compte aucune contrainte organisationnelle ou structurelle.

Modèle de Pamela Shoemaker & Timothy Vos

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En 2009, Pamela Shoemaker et Timothy Vos (professeurs de communication) ont étudié les forces dans le maintien des nouvelles concernant la couverture des projets de loi dans leur ouvrage Gatekeeping Theory[11]. Plus précisément, ils s'intéressaient à deux hypothèses :

  • La force d'entretien régulière de l'évaluation de la notoriété d'un projet de loi sera liée à la façon dont un projet de loi est couvert.
  • Les forces des journalistes[12](éducation, idéologie politique, expérience de travail, ethnicité, genre, comportement électoral) seraient liées à la façon dont un projet de loi est couvert.

Ils ont également prédit que le caractère journalistique d'un projet de loi serait plus important que les caractéristiques personnelles des journalistes. En examinant à la fois les journalistes (pour leurs caractéristiques personnelles) et les rédacteurs en chef (pour évaluer la qualité d'actualité), Shoemaker et Vos ont constaté que seuls les articles de journaux avaient un effet significatif sur le niveau de la couverture d'un projet de loi. La notoriété serait donc plus importante que les caractéristiques personnelles.

Prise de décisions des Gatekeepers

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  • Individuel : Les décisions sont personnelles
  • Pratiques quotidiennes du travail de communication : Les décisions sont prises selon un ensemble préétabli et des habitudes générales.
  • Entreprises de communication : L’environnement d’institutions sociales affectent les décisions prises.
  • Institutions sociales : Les événements varient selon les cultures qui permettent ou non la validité d’une nouvelle.
  • Sociétés : La culture, l’importance sociale, la politique influencent la décision de la sélection.

Sociologie du News Making : critères du tri opéré par les Gatekeepers

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Dans les années 1950-1960, une nouvelle sociologie des médias commence à prendre forme, c’est la sociologie du Newsmaking qui relève de la fabrication de l’information. Il s’agit de relativiser les contraintes idéologiques, car souvent, les termes techniques de formats et de style pèsent plus que des considérations technologiques sur la mise en forme des informations.

Plusieurs sociologues comme David Manning White ou Walter Gieber ont observé les pratiques concrètes du tri effectué par les gatekeepers, et ces pratiques déterminent leur production comme l’organisation du travail individuel et collectif, les contraintes marchandes, les idéologies professionnelles, etc.

Les gatekeepers doivent prendre en compte deux types de contraintes :

Les contraintes organisationnelles

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L’organisation a des effets sur l’information :

  • l’environnement informationnel
  • les contraintes budgétaires
  • les contraintes temporelles (retard, temps disponible limité par exemple)

Les contraintes structurelles

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Les contraintes de formats influencent le choix des gatekeepers de la médiatisation ou non de certains événements. Il existe deux types de formats :

  • Formats de diffusion : Ce sont les conventions stylistiques qui contribuent à la mise en forme d’une information dans son aspect final (par exemple : longueur d’un article / reportage, rythme, ton, mots utilisés, etc.).
  • Formats de production : Ce sont les moyens mis en œuvre pour couvrir les événements :
  • Moyens humains : équipe limitée, condition de travail des journalistes, poids de la hiérarchie, pouvoir du directeur.
  • Moyens économiques : budget dont dispose les rédactions.
  • Moyens organisationnels : condition de travail des journalistes, travail de nuit, remplacement.

David Manning White, lui, conclut que les critères sur lesquels le gatekeeper effectue ses choix sont très subjectifs et que la sélection des informations correspond sur des jugements de valeurs fondés sur ses propres expériences, attitudes, et attentes.

Ainsi, les journalistes sont parfois soupçonnés de prendre parti pour certains politiques par exemple, mais ce n’est en fait qu’une question de style et de moyen.

Les réseaux sociaux face au gatekeeping

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Le gatekeeping remet en cause l’ordre classique de l’information. Les nouvelles pratiques du « web 2.0 »[13] tendent à faire de cette nouvelle forme de communication un mur invisible qui filtre et influence sans passer par des intermédiaires.

Pourtant cette configuration déjà utilisée par les journalistes au début du siècle permet comme l’écrivait Edward Bernays (neveu de Sigmund Freud) de « manipuler l’opinion en démocratie ». Les médias classiques comme la télévision ou la grande presse nationale sont très influents, et peu accessibles au public. C’est pourquoi la présence de gatekeepers ou portiers, permet de garantir une étanchéité plus forte des médias en les isolant un peu plus de leurs discours. Ce processus communicationnel était à sens unique, sans aucune possibilité de feedback ou d’interaction.

Or, le « web social » avec l'avènement des réseaux sociaux consacre une nouvelle interactivité au monde de l’information. Les utilisateurs ont commencé à jouer un rôle plus important dans la production et distribution d'articles en ligne via les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter. Les contenus générés sur ces mêmes réseaux sont plus fréquemment admis par les utilisateurs de Twitter que sur les grands médias conventionnels, confirmant l’autonomisation des utilisateurs en ligne dans la relecture et la redistribution des informations, à des publics en réseau sans passer par la case journaliste.

Le processus informationnel du XIXe siècle doit s’arranger avec une interactivité croissante. La communication à l’heure du « web social » échappe aux acteurs classiques de l’information, conduisant de nouveaux protagonistes à émettre un discours en pouvant ainsi mentionner et interpeller des acteurs divers sur Twitter ou Facebook. Ces réseaux laissent la possibilité à des groupes d'influence de prendre du pouvoir, notamment les "usines à fakes" et les pages Facebook ou comptes très partisans qui produisent des contenus en grande quantité pour influence l'opinion[14].

Références

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  1. Danièle Kriegel, « "The Gatekeepers" : le film qui dérange Netanyahou », Le Point,‎ (lire en ligne).
  2. « Les nouveaux Gatekeepers », .
  3. (en) Shoemaker, Pamela J., Gatekeeping Theory, New York: Routledge,
  4. (en) Kurt Lewin, A dynamic theory of personality,
  5. Maeyer Juliette,, « Être journaliste dans un environnement 2.0. Les médias belges face aux innovations technologiques », Cairn.info,‎ , p. 200 (lire en ligne)
  6. (en) J Gen Intern Med., « The Good (Gatekeeper), the Bad (Gatekeeper), and the Ugly (Situation) », National Center for Biotechnology Information Search database,‎ (lire en ligne)
  7. Samuel Blumenfeld, « "The Gatekeepers" », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. (en) « GateKeeping Theory », sur Communication Theory, (consulté le )
  9. HEINDERYCKX, François, Une introduction aux fondements théoriques de l'étude des médias, p. 53.
  10. WHITE, David Manning, The Gatekeeper: a case study in the selection of news, cité par WILLETT, Gilles.
  11. Gatekeeping Theory (with T. Vos, 2009)
  12. D'Aiguillon, Benoît Geuens, Geoffrey Lemieux, Cyril Mathien, Michel Ollivier-Yaniv, Caroline Pélissier, Nicolas Rasse, Paul Rieffel, Rémy Ruellan, Denis Tournay, Virginie, « Figures du journalisme : critique d'un imaginaire professionnel. », n°45,‎ , p. 175 (lire en ligne)
  13. (en) Tim O'Reilly, What Is Web 2.0. Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software,
  14. Vincent Glad, « Les journalistes sont hors jeu. Est-ce à Facebook de décider de la vérité? », Libération,‎ (lire en ligne)