Doline de Bayou Corne
La doline de Bayou Corne est un affaissement de terrain couvrant une surface de plusieurs hectares dans une zone de marais en Louisiane. Cette doline, un effondrement de terrain formant un abîme, semble avoir pour origine l'érosion des parois des puits creusés pour fabriquer de la saumure par la Texas Brine Company : l'effondrement d'une des cavernes d'exploitation d'un dôme salin aurait formé progressivement la doline, ou « sinkhole » en anglais.
Cette catastrophe naturelle a provoqué le déplacement de 350 membres de communautés vivant à proximité du bayou, et, alors que la zone sinistrée s'étend, de multiples problèmes sont survenus : contamination des nappes aquifères, fracture du sol jusqu'à des réserves souterraines de gaz et de pétrole brut, proximité de la doline à un puits de stockage de butane, etc.
Découverte
Découverte par un salarié de la Texas Brine, la doline est apparue le 3 août 2012 après deux mois d'activité sismique inexpliquée et de bulles apparaissant à la surface du bayou[1],[2]. Alors que la doline s'agrandit, des forages sont demandés à la Texas Brine Company pour déterminer l'origine et l'étendue de l'effondrement. Suite à l'apparition de la doline, une évacuation obligatoire de la communauté de Bayou Corne est lancée par la police de la paroisse de l'Assomption[1].
La proximité de la doline avec un puits de 1,5 million de litres de butane liquide a très rapidement inquiété les autorités alors que l'affaissement a gagné en étendue, son diamètre ayant augmenté de 20 pieds (6 m) de diamètre en certains points en l'espace de 3 jours[1].
Évolution de la doline
Exploitation de saumure
Le puits d'exploitation, Oxy Geismar 3, est une caverne dans le dôme salin de Napoleonville, dont le permis d'exploitation a été délivré en 1982 sur la base de plans du sous-sol datant des années 1960[3]. La forme de ce dôme salin, entouré d'une couche de pétrole et de gaz naturel est typique des dômes salins des états du golfe du Mexique. L'extraction de la saumure s'effectuait par injection à haute pression d'eau douce dans des puits creusés dans le dôme, la saumure était ensuite pompée et acheminée vers des raffineries qui en extraient de l'hydroxyde de sodium et du chlore[2]. Occidental Petroleum possède le terrain, de 40 acres (0,2 km2), et exploitait la saumure extraite à des fins industrielles[4]. Le terrain est un marais dont la végétation principale est le cyprès[5],[2],[1].
Le site, une caverne située à près de 1 milles (1,61 km) sous la surface, a été fermé en juin 2011[4] suite à plusieurs observations. D'abord, la proximité de la caverne à la couche de pétrole et de gaz avait déjà été sous-estimée en 1982 à cause des difficultés à modéliser les terrains à de telles profondeurs ; après les opérations d’injection mining, seul 100 pieds (30 m) séparaient la caverne Oxy Geismar 3 de l'enveloppe extérieure du dôme. En outre suite à la demande en 2010 par la Texas Brine d'un permis d'expansion, un test d'intégrité avait été demandé. Il n'avait pas été possible pour Texas Brine d'atteindre les pressions demandées dans la caverne et le site fut de ce fait fermé car cela pouvait être un signe de défaillance de la caverne. Oxy Geismar 3 est alors bouchée et abandonnée[2],.
Cause probable de la doline
Il est très probable que la doline ait été provoquée par l'affaissement d'Oxy Geismar 3, à cause de l'usure et de la proximité à la couche extérieure du dépôt souterrain[5],[4] un phénomène connu mais ici atypique, puisque l'affaissement des parois de la caverne se serait fait sur le côté et non du fait de la pression du sol sur le haut de la mine[2],[3]. Des millions de mètres cubes de roche, provenant des formations géologiques à proximité aurait alors remplit la caverne[3].
Le dôme salin de 1 milles (1,6 km) de profondeur et 3 milles (4,8 km) de large aurait conservé sa stabilité d'après des études menées par la Texas Brine[5].
D'autres hypothèses moins probables et non scientifiques seraient l'effondrement d'un puits de pétrole foré dans les années 1950 à proximité de la mine de saumure, ou encore une secousse sismique légère[2].
Précédents
L'utilisation des dômes de sel pour l'extraction du sel a commencé sans doute durant l'âge de pierre, l'exploitation du gypse, du soufre et de la saumure à partir de ces formations et à l'aide de techniques de minage par injection n'a débuté que depuis les années 1940, en même temps que l'usage des cavernes souterraines à des fins de stockage de gaz et de liquides dans lesquels le sel n'est pas soluble, ainsi que de déchets des industries locales[6]. La région du golfe du Mexique, riche en dômes salins, est ainsi beaucoup exploitée pour les ressources et l'espace de stockage.
Les dépressions naturelles sont courantes sur les dômes salins, du fait de la dissolution naturelle du sel ou de la subsidence des formations géologiques. Cependant les effondrements d'origine humaine ne sont pas inconnus[7].
En 1929, au Texas, l'extraction de pétrole au niveau du dôme de sel de Sour Lake accélère l'érosion de la halite et provoque le la formation d'une doline. Le cratère, initialement un trou circulaire en pente douce de 15 pieds (5 m) dans le sol, s'agrandit pour atteindre 90 pieds (27 m) de profondeur avant de se combler par l'effondrement des bords de la doline[7].
En 1954, la caverne 7 du dôme de Bayou Choctaw à la paroisse d'Iberville s'effondre du fait de la faiblesse de l'enveloppe du dôme et sa perméabilité : le poids trop grand exercé sur une caverne fragilisée amène à la formation de Cavern Lake, un lac ayant remplis le fontis[8]. En mai 1992, c'est dans les Weeks Islands, îles formées par des dômes salins, que deux dépressions sont découvertes. L'une d'entre elle, un affaissement à parois verticales de 9 m de profondeur dans le loess du pléistocène, continue d'évoluer durant des mois. Les investigations montrent que ces deux dolines proviendraient d'un effondrement d'une mine dans le dôme salin, dont la fragilisation aurait débuté en 1970 pendant son exploitation puis son utilisation comme dépôt de pétrole[9].
Des effondrements par le haut des cavernes de sel sont connus et répandus dans le monde, en France, en Algérie, au Texas et au Kansas par exemple[3].
Soupçons d'instabilités
Comme le dôme de Napoleonville, le dôme de Choctaw possède une structure avec des « rebords » (overhang structure) qui peut poser problème : la mésestimation de la largeur disponible pour creuser les puits, corrigée par des mesures dans le cas du dôme de Bayou Choctaw[8], est ce qui amène à creuser Oxy 3 trop proche de la couche externe du dôme de Napoleonville[3].
La possibilité que le puits Oxy Geismar 3 soit placé trop près de l'extérieur du dôme est envisagée dès 1991[3] et
Dimensions et conséquences sur l'environnement
Mesurée à son apparition en août 2012, la doline mesure 324 pieds (98,8 m) de diamètre et 50 pieds (15,2 m) de profondeur, sauf en un endroit où la profondeur va jusqu'à 422 pieds (128,6 m)[1]. La doline possède une superficie actuelle de 24 acres (9,7 ha) et s'est donc agrandie d'un facteur 20 par rapport à la première des mesures[5]. Sa profondeur va jusqu'à 750 pieds (228,6 m) en août 2013[2].
La dimension totale de la zone souterraine effondrée n'est pas certaine ce qui empêche d'estimer la dimension maximale que pourra atteindre la doline[5].
Les réserves naturelles de méthane et de pétrole ont été par ailleurs touchées depuis la catastrophe, des résurgences régulières de ces substances ponctuent les périodes d'activité de la doline. Le méthane, hautement inflammable, a dû être pompé par sécurité. L'estimation des réserves de gaz étant contestée et le débit de pompage ayant fortement baissé à partir de février 2013, il est possible que l'extraction du gaz dure plus de trois à cinq ans[5]. Selon une estimation d'un officiel de la paroisse, environ 300 gal US (1 135,6 litres) de pétrole brut ont été relâchés à la surface du lac formé par la doline[2].
Conséquences
Évacuation en août 2012
L'affaissement provoqué par la doline est initialement appelé un « slurry hole » (ou trou boueux) du fait de l'aspect de la formation, un espace mouvant plein de boue charriant des morceaux de terre, d'herbe et de pétrole ; cet affaissement engloutissant plusieurs cyprès adultes entièrement, l'alerte est donnée et une évacuation lancée par les autorités de Bayou Corne et Grand Bayou. 350 personnes environ sont alors touchées par l'arrêté d'évacuation[5].
Un dédommagement a été organisé par la Texas Brine suite au déménagement soudain de la population de Bayou Corne. 875 USD sont alloués pour les personnes ayant été évacuées. Certaines cependant ont préféré braver l'évacuation et rester[2], d'autres ont refusé l'argent[10].
Volet judiciaire
Texas Brine a entamé des négociations à partir de mai 2013 pour racheter les terrains évacués et en danger d'être engloutis. La date butoir était fixée au 31 juillet 2013 et à ce jour, 63 propriétés sur 92 ont été rachetées alors que plusieurs plaintes et une class-action sont en cours[5]. Outre ces plaintes, le volet judiciaire de la catastrophe a amené l'état de Louisiane et le bureau du shérif et de la police de la paroisse de l'Assomption à porter plainte contre la Texas Brine et une filiale de l'Occidental Petroleum située à Dallas pour la mobilisation des autorités et les dégâts environnementaux causés par la catastrophe[4]. L'enjeu serait un dédommagement de près de 8 millions de dollars pour la seule mobilisation publique contre cette catastrophe[10].
Texas Brine a aussi porté plainte, contre la même filiale que l'état de Louisiane : Occidental Chemical Corporation, contre Vulcan Materials Company, Adams Resources Exploration Company et Browning Oil Company Incorporated, toutes responsables selon la Texas des décisions ayant mené à la défaillance du dôme salin[4].
Nouvelles régulations
Suite à cet incident, de nouvelles régulations doivent être mises en place pour les exploitants des dômes salins, notamment une limite de 300 pieds (91 m) entre caverne et extérieur du dôme à ne pas dépasser[3].
Notes et références
- (en) Melissa Gray, « Louisiana probes cause of massive bayou sinkhole », sur CNN.com, (consulté le )
- (en) Tim Murphy, « Meet the Town That's Being Swallowed by a Sinkhole », sur The Atlantic Cities, (consulté le )
- (en) David J. Mitchell, « Shape of salt dome factor in sinkhole », sur The Advocate, (consulté le )
- (en) David J. Mitchell, « Louisiana suing Texas Brine over Assumption sinkhole », sur The Advocate, (consulté le )
- (en) David J. Mitchell, « One year later: Bayou Corne sinkhole still a mystery », sur The Advocate, (consulté le )
- (en) R. L. Thoms et R.M. Gehle, « A brief history of salt cavern use », Proc. 8th World Salt Symposium, Elsevier, , p. 207-214
- //books.google.com/books?id=B-zT7x4cvUIC&dq=sinkhole%20salt%20dome&pg=PA314
- (en) James T. Neal, Thomas R. Magorian et Kathleen O. Byrne, Strategic Petroleum Reserve (SPR) additional geologic site characterization studies, Bayou Choctaw salt dome, Louisiana, , 91 p., PDF (DOI 10.2172/10190133, lire en ligne)
- //books.google.com/books?id=em2e3Q6racsC&dq=sinkhole&pg=PA339
- (en) Debbie Elliott, « Massive Sinkhole In Louisiana Baffles Officials », sur NPR, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Sur le sujet en général des effondrements de différents types :
Quelques effondrements en zone humide :
Liens externes
- « En Louisiane, un lac qui avale les arbres », sur Rue89, (consulté le )Article bref de Rue89 avec une vidéo de l'engloutissement brusque de cyprès de près de 40 pieds (12 m) de haut
- [PDF](en) « Carte de la zone d'effondrement », sur The Advocate (consulté le )Carte mise à jour des différents stades d'effondrement et situation géographique de la zone dans le district de Napoleonville
- (en) « Assumption Parish Police Jury », sur wordpress d'Assumption ParishLe blog du district, donnant des informations régulières et des vidéos de la progression du sinkhole mais aussi de l'avancée de l'affaire juridique et des informations de la Texas Brine
