Équation d'Avrami

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Transformation de phase par croissance autour de germes apparus aléatoirement dans la phase-mère

L'équation d'Avrami (ou modèle d'Avrami) décrit les transformations de phase (ou changements d'état) dans les solides, à température constante. Elle s'applique plus particulièrement à la description de la cinétique de la cristallisation[1], ainsi qu'à d'autres changements de phase ou des réactions chimiques. Elle peut également être appliquée à l'analyse d'écosystèmes[2]. Cette équation est aussi connue sous le nom d'équation de Johnson-Mehl (en)-Avrami-Kolmogorov, ou équation JMAK. L'équation a été obtenue en premier lieu par Kolmogorov en 1937, puis popularisée par Melvin Avrami (en) dans une série d'articles publiés dans le Journal of Chemical Physics de 1939 à 1941[3],[4],[5].

Cinétique de la transformation[modifier | modifier le code]

Graphe typique d'une transformation isotherme (haut). La transformation peut être décrite plus simplement à l'aide de l'équation d'Avrami en représentant ln(ln(1/(1-Y))) en fonction de ln(t), ce qui forme une droite.

Les taux de transformations suivent souvent au cours du temps des courbes de forme sigmoïdales (en "S") avec des vitesses d'évolution faibles en début et fin de transformation, mais passent par un maximum dans une période intermédiaire.

La faible valeur des vitesses du début de la transformation peut être attribuée au temps nécessaire pour qu'un nombre significatif de germes apparaissent avant que la croissance ne commence réellement. L'étape intermédiaire est stationnaire et rapide lorsque la croissance aux dépens de la phase mère se développe par rapport à la germination.

Lorsque la transformation s'approche de l'état final, la quantité de matière non-transformée est faible et la production de nouveaux germes ralentit, les particules existantes commencent à se toucher et forment une frontière où la croissance s'arrête.

Hypothèses et démonstration[modifier | modifier le code]

La démonstration la plus simple de l'équation d'Avrami repose sur un certain nombre d'hypothèses simplificatrices[6] :

  • La germination (nucléation) apparaît aléatoirement et uniformément dans la partie non-transformée du matériau.
  • La vitesse de croissance ne dépend pas du taux de transformation.
  • La croissance est identique dans toutes les directions.

Lorsque ces conditions sont remplies, la transformation de en se produit par apparition de germes à une vitesse par unité de volume. Leur rayons croissent à la vitesse . En réalité, la croissance s'arrête lorsque les particules se recouvrent mutuellement ; en d'autres termes, la germination et la croissance ne peuvent se produire que dans la phase non transformée () du matériau. Le problème ne peut être résolu simplement qu'en utilisant le concept de Volume étendu, c'est-à-dire le volume que formerait la nouvelle phase () si l'ensemble de l'échantillon restait non transformé.

On va donc chercher à estimer le volume étendu transformé à l'instant . Ce volume est le résultat de (i) la germination qui a eu lieu à l'instant et, (ii) de la croissance de ces germes pendant une durée pour tous les temps tels que .

Le nombre de germes qui apparaissent dans l'intervalle de temps est donné par :

Puisque la croissance est isotrope, constante et n'est pas affectée par la matière déjà transformée, chaque germe grandit comme une sphère de rayon et le volume étendu de résultant de la germination et de la croissance des germes apparus dans cet intervalle de temps sera :

L'intégration de cette équation entre et permet d'obtenir le volume étendu total apparu à l'instant  :

Seule une partie de ce volume est réel ; une partie recouvre le matériau précédemment transformé et est virtuelle. Comme la germination apparaît aléatoirement la fraction du volume étendu qui se forme réellement pendant un accroissement de temps sera proportionnelle à la fraction volumique de phase non transformée. Par conséquent :

Soit, après réarrangement :

puis, par intégration sur le volume :

est la fraction volumique de ().

D'après les égalités précédentes, ceci peut se réduire à la forme plus familière de l'équation d'Avrami (JMAK), qui donne le taux de matière transformée au cours du temps à une température donnée :

 où :  , et :

Ce qui peut aussi s'écrire :

et permet la détermination des constantes depuis un graphe représentant en fonction de . Si la transformation obéit à un modèle d'Avrami, La courbe obtenue est une droite de pente et d'ordonnée à l'origine ln ().

Interprétation des constantes du modèle d'Avrami[modifier | modifier le code]

Il n'y a pas d'interprétation physique claire des constantes et . était initialement supposé avoir une valeur entière comprise entre 1 et 4, et devait refléter la nature de la transformation modélisée. Par exemple, dans la démonstration ci-dessus, la valeur 4 pouvait être attribuée à une croissance tridimensionnelle à vitesse de germination constante. D'autres démonstrations existent, qui donnent à des valeurs différentes[7]. Si les germes sont tous présents au début, la transformation est due à la croissance et vaut 3.

Une situation intéressante est celle où la germination se produit uniquement sur des sites particuliers (comme les joints de grains ou les impuretés), qui sont saturés rapidement après le début de la transformation. La transformation commence par une étape de germination et croissance libre qui conduit à des valeurs élevées de (3, 4). Dès qu'il n'y a plus de site de germination libres, l'apparition de nouvelles particule cesse.

En outre, si la distribution des sites est déterminée, la croissance peut être restreinte à une ou deux dimensions (eutectiques, dendrites...). La saturation peut conduire à des valeurs de égales à 1, 2, ou 3 pour des sites distribués respectivement sur des coins, des surfaces ou des points[8].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Avrami equation », IUPAC, Compendium of Chemical Terminology [« Gold Book »], Oxford, Blackwell Scientific Publications, 1997, version corrigée en ligne :  (2019-), 2e éd. (ISBN 0-9678550-9-8)
  2. I Avramov, « Kinetics of distribution of infections in networks », Physica A, vol. 379,‎ , p. 615–620 (DOI 10.1016/j.physa.2007.02.002)
  3. (en) Avrami, M, « Kinetics of Phase Change. I. General Theory », Journal of Chemical Physics, vol. 7, no 12,‎ , p. 1103–1112 (DOI 10.1063/1.1750380, Bibcode 1939JChPh...7.1103A)
  4. (en) Avrami, M, « Kinetics of Phase Change. II. Transformation-Time Relations for Random Distribution of Nuclei », Journal of Chemical Physics, vol. 8, no 2,‎ , p. 212–224 (DOI 10.1063/1.1750631, Bibcode 1940JChPh...8..212A)
  5. (en) Avrami, M, « Kinetics of Phase Change. III. Granulation, Phase Change, and Microstructure », Journal of Chemical Physics, vol. 9, no 2,‎ , p. 177–184 (DOI 10.1063/1.1750872, Bibcode 1941JChPh...9..177A)
  6. (en) AK Jena et MC Chaturvedi, Phase Transformations in Materials, Prentice Hall, , 482 p. (ISBN 0-13-663055-3), p. 243.
  7. (en) AK Jena et MC Chaturvedi, Phase Transformations in Materials, Prentice Hall, , 482 p. (ISBN 0-13-663055-3), p. 247.
  8. (en) JW Cahn, « Transformation kinetics during continuous cooling », Acta Metallurgica, vol. 4, no 6,‎ , p. 572–575 (DOI 10.1016/0001-6160(56)90158-4)