Lumières portugaises

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Les Lumières portugaises sont la contribution intellectuelle du Portugal au mouvement des Lumières.

Le mouvement de réflexion philosophique, politique et économique associé aux Lumières est précoce au Portugal. Appelé Iluminismo, il prend ses racines dans la Restauration d'une dynastie nationale en 1640 et le retour de la Cour à Lisbonne, au milieu du XVIIe siècle, qui provoque une réflexion au sein des élites destinée à améliorer l'état et l'organisation du pays et de la société.

Dès la seconde moitié du XVIIe siècle, le penseur et diplomate Duarte Ribeiro de Macedo (1618-1680) présente des idées économiques dans son Discurso sobre a introdução das Artes no Reino annonçant les idées et les concepts des Physiocrates et des économistes classiques. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, le diplomate et penseur José da Cunha Brochado dresse dans ses Cartas et ses Memorias un tableau critique comparatif féroce de la société portugaise, et plaide pour une réforme généralisée du système d'enseignement permettant la formation d'élites compétentes et une élévation du niveau culturel de la population[1] [2]. En 1752, trois ans avant la publication du Discours sur les origines et les fondements de l'inégalité de Rousseau, le philosophe Matias_Aires_Ramos_da_Silva_Eça (1705-1763) développe des idées révolutionnaires sur l'abolition de la propriété privée[3] .

Tout au long du XVIIIe siècle, Les philosophes portugais Luís António Verney (1713-1792), Antonio Nunes Ribeiro Sanches (1699-1783), Francisco_Xavier_de_Oliveira (1702-1783) sillonnent l'Europe et contribuent à l'évolution des mentalités avec leurs traités de philosophie, de médecine et de pédagogie. Seize ans avant la publication de l’Émile, dans son oeuvre Verdadeiro Método de Estudar, publiée à Valence en 1746, le philosophe Luís António Verney défend un enseignement basé sur les réalités concrètes et l'expérience, une instruction élémentaire universelle et publique sans distinction de sexe et de classe, entièrement financée par la Couronne, et une réforme en profondeur de l’État. Au milieu du siècle, Antonio Nunes Ribeiro Sanches participe à la rédaction de l'Encyclopédie de Diderot. Depuis La_Haye et Londres, le chevalier de Oliveira lance parmi les attaques les plus virulentes contre l'Inquisition portugaise dans son traité Reflexões de Félix Vieira Corvina dos Arcos.

D'une façon générale, les philosophes introduisant ou développant des idées nouvelles sont censurés par les pouvoirs publics, condamnés par l’Église, et qualifiés d'estrangeirados, « influencés par l'étranger ». Confrontés à des incompréhensions chez les courtisans et le marquis de Pombal, Luís António Verney est condamné à mort et finit sa vie en exil à Rome. Antonio Nunes Ribeiro Sanches est condamné à la prison par l'Inquisition en raison de ses origines juives et doit passer la majeur partie de sa vie en exil, entre la Russie et Paris. Et le chevalier de Oliveira, exilé à Vienne, La Haye et Londres, est brûlé en effigie au centre de Lisbonne.

Du marquis de Pombal à la monarchie libérale du prince régent Jean VI

Incarnation politique du mouvement, le marquis de Pombal initie une reforme en profondeur son pays de 1750 à 1777. Avec le soutien du roi Joseph Ier de Portugal, il affirme l'autorité de l’État, soumet la haute noblesse traditionnelle, réorganise l'Empire, réduit les pouvoirs de l'Inquisition, et organise l'expulsion puis la dissolution de l'ordre jésuite. Paradoxalement, tenant de l'ordre et de l'absolutisme, le marquis pratique une politique autoritaire dans le cadre de laquelle, ne souffrant aucune contestation, il condamne et chasse les penseurs et philosophes portugais, et censure leurs ouvrages.

Si le mouvement réformiste portugais connaît un ralentissement avec le début du règne de la reine Marie Ire de Portugal, dite « la Pieuse », en 1777, pendant lequel la Monarchie s'efforce de mener une politique réactionnaire, avec un retour de la noblesse traditionnelle au pouvoir, celle-ci ne constitue qu'une parenthèse. Pendant une dizaine d'années, la reine s'efforce d'imposer ses vues. Le marquis de Pombal est démis et placé en semi-exil dans sa ville de Pombal. Le gouvernement portugais revient sur un grand nombre de réformes sociétales de la période précédente. L'ordre jésuite est notamment autorisé.

Puis à partir de 1786, avec le début des crises de folie de la reine, et l'arrivée au pouvoir du prince régent Jean VI de Portugal, homme ouvert et volontiers novateur, la Monarchie portugaise prend une orientation beaucoup plus libérale. Les idées nouvelles se remettent à circuler, plus librement que sous le marquis de Pombal. Le renouveau politique est incarné par le cabinet de Rodrigo de Sousa Coutinho, qui assure l’action réformatrice la plus inspirée des Lumières jusqu'en 1803[4] [5].

  1. (pt) « Cartas de José da Cunha Brochado ao Conde de Viana, D.S José de Meneses (1705-1710) - See more at: http://www.joaquimdecarvalho.org/artigos/artigo/239-Cartas-de-Jose-da-Cunha-Brochado-ao-Conde-de-Viana-D.S-Jose-de-Meneses-1705-1710-#sthash.BybIRW89.dpuf » (consulté le )
  2. (pt) « José da Cunha Brochado », sur Infopédia (consulté le )
  3. Sur l’usage que fit le siècle de la formule, voir l’article de Jacques Roger, « La lumière et les lumières », (Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1968, 20, pp. 167-177) une archéologie de l’expression.
  4. « Indépendance au Brésil et Lumières au Portugal : politique et culture dans l’espace luso-brésilien (1792-1823) »,
  5. Les philosophes « des Lumières » ont pour objectif d’éclairer leur siècle, d’amener une lumière nouvelle sur les questions restées sans réponse. « […] nous voilà dans un siècle qui va devenir de jour en jour plus éclairé, de sorte que tous les siècles précédents ne seront que ténèbres en comparaison […] » Pierre Bayle, Nouvelles de la république des lettres, 1684