Règle de Trouton

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Frederick Thomas Troutonen 1884[1] a constaté la croissance régulière de l'enthalpie de vaporisation des liquides purs en fonction de leur température d'ébullition. L'entropie de vaporisation qui s'en déduit est à peu près constante et, sauf exception, égale à 10,5 R soit 87 J.K-1.mol-1. Ce résultat empirique constitue la règle de Trouton, simplification de la formule de Clapeyron.

Enthalpie et entropie de vaporisation

L'enthalpie de vaporisation de 1 mol de liquide à la température T, appelée aussi chaleur de vaporisation, est notée . Comme la vaporisation est un processus réversible, et d'après le second principe, l'entropie de vaporisation est égale à .

À la température normale[2] d'ébullition , et seront notées et = . La règle de Trouton a été déduite des enthalpies de vaporisation au point d'ébullition, qui seront donc désignées par le terme enthalpies d'ébullition.


Règle de Trouton

Pour la plupart des liquides, à l'exception de ceux associés par liaison hydrogène (eau, alcools, acides carboxyliques)[3], l'entropie d'ébullition est donnée par[4]


Dans cette formule R = 8,314 J.K‑1.mol‑1 est la constante des gaz parfaits d'où

Exceptions dues à la liaison hydrogène

En ce qui concerne les composés liquides à température ambiante les exceptions à la règle de Trouton proviennent essentiellement des liaisons hydrogène :

  • dans l'eau ( = 13,1 R) et dans les alcools (éthanol : = 13,2 R) l'entropie d'ébullition est supérieure à 10,5 R. Dans ce cas les liaisons hydrogène sont détruites par la vaporisation ce qui demande un supplément d'énergie.
  • dans les acides carboxyliques (acide acétique : = 7,5 R) cette entropie est inférieure. Ici les molécules forment des dimères cycliques très stables et qui subsistent en grande partie dans la vapeur.

Dans la suite les exceptions dues à la liaison hydrogène ne seront plus considérées.


Utilité pratique de la règle de Trouton

La règle de Trouton permet d'estimer l'enthalpie d'ébullition à ±5 % environ. La pression de vapeur saturante p du liquide dépend de sa température T. A l'ébullition T = Teb et p = peb = 1 atm. En supposant que est indépendante de T et que la vapeur est un gaz parfait la formule de Clapeyron intégrée s'écrit


En remarquant que /(RTeb) =/R ≈ 10,5 et en exprimant p en atm on en déduit


Cette formule indique que la pression de vapeur p d'un liquide à une température T donnée, par exemple 25°C, ne dépend que de son point d'ébullition. Elle ne donne cependant qu'une estimation de p, sauf si T est assez voisine de Teb, essentiellement parce que dépend de T. Pour obtenir des résultats plus précis il faut utiliser l'équation d'Antoine.

Utilisée en sens inverse la règle de Trouton permet de calculer avec une précision suffisante la nouvelle température d'ébullition T sous une pression ambiante p un peu différente de 1 atm. Celle-ci en effet dépend de l'altitude et des conditions météorologiques. Pour faire le même calcul avec l'eau il suffit dans les formules de remplacer 10,5 par 13,1.

Enfin l'enthalpie d'ébullition des liquides purs est une donnée indispensable pour construire les diagrammes de distillation des mélanges.


Relation entre l'entropie d'ébullition d'un liquide et celle de compression d'un gaz

Étant donné un composé liquide, sa cohésion donc son existence est due aux forces de van der Waals. Leur effet ressemble à celui de la compression d'un gaz et il conduit à une forte diminution de volume qui passe de V(g) à V(ℓ). Inversement l'ébullition est analogue à une détente de gaz.

Mais, alors que dans les gaz le volume accessible est presque le même que le volume total, dans les liquides il lui est très inférieur. On le note V(a) avec V(a) << V(ℓ).

Pour 1 mol de gaz parfait qui passe du volume V1 au volume V2 la variation d'entropie est donnée par


En remplaçant dans cette formule V1 par V(a), V2 par V(g) et ΔS par ΔSeb et en utilisant la règle de Trouton on en déduit


Pour un liquide qui bout à 100°C le volume V(g) est voisin de 30 L = 30 000 cm3/mol d'où l'on déduit un volume accessible V(a) d'environ 1 cm3/mol. Or les liquides qui bouillent à 100°C ont un volume molaire V(ℓ) de l'ordre de 100 cm3/mol. Cette théorie indique donc que le volume accessible aux molécules est de l'ordre de 1 % du volume total. C'est le même ordre de grandeur que l'augmentation de volume V(ℓ) - V(s) lors de la fusion, processus qui permet aux molécules de quitter leur site cristallin et de se déplacer.


Amélioration de la règle de Trouton

Le tableau suivant donne les températures d'ébullition et les entropies d'ébullition de 6 composés : 2 gaz liquéfiés, 3 liquides organiques et 1 métal fondu. Les températures d'ébullition vont de 27,1 K à plus de 3000 K. Les valeurs observées de sortent du domaine annoncé : 10,5 ± 0,5 et croît régulièrement avec .

Ne O2 CS2 C6H6 Eicosane Au
27,1 90,2 319 353 616 3130
7,60 9,09 10,08 10,47 11,42 12,45
10,22 10,51 10,24 10,53 10,92 10,32

D'après la loi des gaz parfaits le volume de vapeur V(g) sous 1 atm est proportionnel à . Or, d'après le paragraphe précédent, l'entropie d'ébullition est fonction linéaire de ln V(g). Pour corriger l'effet de volume Hildebrand a proposé de ramener[5],[6] l'entropie d'ébullition à un volume de gaz donné, par exemple 30 L/mol. Ce volume est à peu près celui d'une vapeur saturante à 100°C ou 373 K. L'entropie d'ébullition ainsi corrigée est notée . Pour faire cette correction il est pratique d'utiliser le rapport des températures d'ébullition ( et 373 K) plutôt que celui des volumes molaires de vapeur puisqu'il y a proportionnalité entre V(g) et . La règle de Trouton prend alors la forme suivante [7], dite règle de Trouton Hildebrand,


Le tableau précédent montre que la règle de Trouton Hildebrand est vérifiée dans tout le domaine des températures d'ébullition contrairement à la simple règle de Trouton.


Références et notes

  1. F. Trouton, Philosophical Magazine, 1884, 18, p.54.
  2. Il s'agit de la température d'ébullition sous 1 atm = 1,013.105 pascal.
  3. La liste n'est pas limitative mais dans les autres cas les conséquences sur la règle de Trouton sont limitées ; exception : le N-méthylacétamide très fortement associé où = 14,7 R.
  4. G.N. Lewis et M. Randall, Thermodynamics, McGraw-Hill, 2e éd., 1961, p. 117.
  5. J. Hildebrand, J. Am. Chem. Soc., 1915, 37, p.970, 1918, 40, p. 45.
  6. J. Hildebrand et R.L. Scott, The Solubility of Nonelectrolytes, Dover publications, 3e éd., 1964, p. 79.
  7. M. Chabanel et B. Illien, Thermodynamique Chimique, Ellipses, 2011, p. 97