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Raya et Sakina

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Sakina (à gauche) et Raya (à droite)[1].

Les sœurs Raya et Sakina (arabe : ريا وسكينة) sont des tueuses en série égyptiennes, responsables du meurtre de près de 17 femmes dans le quartier de Labban à Alexandrie, au début du XXe siècle.

Condamnées à mort, elles sont exécutées le 21 décembre en 1921 par pendaison.

Biographie

Les deux sœurs sont nées en Haute Égypte. Raya était l'aînée de sa sœur de sept ans. Après le décès de leur père, la famille déménagea à Beni Suef puis à Kafr El-Zayat, où Raya travailla dans la collecte de coton. Elle y épousa Hasballa Said Mari dont elle eut une fille nommée Badia, ainsi qu'un fils décédé peu de temps après sa naissance. Sakina déménagea en 1918 avec son nouveau mari à Alexandrie, dans le quartier Labban ; sa sœur Raya la rejoignit ensuite avec sa famille. Sakina divorça peu après de son mari et épousa Mohammed Abdel-Al, leur voisin de l'époque.

Contexte

L'Egypte est au début du XXe siècle confrontée à d'importantes difficultés économiques, en raison de la propagation du chômage et des coûts de la Première Guerre mondiale. La prostitution et les débits d'alcools sont à l'époque légalisés par l'Empire britannique. Raya et Sakina parvinrent à ouvrir plusieurs maisons closes où elles engagèrent deux hommes comme gardes. Ces deux hommes devinrent par la suite leurs complices.

Mode opératoire

Entre le 20 décembre 1919 et le 12 novembre 1920, Raya et Sakina, assistées par leurs maris respectifs, Hasb-Allah et Mohamed Abd El-'Al, et de deux autres complices Orabi Hassan et Abd El-Razik Yossef, vont kidnapper et tuer 17 femmes égyptiennes avant d'enterrer leurs corps dans leurs maisons, situées dans les vieux quartiers d'Alexandrie[2].

Les victimes étaient des prostituées et anciennes travailleuses de la maison close gérée par Raya et Sakina. La plupart connaissaient personnellement les deux femmes et étaient amies avec elles depuis de nombreuses années. Les deux sœurs et leurs complices procédaient souvent de la même manière. Les deux femmes attiraient d'abord la victime dans une des quatre maisons des complices et leur offraient de l'alcool. Les complices masculins se chargaient ensuite de maitriser physiquement la victime en restreignant ses mouvements, puis ils la tuaient par étouffement à l'aide d'un linge mouillé placé sur son nez et sa bouche. Une fois décédée, la victime est dépouillée de ses bijoux, vêtements et objets de valeur, puis enterrée à l'endroit même de son décès. Les hommes retiraient le carrelage du sol, creusaient un trou, enterraient le corps puis replaçaient les carreaux afin de camoufler toute trace du crime. Les deux sœurs vendaient ensuite l'or dérobé à un orfèvre avant de partager le butin avec leurs complices [3].

Enquête et arrestation

Peu avant le début de l'enquête, la police note une augmentation des signalements pour personnes disparues, toutes étaient des femmes présentées comme portant des bijoux en or et transportant une grande quantité d'argent. Nombre d'entre elles furent vues pour la dernière fois en compagnie d'au moins une des deux sœurs. Raya et Sakina furent interrogées plusieurs fois dans le cadre des enquêtes mais réussirent à éviter les soupçons des enquêteurs quant à leurs implications.

Le matin du 11 décembre 1920, un passant découvrit le corps d'une femme sur le bord de la route. Le corps complètement démembré était endommagé au point d'être méconnaissable, à l'exception de ses longs cheveux noirs tressés. Le même mois, le propriétaire d'une maison précédemment louée par Sakina déclara avoir trouvé des restes humains sous le sol de sa maison alors qu'il creusait pour réparer une conduite d'eau. Les policiers retirèrent les carreaux du sol et trouvèrent alors deux corps. Ces découvertes apportèrent la preuve de meurtres commis dans le quartier de Labban et motivèrent l'ouverture d'une nouvelle enquête.

Peu de temps après, un agent de police remarqua une odeur d'encens exceptionnellement forte émanant quotidiennement de la maison de Raya. Interrogée à ce sujet, cette dernière répondit essayer de se débarrasser des odeurs de tabac et d'alcool émanant des clients de la maison close. L'agent de police remarqua néanmoins qu'une partie du carrelage de la maison semblait plus récent que le reste. Les nouveaux carreaux furent enlevés, révélant les corps décomposés dont l'odeur était masquée par l'encens. Les cadavres de deux femmes et les restes d'une troisième furent découvert sous le sol de la maison. Peu après l'incident, la police fouilla l'ensemble des maisons précédemment louées par Raya et Sakina, révélant les restes de 17 femmes au total. Les scènes de crime concernaient 4 maisons du quartier de Labban.

Arrêtées et interrogées, les deux sœurs accusèrent leurs maris et les deux autres hommes d'être à la tête des opérations et de les forcer à accompagner les victimes jusqu’à la maison, et racontèrent comment elles inventaient des prétextes pour séduire les femmes et les obliger à venir chez elles. Badeia'a, fille de Raya, âgée de neuf ans, fut un témoin clé de l'enquête. Elle avoua avoir vu les membres de sa famille étouffer des femmes et les enterrer sous le plancher de leur maison, où ils s'asseyaient, mangeaient et poursuivaient leur vie comme si de rien n'était.

Condamnation et exécution

Deux ans après la disparition de ces femmes, la police pu dresser un tableau détaillé du mode opératoire des criminels. Le procès attira l’attention de toute la société égyptienne. Raya, Sakina, leurs compagnons et complices furent déclarés coupables et condamnés à mort le 16 mai 1921. Les deux sœurs furent les premières femmes de l'Égypte moderne à subir cette peine. L'orfèvre ayant acheté les bijoux des victimes fut quant à lui condamné à cinq ans de prison.

Le 21 décembre 1921, les deux sœurs furent exécutées par pendaison. Elles portaient des vêtements d'exécution rouges spécialement conçus pour elles, étant les premières femmes à être condamnées à mort. Leurs maris furent exécutés le lendemain.

Des crimes sur le temps long

Cette affaire compte 17 victimes. La raison pour laquelle ces crimes ont pu perdurer pendant si longtemps, au-delà du manque d'implication de la police pointée par certains historiens et écrivains, est que le phénomène des femmes fuyant leur famille en raison de la pauvreté ou de leurs relations conjugales défaillantes était à l'époque largement répandu. L'absence de papiers d'identité à l'époque rend également très difficile la recherche des personnes disparues. Les deux sœurs étaient de plus connues des victimes, qui entraient dans la maison de leur plein gré sans faire de bruit ni de doute. La police n'a pas soupçonné que les criminels puissent être des femmes, de sorte que les enquêtes se sont principalement concentrées sur les suspects masculins.

Scènes de crime

Les quatre maisons où les crimes avaient été commis étaient situées près de la place Mansheya. La plupart des victimes venaient de cette région.

L'adresse des maisons :

  • N° 5 rue Makoris, près de la boulangerie Labban
  • N° 38 Rue Ali Bay Elkebeer
  • N° 6, rue El Negah
  • N° 8, rue El Negah

Conséquences

L'histoire de ce gang a inspiré de nombreux films, mini-séries et pièces de théâtre. De nos jours, de nombreux touristes égyptiens et arabes continuent de visiter le quartier de Labban pour voir la maison de Rayya et Sakina ainsi que l'ancien poste de police voisin où les premières enquêtes ont eu lieu.

Raya et Sakina dans les médias

De nombreux livres et œuvres d'art sont inspirés de cette affaire :

Références

  1. (en) L. Rizk, Yunan, « The women killers » [archive du ], Al-Ahram Weekly (consulté le )
  2. (en) « Sisters without mercy: Behind Egypt's most infamous murder case », sur Haaretz.com (consulté le )
  3. Ṣalāḥ ʻĪsá et عيسي، صلاح., Rijāl Rayyā wa-Sakīnah : sīrah ijtimāʻīyah wa-siyāsīyah,‎ (ISBN 978-977-6467-24-8 et 977-6467-24-5, OCLC 1050937940, lire en ligne)