Discussion:Association de la presse judiciaire

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Sauver la liberté d'informer[modifier le code]

Publié dans Le Monde | 08.11.10 |

Texte de l'Association des journalistes de la presse judiciaire et Forum des sociétés de journalistes

Veut-on tuer la liberté d'informer ? Avec l'affaire Woerth-Bettencourt, c'est bien ce principe fondamental qui a été dangereusement ébranlé ces dernières semaines. Que voit-on ? Les services secrets, des policiers, des magistrats qui se procurent les relevés téléphoniques de journalistes pour identifier leurs correspondants. Ou encore des ordinateurs volés à des journalistes qui enquêtent sur des affaires sensibles.

L'essence même de notre métier est de poser des questions à qui bon nous semble afin que chaque citoyen puisse être informé. Chercher à savoir à qui nous nous adressons revient, à l'évidence, à bafouer le secret des sources que le législateur a prétendu protéger à travers la loi de janvier 2010. Ses insuffisances, dénoncées dès sa promulgation, sautent aujourd'hui aux yeux. Ce texte est déjà si malmené par les uns, voire piétiné par les autres, qu'il est urgent de l'abroger et de le remplacer par un dispositif garantissant réellement ce secret, en sanctionnant ceux qui le violent délibérément.

Car l'un des plus hauts responsables de la police l'a reconnu publiquement : ce ne sont pas les journalistes qui intéressent l'Etat, mais leurs sources. Quel peut être le but de telles affirmations si ce n'est effectivement d'intimider et de tarir ces mêmes sources qu'il s'agisse de citoyens, de fonctionnaires, de magistrats, d'avocats, de syndicalistes, d'hommes d'affaires... C'est par l'espionnage des journalistes, en cherchant à identifier leurs sources, que s'opère cette atteinte inacceptable à la liberté de l'information. Et par conséquent, au droit à l'information de chaque citoyen.

Ces méthodes, peu compatibles avec la nature de la démocratie, sont d'autant plus insidieuses qu'elles s'abritent derrière les intérêts supérieurs de l'Etat, alors qu'en l'espèce, l'affaire Bettencourt est une affaire privée. Au nom de l'intérêt de la nation, défini par quelques-uns, faudrait-il que tout scandale soit étouffé, la fin justifiant les moyens ?

Le secret des sources est consacré par la Cour européenne des droits de l'homme et il est bien évident qu'une presse indépendante, curieuse - mais aussi rigoureuse -, constitue un pilier de la démocratie. Si nous, journalistes, tenons tant à ce secret-là, c'est justement parce qu'il ne nous appartient pas. Notre rôle consiste à vérifier, recouper, mettre en perspective les informations que nous recueillons. Protéger nos sources, célèbres ou non, c'est nous assurer qu'elles ne se tariront pas de crainte d'être démasquées. La motivation de nos sources leur appartient, ainsi que la décision de rendre publique des informations dont elles ont connaissance. En ce sens, le secret que défendent les journalistes est d'autant plus noble et légitime qu'il est celui des autres. Cette tribune n'a pas pour but de protéger les intérêts ou les privilèges supposés de notre profession. Car ces violations répétées, ces entraves à l'exercice du métier d'informer menacent d'abord, lecteurs, votre droit à l'information et donc une part de votre liberté.

Association des journalistes de la presse judiciaire et Forum des sociétés de journalistes