Voir la source de Économie de la Libye

{{Infobox Économie
|pays = {{Libye}}
|image =Economic growth of Libya.jpg
|width = 280
|légende = [[Produit intérieur brut]]/habitant de la Libye de 1950 à 2018
|monnaie = [[Dinar libyen]]
|organisations = [[OPEP]], [[FMI]], [[OMC|OMC (observateur)]]
|pib = {{augmentation}} 50,9 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|pib en PPA = {{augmentation}} 125,1 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|croissance = {{augmentation}} 26,7 % (2017, est.)
|pib par habitant = {{augmentation}} 19 631 [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|%PIB agriculture = 1,3 %
|%PIB industrie = 63,8 %
|%PIB services = 34,9 % (2017, est.)
|inflation = 28 % (2017, est.)
|pauvreté = N/A - un tiers des Libyens vivraient sous le seuil de pauvreté national
|idh = {{augmentation}} {{formatnum:0.718}} (élevé ; [[Liste des pays par IDH|{{104e}}]]) (2021)<ref>{{HDR pays|LBY|consulté le=19 octobre 2022}}</ref>
|pop active = 1,114 million (2017, est.) 
|%pop agriculture = N/A
|%pop industrie = N/A
|%pop services = N/A (dernières données non pertinentes car datées de 2004)
|chômage = {{diminution positive}} 17,7 % <ref>{{Lien web|titre=Chômage, total (% de la population) (estimation modélisée OIT) - Libya &#124; Data|url=https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.UEM.TOTL.ZS?locations&#61;LY|site=donnees.banquemondiale.org|consulté le=2022-03-26}}</ref>
|industries = pétrole, produits pétrochimiques, aluminium, fer et acier, transformation des aliments, textiles, travaux manuels, ciment
|exportations = {{augmentation}} 19,72 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|biens exportés = pétrole brut, produits pétroliers raffinés, gaz naturel, produits chimiques
|clients = 2017 :<br>{{Italie}} 19 %<br>{{Espagne}} 12,5 %<br>{{France}} 11 %<br>{{Égypte}} 8,6 %<br>{{Allemagne}} 8,6 %
|importations = {{augmentation négative}} 12,66 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|biens importés = machines, produits semi-finis, aliments, matériel de transport, produits de consommation
|fournisseurs = 2017 :<br>{{Chine}} 13,5 %<br>{{Turquie}} 11,3 %<br>{{Italie}} 6,9 %<br>{{Corée du Sud}} 5,9 %<br>{{Espagne}} 4,8 %
|dette = {{diminution positive}} 5,1 % du PIB (2017, est.)
|dette extérieure =  {{diminution positive}} 2,927 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|recettes publiques = 16,33 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|dépenses publiques = 22,32 milliards de [[Dollar américain|US$]] (2017, est.)
|sources = [https://www.cia.gov/the-world-factbook/countries/libya ''CIA World Factbook'']
[http://www.banquemondiale.org/ ''Banque Mondiale'']
}}

NB : Les différentes données concernant la Libye varient beaucoup selon les sources (même fiables comme le FMI, la CIA ou la Banque Mondiale)

L''''économie de la [[Libye]]''' dépend principalement des revenus du secteur [[pétrole|pétrolier]], qui composent la presque totalité des exportations. L'[[industrie]] et l'[[agriculture]] sont limitées, l'activité agricole pâtissant surtout de la nature des sols du pays, [[désert|désertiques]] à 94 %<ref>{{ Harvsp|Burgat|Laronde|2003|p=117}}</ref>. 

Les revenus pétroliers couplés à une faible population ont permis à la Libye d'avoir le PIB le plus élevé par habitant sur le [[Afrique|continent africain]]<ref>{{Article|langue=fr-FR|titre=La Libye, acteur majeur du pétrole en Afrique|périodique=La Croix|date=2011-02-22|issn=0242-6056|lire en ligne=https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/La-Libye-acteur-majeur-du-petrole-en-Afrique-_NG_-2011-02-22-563887|consulté le=2022-03-26}}</ref>. À partir de l'an [[2000]], on assiste à une envolée des cours du [[Brent (type de pétrole)|Brent]]<ref>{{lien web |titre=Prix du pétrole BRENT depuis 1990 |url=https://prixdubaril.com/comprendre-petrole-cours-industrie/3892-prix-du-petrole-brut-brent-depuis-1990.html |site=Prix du baril |consulté le=26-09-2020}}.</ref>, ce qui tire la croissance libyenne vers le haut (sur la période 2003-2008, le PIB est multiplié par 3)<ref name="banquemondiale.org">{{Lien web|titre=PIB ($ US courants) - Libya &#124; Data|url=https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.CD?locations&#61;LY|site=donnees.banquemondiale.org|consulté le=2022-03-26}}</ref>. En 2009, avec la chute des cours du pétrole en lien avec la [[Crise économique mondiale des années 2008 et suivantes|récession qui frappe le monde entier]]<ref>{{Lien web|titre=PIB ($ US courants) &#124; Data|url=https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.CD|site=donnees.banquemondiale.org|consulté le=2022-03-26}}</ref>, le PIB libyen chute de {{nombre|87|milliards}} à {{nombre|63|milliards}} de [[Dollar américain|US$]], il remonte légèrement l’année suivante mais le [[printemps arabe]] et les deux guerres civiles successives en 2011 ont totalement désorganisé l'économie du pays, dont les différentes factions rivales se disputent les ressources pétrolières. Cette même année, le PIB tombe à {{nombre|34|milliards}} de [[Dollar américain|US$]]. De nos jours, le pays est encore bien loin d'avoir retrouvé son économie d'avant-crise, en effet le PIB s’élève en 2017 à {{nombre|51|milliards}} de [[Dollar américain|US$]]<ref name="banquemondiale.org" />.

==Avant le {{s-|XX}}==
[[Fichier:Niger saharan medieval trade routes.PNG|vignette|gauche|Routes du [[commerce transsaharien]] au Moyen Âge.]]
Après la fin de l'[[Empire romain]], les populations de l'actuelle Libye passent progressivement à un mode de vie [[nomadisme|nomade]], principalement [[agriculture|agricole]] et [[Pastoralisme|pastoral]]. Sous le [[haut Moyen Âge]], après la conquête arabe du pays, la vie rurale demeure principalement le fait de communautés vivant en autarcie. Les conflits internes portent le coup de grâce à la sédentarité et à l'agriculture en Libye, à l'exception des grandes villes. Au {{XVe siècle}}, [[Tripoli (ville de Libye)|Tripoli]] se développe et devient une place forte du [[commerce maritime]] et de la [[piraterie]]. En [[1551]], le territoire tombe aux mains de l'[[Empire ottoman]], qui y établit la [[régence de Tripoli]]. Les villes de Tripoli, [[Benghazi]], [[Misrata]] et [[Derna (ville libyenne)|Derna]] sont des étapes importantes pour le commerce  en Méditerranée. En dehors des grandes villes, cependant, l'autorité ottomane demeure surtout nominale : le mode de vie à l'intérieur du pays demeure surtout rural et nomade<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=32-38}}</ref>.

Les ports de [[Régence de Tripoli|Tripolitaine]] et de [[Cyrénaïque]] sont en même temps des destinations importantes du [[commerce transsaharien]] avec le [[Royaume du Ouaddaï|Ouaddaï]] et le [[Royaume du Kanem-Bornou|Kanem-Bornou]] ; leur importance s'accroît même jusqu'au milieu du {{s|XIX}} sous l'effet de la politique d'isolement du [[Dynastie alaouite|Maroc]] et de la [[Conquête de l'Algérie par la France|guerre entre la France et les grandes tribus d'Algérie]] ; après 1840, l'Empire ottoman rétablit son autorité sur les régences côtières et les oasis du [[Fezzan]]<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=Jean-Louis Miege |titre=La Libye et le commerce transsaharien au XIXe siècle |périodique=Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée|date=1951|numéro=19|page=135-168 |DOI=10.3406/remmm.1975.1317|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/remmm_0035-1474_1975_num_19_1_1317}}</ref>.

==La colonisation italienne==
[[Fichier:Tripoli, Suk el Muscir.jpg|vignette|gauche|Souk al-Mushir à Tripoli, vers 1930.]]
[[Fichier:Italian Colonists in Libya.jpg|vignette|gauche|Colons italiens en Libye, v. 1926-1939.]]
En 1911, l'[[Royaume d'Italie (1861-1946)|Italie]], désirant étendre ses territoires coloniaux, [[Guerre italo-turque|envahit le territoire de la régence]]. Ce n'est qu'en [[1931]] que le territoire de la [[Libye italienne]] est réellement pacifié, et les dernières résistances écrasées : la Libye est alors économiquement ruinée, la guerre ayant détruit l'équilibre agro-pastoral du pays. Les colons italiens ne se sont installés que dans des proportions très modestes. Nommé gouverneur général de la Libye en [[1934]], [[Italo Balbo]] développe la colonie en faisant construire un réseau routier et rénover les villes; il développe en outre la colonisation par la fondation de nouveaux villages de colons, auxquels sont attribués des lopins agricoles<ref name="a1">{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=46-48}}</ref>. Des nombreux paysans italiens font reverdir des terrains semi-désertiques, en particulier dans la région de [[Cyrène]]. La colonisation s'accélère nettement à partir de [[1938]] : chaque colon reçoit alors {{unité|25|hectares}} de terre, accompagnés d'une maison d'habitation, d'un [[groupe électrogène]], et d'un puits. Au total, environ {{formatnum:274000}} hectares sont répartis, dont {{formatnum:231000}} en Tripolitaine (avec {{nombre|3960|familles}} et {{nombre|23000|personnes}}) et {{formatnum:143000}} en Cyrénaïque (avec {{nombre|2000|familles}} et {{nombre|23000|personnes}}). Dans les années précédant immédiatement la [[Seconde Guerre mondiale]], la Libye devient une nouvelle terre privilégiée pour l'[[émigration italienne]]. De nombreux villages coloniaux sont créés; les Libyens, quant à eux, reçoivent également des terres de colonisation, mais dans des proportions infimes : {{unité|1393|hectares}} sont distribués à des agriculteurs dans de nouveaux {{citation|villages indigènes}} seulement<ref name="a1" />{{,}}<ref>{{Harvsp|Pinta|2006|p=237}}</ref>.

==Après 1945==
En décembre [[1951]], après plusieurs années de transition, la [[monarchie libyenne]] accède au rang d'État unifié et indépendant. Le pays est alors 1951 l'un des plus pauvres de la planète : 94 % des sujets du royaume sont analphabètes. Les [[États-Unis]] et le [[Royaume-Uni]] fournissent une aide financière au royaume, en échange de la jouissance de bases militaires. L'[[Italie]] accorde des dommages de guerre à son ancienne colonie, mais obtient la reconnaissance des terres accordées à ses ressortissants : dans les [[années 1960]], environ 27000 Italiens, pour beaucoup propriétaires terriens, continuent de vivre en Libye et d'y détenir une partie des surfaces agricoles<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=54-55}}</ref>.
[[File:LibyaP9-1Pound-L1951-donatedowl f.jpg|thumb|Billet d'une [[livre libyenne]], à l'effigie du roi [[Idris Ier de Libye|Idris {{Ier}}]].]]
En [[1956]], l'économie de la Libye est bouleversée par la première découverte d'un gisement de [[pétrole]]. D'autres gisements sont découverts dans les années suivantes et en [[1965]], la Libye devient le premier producteur de pétrole d'Afrique<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=54-56}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=Philippe|nom1=Bretton|titre=Problèmes juridiques posés par les restes matériels de la seconde guerre mondiale en Libye|périodique=Annuaire Français de Droit International|volume=28|numéro=1|date=1982|doi=10.3406/afdi.1982.2490|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1982_num_28_1_2490|consulté le=2022-03-26|pages=233–247}}</ref>. Dans les années suivantes, la rente pétrolière fait augmenter de manière très substantielle le revenu national mais la hausse des revenus et la hausse des prix suscite également une forte [[inflation]] et des tensions sociales, qui aboutissent à une grève générale en septembre [[1961]]. Le développement urbain, qui ne s'est pas accompagné de logements suffisants, suscite l'apparition de [[bidonville]]s : pour y remédier, l'État lance une politique de grands travaux et de [[logement social]]<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=57-58}}</ref>.

== L'économie de la Libye sous Kadhafi ==

[[Mouammar Kadhafi]] prend le pouvoir le {{date|1er septembre 1969}}, abolissant la monarchie et proclamant la [[République arabe libyenne]]. Le nouveau dirigeant mène rapidement une politique volontariste en matière pétrolière, relevant les royalties et la fiscalité : les revenus du [[pétrole]] sont multipliés par huit entre 1969 et 1974. À l'occasion du [[premier choc pétrolier]], le gouvernement prend le contrôle des compagnies pétrolières ; les majors sont, en novembre [[1973]] et contre de solides concessions financières, prises sous contrôle à concurrence de 51 %. La [[National Oil Corporation]] est créée en 1970, afin de coordonner l'industrie pétrolière tout en étant habilitée à signer des contrats avec des compagnies internationales, ces dernières supportant les risques de l'exploration. L'envolée du prix du pétrole provoque une montée en flèche des rentrées de la rente pétrolière<ref>{{Harvsp|Pinta|2006|pp=79, 238}}</ref>{{,}}<ref>{{ Harvsp|Burgat|Laronde|2003|p=74}}</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Pinta|2010|p=134}}</ref>. La rente pétrolière permet à Kadhafi de financer des plans d'équipement de grande ampleur, développant notamment le réseau routier du pays; elle finance également des politiques sociales généreuses - le salaire minimum est ainsi doublé - qui, dans les premières années, génèrent un certain consensus autour du nouveau régime<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=76-80}}</ref>. Le volontarisme économique de Kadhafi se traduit également sur le plan agricole : les propriétaires terriens italiens sont ainsi expulsés, et leurs biens confisqués en [[1970]]. La [[livre libyenne]] est remplacée en [[1971]] par une nouvelle monnaie, le [[dinar libyen]].

En 1969, l'industrie libyenne est encore embryonnaire et concentrée sur l'agriculture (avec la [[conserverie]] et la [[minoterie]]), le ciment et la peinture. Kadhafi s'emploie à développer l'infrastructure industrielle et énergétique, notamment dans les domaines de la [[pétrochimie]] (raffinerie, [[fibre synthétique|fibres synthétiques]] et [[caoutchouc (matériau)|caoutchouc]]), de la transformation métallurgique (tuyaux, écrous) et du textile (tissage, teinture, prêt-à-porter). Mais globalement, les performances industrielles libyennes demeurent assez médiocres, et ne parviennent pas à résoudre le problème de la dépendance au pétrole<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=119-120}}</ref>. 
[[File:ManMadeRiverLibya-5.jpg|thumb|Chantier de la [[Grande Rivière Artificielle]] en 1988.]]
La Libye dispose d'énormes réserves d'[[eau fossile]] souterraine stockées dans une série d'[[aquifère]]s situés dans les régions centrales et méridionales du pays. Pour remédier aux limites structurelles de l'agriculture libyenne, le gouvernement finance, grâce aux revenus pétrolier et aux ressources en eau fossile, des fondations d'[[oasis]] : des superficies de terre circulaires, irriguées en eau, sont mises en culture par des sociétés étrangères, avec des résultats satisfaisants.  La recherche de l'autosuffisance alimentaire conduit également à la construction, à partir de [[1988]], d'un gigantesque [[aqueduc]] de {{unité|4|mètres}} de diamètre, la [[Grande Rivière Artificielle]], destiné à combler le déficit en eau des régions habitées et des zones agricoles. La Grande Rivière relie les gisements d'eau profonde de la région de Taberzo (sud de la [[Cyrénaïque]]) aux rives de [[Benghazi]] et du [[golfe de Syrte]] : le projet, réalisé par un consortium [[Corée du Sud|sud-coréen]] avec l'aide technique de bureaux canadiens et américains, voit son troisième tronçon achevé en [[2000]]<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=118-120}}</ref>.

Dans les premières années de la République arabe libyenne, le gouvernement de Kadhafi se distingue surtout par des [[nationalisations]] : à partir de [[1977]], le régime s'engage dans un changement radical en prenant le nom officiel de [[Jamahiriya arabe libyenne]] et en adoptant officiellement un mode de gouvernement fondé sur la {{citation|[[démocratie directe]]}}. L'idéologie personnelle de Kadhafi, la {{citation|[[troisième théorie universelle]]}}, est dès lors appliquée progressivement au domaine économique.

Le régime s'applique à mettre en œuvre une {{citation|redistribution interne de la richesse}}. Le [[salariat]] est supprimé, sous la bannière du slogan {{citation|Associés, pas salariés}} : Kadhafi suit dans le domaine économique la même logique de suppression officielle des {{citation|intermédiaires}} que dans le domaine politique. La maison doit revenir {{citation|à celui qui l'habite}}, la terre {{citation|à celui qui la travaille}}, les entreprises industrielles à l'État ou {{citation|à ceux qui y travaillent}}. Le secteur immobilier est partiellement nationalisé. Un programme de confiscation des propriétés supérieures à {{unité|10|hectares}} est progressivement mis en œuvre. Tout au long de l'année [[1978]], des  comités élus prennent le contrôle des entreprises privées. En décembre, l'abolition du [[petit commerce]] est annoncée : à partir de [[1981]], les centaines de boutiques du bazar de Tripoli sont remplacées par des {{citation|marchés jamahiriyens}}, soit de vastes unités publiques de distribution construites sur le modèle de la consommation de masse. Les [[professions libérales]], jugées incompatibles avec le nouveau système économique, doivent se reconvertir. En [[1985]], Kadhafi annonce comme précepte la rotation des professions, tous les Libyens devant échanger leurs situations : les ouvriers sont censés devenir soldats, les soldats ouvriers, les étudiants employés et les employés ouvriers. Les conseils de prudence contre le gaspillage alternent avec des initiatives dont la logique échappe à la majeure partie de la population<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=74-77}}</ref>. 

Les positions radicales du régime sur le plan de la politique internationale ne se traduisent pas forcément par une rupture des relations économiques avec les États antagonistes : malgré les relations exécrables entre la Libye et les [[États-Unis]], des compagnies pétrolières à participation américaine demeurent actives en Libye au début des années 1980<ref>{{Harvsp|Pinta|2006|p=274}}</ref>. Malgré l'épisode de l'expulsion des anciens colons en 1970, la Libye maintient des liens commerciaux forts avec l'[[Italie]], qui demeure son principal partenaire, y compris au plus fort de l'isolement international du régime de Kadhafi<ref>[http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/social/20110223.FAP5444/la-libye-une-ancienne-colonie-italienne-toujours-tres-liee-a-rome.html La Libye, une ancienne colonie italienne toujours très liée à Rome ], ''Le Nouvel observateur'', 23 février 2011</ref>.
[[File:El Saharara oil field, Libya.jpg|thumb|Puits de pétrole à El Saharara.]]
L'interventionnisme du régime contribue dans les années 1980 à mettre un terme au relatif état de grâce dont, grâce à sa rente pétrolière, il jouissait jusque-là au sein de la population : la suppression du petit commerce, mesure très impopulaire, coïncide avec l'effondrement des recettes pétrolières et les premiers plans d'austérité. La population libyenne, après des années de prospérité, découvre des situations de pénurie dans la [[années 1980|décennie 1980]]<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=76-78}}</ref>. Entre 1980 et 1982, les recettes sont quasiment divisées par deux, puis sont à nouveau réduites de moitié du fait de la chute du cours du dollar américain en 1985 et 1986; l'embargo économique imposé par les États-Unis aggrave encore la situation. Au moment de la chute des cours du pétrole, le gouvernement réalise sa dépendance vis-à-vis des travailleurs étrangers et tente de limiter les entrées de migrants sur son territoire, sans y parvenir du fait notamment des réseaux migratoires clandestins<ref>Ali Bensaâd, ''Le Maghreb à l'épreuve des migrations subsahariennes: immigration sur émigration'', Karthala, 2009, page 113</ref>.

La Libye continue par ailleurs sous Kadhafi d'attirer une forte [[immigration]] de travailleurs étrangers, originaires des pays arabes limitrophes, mais également d'[[Afrique subsaharienne]]. Les différentes catégories d'immigrés sont régulièrement frappées par des vagues d'expulsion, souvent liées à la situation politique du moment : en [[1985]], la Libye interdit aux Égyptiens de travailler sur son sol en réponse à une mesure similaire prise par l'Égypte envers les Libyens ; les travailleurs [[Tunisie|tunisiens]] sont également expulsés - ce qui entraîne une rupture des relations diplomatiques avec la Tunisie - de même que les [[Mali|Maliens]], [[Mauritanie|Mauritaniens]], [[Syrie|Syriens]] et [[Niger|Nigériens]], officiellement en raison d'une volonté d'autosuffisance<ref>Collectif, ''The Middle East and North Africa 2003'', Europa Publications Ltd, 2002, page 756 </ref>. Le rôle des immigrés demeure néanmoins essentiel, notamment dans le [[secteur privé]] après la résurgence de celui-ci. Dans les [[années 1980]], les étrangers représentent plus de la moitié de la population active en Libye<ref> Olivier Pliez, ''La nouvelle Libye: sociétés, espaces et géopolitique au lendemain de l'embargo'', Karthala, 2004, pages 141, 153</ref>. 
[[File:Central Bank of Libya.jpg|thumb|La [[Banque centrale de Libye|banque centrale libyenne]] en 2010.]]
Le {{date|26 mars 1987}}, Kadhafi préconise de faire une lecture plus souple de la doctrine économique jamahiriyenne. Si le salariat demeure officiellement aboli, la main-d'œuvre peut être embauchée dans des secteurs réduits à l'inactivité par l'expulsion des travailleurs étrangers quelques années plus tôt. Le petit commerce est à nouveau autorisé, et l'[[artisanat]] encouragé. Le secteur privé peut à nouveau se développer, et Kadhafi prône une forme de privatisation des [[Petites et moyennes industries|PMI]] au bénéfice de leurs employés. Un statut proche de celui des [[coopérative]]s est progressivement étendu à l'ancien secteur public, et certaines professions libérales sont à nouveau tolérées. Si le retour à un certain libéralisme économique, notamment en matière commerciale, améliore l'image du régime, des difficultés continuent de s'accumuler dans les [[années 1990]] : les prix des denrées alimentaires augmentent ainsi régulièrement, celui du [[lait]] augmentant de 100 % en [[1990]]. Les fonctionnaires et  les militaires, dont les salaires sont gelés, sont parfois payés avec des mois de retard. La persistance des interventions {{citation|idéologiques}} de Kadhafi ne facilite pas non plus la réconciliation entre le régime et l'entreprise privée : une usine produisant du [[Pepsi-Cola]], implantée en Libye, est ainsi brutalement fermée à la suite d'une déclaration du dirigeant, qui affirme que la boisson contient {{citation|du foie de porc}}<ref>{{Harvsp|Burgat|Laronde|2003|pp=86, 89-91}}</ref>. Au moment de la [[guerre du Golfe]], les recettes pétrolières connaissent une embellie<ref>{{ Harvsp|Burgat|Laronde|2003|p=116}}</ref> mais à partir de [[1992]], la Jamahiriya arabe libyenne est soumise à un nouvel embargo économique, touchant également le pétrole, cette fois du fait de son prétendu rôle dans l'[[attentat de Lockerbie]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=embargo|url=https://www.lexpress.fr/informations/embargo_596378.html|site=LExpress.fr|date=1993-11-18|consulté le=2022-03-26}}</ref>. En [[1998]], le [[Congrès général du peuple (Libye)|Congrès général du peuple]] évalue le coût de l'embargo à {{nombre|28|milliards}} de dollars<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Accueil &#124; Sciences Po CERI|url=http://sciencespo.fr/ceri/fr|site=sciencespo.fr|consulté le=2022-03-26}}</ref>. Les sanctions sont levées en 1999, après l'extradition des agents libyens présumés responsables de l'attentat : la période d'embargo a entretemps contribué à accentuer le caractère patrimonial et rentier de l'État libyen. Les inégalités sociales s'accroissent alors que des {{citation|nouveaux riches}} issus des cercles du pouvoir prospèrent grâce au marché noir et à l’import-export<ref>[http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2004-1-page-179.htm La Libye et l’Occident depuis 1999 : entre tropisme américain et ancrage euroméditerranéen], ''Afrique contemporaine'' 1/2004 ({{n°|209}})</ref>.

Après la fin de l'embargo et la levée définitive des sanctions de la part du [[Conseil de sécurité des Nations unies]]<ref>{{Lien web|titre=CNN.com - Lockerbie crash timeline - Sep. 12, 2003|url=http://www.cnn.com/2003/WORLD/europe/08/14/lockerbie.timeline/index.html|site=cnn.com|consulté le=2022-03-26}}</ref>, la Libye se réinsère dans le commerce international;  grâce à un prix du pétrole élevé et à la richesse de ses réserves, les exportations d’hydrocarbures permettent à l’économie libyenne de progresser très vite. Excepté l'épisode la crise de 2009, la Libye connaît une croissance élevée. Le pays bénéficie d'une croissance de 5 % en 2003 et 2007; en 2010, la croissance dépasse 10 % et le PIB par habitant augmente de 8,5 %<ref>{{Lien web|langue=fr|prénom=Place|nom=Sainctelette|prénom2=2 1080 Bruxelles T: +32 2 421 82 11|nom2=F: +32 2 421 87 87|titre=Les services de l'Awex|url=https://www.awex.be/fr/accueil|site=Awex|consulté le=2022-03-26}}</ref>{{,}}<ref>[http://www.asteres.fr/analyse-economique,strategies-entreprise/oe5 La Libye à l’heure de la reconstruction : une opportunité à saisir pour les entreprises françaises], asteres.fr, octobre 2011</ref>.

En {{date|18|novembre|2008}}, le directeur du [[Fonds monétaire international|FMI]], [[Dominique Strauss-Kahn]], qui avait rencontré [[Mouammar Kadhafi]], conclut : {{citation|les entretiens que nous avons eu ont témoigné de notre unité de vues sur les réalisations de la Libye et sur les principaux défis auxquels elle est confrontée. Les réformes ambitieuses des dernières années ont produit une croissance forte (…) Le défi principal est de maintenir le rythme des réformes en cours visant entre autres à réduire la taille de l'État.}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Press Release: Déclaration de Dominique Strauss-Kahn, Directeur général du FMI, à l'issue de sa visite en Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste|url=https://www.imf.org/fr/News/Articles/2015/09/14/01/49/pr08290|site=IMF|consulté le=2022-03-26}}</ref>.

Malgré des chiffres en apparence satisfaisants, l'économie libyenne continue de souffrir de maux structurels à la fin de l'ère Kadhafi : au classement de [[Transparency International]] sur la [[corruption]], la Libye est classée {{146e}} sur 180, loin derrière la [[Tunisie]] et l'[[Égypte]] ; le salaire moyen est de {{unité|756|€}} par mois contre {{unité|216|€}} pour la Tunisie et le taux de chômage atteint 30 % à la fin des années 2000, soit le plus élevé des pays d'[[Afrique du Nord]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Les racines de la révolte en Libye|url=https://www.lexpress.fr/actualite/monde/les-racines-de-la-revolte-en-libye_964731.html|site=LExpress.fr|date=2011-02-22|consulté le=2022-03-26}}</ref>.
Sources salaires: http://www.journaldunet.com/economie/salaire/pays/libye.shtml

Le {{date|15|février|2011}}, le jour même où commencent les premières protestations qui débouchent sur la révolte ouverte contre le régime, puis sur la [[Guerre civile libyenne de 2011|guerre civile]], un rapport du [[Fonds monétaire international|FMI]] loue la bonne gestion par le [[Mouammar Kadhafi|colonel Kadhafi]] et l'encourage à {{citation|continuer d'améliorer l'économie}}, mentionnant son {{citation|ambitieux agenda de réformes}}<ref>{{en}} [http://www.imf.org/external/np/sec/pn/2011/pn1123.htm rapport du FMI], 15 février 2011</ref>.

==Guerres civiles==

Au moment de l'[[Guerre civile libyenne de 2011|insurrection armée contre Kadhafi]] en 2011, un {{citation|embargo de fait}} s'installe sur le pétrole libyen<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Chronique des matières premières - Un embargo s’instaure de fait sur les exportations de pétrole libyen|url=https://www.rfi.fr/fr/emission/20110308-embargo-s-instaure-fait-exportations-petrole-libyen|site=RFI|date=2011-03-08|consulté le=2022-03-26}}</ref>. Le [[Conseil de l'Union européenne]] instaure des sanctions renforcées contre le régime de Kadhafi, qui concernent cinq entités financières dont la banque centrale et un fonds souverain<ref>{{Lien web|titre=Libye: les 27 confirment l'adoption de sanctions renforcées contre le régime Kadhafi - Europaforum Luxembourg - Mars 2011|url=https://europaforum.public.lu/fr/actualites/2011/03/conseil-libye-asselborn/index.html|site=europaforum.public.lu|consulté le=2022-03-26}}</ref>. Les forces du [[Conseil national de transition (Libye)|Conseil national de transition]], ayant pris le contrôle de terminaux pétroliers, les rebelles reprennent les exportations de pétrole en {{date-|avril 2011}}, afin de financer leur combat contre les kadhafistes<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Libye: premières exportations de pétrole rebelle|url=https://www.rtbf.be/article/libye-premieres-exportations-de-petrole-rebelle-5906213|site=RTBF|consulté le=2022-03-26}}</ref>. En {{date-|septembre 2011}}, après la chute de la capitale, l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] lève partiellement le gel des avoirs libyens<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Libye: l'ONU lève des sanctions et va aider le nouveau pouvoir|url=https://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/libye-l-onu-leve-des-sanctions-et-va-aider-le-nouveau-pouvoir_1030873.html|site=LExpress.fr|date=2011-09-16|consulté le=2022-03-26}}</ref> et l'[[Union européenne]] lève les sanctions contre les entreprises libyennes<ref>{{Lien web|langue=fr|prénom=Le Point|nom=magazine|titre=Libye : L'UE lève ses sanctions contre les entreprises libyennes|url=https://www.lepoint.fr/monde/libye-l-ue-leve-ses-sanctions-contre-les-entreprises-libyennes-01-09-2011-1368905_24.php|site=Le Point|date=2011-09-01|consulté le=2022-03-26}}</ref>.

Le [[Conseil national de transition (Libye)|Conseil national de transition]] entame la reconstruction économique du pays, déplorant la désorganisation de l'économie libyenne :  le secteur privé demeure très faible, les infrastructures sont insuffisantes notamment dans les transports, et de nombreux domaines d'activités peu développés, surtout dans le [[Secteur tertiaire|tertiaire]]. Les nouvelles autorités libyennes ont en chantier la reprise des exportations de pétrole, mais aussi la diversification de l'économie. La banque centrale découvre par ailleurs dans ses coffres {{nombre|23|milliards}} de dollars ({{nombre|28|milliards}} de [[Dinar libyen|dinars]]) d'avoirs, non dépensés par l'ancien régime, et probablement thésaurisés, qui sont mis à contribution pour la remise sur pied de l'économie libyenne<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=La Libye en meilleure santé économique que prévu|url=https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110922trib000651089/la-libye-en-meilleure-sante-economique-que-prevu.html|site=La Tribune|date=2011-09-22CEST14:39:15+0200|consulté le=2022-03-26}}</ref>. La Libye devient, dans le cadre de sa reconstruction, un terrain de compétition pour les entreprises occidentales en quête de contrats avec les nouvelles autorités<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Les patrons français en Libye pour de futurs contrats|url=https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/10/12/04016-20111012ARTFIG00480-les-patrons-francais-en-libye-pour-de-futurs-contrats.php|site=LEFIGARO|date=2011-10-12|consulté le=2022-03-26}}</ref>. Le CNT annonce pour sa part qu'aucun nouveau contrat pétrolier ne sera signé tant qu'un nouveau gouvernement ne sera pas formé à l'issue d'élections<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|prénom=Par Le 12 octobre 2011|nom=à 15h48|titre=Libye: des élections avant les contrats pétroliers|url=https://www.leparisien.fr/international/libye-des-elections-avant-les-contrats-petroliers-12-10-2011-1650797.php|site=leparisien.fr|date=2011-10-12|consulté le=2022-03-26}}</ref>.

La Libye, après la chute de Kadhafi, ne parvient pas à constituer un système politique stable : alors que le pays sombre dans une [[Deuxième guerre civile libyenne|seconde guerre civile]], les ressources pétrolières demeurent un enjeu vital, les gouvernements rivaux de Tobrouk et de Tripoli luttant pour le contrôle des gisements et des exportations<ref>[http://in.reuters.com/article/2014/08/25/libya-security-parliaments-idINKBN0GP18O20140825 Two rival Libyan governments claim to control oil policy], ''Reuters'', 18 octobre 2014</ref>.

== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets | commons = Category:Economy of Libya}}

=== Bibliographie ===
* [[Banque mondiale]] (2006), [http://siteresources.worldbank.org/INTLIBYA/Resources/libyacountryeconomicreport.pdf ''Libya: Economic Report''], Social & Economic Development Group
* {{Ouvrage|prénom1=François|nom1=Burgat|prénom2=André|nom2=Laronde|titre=La Libye|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|date=2003|isbn=2-13-053352-3|isbn2=978-2-13-053352-8|oclc=395513442|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/395513442|consulté le=2022-03-26}}.
*{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Pinta|titre=La Libye|éditeur=Ed. Karthala|date=2006|isbn=2-84586-716-6|isbn2=978-2-84586-716-1|oclc=421018263|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/421018263|consulté le=2022-03-26}}
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Pinta|titre=Sebha, ville pionnière au cœur du Sahara libyen : urbanisation, immigration, développement, tensions|éditeur=Harmattan|date=2010|isbn=978-2-296-11483-8|isbn2=2-296-11483-0|oclc=607188080|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/607188080|consulté le=2022-03-26}}

=== Articles connexes ===
* [[Histoire de la Libye]]
* [[Libye italienne]]
* [[Royaume de Libye]]
* [[Jamahiriya arabe libyenne]]
* [[Politique en Libye]]
* [[Banque centrale de Libye]]

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[[Catégorie:Économie en Libye|*]]