Wikipédia:Lumière sur/s:mars 2009 Invitation 5
Deborah Moggach – Attente à la nature morte
Le sablier est presque vide à présent. Elle ne viendra pas. Jan s'assied sur le bahut et enfile ses souliers. Il regarde une dernière fois le repas étalé sur la table : les longs verres à col étroit, la corbeille de fruits, les tartelettes saupoudrées de sucre qui, telles une nature morte, ne seront jamais mangées. Ces objets évoquent toutes sortes de possibilités, et un avenir qui désormais n'existera que dans son imagination. Il les regarde avec un œil d'artiste : la nappe blanche, les deux gobelets identiques, l'éclat métallique du couteau et du pichet. Allons, malgré tout, la composition harmonieuse ravit ses sens.
_ Gerrit ! Débarrasse la table, crie-t-il, je vais à la taverne.
Au même moment, un petit bruit discret lui parvient. Il songe : c'est une branche qui cogne contre la vitre. Il se lève et met sa cape. Ses jambes semblent de plomb, comme s'il venait de traverser un marécage.
Le bruit lui parvient à nouveau. Quelqu'un a frappé. Jan s'élance vers la porte et l'ouvre. C'est Sophia.
_ Je suis venue, dit-elle.
Deborah Moggach – Le peintre des vanités (Page 64) - (éd. Presse de la Cité, 2000)