Wikipédia:Lumière sur/s:mai 2008 Invitation 4

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Voltaire – L'aurore de la raison

J’ai vu ensuite pour quelles sottises inintelligibles les hommes s’étaient chargés les uns les autres d’imprécations, s’étaient détestés, persécutés, égorgés, pendus, roués, et brûlés ; et j’ai dit s’il y avait eu un sage dans ces abominables temps, il aurait donc fallu que ce sage vécut et mourût dans les déserts.

Je vois qu’aujourd’hui, dans ce siècle qui est l’aurore de la raison, quelques têtes de cette hydre du fanatisme renaissent encore. Il paraît que leur poison est moins mortel, et leurs gueules moins dévorantes. Le sang n’a pas coulé pour la grâce versatile, comme il coula si longtemps pour les indulgences plénières qu’on vendait au marché ; mais le monstre subsiste encore : quiconque recherchera la vérité risquera d’être persécuté. Faut-il rester oisif dans les ténèbres ? ou faut-il allumer un flambeau auquel l’envie et la calomnie rallumeront leurs torches ? Pour moi, je crois que la vérité ne doit pas plus se cacher devant ces monstres que l’on ne doit s’abstenir de prendre de la nourriture dans la crainte d’être empoisonné.

Voltaire (1694 - 30/05/1778) - Le philosophe ignorant (1766) (dernières sections LV et LVI)

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