Wikipédia:Lumière sur/s:février 2013 Invitation 5

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Montaigne - Paternité

J'essayeroy par une douce conversation, de nourrir en mes enfans une vive amitié et bien-vueillance non feinte en mon endroict. (…) Je veux mal à cette coustume, d’interdire aux enfants l’appellation paternelle (...). Nous appellons Dieu tout-puissant, pere, et desdaignons que noz enfants nous en appellent. J'ay reformé cett' erreur en ma famille. C'est aussi folie et injustice de priver les enfans qui sont en aage, de la familiarité des peres, et vouloir maintenir en leur endroit une morgue austere et desdaigneuse, esperant par là, les tenir en crainte et obeissance. Car c'est une farce tres-inutile, qui rend les peres ennuieux aux enfans, et qui pis est, ridicules. Ils ont la jeunesse et les forces en la main, et par consequent le vent et la faveur du monde ; et reçoivent avecques mocquerie, ces mines fieres et tyranniques, d'un homme qui n'a plus de sang, ny au coeur, ny aux veines : vrais espouvantails de cheneviere. Quand je pourroy me faire craindre, j'aimeroy encore mieux me faire aymer.

Michel de Montaigne - Essais - livre II-chapitre VIII De l'affection des peres aux enfans

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