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Petrus Borel - Sur l'amour
- Hélas ! qui nous dira ce que c'est que l'amour ?
- Pour moi, faible héron au serres de vautour,
- Je me sens emporté dans le gouffre ou la nue,
- Dans l'antre ténébreux ou sur la plage nue,
- Je me sens expirer sous son bec assassin,
- Qui m'a crevé les yeux ou labouré mon sein,
- Et ne sais rien de plus ! — J'ai lu mile grimoires
- Qui traitent de l'amour ; J'ai lu mille grimoires
- Très doctes et très secs : je ne sais rien de plus
- Qu'avant d'avoir veillé sur ces bouquins feuillus.
- Au diable ces traités ! Que le diable les lise !
- Au diable leur peinture et leur sotte analyse !
- Analyser l'amour ?... Oh ! c'est par trop bouffon !
- Messieurs les esprits fins, vous vous croyez au fond,
- — Vous êtes à côté, vous jetez votre sonde :
- Comme un grain de sarment elle flotte sur l'onde,
- Puis vous argumentez, puis vous édifiez,
- Système sur système — et vous bêtifiez !...
- L'amour est un secret du ciel insaisissable,
- Un arcane fermé pour l'homme, infranchissable.
Petrus Borel (1809-1859) - Sur l'amour