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Philosophie[modifier | modifier le code]

Concept[modifier | modifier le code]

Le concept philosophique de bullshit est introduit pour la première fois par Harry Frankfurt, dans un essai[1] paru en 1986, puis publié en 2005 aux Princeton University Press, sous le titre 'On Bullshit'[2]. Par la suite, le concept de bullshit a fait l'objet d'un intérêt soutenu dans le champ de la philosophie, mais aussi de l'économie[3], des sciences cognitives[4], ou de la sociologie[5]. Il n'existe pas de consensus concernant la définition du bullshit, mais il est possible de dégager principalement deux approches fondatrices :

  • Une première approche consiste à caractériser le bullshit du point de vue du 'bull', c'est à dire du producteur de 'shit'. Le bullshit se définit alors, non pas par son contenu, mais par le processus par lequel il a été produit. Pour Frankfurt, initiateur du débat et tenant de cette approche, le bullshit est un discours élaboré sans souci de vérité, indifféremment à toute valeur de vérité ou de fausseté. Le bullshit est alors un discours produit avec l'unique intention de servir un but qui n'est pas lié à sa valeur de vérité. En cela, il se distingue nettement du mensonge, qui repose strictement sur la fausseté, mais se rapproche du bluff, qui tient davantage de l'astuce. Victor Moberger[6] adopte également ce point de vue. Le bullshit relève avant tout d'une activité, et non de son produit. Pour preuve, un discours tel que 'La terre est plate' ne peut pas être qualifié de bullshit 'en soi', mais seulement dans le cadre d'une intention et d'un contexte particuliers.
  • Une seconde approche consiste à caractériser le bullshit du point de vue du 'shit', c'est à dire du produit du 'bull'. Le bullshit ne se définit pas en fonction de l'état mental du 'bull', mais en fonction du type de discours produit. Pour Gerald Cohen[7], le bullshit est avant tout un discours d'une obscurité impossible à clarifier. Ce niveau d'obscurité est atteint lorsque la négation du discours est aussi plausible que sa forme affirmative. Ce type de bullshit est plutôt caractéristique du milieu académique.

Parmi les autres tentatives de définition du bullshit, deux auteurs, au moins, s'écartent des approches citées:

  • Eldar Sarajlic[8] tente de réconcilier les deux approches, en définissant le bullshit à la fois par le processus de production et par le type d'énoncé produit. Selon lui, le bullshit est un discours conçu délibérément sans valeur de vérité. Le 'bull' intègre cette contrainte dans le processus de production, et le 'shit' renferme cette propriété.
  • À l'opposé, George Reisch[9] ne définit le bullshit ni du point de vue du 'bull' ni du point de vue du 'shit'. Le bullshit se caractérise uniquement par un usage pragmatique du langage en vue d'atteindre un objectif soigneusement dissimulé. Le bullshit n'est alors ni le produit d'un processus entretenant une relation spécifique avec la vérité (indifférence, résistance à la vérité et à la fausseté), ni un discours vrai, faux, obscur ou sans valeur de vérité, mais un discours dont la teneur n'est pas en relation directe avec l'objectif poursuivi par le bullshitteur .

Bullshit vs Mensonge : Aspect moral[modifier | modifier le code]

Le bullshit est-il une faute morale plus grave que le mensonge, toute chose étant égale par ailleurs, ou le contraire est-il vrai? Cette question fait débat depuis l'introduction du concept par Frankfurt. Une première démarche employée pour y répondre consiste à évaluer la position du bullshit et du mensonge relativement à la vérité : Au plus la forme de tromperie s'éloigne de la vérité, au plus sa valeur morale diminue.

Pour Frankfurt, le bullshit entretient un lien moins fort que le mensonge avec la vérité. Le mensonge 'respecte' d'une certaine façon la vérité, en ce sens que sa négation est déjà un aveu de son existence. Le bullshit, en revanche, ne 'respecte' pas la vérité, dans la mesure où il ne se soucie même pas de son existence. Pour cette raison, le bullshiteur 'est un plus grand ennemi de la vérité que le menteur', et le bullshit est une faute morale plus importante que le mensonge. Jonathan Webber[10] utilise également cette relation à la vérité pour juger de la valeur morale du bullshit et du mensonge, mais parvient à un résultat opposé. Webber distingue, pour cela, le discours explicite et le discours implicite. Selon lui, le mensonge s'oppose à la vérité au niveau des discours explicite et implicite, alors que le bullshit ne s'y oppose qu'au niveau implicite. En cela, le mensonge est plus éloigné de la vérité que le bullshit, et est, conséquemment, moralement plus condamnable.

Edgar Sarajlic[8] ne se base pas sur ce rapport à la vérité pour effectuer une distinction morale entre bullshit et mensonge, mais sur leur mécanisme de fonctionnement. Il est rationnel, dit-il, de prendre une décision sur la base d'une raison. De ce point de vue, le mensonge n'atteint pas la rationalité du locuteur, puisqu'il se contente d'injecter un élément faux dans le processus décisionnel. Le bullshit, en revanche, s'attaque à la rationalité du locuteur en ce qu'il ne répond pas à son attente légitime de sens. Face à un discours sans valeur de vérité, le processus décisionnel déraille, et le locuteur est amené à adopter une croyance ou prendre une décision sans raison valable. Cette atteinte à la rationalité justifie, selon Sarajlic, de condamner le bullshit autant, si ce n'est plus, que le mensonge.

abcd

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Harry Frankfurt, « On Bullshit », Raritan, vol. VI, no 2,‎ , p. 81-100
  2. (en) Harry Frankfurt, On Bullshit [« De l'Art de Dire des Conneries »], PUP, (ISBN 978-14 0082 6537)
  3. David Graeber, Bullshit jobs, Les Liens Qui Libèrent, (ISBN 979-1020906335)
  4. Sebastian Dieguez, Total Bullshit! : Au coeur de la post-vérité, PUF, (ISBN 978-2130799993)
  5. (en) James Ball, Post Truth : How Bullshit Conquered The World, Biteback Publishing, (ISBN 978-1785902147)
  6. (en) Victor Moberger, « Bullshit, Pseudoscience and Pseudophilosophy », Theoria, no 86,‎ , p. 595-611
  7. (en) Gerald Cohen, Finding Oneself in the Other : Chapitre V (Complete Bullshit), PUP, (ISBN 978-0691148816), p. 94-114
  8. a et b (en) Edgar Sarajlic, « Bullshit, Truth and Reason », Philosophia, vol. 47,‎ , p. 865-879
  9. (en) George Reisch et Gary Hardcastle, Bullshit and Philosophy : Guaranteed to Get Perfect Results Every Time, Illinois, Open Court, (ISBN 978-0812696110), p. 33-48
  10. (en) Jonathan Webber, « Liar! », Analysis, vol. 73, no 4,‎ , p. 651-659