Aller au contenu

Utilisateur:Serge Ottaviani/Glacerie de Boussois

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE ... VISITE DE LA MANUFACTURE des GLACES et VERRES SPÉCIAUX DU NORD DE LA FRANCE à BOUSSOIS (Nord), le 27 Mai 1914

Directeurs: MM. 0. et G. GODIN.

On sait que la fabrication des glaces et verres était une des industries florissantes de notre département du Nord, avant la guerre. Cette industrie comme nos industries métallurgiques et nos houillères, les Allemands se sont appliqués à la détruire, méthodiquement et d'une manière hélas ! trop efficace ; elle se relève aujourd'hui peu à peu, péniblement. Il a semblé, qu'il ne serait pas sans intérêt de rappeler quel était l'état de perfectionnement auquel était arrive l'outillage des verreries du Nord. C'est à ce titre que nous publions; un extrait du compte rendu de l'excursion faite par nos sociétaires, dirigés par MM. 0. et G. Godin, à Boussois,

le 27 Mai 1914. Cette relation a été écrite par M. André-Georges GODIN, Ingénieur des Arts et Manufactures,mort pour la Patrie, le 31 mars 1915.

Les Glaceries de Boussois, construites;en1900, furent transformées en 1911 cl 1912 pour y installer l'outillage le plus perfectionné qui place celte usine parmi les plus puissantes ; sa production peut en effet, atteindre un million de mètres carrés de glaces polies.

Les fours sont du type Siemens, chauffés au gaz. Chaque four contient 16 creusets pomant contenir 1.500 kilos de verre.

Les creusets sont coulés tous les matins. Après la coulée, on procède à l'enfournemeut de la matière, à la fonte, à l'affinage, puis on met le

? 184 ?

four à la température voulue pour donner au verre la consistance sirupeuse nécessaire pour opérer la coulée.

L'enfournement des matières, la manoeuvre des creusets pendant, la coulée, se font mécaniquement. Un seul homme, qui n'a rien d'autre à faire que de manoeuvrer les manettes de controllers électriques, va prendre le, creuset plein dans le four, l'apporte, rouge de feu, sous: un. pont-roulant qui l'enlève, le conduit au-dessus de la ? table de coulée ? en fonte, le verse sur cette table et le ramène à l'instrument qui Je rentrera dans le four. Tout cela se fait dans l'espace de moins d'une minute, car ce creuset, qui est sorti du four à une haute température, subit déjà, en ce petit laps de temps, un tel refroidissement qu'il rentre au four à peine encore rouge, et ces variations brusques de température sont des plus dangereuses pour la conservation des pots." Ces creusets sont en argile réfractaire, fabriquée dans l'usine-même; et leur bonne , qualité est un point capital, puisqu'ils contiennent la matière première, et que chaque creuset qui crève dans le four représente non seulement la perte sèche de la matière, mais encore une perte de production. Aussi la fabrication des creusets est-elle entourée de tous les soins possibles.

Maintenant que le creuset que nous avons suivi est rentré au four, revenons au verre qui a été versé à l'état pâteux sur la table en fonte, Un rouleau pesant 10 tonnes et actionné électriquement passe sur la masse en fusion, l'écrase et la lamine à l'épaisseur des tringles en fer placées au bord de la table et sur lesquelles roule le rouleau.

Le contenu du pot est donc transformé en 1/2 minute en une grande plaqué de verre ayant environ 8 mètres de long sur 4 mètres de large et 12 m/m d'épaisseur.

On assiste ici au phénomène très curieux de voir cette plaque de verre, liquide il y a quelques instants, devenir solide et se laisser pousser dans le four à recuire.

Ce passage brusque de l'état liquide à l'état solide est unes des caractéristiques du verie et rend indispensables des précautions spéciales pour la recuisson.

En effet, le verre étant très mauvais conducteur de la chaleur et du froid se glace sur ses faces, tandis que le milieu reste plus chaud et donc plus longtemps, pâteux. Il en résulte que les surfaces, qui se sont figées alors que le centre était encore chaud, se sont moulées sur un contenu trop grand qui va diminuer de volume en se refroidissant.

Les molécules des surfaces vont donc, si on n'y prend garde, subir une traction telle qu'une rupture est inévitable. C'est ce qui arriverait fatalement si on laissait la glace après la coulée, comme on

? 185 -

fait d'un lingot de métal. Pour éviter cette rupture, il faut recuire la glace, c'est-à-dire la réchauffer, de façon à ramener ses deux surfaces figées à la température du centre, et, après avoir rétabli ainsi l'équilibre dans la tension molléculaire sur toute l'épaisseur, il faut procéder à un refroidissement lent et méthodique qui permette à la: tension molléculaire de rester uniforme dans toute l'épaisseur.

Il y a peu de temps encore, la recuisson s'opérait dans des fours intermittents, appelés « carcaisses ». La glace, aussitôt après le laminage; était poussée, chaude, dans un four réverbère, chauffé préalablement à une température de 700° environ. Aussitôt enfournée, le four était, soigneusement fermé et le refroidissement s'opérait lentement. Il fallait ainsi 48 heures avant de pouvoir détourner la glace, puis il fallait remettre le four en état, ce qui fait qu'une carcaisse pouvait servir tous les trois jours. Il fallait donc 48 carcaisses, et, avec les réserves, 50 carcaisses, pour couler un four.

Depuis deux ans, la glacerie de Boussois a monté un appareil de recuisson continue, appelé « stracou », imité sur les appareils employés en verrerie à vitres dans des proportions infiniment plus petites. Le « stracou », qui reçoit des glaces chaudes à un bout et les rend froides, 3 heures après la coulée, à l'autre bout, est donc l'appared rationnel par excellence. Il est même si rationnel, que l'on peut se demander comment il a fallu si longtemps pour arriver à le réaliser et comment les fours dits « carcaisses » ont pu être conservés si longtemps.

Mais, si l'on se représente ce qu'est l'installation d'un « stracou », qui coûte 1 million de francs, nécessite des espaces immenses, exige une minutie de détails extraordinaire, on comprendra que l'essai d'un tel outil présentait de tels aléas que tous les fabricants reculaient.

Les Américains, qui, au point de vue de l'industrie des glaces étaient fort en retard sur l'Europe, étaient mieux placés que nous pour entreprendre ces essais.

En effet, le progrès en glacerie a consisté toujours à augmenter la capacité des creusets, en vertu du principe qu'il ne coûte pas beaucoup plus cher de couler un grand pot qu'un petit, le prix de revient devait être nécessairement d'autant plus bas que la contenance du pot était plus grande.

Dutemps de Colberf, on coulait en France (berceau de la fabrication des glaces) des glaces de 4 à 5 mètres de superficie ; actuellement,: on coule régulièrement des glaces de 30 à 35 mètres carrés.

Les Américains, avons-nous dit, très en retard sur nous en glacerie, ont donc pu essayer le nouveau moyen , de recuisson dans des usines

13

? 186 ?

produisant des glaces de 10 à 12 mètres carrés de superficie (usine inconnue chez nous). L'essai du « Stracou « était alors réduit à des proportions moins dangereuses. Le premier stracou de glacerie en Amérique n'était, en somme, qu'un très grand stracou de verre ; à vitres, et, après avoir fait école sur un stracou de petites dimensions et avoir créé un type répondant aux besoins, on a pu alors agrandir ce type sans courir de grands aléas. Et lorsque les Américains arrivèrent à une fabrication courante de glace de 15 à 18 mètres carrés de superficie en, stracou, les vieux fabricants de l'Europe jugèrent que le moment était venu pour eux d'aller de l'avant. En 1910, le premier stracou européen fut construit aux Glaces de Charleroi, à Roux (Belgique), produisant des glaces de 22 mètres carrés, et sa mise en train eut lieu avec un plein succès. Ce succès créa une véritable révolution dans le monde de la Glacerie. L'usine de Boussois installa le deuxième stracou de l'Europe (le Ier et le seul existant encore en France) ; il produit des glaces de 30 mètres carrés. Cet instrument eut non seulement pour effet de diminuer sérieusement le prix de revient, mais il réduisit la main-d'oeuvre à sa plus simple expression, et le peu d'ouvriers qui restent n'ont, pour ainsi dire, aucun effort à faire tout se bornant à un travail de Surveillance. Nous avons décrit plus haut la coulée, où toutes les opérations sont mécaniques, et nous avons laissé la glace enfournée dans le stracou, par le bout le plus chaud. Nous allons maintenant assister au cheminement automatique de cette glace, le long d'une immense galerie de 120 mètres de long, en s'éloignant de plus en plus du bout chaud, ce qui lui permet de se refroidir méthodiquement, jusqu'à ce qu'elle arrive au bout le plus froid.

Arrivée au bout de la galerie, la glace est transbordée, découpée, portée en magasin, sans qu'aucun ouvrier y touche, et par conséquent, sans la moindre chance d'accident, alors que la manipulation et le transport des grandes glaces étaient autrefois la cause d'accidents souvent graves et, en tout cas, toujours fréquents.

La glace brute est maintenant mise en magasin trois heures après que le pot, rouge de feu, rempli de la matière liquide, sortait du four de fusion.

Si nous l'examinons, nous constatons qu'elle ne ressemble en rien à une glace polie : ses surfaces sont rugueuses et manquent de planimétrie. planimétrie. pourquoi ces glaces vont subir maintenant, une opération mécanique qui consistera, d'abord, à user la surface pour lui donner une planimétrié parfaite, puis de polir cette surface.

? 187

Ce travail d'usure se fait sur de grands disques qui ont 8 mètres de diamètre et qui représentent d'immenses tours horizontaux. La table sur laquelle les glaces sont scellées avec du plâtre est placée sur un pivot et tourne horizontalement. Sur cette table, sont disposés des disques, armés de dents en fonte. C'est le frottement de ces dents en fonte, sur le verre, avec interposition de sable, qui engendre l'usure des surfaces des glaces brutes. Pour accélérer le travail d'usure, on emploie du sable très mordant, présentant de gros grains, et lorsque la surface est usée et plane, on constate que l'enchevêtrement des raies faites par les. grains de sable donné sur cette surface des figures brillantes qu'il serait impossible de polir. Il faut donc, maintenant que la surface est plane, préparer l'opération du polissage. Cette opération intermédiaire s'appelle « le savonnage ». Elle consiste à remplacer sur l'appareil le gros sable par du sable de plus en plus fin, de façon à réduire de plus en plus la piqûre signalée plus haut. Quand le sable devient trop fin pour être encore un peu mordant, on continue l'opération avec de l'émeri gradué de plus en plus fin.

La préparation de ces sables et émeris gradués est une opération des plus délicates et des plus importantes, car, du bon classement de ces matières, dépend la qualité du poli.

La glace étant « savonnée » est alors changée d'appareil, et la table sur laquelle les glaces étaient scellées est enlevée de l'appareil où elle vient d'être travaillée pour être mise sur un appareil à polir. Le principe de l'appareil est le même, la table tourne horizontalement, et, sur les glaces, frottent des disques tournants, armés de polissoirs en feutre, avec interposition d'une matière rouge, polissante (qui est de l'oxyde de fer provenant de la calcination de la couperose verte), et que l'on appelle « colchotar » ou, plus vulgairement « potée ». La manoeuvré de ces tables, qui pèsent 30 tonnes, se fait le plus aisément < du monde, à l'aide de la pression hydraulique, qui les soulève, et de transbordeurs électriques, qui les changent de place avec le concours de petites locomotives électriques. Lorsqu'on pénètre dans l'immense hall où se fait le travail mécanique des glaces, on est frappé par l'absence de main-d'oeuvre, par la facilité avec laquelle toutes les manoeuvres se font ; et, cependant, chacun des 15 appareils qui tournent devant nous absorbe, pour lui seul, une force de 300 chevaux à certaines périodes de travail maximum ! C'est dire quel puissant outillage il faut mettre en oeuvre, et l'on comprend qu'il doit exister toute une partie mécanique invisible bien plus importante que celle qui émerge du sol de l'atelier, car toutes les transmissions, toutes les

- 188 -

courroies, sont en sous-sol, et rien n'apparaît, laissant tout l'espace libre pour la manoeuvre des tables.

Toujours dans le but de supprimer de la main-d'oeuvre, le sable nécessaire à l'usure du verre sur les tables est monté au-dessus des appareils par des émulseurs à air comprimé, et le trop-plein des bacs récepteurs est conduit au-dessus d'une série de réservoirs, où le sable se classe seul suivant sa grosseur avec une précision mathématique.

Mais l'appareil le plus intéressant de l'atelier est certainement celui qui a été conçu en vue de supprimer la main-d'oeuvre pour prendre les glaces finies sur les tables et les porter en magasin. C'est ainsi que la plus grande glace que l'on puisse fabriquer est manoeuvrée par un seul homme, qui n'a rien d'autre à faire que de manoeuvrer la manette d'un controller électrique. Cet appareil est un pont roulant, portant un châssis horizontal, armé d'une série de ventouses, comme une immense pieuvre qui vient s'abattre sur la glace à manoeuvrer. Dès que les ventouses sont appliquées sur la glace, l'ouvrier les met en communication avec une pompe à vide, et la glace est sucée par le châssis. En'relevant celui-ci, la glace s'enlève de l'appareil où elle a été polie et est transportée horizontalement sur une table. Cette table se dresse mécaniquement et présente la glace, placée verticalement à un autre pont-roulant, armé d'une pince à mâchoires qui la saisit par une bande et la met en pile.

Ce merveilleux appareil est, le premier qui ait été monté en France.

Après avoir ainsi suivi toute la fabrication, nous assistons à l'estimation l'estimation à la visite des glaces, dans des chambres noires, où tous les défauts apparaissent nettement. Suivant ces défauts, les glaces sont classées en deux catégories ; les meilleures sont destinées a l'argenture et deviendront des miroirs, les moins bonnes seront destinées au vitrage. Nous Alsilons ensuite tous les ateliers de façonnages, l'argenture, le biseautage, la retouche, et nous arrivons au magasin et à l'emballage. Avant de quitter l'usine, nous visitons l'atelier où l'on utilise tous les déchets de découpe ou de casse, dont on fait des plaques de propreté pour les portes, des plaques biseautées pour les cadres photographiques ou les petits miroirs à trois faces, etc.

Dans cet atelier, nous voyons aussi confectionner les niveaux d'eau prismatiques en verre, trempé, nécessaires pour les chaudières à haute ' pression. Ces niveaux, inventés en Allemagne, sont fabriquées depuis peu à Boussois qui vient d'être reçu comme fournisseur de la Marine de guerre française. Jusqu'ici, notre Marine était tributaire de l'industrie allemande, et nous ne pouvons qu'applaudir aux efforts[1]

Société des argiles de Saint-Loup-de-Naud[modifier | modifier le code]

Cette société anonyme nouvelle a pour objet l'exploitation l'exploitation tous gisements d'argiles, la préparation de produits réfractaires. La société exploitera spécialement les gisements d'argiles de Saint-Loup-de-Naud (Seine-etMarne), (Seine-etMarne), il a été fait apport par la Société Delondre et Cie. Le siège est à Paris, 5o, rue de Chfiteaudun. Le capital est fixé à i.Soo.ooo fr., en actions de 1.000 fr., dont 3o attribuées à M. Delondre et 290 à la Société Delondre et Cie. Cette dernière reçoit, en outre, une somme en -espèces de 880.000 fr. Les premiers administrateurs administrateurs la société Compagnies Réunies des Glaces et Verres Spéciaux du Nord de la France, à Boussois-surSambre Boussois-surSambre représentée par M. Georges Despret, l'un de ses administrateurs-délégués, industriel, à Paris, 5q, rue de Châ.teaudun, et M. Louis Delondre, industriel, à Saint-Loup-de-Naud. [2]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Société de géographie (Lille), Bulletin de la Société de géographie de Lille, (><img%20src='http://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/bpt6k57221147/f51/152.06290394566003,1102.8960773714055,1051.1893110926542,628.3645602620893/179,107/0/native.jpg'/> lire en ligne)
  2. « La Céramique : revue mensuelle illustrée : organe officiel de l'Union céramique et chaufournière de France », Union céramique et chaufournière de France (Paris),‎ (><img%20src='http://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/bpt6k124167s/f221/207.15711219605475,478.5961169466005,963.890560875513,899.404924760602/284,265/0/native.jpg'/> lire en ligne).