Utilisateur:Laeyrr/Théorie de moyenne portée (sociologie)

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La notion de théorie de moyenne portée développée par Robert K. Merton est un concept sociologique qui vise à associer la théorie et la recherche empirique. C'est actuellement l'approche la plus répandue dans la construction de la théorie sociologique, en particulier aux États-Unis[1].

La théorie de moyenne portée part d'un phénomène empirique (par opposition à une vaste entité abstraite comme le système social) et en extrait des éléments pour créer des propositions générales qui peuvent être vérifiées par des données statistiques[2]. Cette approche contraste avec les «grandes» théorisations, plus anciennes, de la théorie sociale, telles que le fonctionnalisme et de nombreuses théories du conflit. Raymond Boudon soutenait que la théorie de moyenne portée était ce que la plupart des autres sciences appellent simplement "théorie"[3].

Le courant de la sociologie analytique a pour objectif d'unifier ces théories dans un paradigme cohérent et à un niveau d'abstraction plus élevé.

Définition[modifier | modifier le code]

« La théorie sociologique, si elle aspire à se développer de manière significative, doit aller de l'avant sur ces plans qui sont interdépendants : (1) en développant des théories spécifiques desquelles découlent des hypothèses qui peuvent être mises à l'épreuve (2) en développant un cadre conceptuel de plus en plus général, qui est en mesure de consolider les groupes de théories spécifiques » — Robert K. Merton, Social Theory and Social Structure[4]

Le terme "théorie de moyenne portée" ne renvoie pas à une théorie spécifique, il s'agit plutôt d'une approche concernant la construction de la théorie. Raymond Boudon définit la théorie de moyenne portée comme un effort vers deux idées. La première est positive et décrit ce à quoi les théories devraient servir : les théories sociologiques, comme toutes les théories scientifiques, devraient avoir pour objectif de relier des hypothèses et des régularités empiriques sinon séparées; « si une théorie est valide, elle explique et en d'autres termes regroupe des régularités empiriques qui, de leur côté, sembleraient sinon isolées ». L'autre est négative et concerne ce que la théorie ne doit pas faire : « c'est une idée désespérée et chimérique que d'essayer de déterminer la variable indépendante, englobante, qui serait à l'œuvre dans tous les processus sociaux, ou de déterminer la caractéristique essentielle, fondamentale, de la structure sociale, ou de découvrir les deux, trois ou quatre paires de concepts [...] qui suffiraient pour analyser l'intégralité des phénomènes sociaux »[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

L'approche de moyenne portée a été développée par Robert Merton pour se défaire de la théorisation sociale englobante de Talcott Parsons. Merton était d'accord avec Parsons concernant le fait qu'un empirisme étroit, constitué exclusivement de régularités statistiques ou d'observation simples, ne peut pas aboutir à une théorie heuristique. Il a toutefois constaté que "les formulations de Parsons étaient loin de fournir une problématique et une orientation satisfaisante pour permettre une enquête à la fois empirique et centrée sur la théorie dans les milieux observables de la culture et de la société"[5]. Il était donc radicalement opposé à la théorisation abstraite des universitaires qui sont engagés dans la tentative de construction d'un système théorique global, qui englobe tous les aspects de la vie sociale. Avec l'introduction du cadre de la théorie de moyenne portée, il a préconisé que les sociologues se concentrent sur les aspects quantifiables de la réalité sociale qui peuvent être étudiés comme des phénomènes sociaux isolés, plutôt que d'essayer d'expliquer le monde social dans sa totalité. Il considérait à la fois le cadres théories de moyenne portée et les théories de moyenne portée elles-mêmes comme temporaires : lorsqu'elles mûriraient, à la manière dont les sciences de la nature avaient déjà évolué, l'essaim des théories moyennes deviendrait un système de lois universelles ; mais, jusque là, les sciences sociales devraient éviter d'essayer de produire une théorie universelle[6].

Les théories de moyenne portée sont normalement construites en appliquant des méthodes de construction de théorie lors de la recherche empirique, qui produisent alors des propositions génériques sur le monde social, qui à leur tour peuvent également être testées empiriquement. Les théories des groupes de référence, de mobilité sociale, les processus de normalisation, les conflits de rôles et la formation de normes sociales sont des exemples de théories de moyenne portée[3]. L'approche de moyenne portée a favorisé le renforcement progressif l'orientation empirique de la sociologie[7].

Dans la période de l'après-guerre, le cadre des théories de moyenne portée est devenu l'approche dominante dans la construction construction théorique de toutes les sciences sociales[6].

Au cours des dernières décennies, le cadre de la sociologie analytique est apparu comme une tentative de synthèse des théories de moyenne portée dans un cadre abstrait plus cohérent (à la manière dont Merton avait espéré qu'il finirait par arriverait)[8].

Citations[modifier | modifier le code]

  • « [...]ce que l'on pourrait appeler des théories de moyenne portée : les théories intermédiaires utiles aux hypothèses de travail mineures qui se sont développées en abondance tout au long de la recherche. » — Robert K. Merton, Social Theory and Social Structure[9]
  • « Aujourd'hui notre mission principale est de développer des théories spécifiques qui peuvent s'appliquer à des secteurs conceptuels limités (les théories, par exemple, du comportement déviant, des conséquences imprévues de l'action téléologique, de la perception sociale, des groupes de référence, du contrôle social, de l'interdépendance des institutions sociales) plutôt que de chercher la structure conceptuelle englobante qui permet d'obtenir ces théories et d'autres théories de moyenne portée par déduction. » — Robert K. Merton[4]

Références[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Kenneth D. Bailey, « Alternative Procedures for Macrosociological Theorizing », Quality and Quantity, vol. 25, no 1,‎ , p. 37-55 (ISSN 1573-7845, DOI 10.1007/BF00138755).
  • (en) Raymond Boudon, « What Middle-Range Theories Are », Contemporary Sociology, vol. 20, no 4,‎ , p. 519-522 (ISSN 1939-8638, DOI 10.2307/2071781).
  • (en) Peter W., Jr. Cookson et Alan R. Sadovnik, Education and Sociology: An Encyclopedia, Abingdon, Routledge, (ISBN 978-1-135-57078-1, DOI 10.4324/9781315049250), « Functionalist Theories of Education », p. 267-271
Kenneth D. Bailey, « Alternative Procedures for Macrosociological Theorizing », Quality and Quantity, vol. 25, no 1,‎ , p. 37–55 (ISSN 1573-7845, DOI 10.1007/BF00138755)
Raymond Boudon, « What Middle-Range Theories Are », Contemporary Sociology, vol. 20, no 4,‎ , p. 519–522 (ISSN 1939-8638, DOI 10.2307/2071781)
(en) Peter W., Jr. Cookson et Alan R. Sadovnik, Education and Sociology: An Encyclopedia, Abingdon, England, Routledge, , 267–271 p. (ISBN 978-1-135-57078-1, DOI 10.4324/9781315049250), « Functionalist Theories of Education »
(en) Peter Hedström et Lars Udehn, The Oxford Handbook of Analytical Sociology, Oxford, Oxford University Press, , 25–47 p. (ISBN 978-0-19-921536-2, DOI 10.1093/oxfordhb/9780199215362.013.2), « Analytical Sociology and Theories of the Middle Range »
Robert C. Merton et Zvi Bodie, « Design of Financial Systems: Toward A Synthesis of Function and Structure », Journal of Investment Management, vol. 3, no 1,‎ , p. 1–23 (lire en ligne, consulté le )
(en) Robert K. Merton, Social Theory and Social Structure, New York, 1968 enlarged, (ISBN 978-0-02-921130-4)
Vanessa Spedding, « Scholarly Approach Brings Sweeping Change », Quantitative Finance, vol. 2, no 2,‎ , p. 84–85 (ISSN 1469-7696, DOI 10.1088/1469-7688/2/2/601, lire en ligne, consulté le )

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