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The first kiss this ten years! - ou - the meeting of Britannia & Citizen François
Artiste James Gillray
Date 1 janvier 1803
Type Papier, Eau-Forte, Colorié
Lieu de création Londres, Angleterre
Dimension (H x L) 35,4 x 25,4 cm
Référence bibliographique BM Satires / Catalogue of Political and Personal Satires in the Department of Prints and Drawings in the British Museum (9960)
Numéro d'inventaire 1868,0808.7071
Localisation British Museum, Londres, Angleterre

CONTEXTE[modifier | modifier le code]

The first kiss in ten years! or the meeting of Britannia & Citizen François est un dessin satirique politique, aussi appelé caricature, réalisé par l'artiste britannique James Gillray[1]. L’auteur James Gillray (10 août 1756 – 1er juin 1815), fut une figure incontournable des satires britanniques au 18e siècle[2]. L'imprimé peint à la main représente un officier français grand et mince embrassant une grosse Britannia richement vêtue. Un bicorne ainsi qu'une épée gisent sur le tapis. Un bouclier ainsi qu'un trident reposent sur le mur derrière Britannia. Les portraits de George III et de Napoléon Bonaparte se font face et surplombe les deux personnages. La caricature offre une critique du traité de paix d'Amiens entre la France et l’Angleterre, neuf mois suite à sa signature. Les imprimés sont vendus via le commerce de gravures caricaturales établi par Hannah Humphrey[3], pour qui James Gillray travaille exclusivement, au 27, St James's Street à Londres[4]. Des exemplaires de cette caricature sont détenus dans de nombreux musées et collections privées à travers le monde.

DESCRIPTION[modifier | modifier le code]

LITTÉRALE (plasticité, support du message, explicite, forme)[modifier | modifier le code]

Sur l’image, on voit un homme maigre vêtu d’un manteau militaire principalement bleu à trois franges. Il a un pantalon beige, de longues bottes noires qui vont juste en dessous des genoux et une ceinture rouge et blanche nouée à sa taille. Il a une grande couette de cheveux qui tient en l’air au-dessus de sa tête. L’homme est dans une position debout, les jambes un peu écartées, penché vers l’avant (vers la droite), son bras droit étiré dans la même direction, tentant d'embrasser une dame sur la bouche en la regardant dans les yeux. La dame aux côtés de l’homme est très corpulente. Elle est vêtue d’une longue robe bleue et d’un par-dessus rose qui touche le sol. On voit à son cou un collet bouffant blanc muni d’un voile qui descend sur son dos et elle porte des souliers roses. La dame dispose d’accessoires dont des boucles d’oreilles, un petit diadème et tient un éventail. La position qu’elle adopte est difficile à déterminer dû à l’ampleur de ses vêtements mais sa tête est tournée vers la droite et son regard dirigé vers le spectateur. Elle a les bras repliés sur son ventre et l’homme la tient par son bras gauche.

Les deux personnages sont à l’intérieur puisqu’il y a un tapis à motifs au sol et un mur gris derrière eux. Il y a divers éléments dans leur environnement, dont deux tableaux circulaires ornementés de branches d’oliviers et de palmiers qui sont centrés au-dessus de leur tête. Ces derniers représentent chacun un portrait d’un homme et sont disposés de manière à ce que ceux-ci se regardent face à face et ont chacun un bras allongé comme s’ils se serrent la main. Leurs habits sont principalement en rouge et bleu. À droite de la dame, on voit un bouclier bleu et blanc ainsi qu’un trident accoté sur le mur du fond. Sur le plancher, il y a près de l’homme un chapeau bicorne noir ornementé d’une cocarde révolutionnaire. En dessous de ce chapeau, il y a un long sabre avec une ceinture. Au-dessus de la tête des personnages, il y a deux phylactères contenant un texte en anglais qui sera analysé dans la prochaine section.

L’image est la photographie d’une eau-forte et aquatinte colorée à la main[5]. En d’autres termes, c’est une gravure réalisée à l’aide d’acide nitrique et de poudre de résine sur une plaque métallique. Cette technique permet de créer un effet pointillé et donne différentes teintes de couleur. Par la suite, l’artiste a ajouté de la peinture pour donner d’autres teintes à certains éléments, notamment les couleurs bleu, blanc, rouge, rose et jaune.

LINGUSTIQUE (écriture)[modifier | modifier le code]

En ce qui concerne l’écriture dans l’œuvre, il est possible de voir quatre différentes sections. Le titre The first kiss this ten years!, tente de décrire la première période de paix en 10 ans entre la France et  l’Angleterre. Cette période de paix est nommée La Paix d’Amiens. Elle s’amorce le 18 mars 1802 avec le traité d’Amiens signé par les deux parties soit, l’Angleterre qui était contre la France et l'Espagne et la République Batave. Par contre, la guerre reprend après treize mois d’arrêt, le 18 mai 1803[6].

Le texte contenu dans le phylactère à gauche, soit celle de l’officier français, se traduit de la façon suivante : « Madame, permettez-moi, de payer ma profonde estime à votre charmante personne & sceller sur vos lèvres divines mon attachement éternel !!! ». Cet homme en bleu courtise la femme en rose d’un air snob pour démontrer la fin des négociations et la paix entre les deux partis.

Pour le deuxième phylactère à droite, celui de Britannia, on peut traduire : « Monsieur, vous êtes vraiment un gentilhomme bien élevé et même si vous me faites rougir et que vous m’embrassez si délicatement je ne peux pas vous refuser, j'étais sûr que vous me décevriez encore !!! ». Ce texte exprime l’hésitation et la méfiance de l’Angleterre face au traité qui vient de se mettre en place comme les deux ont toujours eux que des paix passagères et temporaires. De plus, Britannia signifie en latin britannique.

Il y a également au-dessus du titre, en très petits caractères, le nom de l’auteur, la date et le lieu de publication : publiée le 1er janvier 1803, par H. Humphrey à l’adresse 27 St James’s Street.

ICONIQUE (message codé, implicite la symbolique sous-jacente, contenu)[modifier | modifier le code]

Rapidement, l'œil de l’observateur est attiré vers le centre de l’image, c’est-à-dire les visages des personnages qui lui sont présentés, puisqu’il tente de décortiquer leur position et leur taille. Excentriques, les corps s’opposent, mais sont rapprochés par un baiser. Si la dame est beaucoup plus prédominante en grosseur, la courbe et la grandeur de l’homme viennent compenser sa maigreur et nous donnent l’impression que les deux se complètent. L’observateur intrigué par cette mise en scène va poursuivre son observation vers le haut où il y a le texte dans les phylactères pour mieux comprendre la relation entre les deux personnes. C’est après que l’observateur remarque, au-dessus des textes, les deux portraits des dirigeants des pays concernés dans la caricature de Gillray. Les objets derrière la dame et aux pieds de l’homme sont des détails qui seront observés plus en profondeur à la fin de la lecture du dessin. Dans l’ensemble, les personnes et les portraits sont relativement symétriques, mais pas les objets. Cependant, ils le sont puisqu’avec la technique de la perspective, ils se font face.

Les couleurs et la luminosité utilisées sont aussi très importantes. L’auteur utilise beaucoup le bleu pour représenter la France et le rouge, ou sa variante : le rose, pour l’Angleterre. Incluant les portraits, on voit que les personnages à gauche, ont un habillement où le bleu prime tandis qu’à l’inverse les personnages à droite ont beaucoup plus de rouge ou de rose sur leurs vêtements. Ainsi le lecteur peut identifier les deux pays. La luminosité, quant à elle, est utilisée pour mettre l’accent sur le comportement des personnages au milieu.

Nous pouvons également relever certaines symboliques sous-jacentes illustrées par l'auteur. Le trident reposant contre le mur, derrière Britannia pourrait faire référence à la supériorité navale de l'Angleterre, cette arme étant intimement reliée à Poséidon, le dieu de la mer dans la mythologie grecque[7]. James Gillray semblerait avoir également utilisé cette iconographie dans d'autres caricatures, tel que The Plumb-pudding in danger, or, State Epicures taking un Petit Souper. Dans cette image, William Pitt le Jeune découpait à l'aide d'un trident, un globe terrestre (plumb-pudding)où il prend possession de l'océan atlantique, à l'ouest de la Grande-Bretagne s'étendant du pôle à l'équateur[8].

Le bouclier est également un élément iconographique régulièrement utilisé dans les caricatures de James Gillray. Il pourrait faire référence à Mars, dieu de la guerre romain patron des effets de la force brutes, des armes et du courage, souvent représenté armé d'une lance et d'un bouclier[9]. Cette idée est supportée par l'utilisation de Britannia, accompagnée d'une lance et d'un bouclier dans de nombreuses autres caricatures de James Gillray où ces armes font directement référence à la guerre, tel que Britannia in French Stays, A New Administration..., The Nursery, with Britannia Reposing in Peace, et bien d'autres.

HISTORIQUE[modifier | modifier le code]

Innervée par la Révolution française et l’exécution de Louis XVI, la République française se fit conquérante[10]. Pour combattre les idées révolutionnaires françaises et la domination de la France sur le territoire européen et extraeuropéen (colonies), les monarchies des autres pays formèrent des coalitions[11]. Au total sept coalitions auront lieu pour s’opposer à la République française (1792-1804) et à l’Empire napoléonien (1804-1815)[12].

En 1802, le traité d’Amiens fait allusion à la paix entre la deuxième coalition, formé de l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, le Portugal, Naples et l’Empire Ottoman, opposée à la France[13]. Ce sera finalement l’Angleterre, la France, l’Espagne et la République batave (Pays-Bas) qui signeront le traité de paix[14]. Seule la question de la dominance à l’extérieur de l’Europe sera négociée lors de ce traité[15]. Cependant, le traité reste fragile puisque les problèmes sur la souveraineté des territoires européens ne trouvent pas de solution et l’exécution de la négociation ne se fera pas aisément[16].

IMAGE ET POLITIQUE[modifier | modifier le code]

Afin de calculer l'impact de la caricature étudié, il est pertinent de considérer l'évolution des imprimés satiriques qui deviennent un outil médiatique important au 18e et 19e siècle, attribuable à leur popularité croissance et à leur faible coût[17]. On peut lire à ce sujet dans Two-Penny Whist :«La collection d’imprimé satirique et de caricature devient un passe-temps national au sein des classes moyennes et supérieures »[18]. L’appréciation des imprimés ne se limite toutefois pas à une classe en particulier, et l’exposition des nouvelles œuvres dans les vitrines de Hannah Humphrey créé une réelle commotion hebdomadaire, attirant une foule éclectique qui à défaut de se procurer une copie des imprimés, se presse pour les regarder[19]. Les caricatures de James Gillray, se moquant ouvertement de la corruption gouvernementale ainsi que des excès des classes dominantes, font de l’auteur un ennemi des deux principaux parties politiques britanniques : Les Tories et les Whigs[20].The first kiss this ten years! - or - the meeting of Britannia & Citizen François illustrant une Angleterre grasse et opulente au côté d'une France déplumée et épuisée, offre une critique perspicace du traitée de paix d'Amiens. La flotte française étant grandement affaiblie par la défaite de la baie d'Aboukir en 1799, laisse le pouvoir naval français dans un état précaire[21]. Napoléon Bonaparte se voit dans l'obligeance d'envisager un armistice et débutera les négociations en vue d'un traitée de paix avec l'Angleterre[22]. Bien que le traité fut longuement négocié entre les deux parties sur une période de six mois, un aura de méfiance flotte entre les deux puissances qui ne considère pas cette période de paix comme étant un état permanent, mais plutôt comme une trêve aux hostilités[23]. James Gillray décide donc de représenter une France mielleuse qui, exténuée par les conflits, se penche pour offrir un baiser de paix à l'apparence forcée et insidieuse. Cette image est également soutenue par la présence d'un bicorne discarté dans le coin gauche, où est accrochée la cocarde révolutionnaire, et d'un sabre français, dans une métaphore de capitulation. L'Angleterre quant à elle semble accepter le baiser avec une retenue galante tout en soulignant une confiance mainte fois abusée par les ambitions françaises. Au-dessus des deux personnages principaux illustrés, nous pouvons voir le portrait de Napoléon Bonaparte à gauche, faisant face au roi George III à droite. Les deux dirigeants, loin de s'examiner mutuellement de façon sereine, semblent être aux aguets de mauvaises intentions. Le roi George III décrira d'ailleurs le traitée comme une «paix expérimentale», et Napoléon Bonaparte le décrira à son tour comme un traitée de paix permanent «dans la mesure où cela dépend de moi»[24]. Ces commentaires démontrent la méfiance des deux parties.

  1. Encyclopædia Universalis‎, « DESSIN SATIRIQUE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  2. (en) « James Gillray | English caricaturist », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  3. (en) « Hannah Humphrey - National Portrait Gallery », sur www.npg.org.uk (consulté le )
  4. « Collections Online | British Museum », sur www.britishmuseum.org (consulté le )
  5. (en) « Musée canadien des civilisations », sur www.museedelhistoire.ca (consulté le )
  6. Nicole Gotteri, « LE TRAITÉ D'AMIENS (27 MARS 1802) », (consulté le )
  7. Encyclopædia Universalis‎, « POSÉIDON », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  8. (en-US) themaphouse, « The Plum-Pudding in Danger », sur The Map House, (consulté le )
  9. « encyclopedie », sur www.universalis.fr (consulté le )
  10. Pearson Erpi, L’Histoire au fil du temps, p. 278-284
  11. « authentification », sur www.universalis-edu.com (consulté le )
  12. « authentification », sur www.universalis-edu.com (consulté le )
  13. Pearson Erpi, L’Histoire au fil du temps, , p. 278-284
  14. Pearson Erpi, L’Histoire au fil du temps, , p. 278-284
  15. « 25 mars 1802 - La paix d'Amiens - Herodote.net », sur www.herodote.net (consulté le )
  16. « 25 mars 1802 - La paix d'Amiens - Herodote.net », sur www.herodote.net (consulté le )
  17. « Two-Penny Whist | Student Curation at the Trout », sur dh.dickinson.edu (consulté le )
  18. « Two-Penny Whist | Student Curation at the Trout », sur dh.dickinson.edu (consulté le )
  19. « Two-Penny Whist | Student Curation at the Trout », sur dh.dickinson.edu (consulté le )
  20. « James Gillray: caricature and satire - National Portrait Gallery », sur www.npg.org.uk (consulté le )
  21. (en) Frederick C. Schneid, Napoleon’s conquest of Europe : the war of the Third Coalition, Westport, Praeger, , 220 p., p. 79-80
  22. (en) John D. Grainger, The Amiens Truce - Britain and Bonaparte 1801-1803, Suffolk, Boydell Press, , 233 p., p. 11
  23. (en) John D. Grainger, The Amiens Truce - Britain and Bonaparte 1801-1803, Suffolk, Boydell Press, , 233 p., p. 81
  24. (en) John D. Grainger, The Amiens Truce - Britain and Bonaparte 1801-1803, Suffolk, Boydell Press, , 233 p., p. 80-81