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Syndrome du Bernard-L’ermite

Le Syndrome du Bernard-L’ermite (angl. Hermit Crab Syndrome) est un concept utilisé en psychologie cognitive qui désigne un trouble émotionnel et cognitif lié à un changement soudain, parfois brutal, du rapport à l’environnement et de la compréhension qu’une personne a de son environnement (modification paradigmatique).[1]Il se caractérise par un va-et-vient entre émotion et cognition dont l’intensité varie selon l’importance du changement du rapport au monde (worldview).

Le Syndrome du Bernard-L’ermite réfère au crustacé du même nom qui est obligé de changer de coquille ou de tourelle afin de continuer à grandir. Lors de ce changement, il est particulièrement vulnérable puisqu’il n’a plus de carapace protectrice. De façon analogique, certains événements ou phénomènes vécus peuvent emmener quelqu’un, parfois brutalement, à devoir revoir sa connaissance et sa perception des choses. Ce passage d’un schéma de pensée à un schéma différent, plus large (une modification du paradigme) est un processus cognitif et émotionnel qui, selon le bagage intellectuel[2],culturel[3],et le système de croyances[4]de la personne, ainsi que le degré d’estime de soi[5]sera plus ou moins facile et rapide. Dans tous les cas, la personne qui n’a pas encore achevé ce processus se trouve dans un état cognitif et émotionnel vulnérable, au point de risquer dans certains cas une décompensation psychotique[6], spécialement les adolescents[7]. L’intégration cognitive, par contre, emmène une stabilisation émotionnelle relative et acceptable par la personne ou son entourage.


Sommaire

1. Le SBL et le rapport au réel 2. Interaction entre émotion et cognition 3. Quatre stades cognitifs et émotionnels 4. Approche thérapeutique 5. Articles connexes 6. Liens externes 7. Notes et références


SBL et rapport au réel

Ce syndrome a été développé dans les travaux du docteur en psychologie sociale François Mathijsen à l’Université catholique de Louvain en Belgique, qui, dans ses recherches menées auprès de populations d’adolescents concernant leurs intérêts et leurs pratiques paranormales[8], a constaté et théorisé une série de changements émotionnels et cognitifs parfois violents qui se traduisent par une modification du rapport au réel[9]et de la connaissance qu’une personne peut en avoir[10].


Le SBL, une interaction entre émotion et cognition

Dans le sillage des travaux de Garety[11] et Hemsley[12], d’Epstein[13], de Janoff-Bulman[14] et de Rimé[15], Mathijsen a décrit et modélisé[16] l’interaction réciproque entre émotion et cognition de façon nouvelle en insistant sur la préséance de la cognition sur l’émotion. D’après lui, l’émotion résulte d’une soudaine remise en question cognitive et non l’inverse, comme le développent la plupart des auteurs précités.

Selon Mathijsen, ce n’est pas l’émotion qui change le regard sur le monde[17] mais une brutale et très courte prise de conscience (un « flash » de quelques nanosecondes[18]) concernant la réalité, immédiatement suivi d’une émotion. C’est le binôme cognition-émotion qui emmène un changement de regard sur ce qui constitue le réel[19] et qui, selon la capacité qu’a la personne d’intégrer cette nouvelle donne dans sa structure paradigmatique, apportera un apaisement ou une inquiétude profonde. Cette structure Cognition-Émotion-Cognition-Émotion (C-E-C-E) est un élément-clé du Syndrome du Bernard-L’ermite.


Quatre stades cognitifs et émotionnels [20]

Mathijsen distingue quatre étapes cognitives et émotionnelles selon un ordre et selon une structure précise. La personne qui est confrontée à une expérience que son entendement n’arrive pas à saisir parcourt 4 étapes ou stades cognitifs et émotionnels indissociables en un laps de temps parfois très court:

1 ier stade: une dissonance cognitive (cognition-émotion) face à une situation qui entre en conflit avec le paradigme, ce qui génère une émotion de malaise (cognition-émotion).

2 ième stade: cette dissonance est suivie d’une lutte cognitive (cognition-émotion), c’est à dire une tentative de préserver le plus longtemps possible ses conceptions à-priori de la réalité soit par le déni (« Il n’y a jamais rien eu, j’ai du mal percevoir »), soit par un va et vient d’arguments et de contre-arguments ("Peut-être est-ce une mise en scène, mais pourtant …"). Ce qui emmène un certain apaisement émotionnel (cognition-émotion).

3 ième stade: quand cette barrière cognitive par le doute ou l’auto-argumentation ne tient plus, c'est la rupture cognitive (cognition-émotion). Cela crée une instabilité brutale de la structure de connaissance qui entraîne une anxiété soudaine qui peut être importante (cognition-émotion). Cet état de fragilisation paradigmatique et d'inconfort émotionnel et cognitif est le Syndrome du Bernard-L’hermite puisque, comme le crustacé qui doit changer de coquille pour survivre, il y a la nécessité d'une mise à jour de la structure de connaissances pour évacuer la dissonance cognitive[21] et le malaise émotionnel[22].

4ième stade : soit la personne accepte cet élargissement paradigmatique (cognition-émotion) et échappe au malaise émotionnel qui s’était installé pour retrouver une certaine stabilité (cognition-émotion), soit il instaure un déni (et donc une instabilité) ou n'arrive pas à un compromis cognitif et il y a risque de d'un trouble cognitif et émotionnel durable et profond.

Notes et références

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  1. Evrard, R. (2014). Folie et paranormal. Vers une clinique des expériences exceptionnelles. Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
  2. Baker, C. & Morrison, A. (1998). Cognitive processes in auditory hallucinations: Attributional biases and metacognition. Psychological Medecine, 28, 1199-1208.
  3. Tambiah, S. (1990). Magic, Science and Religion and the scope of rationality. London, Cambridge University Press.
  4. Streib, H. (2010). Religion and her older sister; interpretatin of magic in Tillich's work with respect to recent discourses in Psychology in Grau, K., Haigis, P. & Nords, I. (Eds.), Tillich Preview 2010. Münster: Lit Verlag, 5-24.
  5. Laroi, F., Collignon, O. & Van der Linden, M. (2005). Source monitoring for actions in hallucination proneness. Cognitive Neuropsychiatry, 10(2), 105–123.
  6. Freeman, D. (2007). Suspicious minds: the psychology of persecutory delusions. Clinical Psychology Review, 27, 524-457.
  7. Morrison, A., French, P. & Wells, A. (2007). Meta-cognitive beliefs across the continuum of psychosis: comparisons between patients with psychotic disorders, patients at ultra-high risk and non-patients. Behaviour Research and Therapy, 45 , 2241-2246.
  8. Mathijsen, F. (2009). Empirical research and paranormal beliefs: Going beyond the epistemological debate in favour of the individual. Archive for the Psychology of Religion, 31, 1-15.
  9. Mathijsen, F. (2010). Young people and paranormal experiences: Why are they scared? A cognitive pattern. Archive for the Psychology of Religion, 32(3), 345-361.
  10. Mathijsen, F. (2011). Adolescents and spiritualism: Is this a good way to cope with fear? A qualitative approach. Mental Health, Religion & Culture, 15 (5), 485-494.
  11. Garety, P. & Hemsley, D. (1994). Delusions: investigations into the psychology of delusional reasoning. Hove, UK. Psychology Press.
  12. Hemsley, D. (1993). A simple (or simplistic) cognitive model for schizophrenia. Behaviour Research and Therapy, 31, 633-645.
  13. Epstein, S. (1991). The self-concept, the traumatic neurosis, and the structure of personality. in Ozer D., Healy, J., Jr, Stewart, A., Eds. Perspectives on Personality, 3, Philadelphia: Jessica Kingsley, 63–98.
  14. Janoff-Bulman, R. (1989). Assumptive worlds and the stress of traumatic events : Applications of the schema construct. Social Cognition, 7(2), 113-136.
  15. Rimé, B. (2005). Le partage social des émotions. Paris, Presses Universitaires de France.
  16. Cfr. Mathijsen 2010 et 2011
  17. Janoff-Bulman, R. (1999). Rebuilding shattered assumptions after traumatic life events. Coping processes and outcomes. in C.R. Snyder (Ed.), Coping. The psychology of what works (p. 305-323), New York, Oxford University Press.
  18. De 6 à 8 nanosecondes selon les études en neuro-imagerie (Rimé, B., communication interne de mars 2011).
  19. Janoff-Bulman, R. & Timko, C. (1987) Coping with traumatic life events. The role of denial in light of people’s assumptive worlds in C.R. Snyder and C. Ford (Eds.), Coping with negative life events: Clinical and social perspectives (p. 135-159), New York, Plenum.
  20. Evrard, R. (2014). Folie et paranormal. Vers une clinique des expériences exceptionnelles. Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
  21. Vaidis, D. & Halimi-Falkowicz, S. (2007). La théorie de la dissonance cognitive : une théorie âgée d’un demi-siècle. Revue électronique de psychologie sociale, 1, 9-18.
  22. Izard, C. E., Ackerman, B. P., Schoff, K. M. & Fine, S. E. (2000). Emotion, development, and self-organization: Dynamic systems approaches to emotional development. Cambridge studies in social and emotional development. New York: Cambridge University Press.