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Utilisateur:Cheikspear/Biogéocénose

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Vladimir Soukatchev (1880-1967) fut une des figures les plus importantes de la botanique russe du XXe siècle. En développant le concept de zone naturelle avancé par Vassili Dokoutchaïev (1846-1903), le père de la science des sols (pédologie), il a saisi le principe d'un système naturel autorégulé par les relations biotiques existant entre les organismes vivants d'une biocénose et son environnement géophysique, d'où il a tiré, dans les années 30 du XXe siècle, un nouveau concept, la biogéocénose, et fondé une nouvelle discipline, la Biogéocénologie[1].

Quoique très proche du concept anglo-saxon d'écosystème, ce concept, typique de l'école russe de la biologie évolutionnaire, en diffère cependant en ce qu'il porte une attention particulière à ces éléments radicalement différents que sont les facteurs biotiques et abiotiques des systèmes naturels pour observer les relations spécifiques qui s'établissent entre matière vivante et matière inerte au cours des cycles d'évolution de l’écosphère, et constater les transformations qui en résultent, tant pour l'une que pour l'autre matière. Parmi ces transformations, il en est une, essentielle, que Dokoutchaïev a pu mettre en exergue du moment où il a compris que ce sont des agents biologiques qui interviennent pour faire du sol un véritable interface dynamique entre le monde du vivant et le monde minéral inerte de la roche mère : le mécanisme de génération de la fertilité (dont notamment le complexe argilo-humique). Ce qui fut à son époque une véritable révolution scientifique, qui a eu en tant que telle une influence déterminante sur la nature du concept de biogéocénose.

Deux biogéochimistes russes de l’école de Vernadsky, Gubanov et Degermendzhy, ont modélisé cette dynamique relationnelle qu'ils ont dénommée « Cycle Biotique de la Matière » (Biotic Matter Cycle, BMC) et ont pu montrer que les biogéocénoses, considérées à leur origine comme des systèmes ouverts, se dirigeraient progressivement au cours de leur évolution, grâce au recyclage interne de la matière biogène (la matière inerte issue des activités de réduction ou d'oxydation des organismes vivants, comme l'oxygène ou le CO2), vers une clôture faisant d'elles ce que l'on nomme en thermodynamique des « systèmes clos », qui seraient selon ces auteurs le plus important des attributs d’existence de la biosphère[2].

Les biogéocénoses apparaissent ainsi comme un objet d’étude privilégié de la biogéochimie, la science de la biosphère. Formant l’unité structurale élémentaire de la biosphère, Georgy S. Levit pourra définir cette dernière (et plus précisément l'écosphère - voir ici pourquoi) comme « la somme de toutes les biogéocénoses[3]».

Références[modifier | modifier le code]

  1. Vladimir Soukatchev, Биогеоценология и фитоценология [Biogéocénologie et Phytocénologie] // Докл. АН СССР. 1945. Т. 47, № 6
  2. Gubanov, V. G., Degermendzhy, A. G., 2008. Biotic Turnover in Superorganism Systems : Several Principles of Establishment and Sustenance. In : Biosphere origin and evolution, Springer editions, 2008
  3. Levit, G.S., 2007, The roots of Evo-Devo in Russia : Is there a characteristic « Russian Tradition » ? Theory Biosci. DOI 0.1007/s12064-007-0013-9


Notes perso en vue d'une évolution :

1 - Synthèse dans Levit, 2007 Ecology Revisited: Reflecting on Concepts, Advancing Science, Springer. Chapter 24 (pp.333-347) : Looking at Russian Ecology Through the Biosphere Theory

https://www.researchgate.net/publication/226399275_Looking_at_Russian_Ecology_Through_the_Biosphere_Theory

Complétée par le concept de biogéocénose forgé (1940) par Vladimir Sukachev, la biosphère apparaît comme un système autorégulateur composé de biogéocénoses comme unités structurelles élémentaires, qui représentent à leur tour des systèmes autorégulateurs. Les biogéocénoses comprennent tous les facteurs abiotiques et toutes les dépendances biotiques dans un système naturel relativement isolé occupant une zone clairement détectable, par exemple une forêt de pins ou un marécage.

Détails, page 10 :

Une ligne importante de l'influence de Vernadsky a été son impact sur le co-architecte de la Synthèse moderne, le biologiste germano-russe Nikolai Timofeév-Ressovsky (1900-1981)4. Selon ses propres mots, il était avant tout intéressé par la théorie de la biosphère de Vernadsky. Soutenant l'idée des biogéocénoses comme unités structurelles de la biosphère, il écrit : « La biosphère dans son ensemble est constituée de composants biotiques et abiotiques plus ou moins complexes, c'est-à-dire les biogéocénoses. En d'autres termes, les biogéocénoses sont les environnements précis dans lesquels se déroule le processus évolutif de tout groupe d'organismes vivants » (Timoféev-Ressovsky et al. 1975, p. 249).

Timoféev-Ressovsky NW, Vononcov NN, Jablokov AN (1975) Kurzer Grundriss der Evolutionstheorie. Gustav Fischer Verlag, Jena

Timoféev-Ressovsky a cherché à créer une nouvelle branche de la théorie de l'évolution étudiant l'évolution des biogéocénoses et de la biosphère.

De côté : Plus précisément, suite à son rapatriement forcé après la Seconde Guerre mondiale, Timoféev-Ressovsky a fondé une école de biogéocénologie et de biogéochimie des rayonnements (Tjurjukanov et Fiodorov 1996, pp. 97-98). Tjurjukanov AN, Fiodorov VM (1996) N.V. Timoféev-Ressovsky: Biosfernyje razdumja. AEN, Moscow

Il a défini les biogéocénoses comme « des systèmes dynamiques, qui en même temps peuvent être dans un état d'équilibre dynamique sur une assez longue période de temps biologique (au cours de nombreuses générations d'êtres vivants résidant dans cette beogéocénose) » (Timoféev-Ressovsky et al 1975, p. 309).

La biosphère est définie comme la somme totale des biogéocénoses.

Timoféev-Ressovsky a insisté sur le fait qu'il existe une différence significative avec le terme d'écosystème, principalement utilisé dans le monde occidental, car la biogéocénose comprend tous les facteurs abiotiques et toutes les dépendances biotiques dans un système relativement isolé occupant des zones clairement détectables (par exemple une forêt de pins ou un marécage) . Pour étudier l'entrée, la sortie et la cyclicité de ces systèmes, Timoféev-Ressovsky a proposé d'utiliser des marqueurs nucléaires. En outre, il a été le pionnier des recherches sur l'impact de la radioactivité sur les organismes vivants et les écosystèmes et a ainsi lancé des études en écologie des rayonnements.

L'influence de la théorie de la biosphère de Vernadsky et la vision de Timoféev-Ressovsky d'une nouvelle science étudiant l'évolution de l'ensemble des biogéocénoses ont également influencé les études très récentes sur l'évolution des communautés multi-espèces et la paléoécologie, comme on le voit dans les travaux de Vladimir V. Zherikhin (1945- 2001), une des figures centrales du domaine.

Voir :

https://en.wikipedia.org/wiki/Nikolay_Timofeev-Ressovsky

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nikola%C3%AF_Timofe%C3%AFev-Ressovski

Note : Ces deux bio mettent l'accent sur le côté scientiste nucléariste de ce gars, en ignorant totalement son côté vernadskien, révélé par Levit. On voit bien la coupure, comme avec Vernadsky. Ressovsky a fait 10ans de goulag et a connu Soljenitsine en prison.

2 - Voir l'article Howard T. Odum#Approche intégrative en écologie avec ces citations très intéressantes, typiques des recherches de Gubanov et Degermendzhy, cad une autre formulation des deux principes biogéochimiques :

« Un énoncé plus général serait qu' un système stable dans le temps persiste plus longtemps qu'un système astable (...) La Nature produit des entités stationnaires par sélection naturelle. Bien sûr, la sélection naturelle dans les systèmes biologiques n'est qu'un cas particulier de ce principe (...) À cet égard, le principe de Le Chatelier peut s'interpréter comme le fait qu'un système doté d'un mécanisme auto-correcteur, l'a trouvé par sélection naturelle (...) La seconde loi de la thermodynamique constitue un autre cas particulier : dans la nature, un système isotherme est plus stable qu'un système anisotherme. »

Odum considérait donc que le mécanisme de sélection naturelle pouvait être étendu au monde. Cette extension reposait sur sa définition du mot entité : une combinaison de propriétés qui demeurent à un certain degré stables dans le temps.

« Nous nous proposons ici d'étendre la notion de « sélection » au niveau de la nature entière et des grandes entités écologiques habitées à la fois de composantes biologiques et inorganiques. Nous postulons qu'il se fait une sélection naturelle entre tous les systèmes qui peuvent résulter d'une condition initiale donnée, et que les systèmes sélectionnés sont ceux qui développent des mécanismes de maintien de leur stabilité ; ce qui revient à postuler que la sélection naturelle des systèmes naturels entraîne la formation de telles entités. La raison pour laquelle les systèmes naturels ne peuvent tendre à se dissocier, c'est que cela les priverait d'un mécanisme d'autorégulation. Dès qu'un système obéit à ces conditions, il répond à la définition d'entité. »

Odum examine ensuite les conséquences de cette hypothèse :

« Si l'on applique ce postulat à l'ensemble de la nature, la proposition qui en résulte est que la nature entière se trouve à l'état stationnaire, ou qu'elle prend la configuration la plus stable possible et constitue un système défini. Cela ne contredit pas nécessairement les évolutions dans l'histoire de la Terre, puisque ces changements peuvent être ceux d'un système plus vaste en régime stationnaire. »