Voir la source de Urne d'or

L''''[[urne]] d'or''' ({{tibétain|t=གསེར་བུམ་སྐྲུག་པ|w=gser bum skrug pa}} ; {{chinois|premier=t|t=金瓶掣簽|s=金瓶掣签|p=jīnpíng chè qiān|l=Tirer un billet de l'urne d'or}}) désigne une méthode instaurée au {{s|XVIII}}, sous l'[[Tibet sous la tutelle des Qing|empire Qing]], pour choisir les [[lama (bouddhisme)|lamas]] au [[Tibet]] et en [[Mongolie]]. À partir de l'édit dit « [[Discours sur les lamas]] » de 1792, à différentes occasions, des enfants censés être la réincarnation du [[dalaï-lama]] ou du [[panchen-lama]] ont été choisis grâce à cette méthode. Les noms sont écrits sur des feuilles de papier, lesquelles sont ensuite pliées et mises dans une urne d'or. Un représentant impérial en tirait une au sort. <!--{{refnec|Le nom et la date de naissance de chaque candidat étaient écrits en mandchou, chinois et tibétain sur un bâtonnet d'ivoire puis placés dans l'urne d'or. Après une prière des prêtres au temple du [[Jokhang]] à [[Lhassa]] devant la statue du [[Jowo]], un bâtonnet était tiré.}}-->

== Instauration ==

[[Image:Great Lama Temple Beijing IMG 5766.jpg|vignette|Lama shuo (face de la version en [[Alphabet mandchou|mandchou]]) au [[temple de Yonghe]] de Pékin.]]
L'empereur se méfiait des clans et grandes familles (tibétaines comme mongoles). Il se déclare scandalisé que les grands pontifes soient toujours trouvés dans les mêmes familles et exprime son point de vue sur le sujet, dans un édit, sur la stèle quadrilingue au [[temple de Yonghe|temple lamaïque Yonghe gong]] de Pékin, le célèbre « [[Discours sur les lamas]] » ({{chinois|court=o|s=喇嘛说|t=喇嘛說|p=lǎma shuō}}). 

L'urne d'or, présentée fréquemment comme symbolisant le pouvoir des Qing au Tibet, fut offerte en [[1781]] par l'empereur [[Qianlong]] au {{8e}} dalaï-lama<ref name="Toutain">Françoise Wang-Toutain, ''Le Dalaï-Lama'', Médicis-Entrelacs, 2007, {{ISBN|9782908606201}}, {{p.|50}}.</ref>. 

L'empereur Qianlong en imposa l'usage par décret en 1792, après l'[[Invasion du Tibet par les Gurkhas (1788-1791)|invasion du Tibet par les Gurkhas]]<ref name="Smith135">{{Harv|Smith|1997|p=135}}</ref>. Intitulé « Règlement en 29 articles pour mieux gouverner le Tibet »<ref>{{en}} Melvyn C. Goldstein, [http://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft2199n7f4&chunk.id=d0e102&toc.depth=1&toc.id=d0e102&brand=ucpress ''The Snow Lion and the Dragon''], {{p.|19}} : {{Citation étrangère|langue=en|The inability of the Tibetans to expel the Nepalese forces without an army from China, coupled with charges of poor leadership and organization in the Tibetan government, prompted yet another Qing reorganization of the Tibetan government, this time through a written plan called the "Twenty-Nine Regulations for Better Government in Tibet}}.</ref>, ce décret prévoit, dans son article premier, que le choix de la réincarnation du dalaï-lama et de celle du panchen lama se fera au moyen du tirage au sort dans l'urne d’or afin d’éviter d’éventuelles manipulations conduisant à la désignation de rejetons de puissantes familles laïques<ref>Melvyn C. Goldstein, ''The Snow Lion and the Dragon'', {{opcit}}, {{p.|19}} : {{Citation étrangère|langue=en|This reform package included the selection of top incarnations (hutuktus) like the Dalai and Panchen Lamas through a lottery conducted in a golden urn, the aim being to prevent the selection of incarnations being manipulated to fall in politically powerful lay families.}}</ref>.

Il existe deux urnes. La première, gardée au temple de Jokhang, servait à désigner le dalaï-lama et le panchen-lama, la seconde, conservée dans le [[temple de Yonghe]] à Pékin, servait à désigner le {{citation nécessaire|[[Bogdo Gegen]]}} [[Mongolie|mongol]], sous la responsabilité du ''bureau chargé des affaires des dépendances de l'empire'' (Le [[Lifan yuan]])<ref>{{Harv|Foster|2008|p=171}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harv|Blondeau|Bueffetrille|Chayet|2002|p=61}} : {{citation|Mais dans le même temps, se méfiant des clans et des appétits des grandes familles (qu'elles fussent tibétaines ou mongoles), il se prononçait sur un point qui, en principe, aurait dû échapper à sa décision. Il se déclara scandalisé par le fait que les réincarnations des pontifes importants soient toujours trouvés dans les mêmes familles et exprima ses vues dans un long édit (stèle quadrilingue ay Yonghe gong de Pékin), le célèbre « Discours sur les lamas » (Lama shuo).}}. {{citation|Au début de 1793, l'empereur décida donc qu'au Tibet les incarnations seraient désormais désignées par tirage au sort en présence du dalaï-lama ou du panchen-lama et des ambans. La même chose serait faite à l'égard de la Mongolie, sous la responsabilité du Bureau chargé des affaires des « dépendances » de l'empire (le Lifan Yuan). Une urne d'or fut à cet effet envoyée à Lhassa et une autre déposée au Yonghe gong de Pékin}}.</ref>. 

== Utilisation ==

L'urne est utilisée au moins depuis 1793 à [[Lhassa]] pour les lamas tibétains et à [[Pékin]] pour les lamas mongols<ref name=oidtmann231>{{Harv|Oidtmann|2018|p=231}}</ref>.

En 2018, l’historien Max Oidtmann examina plusieurs sources inédites et conclut que l’urne d’or avait été utilisée entre 1793 et 1825 pour environ la moitié des principales recherches des réincarnations et que dans l’ensemble elle avait été utilisée 79 fois pour 52 lignées différentes<ref name=oidtmann231/>. Dans un compte rendu du livre de Oidtmann, le sociologue [[Massimo Introvigne]] commente que ces chiffres montrent le caractère « politique » de plusieurs ouvrages historiques publiés par des historiens tibétains, qui tendent à minimiser l’utilisation de l’urne, ou chinois, qui tendent à l’exagérer<ref>Massimo Introvigne, [https://fr.bitterwinter.org/lurne-dor-le-pcc-croit-il-en-la-reincarnation/ L’Urne d’or : le PCC croit-il en la réincarnation ?], ''[[Bitter Winter]]'', 3 janvier 2019.</ref>.

=== Cas de non utilisation ===

La tibétologue [[Anne Chayet]] indique qu'à de nombreuses reprises le tirage au sort ne fut pas utilisé ou respecté pour désigner le dalaî-lama et le panchen-lama. Ainsi à la mort, en 1804, de [[Jamphel Gyatso]], le {{8e}} dalaï-lama, son successeur, est reconnu sans utiliser l'urne. Ce fut aussi le cas pour [[Thubten Gyatso]] le {{13e}} dalaï-lama. Et quand l'urne fut utilisée son résultat ne fut pas respectée, les Qing ne pouvant imposer cette tradition<ref>{{Harv|Blondeau|Bueffetrille|Chayet|2002|p=63 et suivantes}}</ref>.

Pour reconnaître le {{9e}} dalaï-lama, le [[Régent du Tibet|régent]] déclara l'identification certaine et le recours à l'urne inutile. Pour les {{10e}}, {{11e}} et {{12e}} dalaï-lamas, l'urne servit plus à entériner le choix que les Tibétains opérèrent suivant leurs traditions<ref name="Toutain"/>.

{{refnec|Le {{7e}} panchen lama, [[Palden Tenpai Nyima]], utilisa l'urne d'or pour la première fois en [[1822]] pour choisir le {{10e}} dalaï-lama, [[Tsultrim Gyatso]].}} 

Dans une note relative aux arguments des autorités chinoises dans la [[controverse du 11e panchen-lama]], [[Melvyn Goldstein]] précise que l'urne d'or ne fut pas utilisée pour sélectionner les deux derniers dalaï-lamas (le {{13e}} et le {{14e}}) et le dernier panchen-lama (le {{10e}})<ref>{{en}} [[John Powers]], [https://books.google.fr/books?id=EDvKDAAAQBAJ&pg=PA102 ''The Buddha Party: How the People's Republic of China Works to Define and Control Tibetan Buddhism''], Oxford University Press, 2016, {{ISBN|0199358176|9780199358175}}, p. 102</ref>{{,}}<ref>{{Harv|Goldstein|1997|p=140}}</ref>.

=== Recours récent ===

En {{date-|novembre 1995}}, le gouvernement chinois, après son refus de reconnaître [[Gedhun Choekyi Nyima]] comme {{11e}} panchen lama (nommé en mai de la même année par le {{14e}} dalaï-lama, [[Tenzin Gyatso]]), décida de recourir à l'urne d'or <ref name="Goldstein1029">{{Harv|Goldstein|1997|p=102-9}}.</ref>, procédure qui aboutit à la nomination d'un deuxième panchen lama, [[Gyancain Norbu]], reconnu par la république populaire de Chine.

== Liste d'utilisations ==
Liste partielle<ref name=oidtmann231/> :
{| class="wikitable"
! Année !! Nom !! Lieu
|-
| 1793 || Sumpa Kütuktu || Lhassa
|-
| 1793 || Da Lama Lozang Tupten || Lhassa
|-
| 1793 || Da Lama Lozing Tenzin || Lhassa
|-
| 1793 || Lama Lozang Da-bu-kai || Lhassa
|-
| 1793 || Lama Döndrub Peljor || Lhassa
|-
| 1793 || Erdeni Pandita kütuktu || Pékin
|-
| 1796 || Pakpalha kütuktu 08 || Pékin
|-
| 1796 || Jamyang Zhepa kütuktu 03 || Lhassa
|-
| 1800 || Tsemonlng kütuktu 02 (Yonghegong Samadi Bakii) || Pékin
|-
| 1802 || Sumpa kütuktu || Lhassa
|-
| 1802 || Zhiwala kütuktu 05 || Lhassa
|-
| 1803 || Rongwo Nomunhan || Pékin
|-
| 1803 || Tongkhor kütuktu || Pékin
|}

== Références ==
{{Références}}

== Bibliographie ==
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Melvyn C. Goldstein|nom1=Goldstein|titre=The Snow Lion and the Dragon|sous-titre=China, Tibet, and the Dalai Lama|éditeur=[[University of California Press]]|année=1997|isbn=0-520-21951-1}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Warren W. Smith, Jr|nom1=Smith|titre=Tibetan Nation : A History Of Tibetan Nationalism And Sino-Tibetan Relations|éditeur=Westview press|année=1997|pages totales=732|isbn=978-0-8133-3280-2}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Simon Foster|nom1=Foster|titre=Adventure Guide China|éditeur=Hunter|année=2008|pages totales=631|isbn=978-1-58843-641-2|isbn2=1-58843-641-1|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=3TfhAAAAQBAJ&printsec=frontcover}}.
* {{Ouvrage| auteur1=Anne-Marie Blondeau| nom1=Blondeau| directeur1=Anne-Marie Blondeau| auteur2=Katia Buffetrille| nom2=Bueffetrille| directeur2=Katia Buffetrille| auteur3=Anne Chayet| nom3=Chayet| titre=[[Le Tibet est-il chinois ?]]| éditeur=| année=2002| isbn=| lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=OUq0F1W0MxIC&pg=PA61}}
* {{chapitre|langue=en| auteur1=[[Max Oidtmann]]|nom1=Oidtmann| titre chapitre=List of Usages of the Golden Urn Ritual| titre ouvrage=Forging the Golden Urn: The Qing Empire and the Politics of Reincarnation in Tibet| collection=Studies of the Weatherhead East Asian Institute, Columbia University| doi=10.7312/oidt18406| isbn=9780231545303| éditeur=Columbia University Press| année=2018}}

== Voir aussi ==
* [[Controverse du 11e panchen-lama]]

{{Portail|bouddhisme|Tibet|Mongolie|monde chinois}}

[[Catégorie:Bouddhisme tibétain]]
[[Catégorie:Histoire du Tibet]]
[[Catégorie:Histoire de la Mongolie]]
[[Catégorie:Histoire de la Chine]]
[[Catégorie:Relations entre l'empire des Qing et le Tibet]]
[[Catégorie:Droit au Tibet]]