Voir la source de Tribu (mathématiques)

{{En-tête label|BA|année=2010}}
{{Voir homonymes|Tribu|Algèbre (homonymie)}}
En [[mathématiques]], une '''tribu''' ou '''σ-algèbre''' (lire ''sigma-algèbre'') ou plus rarement '''corps de Borel'''<ref>Signalé en note par {{Ouvrage|auteur1=Albert Tortrat|titre=Calcul des probabilités et introduction aux processus aléatoires|éditeur=Masson|année=1971|isbn=|passage=31}}. C'est la terminologie historiquement utilisée par [[Andreï Kolmogorov]] dans son [[axiomes des probabilités|axiomatisation de la théorie des probabilités]].</ref> sur un ensemble ''X'' est un ensemble non [[ensemble vide|vide]] de parties de ''X'', stable par passage au [[ensemble complémentaire|complémentaire]] et par [[réunion (mathématiques)|union]] [[ensemble dénombrable|dénombrable]] (donc aussi par [[intersection (mathématiques)|intersection]] dénombrable). Les tribus permettent de définir rigoureusement la notion d{{'}}'''[[ensemble mesurable]]'''.

Progressivement formalisées pendant le premier tiers du {{s-|XX}}, les tribus constituent le cadre dans lequel s'est développée la [[théorie de la mesure]]. Leur introduction est notamment rendue nécessaire par le [[théorème d'Ulam]]. Les exemples les plus fameux en sont les [[tribu borélienne|tribus boréliennes]], du nom d'[[Émile Borel]], qui construisit la tribu borélienne de la droite réelle en [[1898]], et la [[tribu de Lebesgue]], formée des ensembles mesurables définis par [[Henri-Léon Lebesgue|Henri Lebesgue]] en [[1901]]. En conséquence, les tribus sont aussi fondamentales en [[théorie des probabilités]], dont l'axiomatisation moderne s'appuie sur la [[théorie de la mesure]]. Dans ce domaine, les tribus ne sont pas seulement le support du [[axiomes des probabilités|formalisme]], mais aussi un outil puissant, qui est à la base de la définition de concepts parmi les plus importants : [[espérance conditionnelle]], [[Martingale (calcul stochastique)|martingales]]{{etc.}}

== Définition ==
{{théorème|Définition<ref>{{Ouvrage|prénom1=Paul|nom1=Halmos|lien auteur1=Paul Halmos|titre=Measure Theory|éditeur=Van Nostrand|année=1950|passage=28}}. Des variantes mineures sont possibles, en particulier on trouve souvent pour condition (1) l'appartenance du vide à <math>\mathcal{A}</math> (ainsi dans {{harvsp|Briane|Pagès|2000|p=45-45}}) ou celle de <math>X</math> à <math>\mathcal{A}</math> (ainsi dans {{Ouvrage|auteur1=Donald L. Cohn|titre=Measure theory|éditeur=Birkhäuser|année=1980|isbn=978-3-7643-3003-3|passage=1-2}}). Voir la partie ''Propriétés élémentaires'' de cet article pour les démonstrations.</ref>|Soit <math>X</math> un ensemble. On appelle '''tribu''' (ou '''σ-algèbre''') sur <math>X</math>, un ensemble <math>\mathcal{A}</math> de parties de <math>X</math> qui vérifie :
# <math>\mathcal{A}</math> n'est pas [[ensemble vide|vide]]
# <math>\mathcal{A}</math> est stable par [[Complémentaire (théorie des ensembles)|complémentaire]]
# <math>\mathcal{A}</math> est stable par [[réunion (mathématiques)|union]] [[Ensemble dénombrable|dénombrable]].}}

Une minorité de sources exigent également que <math>X</math> ne soit pas vide<ref>{{Ouvrage|auteur1=Adriaan Zaanen|titre=Integration|éditeur=North Holland|année=1967|numéro d'édition=2|passage=25-28}}
 ou {{Ouvrage|auteur1=Ole A. Nielsen|titre=An Introduction to Integration and Measure Theory|éditeur=Wiley-interscience|année=1997|pages totales=473|isbn=978-0-471-59518-2|passage=123}}
</ref> ; cette hypothèse supplémentaire n'est utilisée à aucun endroit de cet article.

Formellement :
# <math>\mathcal{A}</math> contient <math>\varnothing</math>
# <math> \forall B \in \mathcal{A}, </math> <math>{}^c B \in\mathcal{A} </math> (où <math>{}^cB</math> désigne le complémentaire de <math>B</math> dans <math>X</math>).
# si <math> \forall n \in \mathbb{N}, B_n \in\mathcal{A} </math> alors <math> \bigcup_{n\in\mathbb{N} } B_n \in\mathcal{A} </math> (l'union est dite « dénombrable » parce que l'ensemble des indices l'est).

La définition qui précède a l'intérêt d'être lisible sans connaître le langage des [[Algèbre de Boole (structure)|algèbres de Boole]] ; si on le connaît, on peut l'exprimer sous forme plus resserrée :

{{Théorème|Forme alternative de la définition<ref>La définition est par exemple donnée sous cette forme dans {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Vladimir Bogachev|titre=Measure Theory|lieu=Berlin|éditeur=Springer|année=2007|pages totales=575|isbn=978-3-540-34513-8|isbn2=3-540-34513-2|passage=4}}</ref>|Une '''tribu''' est une [[algèbre d'ensembles]] stable par réunion dénombrable.}}

Le couple <math>\left(X,\mathcal{A}\right)</math> est appelé [[espace mesurable]]<ref>Certaines sources relativement anciennes proposent des définitions marginalement différentes : pour {{harvsp|Halmos|1950|p=73}}, un espace mesurable est un ensemble muni d'un [[Sigma-anneau|σ-anneau]] à unité ; pour {{Ouvrage|auteur1=Sterling Berberian|titre=Measure and Integration|éditeur=MacMillan|année=1965|passage=35}}, c'est un ensemble muni d'un sigma-anneau (sans condition d'existence d'une unité). Les relations entre les trois définitions sont exposées dans l'ouvrage de S. Berberian, {{p.|35-36}}.</ref> ou [[espace probabilisable]] en fonction du contexte. Sur les espaces mesurables on définit des [[mesure (mathématiques)|mesures]] ; sur les espaces probabilisables on s'intéresse spécifiquement aux [[mesure de probabilité|probabilités]].

Les parties de <math>X</math> qui appartiennent à la tribu <math>\mathcal{A}</math> sont appelées ensembles mesurables. Dans un contexte probabiliste, on les appelle [[événement (probabilités)|événements]].

=== Quelques exemples ===

* La tribu dite ''grossière'' : <math> \mathcal A = \{ \varnothing,X\} </math>.
* La tribu dite ''discrète'' : <math> \mathcal A = \mathcal P(X) </math> où <math> \mathcal P(X)</math> représente l'[[Ensemble des parties d'un ensemble|ensemble de toutes les parties]] de <math>X</math>.
* Si <math>X=\{a,b,c,d\}</math> alors <math> \mathcal A=\{\varnothing, \{a\}, \{b, c, d\}, X\}</math> est une tribu sur <math>X</math>. C'est la plus petite tribu contenant l'ensemble <math> \{a\}</math>.
* Pour tout <math>X</math>, <math>\{ A \in \mathcal P(X)\,\mid\, A</math> ou <math> {}^c A \,</math> fini ou dénombrable <math> \} \,</math> est une tribu sur <math>X</math>.
* En revanche si <math>X</math> est infini, <math>\{ A \in \mathcal P(X)\,\mid\, A</math> ou <math> {}^c A \,</math> fini <math> \} \,</math> n'est '''pas''' une tribu sur <math>X</math>, bien que ce soit une [[algèbre de Boole de parties]] de <math>X</math>.

== Motivations ==

En analyse, l'importance des tribus s'est progressivement affirmée au long des trente premières années du {{s-|XX}}. Le siècle s'ouvre par l'élaboration par [[Henri-Léon Lebesgue|Henri Lebesgue]] de [[intégrale de Lebesgue|sa théorie de l'intégration]]. Dans la décennie suivante on commence à exploiter la notion géométrique de [[mesure (mathématiques)|mesure]] en [[probabilités]]<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=206-207}} estime que le « pas décisif est franchi » en 1914, à la publication des ''[[Grundzüge der Mengenlehre]]'' de [[Felix Hausdorff]] en s'appuyant notamment sur une citation de [[Wilhelm Blaschke]].</ref>, [[Johann Radon]] construit en [[1913]] une [[Mesure de Radon|théorie de l'intégration]] sur <math>\mathbb{R}^n</math> qui généralise à la fois celle de Lebesgue et [[intégrale de Stieltjes|celle de Stieltjes]]{{sfn|Pier|1996|p=163-165}}, [[Felix Hausdorff]] définit en 1918 la [[mesure de Hausdorff|mesure qui porte aujourd'hui son nom]] en dimensions non entières{{sfn|Pier|1996|p=170}}. Simultanément, on s'efforce de bâtir une axiomatisation abstraite de l'intégration dans laquelle s'intègreraient toutes ces nouvelles théories. Cette unification, réalisée dans le début des années 1930, s'appuie sur la définition moderne d'une [[mesure (mathématiques)|mesure]]. La notion de tribu en est un élément constitutif.

Les tribus sont également les constructions nécessaires à la définition rigoureuse d'une mesure d'aire (mesure de Lebesgue). En première approche, l'aire pourrait être définie intuitivement comme l'image d'un ensemble <math>A \subset \R^{2}</math> par une mesure <math>\mu: \mathcal{P}(\R^{2}) \to \R^{+}</math> (avec éventuellement <math>\mu(A)=+ \infty</math> si <math>A= \R^{2}</math>) vérifiant les propriétés suivantes<ref name=":0">{{Lien web |langue=fr |auteur=Étienne Matheron |titre=Théorie de l’intégration |url=http://matheron.perso.math.cnrs.fr/enseignement_fichiers/PolyIntL3-bis.pdf |format=pdf |accès url=libre |site=matheron.perso.math.cnrs.fr |consulté le=13 juin 2022 |page=17-19}}</ref> :
# L'ensemble vide "n'a pas d'aire" : <math>\mu(\O)=0</math>.
# Les aires s'ajoutent : Si <math>(A_{n})_{n \in \N }</math> est une suite de parties du plan deux à deux disjointes, alors <math>\mu(\bigcup_{n \in \N}A_{n})= \sum_{n \in \N} \mu(A_{n})</math>.
# L'aire est invariante par déplacements : Si deux ensembles <math>A</math> et <math>A'</math> se déduisent l'un de l'autre par translation ou rotation, alors <math>\mu(A)= \mu(A')</math>.
# Pour tout rectangle <math>R</math> non plat, on a <math>0< \mu(R)< + \infty</math>.

Cependant, il vient le problème suivant.

{{Théorème|énoncé=Il n'existe pas d'application de <math>\mathcal{P}(\R^{2})</math> dans <math>\R^{+}</math> vérifiant les quatre propriétés ci-dessus<ref name=":0" />.}}{{Démonstration|Supposons qu'il existe une application <math> \mu : \mathcal{P}(\R^{2}) \to \R^{+}</math> vérifiant les propriétés (1) à (4). On identifie <math>\R^{2}</math> à <math>\C</math> et notons <math>\Omega</math> le disque unité de <math>\C</math> privé de <math>0</math>.

<center><math>\Omega = \{ u \in \C \, \mid \, 0< \mid u \mid <1\}</math></center>

Posons également <math>T= \{ \gamma \in \C \, \mid \, \mid \gamma \mid =1 \}</math>. Géométriquement, <math>T</math> s'identifie au groupe des rotations de <math>\R^{2}= \C</math> centrées en <math>0</math>. Un nombre <math>\gamma=e^{i \theta} \in T</math> s'identifie à la rotation <math>r_{\gamma}</math> d'angle <math>\theta</math>. Pour <math>u \in \C</math>, on écrira <math>\gamma \cdot u</math> au lieu de <math>r_{\gamma}(u)</math> et pour tout ensemble <math>E \subset \Omega</math>, on pose <math>\gamma \cdot E = \{ \gamma \cdot u \, \mid \, u \in E\}</math>. Comme les rotations préservent les longueurs, <math>\Omega</math> est stable par n'importe quelle rotation. Autrement dit, le groupe <math>T</math> agit sur <math>\Omega</math>. Soit maintenant <math>\Gamma \subset T</math> l'ensemble des "rotations rationnelles".

<center><math>\Gamma= \{ e^{i \theta} \, \mid \, \theta \in 2 \pi \Q \} </math></center>

<math>\Gamma</math> est un sous-groupe de <math>T</math>, donc on définit une relation d'équivalence sur <math>\Omega</math> telle que

<center><math>u \sim v \Longleftrightarrow \exists \gamma \in \Gamma, \, \gamma \cdot u = v </math></center>

On note <math>\mathcal{C}</math> l'ensemble des classes d'équivalence pour la relation <math>\sim</math>.

Grâce à l'axiome du choix, il est possible de choisir un point <math>u_{C}</math> dans chaque classe d'équivalence <math>C \in \mathcal{C}</math>. Si on pose <math>E= \{ u_{C} \, \mid \, C \in \mathcal{C} \}</math>, alors <math>E</math> rencontre chaque classe d'équivalence <math>C \in \mathcal{C}</math> en exactement un point (à savoir <math>u_{C}</math>). On en déduit que <math>E</math> possède les propriétés suivantes :

(i) <math>\bigcup \limits_{\gamma \in \Gamma} \gamma \cdot E = \Omega</math>

(ii) Les ensembles <math> \gamma \cdot E</math> sont deux à deux disjoints.

La propriété (i) est évidente puisque <math>E</math> rencontre chaque classe d'équivalence. Pour (ii), supposons que <math>(\gamma \cdot E) \cap (\gamma' \cdot E) \neq \O</math> avec <math>\gamma, \gamma' \in \Gamma</math>. Soit <math>u,u' \in E</math> tels que <math>\gamma \cdot u = \gamma' \cdot u'</math>. Alors <math>u \sim u'</math> et donc <math>u=u'</math> car <math>E</math> rencontre chaque classe en au plus un point. Ainsi <math>\gamma \cdot u = \gamma' \cdot u</math> et donc <math>\gamma = \gamma'</math> car <math>u \neq 0</math>. Comme <math>\Gamma</math> est dénombrable, on doit avoir par (i) et (ii) et (2)
<center><math>\mu(\Omega)= \sum_{\gamma \in \Gamma} \mu(\gamma \cdot E) </math></center>
Mais par (3), on a aussi <math>\mu(\gamma \cdot E)= \mu(E)</math> pour tout <math>\gamma \in \Gamma</math>. Comme <math>\Gamma</math> est infini, on en déduit que la somme <math>\sum_{\gamma \in \Gamma} \mu(\gamma \cdot E)</math> vaut ou bien <math>0</math> (si <math>\mu(E)=0</math>) ou bien <math>+ \infty</math> (si <math>\mu(E)>0</math>). Ainsi <math>\mu(\Omega) \in \{ 0, + \infty\}</math>. Pour conclure, on applique alors la proposition suivante :
{{Proposition|
<center> Si <math>A \subset \R^{2}</math> est borné, alors <math>\mu(A)<+ \infty</math>. Si <math>A \subset \R^{2}</math> est d'intérieur non vide, alors <math>\mu(A)>0</math>.</center>}}

{{Démonstration|déroulante=oui|
Il découle de (2) que <math>\mu</math> est croissante : Si <math>A \subset A'</math> alors <math>\mu(A) \leq \mu(A')</math> car <math>A</math> est la réunion disjointe de <math>A'</math> et <math>A \backslash A'</math> donc on a <math>\mu(A)= \mu(A')+ \mu(A \backslash A') \geq \mu(A')</math>. Par (4), on en déduit que si <math>A</math> est borné, alors <math>A</math> est contenu dans un rectangle <math>R</math> et on a alors <math>\mu(A) \leq \mu(R)<+ \infty</math>. Si <math>A</math> est d'intérieur non vide, il contient donc une boule d'un certain rayon, qui elle-même contient un rectangle, on a donc <math>0< \mu(R) \leq \mu(A)</math>.}}

D'après la proposition précédente, on a <math>0< \mu(\Omega)< + \infty</math>, or on a montré que <math>\mu(\Omega) \in \{ 0, + \infty\}</math>, absurde. L'absurdité vient du fait qu'on a supposé l'existence de cette application.

{{Remarque|
Remarque : On pourrait rétorquer que la propriété d'additivité dénombrable (2) est trop forte, et qu'on pourrait se contenter d'exiger l'additivité finie (2') : <math>\Big(\mu(\bigcup^{n}_{k=0}A_{k})= \sum^{n}_{k=0}A_{k} \Big)</math> pour voir si la contradiction disparaît. Dans ce cas, Banach a montré en utilisant l'axiome du choix qu'il est possible d'attribuer une aire à toutes les parties du plan de façon que (1), (2'), (3) et (4) soient vérifiées, mais Hausdorff a montré que ceci est impossible en dimension <math>3</math> : on ne peut pas attribuer un volume à toutes les parties de <math>\R^{3}</math> de sorte que la fonction volume soit finiment additive et invariante par rotations, et que le volume du cube unité soit fini et non nul. Le paradoxe de Banach-Tarski traite un résultat similaire<ref name=":0" />.}}|déroulante=oui}}
Il faut donc accepter que certains ensembles n'aient pas d'aire, on doit donc restreindre la notion d'aire à un ensemble de parties <math>\mathcal{A}</math> qui possèdent une aire. On a besoin que <math>\mathcal{A}</math> soit stable par réunion dénombrable au vu de (2), de même il serait nécessaire que <math>\mathcal{A}</math> soit stable par passage au complémentaire. Cela permet donc d'introduire la notion de tribu, on introduit également la notion de mesure au sens large, qui se contentera de ne vérifier que (1) et (2), puisque (3) et (4) sont des propriétés qu'on attendrait d'une mesure d'aire, et pas forcément d'une mesure dans le cas général<ref name=":0" />.

[[Fichier:BrownianMotion.svg|thumb|Un exemple de [[processus aléatoire]] : le [[mouvement brownien]].]]
Depuis la publication en 1933 des ''Fondements de la théorie des probabilités'' d'[[Andreï Kolmogorov]], les [[théorie des probabilités|probabilités]] sont solidement ancrées sur la [[théorie de la mesure]]{{sfn|Pier|1996|p=208}}. Les σ-algèbres y jouent un rôle incontournable, peut-être plus central qu'en analyse : ici elles ne sont pas seulement un cadre de travail, mais aussi un outil puissant. La preuve de la [[loi du zéro-un de Kolmogorov]] fournit un exemple relativement élémentaire de leur efficacité.

La théorie des [[processus stochastique]]s (l'étude probabiliste de phénomènes variant avec le temps) permet de donner une interprétation intuitive de certaines tribus. Par exemple, supposons qu'on s'intéresse à l'évolution du prix d'un [[actif financier]] en fonction du temps. L'espace des événements <math>X</math> est l'ensemble des évolutions possibles de cet actif, c'est-à-dire des fonctions associant à chaque instant un prix. Pour chaque valeur <math>t</math> du temps, on définit ainsi une tribu <math>\mathcal{A}_t</math> : étant donné un ensemble <math>A</math> d'événements, on décidera que <math>A</math> est dans <math>\mathcal{A}_t</math> si on peut le décrire par une formulation qui, lue par un observateur vivant à la date <math>t</math>, ne se réfère qu'au passé. Pour fixer les idées, si <math>A</math> est l'événement « le cours de l'actif a constamment augmenté pendant l'année 2006 », il appartient à <math>\mathcal{A}_{2010}</math> puisqu'un observateur vivant en 2010 peut en décider en consultant des archives, mais n'est pas dans <math>\mathcal{A}_{2005}</math> (sauf à être extralucide, un observateur vivant en 2005 n'en peut rien savoir). On dispose finalement d'une tribu évoluant en fonction du temps, dont la valeur <math>\mathcal{A}_t</math> représente le niveau d'information disponible à la date <math>t</math>. Sa croissance exprime l'expansion constante de l'information disponible. Cette [[Famille (mathématiques)|famille]] croissante de tribus (on parle de [[filtration (mathématiques)|filtration]]) permet alors de formaliser diverses hypothèses sur le phénomène modélisé (via les concepts d'[[espérance conditionnelle]], de [[Martingale (calcul stochastique)|martingale]]{{etc.}}) puis d'en tirer mathématiquement des conclusions<ref>L'idée selon laquelle ce type de tribu « représente la connaissance » à un temps donné est explicitement énoncée dans {{Ouvrage|auteur1=Mircea Gregoriu|titre=Stochastic Calculus|sous-titre=Applications in Science and Engineering|éditeur=Birkhäuser|année=2002|pages totales=774|isbn=978-0-8176-4242-6|lire en ligne={{Google Livres|id=VxKwvNhRKdMC}}|passage=78}}. On trouve une exposition intuitive des tribus comme ensembles d'« observables » dans {{Ouvrage|prénom1=I. I.|nom1=Gihman|prénom2=A. V.|nom2=Skorokhod|lien auteur2=Anatoliy Skorokhod|titre=The theory of stochastic processes I|éditeur=[[Springer Science+Business Media|Springer-Verlag]]|année=1974|passage=143|isbn=}}.</ref>.

== Propriétés élémentaires ==
* Une tribu est stable par union finie (appliquer le point 3 de la définition à une suite infinie dénombrable <math>(A_0,A_1,\ldots,A_n,\ldots,A_n,A_n,\ldots)</math> constituée de <math>n+1</math> ensembles, le dernier étant répété à l'infini).
* <math> X\in \mathcal A</math> (prendre un élément <math>A\in\mathcal A</math> et écrire <math>X=A \cup{}^c A </math>).
* <math> \varnothing \in \mathcal A</math> (<math> \varnothing</math> est le complémentaire de <math>X</math>).
* Une tribu est également stable pour l'opération d'intersection dénombrable (d'après les points 2 et 3 de la définition) et ''a fortiori'' stable sous intersection finie : <br /> si <math> \forall n \in \mathbb{N}, A_n \in \mathcal A </math> alors <math> \bigcap_{n\in\mathbb{N} } A_n \in \mathcal A </math>.
* Une intersection quelconque (finie, infinie, y compris infinie non-dénombrable) de tribus est une tribu. Ainsi, si <math>\left(\mathcal A_i\right)_{i\in I}</math> est une famille de tribus sur <math>X</math>, alors <math>\bigcap_i \mathcal A_i</math> est aussi une tribu sur <math>X</math>.
* A contrario, une union de tribus n'est généralement pas une tribu.
* Le critère suivant est occasionnellement utile pour prouver qu'un ensemble de parties est une tribu :
{{théorème|Proposition<ref>Cet énoncé est légèrement adapté du théorème 1-18 de {{Ouvrage|auteur1=Achim Klenke|titre=Probability theory, a comprehensive course|éditeur=Springer|année=2008|isbn=978-1-84800-047-6}}, p.7</ref>|Soit <math>X \, </math> un ensemble, et soit <math>\mathcal A</math> un ensemble de parties de <math>X \, </math> qui vérifie :
# <math>\mathcal A</math> n'est pas [[ensemble vide|vide]]
# <math>\mathcal A</math> est stable par [[Complémentaire (théorie des ensembles)|complémentaire]]
# Une [[réunion (mathématiques)|union]] [[Ensemble dénombrable|dénombrable]] d'éléments de <math>\mathcal A</math> '''deux à deux disjoints''' est encore dans <math>\mathcal A</math>
# <math>\mathcal A</math> est stable par [[intersection (mathématiques)|intersection]] finie.

Alors <math>\mathcal A</math> est une tribu sur <math>X \, </math>.}}

On le prouve facilement en remarquant que pour toute suite d'éléments de <math>\mathcal A</math> (''a priori'' non disjoints) on peut écrire :

<center><math>\bigcup_{n\in\mathbb{N} } A_n=A_0\cup (A_1\cap{}^c A_0) \cup (A_2\cap{}^c A_0\cap{}^c A_1)\cup(A_3\cap{}^c A_0\cap{}^c A_1\cap{}^c A_2)\cup\cdots</math></center>

D'autres sources fournissent une variante de cette proposition, en posant comme troisième condition la stabilité par réunion dénombrable '''croissante'''. Si on est familier du vocabulaire défini à l'article « [[lemme de classe monotone]] », cet énoncé peut se dire ainsi : tout λ-système qui est aussi un π-système est une σ-algèbre<ref>L'énoncé est ainsi donné sous cette forme (et les λ-systèmes définis à partir d'unions croissantes) dans {{Ouvrage|auteur1=[[Charalambos D. Aliprantis]] et Kim C. Border|titre=Infinite Dimensional Analysis|sous-titre=A Hitchhiker's Guide|éditeur=Springer|année=2007|pages totales=704|isbn=978-3-540-32696-0|lire en ligne={{Google Livres|id=4hIq6ExH7NoC}}}}, lemme 4-10, {{p.|135}}.</ref>.

== Tribu engendrée par un ensemble de parties ==
{{article détaillé|Tribu engendrée}}

Si <math>\mathcal{C}</math> est un ensemble arbitraire de parties de <math>X</math>, il existe alors une plus petite tribu (au sens de l'inclusion) contenant <math>\mathcal{C}</math>, notée <math>\sigma(\mathcal{C})</math> et appelée la ''tribu engendrée'' par <math>\mathcal{C}</math>.

On prouve l'existence de <math>\sigma(\mathcal{C})</math> en la définissant comme l'intersection de toutes les tribus sur <math>X</math> qui contiennent <math>\mathcal{C}</math> (cette intersection a un sens, puisqu'au moins une telle tribu existe, à savoir la tribu discrète){{sfn|Revuz|1997|p=26-27}}.

Exemples :
* Soit <math> A \in \mathcal P(X), A \ne X </math> et <math>A \ne \varnothing </math>, alors <math> \sigma (\{A\}) = \{ \varnothing, A, {}^c A,X \}</math>. Pour <math>X=\{a,b,c,d\}</math> et <math>A=\{a\}</math>, on retrouve l'exemple donné plus haut.
* Soit <math> \mathcal L = \{ \{x\} ,x \in X \} </math> l'ensemble des [[Singleton (mathématiques)|singletons]] de l'espace de référence <math>X \, </math>. La tribu <math> \sigma (\mathcal L)</math> est égale à <math>\{ A \in \mathcal P(X), A</math> ou <math> {}^c A \,</math> fini ou dénombrable <math> \} \,</math> : on retrouve là aussi un exemple déjà mentionné.

On dispose d'un procédé un peu plus constructif de production de <math>\sigma(\mathcal{C})</math>, par application itérée à partir des éléments de <math>\mathcal{C} \cup \{X\} </math> des opérations d'intersection, de réunion dénombrable et de passage au complémentaire. La construction est toutefois techniquement un peu subtile, car il ne suffit pas de répéter cette itération <math> \aleph_0 </math> fois, il faut faire l'itération <math> \aleph_1 </math> fois, pour cela on définit une application <math> f</math> de source <math> \aleph_1 +1 </math>. La définition de <math> f</math> se fait par récurrence transfinie. La <math> \sigma </math>-algèbre engendrée sera <math> f(\aleph_1)</math>.

== Deux exemples importants : les tribus de Borel et de Lebesgue ==
{{article détaillé|Tribu borélienne|Mesure de Lebesgue}}

On appelle tribu de Borel ou [[tribu borélienne]] sur un [[espace topologique]] donné la tribu engendrée par les [[Ouvert (topologie)|ensembles ouverts]]. Dans le cas simple et fondamental de l'espace usuel à <math>n</math> dimensions, la tribu borélienne de <math>\mathbb{R}^n</math> est engendrée par une famille dénombrable de parties, les [[parallélépipède rectangle|pavés]] dont les sommets sont à coordonnées [[nombre rationnel|rationnelles]]. Par un résultat mentionné plus loin, elle a donc la [[puissance du continu]] {{incise|ce qui prouve incidemment qu'elle n'est pas égale à l'ensemble de toutes les parties de <math>\mathbb{R}^n</math>, qui est de [[cardinal d'un ensemble|cardinal]] strictement supérieur{{sfn|Revuz|1997|p=26-27 et 110-111}}|stop}}.

En probabilités, ou dans les théories de l'[[Intégration (mathématiques)|intégration]] dérivant de celle de la mesure, la tribu de Borel de <math>\mathbb{R}</math> (ou de la [[Droite réelle achevée|droite achevée]] <math>\overline{\mathbb{R}}</math>) joue un rôle prééminent : c'est en effet relativement à elle qu'on définit les [[fonction mesurable|fonctions mesurables]] à valeurs réelles ou les [[variable aléatoire réelle|variables aléatoires réelles]]<ref>{{harvsp|Briane|Pagès|2000|p=265-266}} notent qu'il serait « irréaliste » d'essayer de munir l'ensemble d'arrivée de la [[tribu de Lebesgue]].</ref>.

Les tribus boréliennes sont le cadre naturel où se rencontrent les théories de l'intégration et la [[théorie de la mesure]], notamment par le [[théorème de représentation de Riesz (Riesz-Markov)|théorème de représentation de Riesz]] qui associe une [[mesure (mathématiques)|mesure]] définie sur la tribu de Borel à certaines fonctionnelles sur un espace de [[Continuité (mathématiques)|fonctions continues]].

Bien que les [[espace métrique|espaces métriques]] non dénombrables usuels aient des propriétés topologiques extrêmement dissemblables, toutes leurs tribus boréliennes sont indiscernables. Un théorème de [[Kazimierz Kuratowski|Kuratowski]] affirme en effet que tous ceux appartenant à une très large classe, les [[espace de Lusin|espaces de Lusin]], ont des tribus boréliennes isomorphes entre elles et en particulier isomorphes à la tribu de Borel sur la droite réelle. Les espaces de Lusin en tant qu'espaces mesurables sont donc classifiés par leur [[cardinal d'un ensemble|cardinal]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Sashi Mohan Srivastava|titre=A course on Borel sets|éditeur=Springer|année=1998|pages totales=264|isbn=978-0-387-98412-4|lire en ligne={{Google Livres|id=FhYGYJtMwcUC}}}}, Théorème 3-3-13, {{p.|99}} (la source ne fournit pas l'attribution à Kuratowski).</ref>.

Sur l'espace <math>\mathbb R^n</math>, une autre tribu mérite d'être signalée : la [[tribu de Lebesgue]], dont les éléments sont les ensembles mesurables au sens de Lebesgue. Cette tribu contient strictement la tribu de Borel, dont elle est la [[complétion d'une mesure|complétée]] pour la [[mesure de Lebesgue]]. Si on accepte d'utiliser l'[[axiome du choix]], elle ne coïncide pas non plus avec l'ensemble de toutes les parties de <math>\mathbb{R}^n</math>.

== Constructions de tribus ==
=== Tribu image réciproque ===
{{théorème|Proposition et définition|Soit <math>(X_2,\mathcal{A}_2)</math> un espace mesurable, <math>X_1</math> un ensemble et <math>f\,\colon X_1\to X_2</math> une application.

L'ensemble <math>f^{-1}(\mathcal{A}_2)</math> défini par :

<center><math>f^{-1}(\mathcal{A}_2)=\left\{f^{-1}(A_2)\,\mid A_2\in\mathcal{A}_2\right\}</math></center>

est une tribu sur <math>X_1</math>. On l'appelle '''tribu image réciproque''' ou '''tribu engendrée par''' <math>f</math>.|énoncé=Soit <math>(Y,\mathcal{B})</math> un espace mesurable, <math>X</math> un ensemble et <math>f\,\colon X \to Y</math> une application.

L'ensemble <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math> défini par :

<center><math>f^{-1}(\mathcal{B})=\left\{f^{-1}(B)\,\mid B \in\mathcal{B} \right\}</math></center>

est une tribu sur <math>X</math>. On l'appelle '''tribu image réciproque''' ou '''tribu engendrée par''' <math>f</math>.}}{{Démonstration|Assurons-nous que <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math> est non vide.

Puisqu'on a <math> \O \in \mathcal{B}</math> et <math>f^{-1}(\O)=\O</math>, on a alors <math>\O \in f^{-1}(\mathcal{B})</math>.

Vérifions que <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math> est stable par passage au complémentaire.

Soit <math>A \in f^{-1}(\mathcal{B})</math>, par définition il existe <math>B \in \mathcal{B}</math> tel que <math>A=f^{-1}(B)</math>. Puisque <math>\mathcal{B}</math> est une tribu, on a <math>Y \backslash B \in \mathcal{B}</math> puis <math>f^{-1}(Y \backslash B) \in f^{-1}(\mathcal{B})</math>. Puisqu'on a <math>f^{-1}(Y \backslash B)=X \backslash f^{-1}(B)</math>, alors <math>X \backslash f^{-1}(B) \in f^{-1}(\mathcal{B})</math> et donc <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math> est stable par passage au complémentaire.

On vérifie enfin que <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math> est stable par réunion dénombrable.

Soit <math>(A_{n})_{n \in \N}</math> une suite d'éléments de <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math>, par définition on a <math>\forall n \in \N, \exists B_{n} \in \mathcal{B}, A_{n}=f^{-1}(B_{n})</math>. Puisque <math>\mathcal{B}</math> est stable par réunion dénombrable, alors <math>\bigcup \limits_{n \in \N}B_{n} \in \mathcal{B}</math> puis <math>f^{-1}(\bigcup \limits_{n \in \N}B_{n}) \in f^{-1}(\mathcal{B})</math>. Or, on a <math>f^{-1}(\bigcup \limits_{n \in \N}B_{n})=\bigcup \limits_{n \in \N}f^{-1}(B_{n})</math>, donc <math>\bigcup \limits_{n \in \N}A_{n}= \bigcup \limits_{n \in \N}f^{-1}(B_{n}) \in f^{-1}(\mathcal{B})</math> et donc <math>f^{-1}(\mathcal{B})</math> est stable par réunion dénombrable.|déroulante=oui}}
Comme indiqué un peu plus bas, ceci permet notamment de restreindre une tribu à un sous-ensemble de son univers <math>X</math>. Le [[lemme de transport]] est un résultat simple mais utile pour manipuler une [[image réciproque]] de tribu définie par une [[Partie génératrice d'un groupe|partie génératrice]], par exemple une tribu borélienne{{sfn|Briane|Pagès|2000|p=48-49}}.

Lorsque plusieurs fonctions partent de <math>(X,\mathcal{A})</math> {{incise|typiquement en probabilités, où plusieurs variables aléatoires sont simultanément considérées au départ d'un même espace}} il est facile de généraliser la tribu image réciproque : on parle de ''tribu engendrée par une famille d'applications'' (qui sont souvent des [[variable aléatoire|variables aléatoires]]). On trouvera cette définition à l'article « [[tribu engendrée]] ».
=== Tribu image ===
{{théorème|Proposition et définition{{sfn|Briane|Pagès|2000|p=48-49}}|Soit <math>(X,\mathcal{A})</math> un espace mesurable, <math>Y</math> un ensemble et <math>f\,\colon X \to Y</math> une application.

L'ensemble <math>f(\mathcal{A})</math> défini par :

<center><math>f(\mathcal{A})=\left\{A\in\mathcal{P}(X_2) \,\mid\,f^{-1}(A_2)\in \mathcal{A}_1\right\}</math></center>

est une tribu sur <math>X_2</math>. On l'appelle '''tribu image'''.|énoncé=Soit <math>(X,\mathcal{A})</math> un espace mesurable, <math>Y</math> un ensemble et <math>f\,\colon X \to Y</math> une application.

L'ensemble <math>f(\mathcal{A})</math> défini par :

<center><math>f(\mathcal{A})=\left\{B \in\mathcal{P}(Y) \,\mid\,f^{-1}(B)\in \mathcal{A}\right\}</math></center>

est une tribu sur <math>Y</math>. On l'appelle '''tribu image'''.}}{{Démonstration|On note <math> \mathcal{B} = \{ B \in \mathcal{P}(Y) \, \mid \, f^{-1}(B) \in \mathcal{A}\}</math>.

On remarque qu'on a <math>\O \in \mathcal{P}(Y)</math> avec <math>f^{-1}(\O)= \O \in \mathcal{A}</math>. Donc <math>\O \in \mathcal{B}</math> et ainsi <math>\mathcal{B}</math> est non vide.

Soit <math>B \in \mathcal{B}</math>, on a par définition <math>f^{-1}(B) \in \mathcal{A}</math>, puis on a <math>X \backslash f^{-1}(B) \in \mathcal{A}</math> car <math>\mathcal{A}</math> est stable par passage au complémentaire. Or on a <math>f^{-1}(Y \backslash B)=X \backslash f^{-1}(B)</math>. Donc <math>f^{-1}(Y \backslash B) \in \mathcal{A}</math> et par conséquent on a <math>Y \backslash B \in \mathcal{B}</math>. Donc <math>\mathcal{B}</math> est stable par passage au complémentaire.

Soit <math>(B_{n})_{n \in \N}</math> une suite d'éléments de <math>\mathcal{B}</math>, on a <math>\forall n \in \N, f^{-1}(B_{n}) \in \mathcal{A}</math>. Puisque <math>\mathcal{A}</math> est stable par réunion dénombrable, alors <math>\bigcup \limits_{n \in \N}f^{-1}(B_{n}) \in \mathcal{A}</math>. Or, on a <math>f^{-1}(\bigcup \limits_{n \in \N}B_{n})=\bigcup \limits_{n \in \N}f^{-1}(B_{n})</math>. Donc <math>\bigcup \limits_{n \in \N}B_{n} \in \mathcal{B}</math> et ainsi <math>\mathcal{B}</math> est stable par réunion dénombrable.|déroulante=oui}}

=== Tribu engendrée ===
{{Article détaillé|Tribu engendrée}}
{{Théorème|énoncé=Soit <math>X,Y</math> deux ensembles, <math>\mathcal{F} \subset \mathcal{P}(Y)</math> et <math>f:X \to Y</math> une application. On a
<center><math>\sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))=f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F}))</math></center>}}{{Démonstration|On a <math>f^{-1}(\mathcal{F}) \subset f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F}))</math> car <math>\mathcal{F} \subset \sigma_{Y}(\mathcal{F})</math>. De plus, <math>f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F}))</math> est une tribu sur <math>X</math> d'après la proposition précédente sur la tribu image réciproque. Puisque <math>f^{-1}(\mathcal{F})</math> est inclus dans cette tribu et que <math>\sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))</math> est la plus petite tribu contenant <math>f^{-1}(\mathcal{F})</math>, alors on a <math>\sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F})) \subset f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F}))</math>.

Réciproquement, posons <math>\mathcal{B}=\{ B \in \mathcal{P}(Y) \, \mid \, f^{-1}(B) \in \sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))\}</math>.
D'après la proposition précédente sur la tribu image, <math>\mathcal{B}</math> est une tribu sur <math>Y</math>. Soit <math>F \in \mathcal{F}</math>, on a <math>f^{-1}(F) \in f^{-1}(\mathcal{F}) \subset \sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))</math> et donc par définition de <math>\mathcal{B}</math> on a <math>F \in \mathcal{B}</math> i.e. <math>\mathcal{F} \subset \mathcal{B}</math>.
Puisque <math>\sigma_{Y}(\mathcal{F})</math> est la plus petite tribu contenant <math>\mathcal{F}</math>, on a <math>\sigma_{Y}(\mathcal{F}) \subset \mathcal{B}</math> puis <center><math>f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F})) \subset f^{-1}(\mathcal{B})=\{ f^{-1}(B) \, \mid \, B \in \mathcal{B} \} \subset \sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))</math></center>|déroulante=oui}}{{Théorème|énoncé=Soit <math>(X, \mathcal{A}),(Y, \mathcal{B})</math> deux espaces mesurables et <math>f: X \to Y</math> une application. Soit <math>\mathcal{F} \subset \mathcal{B}</math> telle que <math>\sigma_{Y}(\mathcal{F})= \mathcal{B}</math>, on a
<center><math>
f^{-1}(\mathcal{B}) \subset \mathcal{A} \Longleftrightarrow f^{-1}(\mathcal{F}) \subset \mathcal{A}</math></center>}}{{Démonstration|Si <math>f^{-1}(\mathcal{B}) \subset \mathcal{A}</math>, on a directement <math>f^{-1}(\mathcal{F}) \subset f^{-1}(\mathcal{B}) \subset \mathcal{A}</math> puisque <math>\mathcal{F} \subset \mathcal{B}</math>.

Réciproquement, puisque <math>\sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))</math> est la plus petite tribu contenant <math>f^{-1}(\mathcal{F})</math>, on a <math>\sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F})) \subset \mathcal{A}</math>. Or on sait que <math>f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F}))=\sigma_{X}(f^{-1}(\mathcal{F}))</math> d'après le théorème précédent, donc <math>f^{-1}(\mathcal{B})=f^{-1}(\sigma_{Y}(\mathcal{F})) \subset \mathcal{A}</math>.|déroulante=oui}}

=== Tribu trace ===
{{théorème|Proposition et définition|Soit <math>(X,\mathcal{A})</math> un espace mesurable et <math>E</math> une partie de <math>X</math>.

La [[Trace (théorie des ensembles)|trace de <math>\mathcal A</math> sur <math>E</math>]], c'est-à-dire l'ensemble <math>\left\{A\cap E \,\mid\,A\in \mathcal{A}\right\}</math>, est une tribu sur <math>E</math>. On l'appelle '''tribu trace'''.|énoncé=Soit <math>(X,\mathcal{A})</math> un espace mesurable et <math>E</math> une partie de <math>X</math>.

La [[Trace (théorie des ensembles)|trace de <math>\mathcal A</math> sur <math>E</math>]], c'est-à-dire l'ensemble <math>\left\{A\cap E \,\mid\,A\in \mathcal{A}\right\}</math>, est une tribu sur <math>E</math>. On l'appelle '''tribu trace'''.

De plus, si <math>E \in \mathcal{A}</math>, alors <math>\mathcal{A}_{E}= \{ A \in \mathcal{A} \, \mid \, A \subset E\}</math> et donc <math>\mathcal{A}_{E} \subset \mathcal{A}</math>.}}{{Démonstration|Soit <math>\mathcal{F} \subset \mathcal{P}(X)</math>, l'injection canonique <math>i: \left \{ \begin{array}{rcl}E & \longrightarrow & X \\ x & \longmapsto & x \end{array} \right.</math> vérifie pour tout <math>F \in \mathcal{F}</math>
<center><math>i^{-1}(F)= \{ x \in E \, \mid \, i(x) \in F \}= \{ x \in E \, \mid \, x \in F \}= E \cap F </math></center>
Ainsi on a :
<center><math> i^{-1}(\mathcal{F})=\{ i^{-1}(F) \, \mid \, F \in \mathcal{F}\}=\{ F \cap E \, \mid \, F \in \mathcal{F}\}=\mathcal{F}_{E}</math></center>

En reprenant l'injection canonique, on a <math>\mathcal{A}_{E}=i^{-1}(\mathcal{A})</math>, qui est une tribu d'après la proposition sur la tribu image réciproque.

Si <math>E \in \mathcal{A}</math>, alors <math>\forall A \in \mathcal{A}, \, A \cap E \in \mathcal{A}</math> car <math>\mathcal{A}</math> est stable par intersection dénombrable. De plus, puisque <math>A \cap E \in \mathcal{A}</math> et <math>A \cap E \subset E</math>, on a <center><math> \mathcal{A}_{E}= \{ A \cap E \, \mid \, A \in \mathcal{A}\} \subset \{ B \in \mathcal{A} \, \mid \, B \subset E\} </math></center>
Or, puisque pour tout <math>C \in \{ B \in \mathcal{A} \, \mid \, B \subset E\}</math>, on peut écrire <math>C=C \cap E</math>, alors on a <math>C \in \{ A \cap E \, \mid \, A \in \mathcal{A}\}</math> et donc <center><math>\{ B \in \mathcal{A} \, \mid \, B \subset E\} \subset \{ A \cap E \, \mid \, A \in \mathcal{A}\}=\mathcal{A}_{E} </math></center>|déroulante=oui}}

=== Tribu produit ===
{{article détaillé|Tribu produit}}

{{théorème|Définition|Soit <math>(X_1,\mathcal{A}_1)\ </math> et <math>(X_2,\mathcal{A}_2)\ </math> deux espaces mesurables. La ''tribu produit'', notée <math>\mathcal{A}_1\times\mathcal{A}_2\ </math> ou <math>\mathcal{A}_1\otimes\mathcal{A}_2\ </math>, est la tribu de parties du [[produit cartésien]] <math>X_1\times X_2\ </math> engendrée par les ''pavés'' <math>A_1\times A_2,\ </math> où <math>A_i\in \mathcal{A}_i,\quad i\in\{1,2\}\ :\ </math>

<center><math>\mathcal{A}_1\times\mathcal{A}_2\ =\ \sigma\left(\left\{A_1\times A_2\ |\ A_1\in \mathcal{A}_1,\ A_2\in \mathcal{A}_2\right\}\right).</math></center>}}

La définition de la [[tribu produit]] est le préalable à celle de la [[mesure produit]] dont l'usage permet de généraliser à des espaces abstraits les [[intégrale multiple|intégrales multiples]]<ref>On trouvera un exposé du produit des tribus et mesures dans la plupart des livres consacrés à la théorie de la mesure, par exemple dans {{harvsp|Briane|Pagès|2000|p=191-211|loc=chap.11}}.</ref>.

Le concept se généralise à un produit d'une famille infinie d'espaces mesurables{{sfn|Klenke|2008|p=272}}.

=== Tribu cylindrique ===
{{théorème|Définition|Soit <math>((X_n, \mathcal{A}_n))_{n\in \mathbf{N}^*}</math> une suite d’espaces mesurables, et <math>X = \prod\limits_{n\in\mathbf{N}^*} X_n</math>. On appelle ''tribu cylindrique'' la tribu sur <math>X</math> engendrée par l’ensemble des cylindres :
:<math>C = \left\{A_1 \times \dots \times A_k \times \prod\limits_{n \geqslant k+1} X_n \mid k \in \mathbf{N}, (A_1, \dots, A_k) \in \mathcal{A}_1 \times \dots \times \mathcal{A}_k\right\}</math>
La définition se généralise à une famille quelconque d’espaces mesurables.}}

Comme dans le cas d’un produit fini, on peut alors définir le produit de mesures grâce au [[théorème d'extension de Carathéodory]], mais il faut pour cela des hypothèses sur les espaces mesurables.

{{théorème|Théorème|Si les <math>(X_n, \mathcal{T}_n)</math> sont des espaces topologiques quasi‐compacts dont les <math>\mathcal{A}_n</math> sont les tribus boréliennes (en particulier si les <math>X_n</math> sont finis) et que <math>(\mu_n)_{n\in\mathbf{N}^*}</math> est une suite de mesures de probabilité définies sur ces espaces mesurables, alors il existe une unique mesure <math>\mu</math> sur <math>(X, \sigma(C))</math> telle que :
: <math>\forall k\in \mathbf{N}, \forall (A_1, \dots, A_k) \in \mathcal{A}_1 \times \dots \times \mathcal{A}_k, \mu\left(A_1 \times \dots \times A_k \times \prod\limits_{n \geqslant k+1} X_n\right) = \mu_1(A_1) \times \dots \times \mu_k(A_k)</math>}}

Cet outil est plus faible que le précédent mais peut suffire dans certains cas simples, en probabilités notamment. Ainsi, des problèmes tels que le [[problème du collectionneur de vignettes]] ou le [[jeu de pile ou face]] infini s’étudient sur des [[Espace probabilisé|espaces probabilisés]] de la forme (Ω, σ(''C''), '''P''') où l’on pose Ω<sub>''n''</sub> l’univers des possibles au {{abrd|''n''<sup>e</sup>|n-ième}} tirage ({Pile, Face} pour le pile ou face infini ; '''['''1,''k'' ''']''' pour le problème du collectionneur si les vignettes sont étiquetées de 1 à ''k''), '''P'''<sub>''n''</sub> une probabilité (par exemple la [[Loi uniforme discrète|loi uniforme]]) sur l’espace probabilisable <math>(\Omega_n, \mathcal{P}(\Omega_i))</math>, <math>\Omega = \prod\limits_{n\in\N} \Omega_n</math> l’univers des possibles pour l’ensemble du tirage aléatoire, σ(''C'') et '''P''' la tribu cylindrique et la probabilité obtenues par le procédé décrit précédemment.

=== Tribu complétée ===
{{article détaillé|Complétion d'une mesure}}

{{théorème|Proposition et définition|Soit <math>\ (X,\mathcal{A},\mu)</math> un [[espace mesuré]].

L'ensemble <math>\overline{\mathcal{A}}_\mu</math> défini par :

<center><math>\overline{\mathcal{A}}_\mu = \{A\cup N\,\mid\,A\in\mathcal{A},\ N \hbox { partie négligeable de } X\}</math></center>

est une tribu sur <math>X</math>. On l'appelle ''tribu complétée''.}}

Le résultat de la complétion dépend de <math>\mu</math>, puisque la notion de [[ensemble négligeable|partie négligeable]] n'a de sens que vis-à-vis d'une mesure bien précisée{{sfn|Briane|Pagès|2000|p=263-264}}.

La construction généralise dans un cadre abstrait la situation de la [[tribu de Lebesgue]] relativement à la [[tribu borélienne]] de ℝ<sup>''n''</sup> (sous la mesure de Lebesgue).

== Notion d'atomes et cardinalité des tribus ==
Pour élément {{math|''x''}} de {{math|''X''}}, on définit l'''atome'' de {{math|''x''}} relativement à la tribu par :

<center><math>C(x)=\bigcap_{{x\in A}\atop{A\in\mathcal A}}A.</math></center>

En utilisant seulement la stabilité de <math>\mathcal A</math> par passage au complémentaire, on vérifie que les atomes constituent une [[partition (mathématiques)|partition]] de {{math|''X''}} (les atomes sont donc les classes d'équivalence d'éléments de {{math|''X''}}, pour la [[relation d'équivalence]] : « appartenir exactement aux mêmes éléments de <math>\mathcal A</math> »). On voit également que tout élément de <math>\mathcal A</math> est réunion d'atomes{{sfn|Briane|Pagès|2000|p=51|loc=exercice 4-5}} mais qu'un atome n'est pas forcément<ref>Cela dit, si l'espace mesurable sous-jacent est séparable i.e. si la tribu <math> \mathcal A </math> est engendrée par un ensemble dénombrable de parties (notamment s'il s'agit d'un espace métrisable séparable muni de sa tribu borélienne), alors les atomes sont mesurables.</ref> un élément de <math> \mathcal A </math><ref>Outre cette notion d'atome, définie sur un espace mesurable indépendamment de toute mesure, il existe une autre notion sur un espace probabilisé <math>(X, \mathcal A, P) </math> : on dit qu'un élément {{math|''A''}} de <math> \mathcal A </math> est un P-atome si <math> P(A)>0 </math> et si quel que soit {{math|''B''}} dans <math> \mathcal A </math> tel que <math> 1_B\leq 1_A </math> P presque surement, ou bien <math>1_B=1_A </math> ou bien <math>1_B=0</math>. Contrairement aux atomes, les P-atomes appartiennent toujours à <math> \mathcal A </math>. Pour en savoir plus sur les atomes ainsi que les démonstrations de ce qu'on vient d'énoncer, voir C. Dellacherie et [[Paul-André Meyer|P.-A. Meyer]], ''Probabilité et Potentiel'', tome 1 ; quant aux P-atomes, voir par exemple [[Paul Malliavin|P. Malliavin]], ''Intégration et probabilités'', chapitre sur les probabilités.</ref>.

Ce concept permet notamment de prouver la proposition suivante<ref>{{harvsp|Briane|Pagès|2000|p=51|loc=exercice 4-5}} précité contient un énoncé voisin. Celui-ci est implicite dans {{harvsp|Revuz|1997|p=110-111}}.</ref> :

{{théorème|Proposition|Toute tribu infinie a au moins la [[puissance du continu]].}}

{{Démonstration|Supposons infinie la tribu <math>\mathcal A</math> sur l'ensemble {{math|''X''}}. Comme tout élément de <math>\mathcal A</math> est réunion d'atomes, les atomes sont eux aussi en nombre infini. Considérons alors <math>\left(C(x_i)\right)_{i\in\N}</math> une suite d'atomes distincts (donc deux à deux disjoints).

Pour tous indices <math>i\not=j</math>, la définition de <math>C(x_i)</math> et le fait que <math>x_j\not\in C(x_i)</math>, entraînent l'existence d'un <math>A_{ij}\in\mathcal A</math> tel que :

<center><math>(1)\qquad x_i\in A_{ij}</math> mais <math>x_j\not\in A_{ij}</math>.</center>

On définit alors une application <math>\Phi\,\colon\,\mathcal{P}(\N)\to\mathcal{A}</math> en posant, pour <math>I\subset\N</math> :

<center><math>\Phi(I)=\bigcup_{i\in I}\bigcap_{j\not=i}A_{ij}</math>.</center>

En utilisant <math>(1)</math>, on vérifie que <math>I=\{i\in\N\,\mid\,x_i\in\Phi(I)\}</math>, on conclut que <math>\Phi</math> est [[Injection (mathématiques)|injective]].|déroulante=oui}}

La conjonction de ce résultat et de la construction d'une [[tribu engendrée]] par [[récurrence transfinie]] permet de prouver un résultat plus précis lorsqu'on suppose la tribu dénombrablement engendrée :

{{Théorème|Théorème{{sfn|Revuz|1997|p=110-111}}|Soit <math>(X,\mathcal{A})</math> un espace mesurable. S'il existe une partie infinie dénombrable de la tribu <math>\mathcal{A}</math> qui engendre celle-ci, alors <math>\mathcal{A}</math> a la [[puissance du continu]].}}{{Démonstration|Notons <math>\mathcal C</math> la partie infinie dénombrable de l'énoncé.

Les tribus infinies ont toutes au moins la puissance du continu. <math>\mathcal A</math> contenant l'ensemble infini <math>\mathcal C</math>, elle est infinie et son cardinal est donc supérieur ou égal à <math>\mathfrak c</math>, cardinal du continu.

Montrons l'inégalité inverse. Avec les notations de la section précédente, la classe <math>\mathcal F_0</math> qui initialise l'induction est infinie dénombrable. On construit une réunion dénombrable de parties de <math>\mathcal F_0</math> à partir de chaque suite d'éléments de <math>\mathcal F_0</math> (étant bien sûr entendu que de nombreuses suites fournissent la même réunion). Le cardinal de <math>(\mathcal F_0)_\sigma</math> est donc inférieur ou égal à celui de <math>(\mathcal F_0)^\N</math>, qui est <math>\aleph_0^{\aleph_0}=\mathfrak c</math>. Il en est de même avec les intersections et l'on conclut que le cardinal de <math>\mathcal F_1</math> est inférieur ou égal à <math>\mathfrak c</math>.

En reprenant le même raisonnement, le cardinal de <math>\mathcal F_2</math> est à son tour inférieur ou égal à <math>\mathfrak{c}^{\aleph_0}=\mathfrak c</math>.

On montre alors par récurrence transfinie que pour tout {{math|''α'' < ''ω''{{ind|1}}}} :

<center><math>\mathrm{card}\,\mathcal F_\alpha\le\mathfrak c.</math></center>

Quand {{math|''α''}} est un [[ordinal successeur]] c'est la même méthode que celle explicitée sur le passage de <math>\mathcal F_1</math> à <math>\mathcal F_2</math> ; quand {{math|''α''}} est un ordinal limite, il est par définition union dénombrable d'ensembles de cardinal inférieur ou égal à <math>\mathfrak c</math>, donc lui-même de cardinal inférieur ou égal à <math> \aleph_0\,\mathfrak c=\mathfrak c</math>.

Enfin, la tribu <math>\mathcal A</math> est écrite comme une union d'ensembles qui sont tous de la forme <math>\mathcal F_\alpha</math>, en utilisant un ensemble d'indices de cardinal <math>\aleph_1</math>. On conclut que <math>\mathrm{card}\,\mathcal A\le\aleph_1\,\mathfrak{c}=\mathfrak{c}</math>.|déroulante=oui}}

== Histoire du concept ==
La notion de tribu est étroitement liée à celle de [[mesure (mathématiques)|mesure]], qui est elle-même une généralisation des notions de longueur (sur une [[droite (géométrie)|droite]]), d'[[Aire (géométrie)|aire]] (dans le plan) et de [[volume]] (dans l'[[espace à trois dimensions]]). Dans la deuxième moitié du {{s|XIX}}, la question de savoir quels ensembles peuvent être mesurés se pose<ref>{{DahanPeiffer}}, {{p.|243}}.</ref>. La longueur d'un [[intervalle (mathématiques)|intervalle]] de bornes <math>a</math> et <math>b</math> est <math>b-a</math>. [[Bernhard Riemann]], avec l'[[intégrale de Riemann|intégrale qui porte son nom]], est le premier à permettre de mesurer des parties de la [[droite réelle]] qui ne sont pas des intervalles<ref>{{Harvsp|DahanPeiffer|texte=Dahan-Dalmedico et Peiffer 1986|p=230}}.</ref>.

À sa suite, d'autres mathématiciens cherchent la meilleure façon de définir les ensembles mesurables : [[Otto Stolz|Stolz]] et [[Axel Harnack|Harnack]] considèrent les réunions ''finies'' d'intervalles, dans ℝ. Cependant, Harnack, en 1884, est le premier à évoquer une union dénombrable d'intervalles, il prouve ainsi que tout ensemble [[Ensemble dénombrable|dénombrable]] (dont l'ensemble des [[nombre rationnel|nombres rationnels]]) inclus dans ℝ est de mesure nulle.
{{citation bloc|Pour éviter de fausses interprétations, je remarque incidemment que dans un certain sens, tout ensemble “dénombrable” de points peut être confiné dans des intervalles dont la somme des longueurs est arbitrairement petite. Ainsi peut-on par exemple inclure, quoiqu’ils soient denses dans le segment, tous les nombres rationnels entre 0 et 1 dans des intervalles dont la somme des longueurs est aussi petite qu’on veut<ref>{{article|titre=Ludwig Scheefer et les extensions du théorème des accroissements finis|auteur=Bernard Maurey|auteur2=Jean-Pierre Tacchi|revue=Séminaire du Luxembourg, Travaux mathématiques|volume=13|année=2002|url=http://people.math.jussieu.fr/~maurey/articles/mata.pdf}}.</ref>.}}
Cela n'est pas admis par les mathématiciens de l'époque, car paraît contradictoire avec le fait que l'ensemble des [[nombre rationnel|nombres rationnels]] est [[Partie dense|dense]] dans celui des réels. En effet, un ensemble de mesure nulle est perçu « très petit » alors qu'un ensemble dense est « très grand »<ref name="Stillwell">{{Stillwell}}, 2010, {{p.|532}}, {{Google Livres|V7mxZqjs5yUC|page=532|aperçu}}.</ref>.

Ce paradoxe apparent conduit les mathématiciens (dont [[Camille Jordan (mathématicien)|Camille Jordan]] en 1892) à ne considérer comme mesurables que les sous-ensembles de ℝ égaux à une union finie d'intervalles<ref name="Stillwell" />.

[[Fichier:Emile Borel-1932.jpg|thumb|upright|[[Émile Borel]], père de la [[tribu borélienne]] de la droite réelle.]]

En 1898, [[Émile Borel]] s'appuie sur les réunions dénombrables d'intervalles ouverts disjoints deux à deux et construit, par [[récurrence transfinie]], l'ensemble de parties qu'on appelle aujourd'hui la [[tribu borélienne]] de la droite réelle<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=115-116}} qui renvoie à {{Ouvrage|auteur1=Émile Borel|titre=Leçons sur la théorie des fonctions|éditeur=[[Gauthier-Villars]]|année=1898}}.</ref>. Les boréliens ont la propriété suivante : la mesure d'une réunion d'ensembles boréliens deux à deux disjoints est égale à la somme des mesures de chacun de ces ensembles<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Nicolas Bourbaki]]|titre=[[Éléments d'histoire des mathématiques]]|éditeur=Springer|année=2006|numéro d'édition=2|pages totales=376|passage=279|isbn=3-540-33938-8}}.</ref>.

Les travaux contemporains de [[René Baire]] méritent aussi d'être mentionnés. Ils ont en effet nourri l'inspiration de ses contemporains en prouvant l'efficacité des techniques ensemblistes en analyse, même si c'est ailleurs que dans les fondements de l'intégration qu'ils ont révélé leur fécondité<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Stanisław Saks]]|titre=Théorie de l'intégrale|lieu=Warszawa|éditeur=Seminar. Matem. Uniw. Warsz.|collection=Monografje Matematyczne|année=1933|lire en ligne=http://matwbn.icm.edu.pl/kstresc.php?tom=2&wyd=10&jez=|passage=iv-v}}.</ref>.

Les années 1901 à 1904 voient la publication par [[Henri-Léon Lebesgue|Henri Lebesgue]] de la théorie de la mesure des parties de l'[[espace euclidien]] et de la théorie de l'intégration qui portent son nom. Les ensembles mesurables qu'il définit forment un deuxième exemple de tribu, qui est l'ensemble de définition de la [[mesure de Lebesgue]]. On sait rapidement qu'en présence de l'[[axiome du choix]] il existe des ensembles non mesurables : il n'est plus question d'espérer mesurer toute partie de l'espace<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=117-122}}. Les travaux de Lebesgue sont publiés sous forme d'une note : {{article |titre=Sur une généralisation de l'intégrale définie |périodique=[[Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences|Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Paris]] |volume=132 |année=1901 |pages=1025-1028 }} suivie d'un article : {{article |auteur= |titre=Intégrale, longueur, aire |périodique={{Lien|Annali di Matematica Pura ed Applicata|texte=Ann. Mat. Pura Appl.}} |volume=7 |année=1902 |pages=231-359 }} et enfin d'un traité : {{Ouvrage|titre=Leçons sur l'intégration et la recherche des fonctions primitives|éditeur=[[Gauthier-Villars]]|année=1904}}.
</ref>.

Les années 1910 voient se développer des recherches où l'accent est mis sur les fondements ensemblistes de la théorie de l'intégration et désormais aussi des probabilités. [[Felix Hausdorff]] et surtout [[Constantin Carathéodory]], dont l'axiomatique des [[mesure extérieure|mesures extérieures]] étend à un cadre abstrait les travaux de Lebesgue<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=169-170}} qui renvoie à {{article
 | langue = de
 | prénom = Constantin
 | nom = Carathéodory
 | titre = Über das lineare Maß von Punktmengen - eine Verallgemeinerungdes Längenbegriffs
 | périodique = Nachrichten von der Königlichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen
 | année = 1914
 | pages = 404-426
 }}.
</ref>, ont fait progresser ces recherches. En 1915, [[Maurice Fréchet]] publie un article qui propose déjà une définition des mesures très voisine de celle admise de nos jours. Il les définit sur ce qu'on appelle aujourd'hui des [[sigma-anneau]]x et est le premier à considérer des « ensembles abstraits » sans relation avec les nombres réels<ref>J{{harvsp|Pier|1996|p=165}}, qui renvoie à {{article
|auteur=Maurice Fréchet
 | titre = Sur l'intégrale d'une fonctionnelle étendue à un ensemble abstrait
 | périodique =[[Bulletin de la Société mathématique de France|Bull. Soc. Math. Fr.]]
 | volume =43
 | année = 1915
 | pages = 248-265
 }}.
</ref>. Dans un article de 1927, [[Wacław Sierpiński]] introduit ce qu'on nomme aujourd'hui la [[tribu engendrée]]<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=153}}, qui renvoie à {{article|auteur=Wacław Sierpiński
 | titre = Les ensembles boréliens abstraits
 | périodique = Ann. Soc. Math. Polon.
 | volume =6
 | année = 1927
 | pages = 50-53
 }}.
</ref>.

Dans les années 1930, la maturation du formalisme moderne est terminée. Pour la première fois semble-t-il, un article de 1930 d'Otton Nikodým énonce explicitement les définitions de sigma-algèbre et de [[mesure (mathématiques)|mesure]] utilisées aujourd'hui<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=166}}, qui renvoie à {{article|auteur=Otton Nikodým
 | titre = Sur une généralisation des intégrales de M. J. Radon
 | périodique=[[Fundamenta Mathematicae|Fund. Math.]]|volume =15
 | année = 1930
 | pages = 131-179
 }}.
</ref>. Deux traités influents parus pendant cette décennie popularisent définitivement la notion : ''Théorie de l'intégrale'' de [[Stanisław Saks]] pour l'analyse<ref>{{Harvsp|Saks|1933}}, annexe {{p.|247-248}} dans l'édition susmentionnée (sous le nom de « famille additive »). L'influence de l'ouvrage est soulignée par {{harvsp|Pier|1996|p=166}}.</ref> et ''Fondements de la théorie des probabilités'' d'[[Andreï Kolmogorov]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Andrey Kolmogorov|titre=Foundations of the Theory of Probability|éditeur=Chelsea|année=1956|numéro d'édition=2|année première édition=1933|lire en ligne=http://www.mathematik.com/Kolmogorov/index.html|passage=16}} dans l'édition mentionnée (sous le nom de « corps de Borel »). L'importance historique de l'ouvrage est un lieu commun, voir par exemple {{harvsp|Pier|1996|p=208}}. Dans son ouvrage, Andreï Kolmogorov renvoie au ''Mengenlehre'' de 1927 de [[Felix Hausdorff]], mais ce dernier ne contient pas de définition explicitement mise en avant d'une sigma-algèbre.</ref>. Quant au terme de « tribu » utilisé en français pour dénommer les σ-algèbres, il a été introduit dans un article publié en 1936 par [[René de Possel]], membre du groupe [[Nicolas Bourbaki|Bourbaki]]<ref>{{harvsp|Pier|1996|p=171}}, qui renvoie à : {{article |prénom=René |nom=de Possel |titre=Sur la dérivation abstraite des fonctions d'ensemble |périodique=[[Journal de mathématiques pures et appliquées|J. Math. Pures Appl.]] |volume=15 |année=1936 |pages=391-409 }}.</ref>.

== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage  |langue    = fr  |auteur1  = Marc Briane  |auteur2  = Gilles Pagès |titre   = Théorie de l'intégration  |lieu   = Paris  |éditeur   = [[Vuibert]]  |collection    = Les grands cours Vuibert  | année  = 2000  |mois   = octobre  |pages totales = 302 |isbn          = 2-7117-8946-2 }}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Jean-Paul Pier]]|titre=Histoire de l'intégration. Vingt-cinq siècles de mathématiques|éditeur=Masson|année=1996|pages totales=306|isbn=978-2-225-85324-1}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Daniel Revuz]]|titre=Mesure et intégration|lieu=Paris|éditeur=[[Hermann (éditions)|Hermann]]|année=1997|pages totales=212|isbn=2-7056-6350-9}}.

=== Liens externes ===
{{Liens}}

{{Palette|Probabilités et statistiques}}
{{Portail|mathématiques|probabilités et statistiques}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=50998778|date=14 mars 2010}}

[[Catégorie:Espace probabilisé]]
[[Catégorie:Système d'ensembles en théorie de la mesure]]