Voir la source de Topologie d'un espace vectoriel de dimension finie

En [[mathématiques]], la '''[[topologie]] d'un [[espace vectoriel de dimension finie]]''' sur un [[Corps (mathématiques)|corps]] '''K''' est, sous certaines hypothèses, un cas particulier de topologie d'[[espace vectoriel normé]]. Le prototype est '''R'''<sup>n</sup> muni de la [[norme (mathématiques)|norme]] qui à un ''n''-uplet de réels associe la plus grande des valeurs absolues de ces ''n'' réels.

== Propriétés liées à la topologie du corps ==
Un espace vectoriel ''E'' [[Espace vectoriel de dimension finie|de dimension finie]] ''n'' sur un corps '''K''' (par exemple le corps '''R''' des réels) peut toujours être identifié à '''K'''<sup>''n''</sup> par le choix arbitraire d'un isomorphisme entre ces deux [[Espace vectoriel|espaces vectoriels]] (ou, ce qui est équivalent, par le choix d'une base de ''E''). Tous les énoncés ci-dessous concernant '''K'''<sup>''n''</sup> s'étendent ipso facto à un tel ''E'' (muni de la topologie transportée de celle de '''K'''<sup>''n''</sup> par un tel isomorphisme).

Ici, le corps '''K''' considéré sera principalement celui des réels ou des complexes, corps pour lesquels toutes les hypothèses mentionnées sont vérifiées. Par conséquent, on peut remplacer dans tout ce qui suit '''K''' par '''R''' ou '''C'''. On peut de plus remplacer partout [[espace vectoriel topologique]] par [[espace vectoriel normé]], qui est une notion moins générale.

Les principaux résultats seront : sur '''R'''<sup>''n''</sup> et '''C'''<sup>''n''</sup>, toutes les normes sont [[norme équivalente|équivalentes]] ; pour l'une quelconque de ces normes, l'espace est [[espace complet|complet]] (donc [[Fermé (topologie)|fermé]] dans tout espace vectoriel normé dont il est un sous-espace), et les parties [[espace compact|compactes]] sont les fermés bornés.

=== Topologie produit ===
{{Article détaillé|Topologie produit|Espace vectoriel normé|Espace vectoriel topologique}}
Si '''K''' est (comme le sont '''R''' et '''C''') un [[corps topologique]] [[Espace séparé|séparé]], '''K'''<sup>''n''</sup> est naturellement muni d'une [[topologie produit]] (séparée) qui en fait un [[espace vectoriel topologique]] (c'est-à-dire que l'addition et la [[multiplication par un scalaire]] sont deux applications continues).

Remarquons dès à présent que si '''K''' est complet (respectivement : localement compact) alors '''K'''<sup>''n''</sup> le sera aussi.

Par définition de la [[topologie produit]], on a également :
{{Théorème|Proposition|Une application ''f'' d'un espace topologique ''M'' dans '''K'''<sup>''n''</sup> est continue si et seulement si ses ''n'' composantes ''f''<sub>1</sub> ,..., ''f<sub>n</sub>'' (de ''M'' dans '''K''') le sont.}}

Les applications (multi-)linéaires définies sur '''K'''<sup>''n''</sup> sont continues, en particulier le produit scalaire, toutes les formes bilinéaires ou quadratiques, le [[déterminant (mathématiques)|déterminant]] ou encore le produit tensoriel :

{{Théorème|Proposition|Pour tout '''K'''-espace vectoriel topologique ''E'',
: toute application linéaire de '''K'''<sup>''n''</sup> dans ''E'' est uniformément continue, et
: toute application ''p''-linéaire de <math>K^{n_1}\times\ldots\times K^{n_p}</math> dans ''E'' est continue.}}

En effet, la continuité d'une [[application linéaire]] sur '''K'''<sup>''n''</sup> découle immédiatement du fait que ''E'' est un [[espace vectoriel topologique]], et l'uniforme continuité est alors automatique (comme pour tout morphisme continu de [[Groupe topologique|groupes topologiques]]). Quant à la continuité d'une application ''p''-linéaire, elle s'en déduit, par composition avec l'application ''p''-linéaire canonique de <math>K^{n_1}\times\ldots\times K^{n_p}</math> dans '''K'''<sup>''n''</sup> pour ''n'' égal au produit des ''n<sub>k</sub>'' : cette dernière est continue d'après la proposition précédente, car ses composantes sont polynomiales.

Si de plus la topologie sur '''K''' provient (comme pour '''R''' et '''C''') d'une [[valeur absolue]], cette topologie produit sur '''K'''<sup>''n''</sup> est induite par une [[Norme (mathématiques)|norme]] : cette norme, nommée ''norme infini'', associe à un vecteur la plus grande des valeurs absolues de ses coordonnées. Elle fait de '''K'''<sup>''n''</sup> un [[espace vectoriel normé]].

=== Unicité de la topologie, équivalence des normes ===
{{Article détaillé|Norme équivalente}}
On suppose ici que '''K''' est (comme '''R''' et '''C''') un « '''corps valué''' » (au sens : muni d'une [[valeur absolue]]) '''complet, non [[Topologie discrète|discret]]'''. La situation est alors remarquablement simple : la topologie produit sur '''K'''<sup>''n''</sup> est en fait « la seule raisonnable »<ref>Ce résultat est démontré dans les quatorze premières pages de Bourbaki (ouvrage mentionné en référence). Une transcription libre en anglais, due à B. Rosenfield de l'[[université du Minnesota]], figure dans {{en}} ''[http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.math.umn.edu%2F~rosenfie%2Fm%2Fnotes%2Ftvs.pdf A note about finite dimensional topological vector spaces]'' (2004), à ceci près que l'outil des [[Filtre (mathématiques)|filtres]] y est remplacé par celui des [[Suite généralisée|suites généralisées]] : voir à ce sujet l'avant-propos de l'article ''[[Filtre (mathématiques)]]''.</ref>.
{{Théorème|Si '''K''' est un « corps valué » complet non discret alors, pour tout '''K'''-espace vectoriel ''E'' de dimension finie, il n'existe qu'une topologie ''T'' telle que (''E'', ''T'') soit un [[espace vectoriel topologique]] [[Espace séparé|séparé]].}}
Remarque : la condition de séparation est indispensable. On déduit en effet facilement de ce théorème que ''les'' topologies sur ''E'' (la séparée ''et les autres'') compatibles avec les deux opérations sont en bijection avec ''les'' sous-espaces vectoriels de ''E'' (la séparée correspondant au sous-espace nul, et la grossière au sous-espace ''E'').

Sur un '''K'''-espace vectoriel, toute norme induit une structure d'espace vectoriel topologique séparé. Deux normes sont [[Norme équivalente|équivalentes]] si et seulement si elles induisent la même topologie<ref>Mieux : les propriétés purement métriques, comme la [[continuité uniforme]] ou la [[espace complet|complétude]], sont alors aussi équivalentes pour ces deux normes. C'est-à-dire, par exemple, que si une [[suite de Cauchy]] converge pour une norme, alors elle converge pour l'autre norme.</ref>. On déduit donc immédiatement du théorème précédent :

{{Théorème|Corollaire|Si '''K''' est un « corps valué » complet non discret alors,
sur un '''K'''-espace vectoriel ''E'' de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes<ref name=Wikiversité/>.}}

En conséquence, il n'existe qu'un '''K'''-espace vectoriel normé de dimension ''n'', à [[isomorphisme]] [[continuité uniforme|bi-uniformément continu]] près.

Remarque : le théorème et le corollaire ci-dessus se démontrent classiquement<ref>La preuve directe de l'équivalence des normes sur '''R'''<sup>''n''</sup> existe dans de nombreux ouvrages, par exemple celui de Lang mentionné en référence (p. 35) et dans [http://www.les-mathematiques.net/a/e/v/node4.php Espaces vectoriels normés de dimension finie et équivalence des normes], sur le site les-mathematiques.net.</ref> pour '''K'''='''R''', par des arguments de compacité qui sont en fait superflus : '''K''' peut ne pas être localement compact<ref>Par exemple le corps valué ''k''((''X'')) des [[séries formelles]] de Laurent est complet pour tout corps ''k'', mais n'est localement compact que si le corps ''k'' est fini, cf {{Serre3}} p. 37.</ref>. La complétude du corps, par contre, est indispensable : par exemple l'espace vectoriel <math>\Q^2</math> (de dimension 2, sur le corps <math>\Q</math> des rationnels) est pourvu de multiples normes non équivalentes, comme <math>N(x,y)=\max(|x|,|y|)</math> et <math>N'(x,y)=|x+\sqrt 2 y|</math>.

=== Complétude et fermeture ===
{{Article détaillé|Espace complet}}
De cette « unicité » de la topologie (en particulier, de l'unicité de la norme à équivalence près), jointe à la complétude de '''K'''<sup>''n''</sup> mentionnée précédemment, on déduit un corollaire très utile en [[Analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]] :
{{Théorème|Corollaire|Si '''K''' est un « corps valué » complet non discret, alors
* tout espace vectoriel topologique séparé (en particulier tout espace vectoriel normé) de dimension finie sur '''K''' est complet<ref name=Wikiversité>{{Note autre projet|wikiversité|Espaces vectoriels normés/Dimension finie|chapitre « Dimension finie » de la leçon « Espaces vectoriels normés »|début=Pour une démonstration dans le cas réel, voir par exemple le}}</ref>, et
* tout sous-espace vectoriel (ou affine) de dimension finie d'un espace vectoriel normé (ou même d'un espace vectoriel topologique séparé) ''de dimension finie ou infinie'' sur '''K''' est fermé dans cet espace.}}
On utilise pour cela que toute partie complète d'un espace séparé est fermée (ce qui est bien connu dans le cadre [[Espace métrique|métrique]] mais s'étend au cadre [[Espace uniforme|uniforme]]), et (pour passer des sous-espaces vectoriels aux sous-espaces affines) que toute [[translation]] est un homéomorphisme.

Les '''K'''-espaces vectoriels normés de dimension finie étant ici complets, et l'espace des applications linéaires continues à valeurs dans un complet héritant de cette complétude (propriété démontrée dans l'article [[Espace vectoriel normé#Topologie#Complétude|Espace vectoriel normé]]), on en déduit un autre résultat sur la complétude :

{{Théorème|Proposition|Si '''K''' est un « corps valué » complet non discret alors l'espace des applications linéaires continues d'un '''K'''-espace vectoriel normé dans un '''K'''-espace vectoriel de dimension finie est complet pour la [[norme d'opérateur]].}}

=== Compacité locale ===
{{Article détaillé|Espace compact|Théorème de Borel-Lebesgue}}
Ajoutons l'hypothèse (encore vérifiée par '''R''' et '''C''') que le corps '''K''' (« valué » et non discret) est non seulement complet, mais même localement compact. On obtient alors la généralisation naturelle du [[théorème de Borel-Lebesgue]] :

{{Théorème|Théorème de Borel Lebesgue (généralisé)|Si '''K''' est un « corps valué » localement compact non discret et si ''E'' est un '''K'''-espace vectoriel normé de dimension finie, alors les parties compactes de ''E'' sont les fermés bornés, et ''E'' est localement compact.}}

Cette propriété n'est vraie que si ''E'' est de dimension finie. Dans le cas contraire, la boule unité fermée n'est pas compacte : ce résultat est [[Théorème de compacité de Riesz|un théorème de Riesz]].

== Invariance topologique de la dimension ==
{{Article détaillé|Dimension topologique|Dimension de Hausdorff|Théorème de l'invariance du domaine}}
Il n'existe pas d'[[homéomorphisme]] entre '''R'''<sup>''n''</sup> et '''R'''<sup>''p''</sup> si ''n'' et ''p'' sont différents. La démonstration se fonde sur le théorème de l’invariance du domaine de [[Luitzen Egbertus Jan Brouwer]], aussi appelé théorème de la boule ouverte<ref>{{article |lang=de |auteur=L. Brouwer |titre=Zur Invarianz des n-dimensionalen Gebiets |périodique=[[Mathematische Annalen]] |volume=72 |année=1912 |pages=55-56}}.</ref> :

{{Théorème|Théorème de l’invariance du domaine de Brouwer|Soient ''U'' un ouvert de '''R'''<sup>''n''</sup> et φ une application continue et injective de ''U'' dans '''R'''<sup>''n''</sup>. Alors l'image de ''U'' est ouverte.}}

Une conséquence directe est que φ est un homéomorphisme.

== Quelques théorèmes ==
La topologie d'un espace vectoriel de dimension finie sur '''R''' fait l'objet de nombreux théorèmes. Ils possèdent tous une propriété remarquable : leurs expressions sont à la fois simples et intuitives, en revanche leurs démonstrations sont difficiles et font appel à un large attirail d'outils<ref>Les théorèmes choisis ici correspondent à ceux de D. Leborgne, ''Calcul différentiel et géométrie,'' Puf, 1982 {{ISBN|978-213037495-4}} p. 14-15, sous la rubrique ''Voici maintenant quelques grands théorèmes concernant la topologie des espaces de dimension finie''.</ref>.

Citons d'abord un ancêtre du [[théorème de l'invariance du domaine]] mentionné plus haut :

{{Théorème|[[Théorème de Jordan|Théorème de Jordan-Brouwer]]|
Soit φ une application continue et injective, de ''S''<sup>''n''–1</sup> (la sphère unité de '''R'''<sup>''n''</sup>) dans '''R'''<sup>n</sup>. Alors dans '''R'''<sup>''n''</sup>, le complémentaire de l'image φ(''S''<sup>''n''–1</sup>) est formé de deux composantes connexes, dont l'une est bornée et l'autre non. Toutes deux ont pour frontière l'image de ''S''<sup>''n''–1</sup>.}}

Ce théorème est démontré en dimension deux par [[Marie Ennemond Camille Jordan|Camille Jordan]] et il faut attendre [[1912 en science|1912]] pour qu'il soit généralisé pour toute dimension finie par Brouwer.

Ce dernier a démontré un autre théorème remarquable, lequel peut se déduire du [[théorème de la boule chevelue]] :

{{Théorème|[[Théorème du point fixe de Brouwer]]|
Toute application continue de la boule unité de '''R'''<sup>n</sup> dans elle-même fixe au moins un point.}}

Un autre théorème lui ressemble un peu. Il permet de montrer que dans un espace euclidien de dimension ''n'', pour tout ensemble de ''n'' solides bornés et mesurables, il existe un hyperplan qui coupe chacun des solides en deux parties de volumes égaux. Ce résultat est connu nous le nom de [[théorème du sandwich au jambon]] et s'énonce en disant qu'il est toujours possible de couper d'un coup de couteau le sandwich de manière que le partage des deux morceaux de pain et de la tranche de jambon soit équitable.
{{Théorème|[[Théorème de Borsuk-Ulam]]|
Pour toute application continue de ''S''<sup>''n''–1</sup> (la sphère unité de '''R'''<sup>''n''</sup>) à valeurs dans '''R'''<sup>''n''–1</sup>, il existe deux points antipodaux ayant même image.}}

Enfin, parmi de nombreux résultats techniques permettant d'approximer une fonction, citons ici un célèbre théorème :

{{Théorème|[[Théorème de Stone-Weierstrass]]|
Soit ''K'' un compact de '''R'''<sup>''n''</sup>. Toute application continue de ''K'' dans '''R''' est limite uniforme sur ''K'' d'applications polynomiales.}}

== Notes et bibliographie ==
=== Notes ===
<references />
=== Bibliographie ===
* {{en}} Helmuth H. Schaefer, ''{{Langue|en|Topological Vector Spaces}}'', 1999, Springer {{ISBN|978-038798726-2}}
{{Commentaire biblio| Une référence sur le sujet, l'ouvrage est néanmoins technique.}}
* {{Rudin}}
{{Commentaire biblio| Le livre est nettement moins technique que le précédent, avec une nette orientation vers les nombres complexes.}}
* [[Serge Lang]], ''Analyse réelle,'' InterÉditions, 1977 {{ISBN|978-272960059-4}}
{{Commentaire biblio|Ce livre court et relativement simple contient l'intégralité des résultats de l'article à l'exception du paragraphe purement topologique.}}
* [[Nicolas Bourbaki|Bourbaki]], ''[[Éléments de mathématique]]'', EVT, chapitres 1 à 5, 2006, Springer {{ISBN|978-354034497-1}}
{{Commentaire biblio|[http://portail.mathdoc.fr/archives-bourbaki/PDF/001_iecnr_004.pdf Une vieille version] est également accessible sur le site des archives Bourbaki.}}

==Voir aussi==
{{Autres projets|v=Espaces vectoriels normés/Dimension finie|wikiversity titre=Espaces vectoriels normés/Dimension finie}}
{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Espace vectoriel topologique]]
[[Catégorie:Dimension]]