Voir la source de Siège de Carthagène des Indes (1741)

{{Voir homonymes|Bataille de Carthagène}}
{{Infobox Conflit militaire
 | conflit         = Siège de Carthagène des Indes
 | guerre          = [[Guerre de l'oreille de Jenkins]]
 | image           = Ataque Cartagena de Indias.jpg
 | légende         = Attaque de Carthagène
 | date            = mars - mai [[1741]]
 | lieu            = [[Carthagène des Indes]]
 | issue           = Victoire décisive de l'Espagne
 | combattants1    = {{Empire colonial espagnol}}
 | combattants2    = {{Royaume de Grande-Bretagne}}
 | commandant1     = [[Sebastián de Eslava]] <br /> [[Blas de Lezo]] †
 | commandant2     = [[Edward Vernon]] <br /> {{Lien|trad=Thomas Wentworth (British Army officer)|fr=Thomas Wentworth (général)|texte=Thomas Wentworth}}
 | forces1         = {{unité|4000|militaires}}<ref>{{harvsp|Hart|1922|p=146}}. Reed Browning en estime le nombre à {{unité|3000}}, {{harvsp|Browning|1995|p=60}}.</ref> :<br />
*{{unité|2700|réguliers}}<ref>{{harvsp|Fernández Duro|1902|p=247}}. Fernández Duro donne toutefois {{unité|1100|réguliers}}.</ref> et 400 marines
*600 marins et 300 miliciens<ref>Les sources sous-estiment peut-être ce nombre, car les six navires de ligne espagnols doivent avoir eu des équipages semblables aux navires britanniques de cette taille, soit de 400 à 600 membres chacun, de sorte que la garnison totale de {{unité|4000|hommes}} se composait surtout de marins.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Hart|1922|p=146}}. Hart donne 300 miliciens.</ref>
* 600 indiens
6 navires de ligne et de nombreux canons terrestres
 | forces2         = {{unité|27400|militaires}}<ref>{{harvsp|Beatson|1804|p=25–27}}. {{harvsp|Browning|1995|p=60}}. Browning estime que l'effectif total s'élevait peut-être à {{unité|30000|hommes}}.</ref>{{,}}<ref>On voit un exemple remarquable des renseignements recueillis par les Espagnols sur cette expédition près d'un an avant l'arrivée de cette flotte. Le gouverneur de la Floride espagnole apprit de colons anglais faits prisonniers lors de la reprise de [[Fort Mose]] pendant le [[siège de Saint Augustine]] qu'« ils ont entendu parler de la préparation, en Angleterre, d'une expédition de 30 navires de ligne et d'un corps de débarquement de {{unité|10000|hommes}} contre La Havane. Je vous envoie cette dépêche pour vous fournir ce renseignement qui peut être d'une grande importance pour le service du roi. » Lettre du gouverneur Montiano datée du 6 juillet 1740, Collections de la [[Georgia Historical Society]], vol. VII, partie I, Georgia Historical Society, Savannah (Ga). Pour une analyse approfondie du renseignement et des espions utilisés par les deux pays belligérants, voir {{harvsp|Rivas Ibañez|2008}}</ref> :<br />
*{{unité|12000|réguliers}}, marines et miliciens<ref>Beatson, Hart, Duncan, Lord Mahon, Hume et {{lesquels|d'autres historiens}} donnent un total de {{unité|12000|membres}} des forces terrestres au début de l'expédition, y compris {{unité|3600}} marines des colonies américaines, le {{43e|régiment}} du colonel William Gooch, commandés par le lieutenant-gouverneur de Virginie. On considère que ce corps est à l'origine du [[United States Marine Corps]].</ref>
*{{unité|15398|marins}} de la {{Royal Navy}}<ref>{{harvsp|Beatson|1804|p=25–26}} donne {{unité|15398|marins}} de la ''Royal Navy'', mais ne donne pas de total pour les membres d'équipage des 135 bâtiments de transport et de ravitaillement, qui étaient probablement de {{unité|3000|à=5000}}, alors que l'estimation de l'effectif total à {{unité|30000}} par Reed Browning laisserait {{unité|2600|hommes}} pour les bâtiments de transport. David Hume, ''The History of England'', Londres, 1825, p. 108–113 : « Les escadres conjuguées consistaient dans 29 navire de ligne… Le nombre de marins s'élevait à {{unité|15000}} : celui des forces terrestres… à {{unité|12000|hommes}}. » Arthur Michael Samuel, ''The Mancroft Essays'', États-Unis, 1923, {{p.|236–242}}, Admiral Vernon… « maintenant renforcé par 25 navires de ligne et {{unité|9000|soldats}} ».</ref>
29 navires de ligne<br />22 frégates<ref>{{harvsp|Beatson|1804|p=25–26}}. Liste des navires de ligne relevant de Vernon : 8 navires de 80 canons, 5 de 70, 14 de 60, 2 de 50 et 22 frégates. Hart parle aussi de 22 frégates (p. l40).</ref><br />135 transports et autres embarcations<ref>{{harvsp|Smollett|Hume|1848|p=391}}. Selon eux, la flotte d'Ogle envoyée à Vernon pour l'expédition contre Carthagène est de « 170 voiles ». Ajoutées à l'escadre de Vernon, on obtient très près de 186 navires, qui comprennent les bâtiments de transport et de ravitaillement non mentionnés ailleurs. L'auteur, Smollett évidemment, participait à l'expédition à titre de chirurgien et en était donc un témoin oculaire.</ref>
 | pertes1         = 800 morts<ref>{{harvsp|Marley|1998|p=259}} parle de 600 morts.</ref><br />{{unité|1200|blessés}}<br />6 navires coulés
 | pertes2         = {{unité|9500}}-{{unité|11500}} morts<ref>David Geggus, ''Medical History'', 1979, 23:38-58., ''Yellow Fever in the 1790s : The British Army in occupied Saint Domingue'', p. 50, « sur les {{unité|12000|Britanniques}} et Américains, qui assiégèrent Carthagène en 1741, soixante-dix pour cent périrent, dont soixante-dix-sept pour cent des Britanniques » : par conséquent, {{unité|8400|victimes}} de la seule [[fièvre jaune]], plus de {{unité|6000|soldats}} britanniques au siège. De même, {{harvsp|Harbron|1998|p=108}} dit que « la fièvre jaune… tua peut-être {{unité|9000|marins}} et soldats des forces britanniques ». {{harvsp|Hart|1922|p=151}} : « Les pertes en hommes dues à la maladie et à la battaille furent si grandes que pas plus du tiers des troupes terrestres semble être retourné avec la flotte en Jamaïque », ce qui indiquerait bien plus que {{unité|8000|morts}}. De même, William Coxe (''Memoirs of the kings of Spain of the House of Bourbon'', volume 3, Londres, 1815, p. 24) indique que La Havane est attaquée par « {{unité|3000}} hommes, restant épuisé et découragé des troupes qui avaient été repoussées à Carthagène ». Coxe ajoute que cette expédition a fait au total {{unité|20000|morts}}. {{harvsp|Beatson|1804|p=111}} dit que l'effectif de l'armée était tombé à {{unité|3000|hommes}} en Jamaïque.</ref>{{,}}<ref>Francis Duncan, ''History of the Royal Regiment of Artillery'', Londres, 1879, vol.1, p. 123 : « cette force diminua tant en deux ans de désastres et de maladie qu'il n'y en a pas le dixième qui retourna en Angleterre… l'expédition la plus importante, la plus coûteuse et la mieux concertée que la Grande-Bretagne ait jamais entreprise s'est terminée par des pertes et dans la honte et le désappointement ». De même, {{harvsp|Fortescue|1899|p=76}} : « Neuf régiments sur dix qui avaient quitté St. Helen's sous le commandement de Cathcart, fiers et sûrs de leur force, avaient péri. »</ref>{{,}}<ref name="Duro250">{{harvsp|Fernández Duro|1902|p=250}}.</ref><br />{{unité|7500|blessés}} ou malades<br />{{unité|1500|canons}} perdus<br />6 navires de la ''Royal Navy'' perdus<ref>{{harvsp|Fernández Duro|1902|p=250}} : « ils durent incendier six navires, et 17 autres nécessitèrent de grandes réparations pour pouvoir servir ».</ref>{{,}}<ref>{{es}} Todo a Babor, ''[http://www.todoababor.es/articulos/art_2.htm El desastre del ataque británico a Cartagena de Indias (Colombia), en 1741]'' : « Les derniers voiliers quittent le 20 mai, mais il faut en brûler cinq à cause d'un manque d'équipage. Un autre coule en route vers la Jamaïque. »</ref><br />17 navires de ligne de la ''Royal Navy'' fort endommagés<ref name="Duro250"/>{{,}}<ref>''The Hispanic American Historical Review'', volume 2, Baltimore, 1922, p. 64, parle de « 18 des plus gros ».</ref><br />4 frégates et 27 transports perdus
 | batailles       = {{Guerre de l'oreille de Jenkins}}
 | géolocalisation = Colombie/Amérique du Sud
 | notes           = 
}}

Le '''siège de Carthagène des Indes''' est une [[opération militaire amphibie]] ayant opposé les forces de la [[Grande-Bretagne]] sous les ordres du [[Vice admiral (Royal Navy)|vice-amiral]] [[Edward Vernon]] et celles de l'[[Espagne]] dirigées par l'[[amiral]] [[Blas de Lezo]]. Il se déroule de mars à {{date-|mai 1741}} à [[Carthagène des Indes]], dans l'actuelle Colombie. Bien que largement oublié, ce siège est le résultat de l'une des plus grandes campagnes navales de l'[[Histoire des îles Britanniques|histoire britannique]]{{refnec}} et la bataille la plus importante de la [[guerre de l'oreille de Jenkins]] (qui précède la [[guerre de Succession d'Autriche]] avant de se confondre avec elle). Le siège se solde par une défaite majeure et de lourdes pertes pour les Britanniques : 50 navires perdus, gravement endommagés ou abandonnés et des pertes humaines considérables, avec la mort de {{unité|18000|soldats}} et marins, en partie due à la maladie, notamment la [[fièvre jaune]].

== Contexte ==
La guerre de l'oreille de Jenkins, qui se déroule entre 1739 et 1748, est un conflit entre les flottes et troupes coloniales du [[royaume de Grande-Bretagne]] et de l'Espagne. Lors du [[traité de Séville]] de 1729, les Britanniques étaient convenus de ne pas commercer avec les colonies espagnoles, sauf sous certaines conditions, telles que l{{'}}''{{lang|es|asiento}}'' (le monopole de la traite des Noirs) et le ''{{lang|es|navio de permiso}}'', où un seul navire de commerce britannique pouvait venir décharger une fois par an. L'''asiento'' a permis à la Grande-Bretagne d'avoir le monopole de la vente de {{unité|5000|esclaves}} par an aux colonies espagnoles. Le ''Navio de Permiso'' permettait à un navire de commerce, le navire annuel, de porter {{unité|1000|tonnes}} d'importations à la foire commerciale annuelle de Porto Bello<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=The War of the Austrian Succession|lieu=New York|éditeur=[[Palgrave Macmillan]]|année=1995|pages totales=480|passage=21|isbn=978-0-312-12561-5}}</ref>. Ayant obtenu ces concessions de l'Espagne, le gouvernement britannique accorde un monopole sur les deux à la [[Compagnie des mers du Sud]]<ref>{{harvsp|Rivas Ibañez|2008|p=16}}</ref>. Les marchands et les banques de Grande-Bretagne, qui étaient le moteur du commerce et des échanges internationaux du pays, demandent à avoir un accès plus important aux marchés espagnols lucratifs du {{Lien|langue=en|trad=Caribbean Basin|fr=Bassin des Caraïbes|texte=bassin des Caraïbes}}. De leur côté, les colons espagnols souhaitaient avoir accès à des biens manufacturés britanniques, ce qui entraîne le développement d'un marché noir de biens de contrebande<ref>{{harvsp|Richmond|1920|p=2}}.</ref>.

Selon les termes du traité, les Espagnols pouvaient arraisonner les navires britanniques dans les eaux espagnoles. Après qu'un tel arraisonnement eut lieu en 1731, Robert Jenkins, capitaine du navire anglais ''Rebecca'', affirme que la garde côtière espagnole avait tranché son oreille{{sfn|Harbron|1998|p=3}}. Jenkins exhibe son oreille marinée à la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambre des communes]], ce qui fait monter la « fièvre de la guerre » qui se développait contre l'Espagne et qui était également dictée par le désir britannique d'asseoir leur domination commerciale et militaire sur le bassin atlantique. Le [[Premier ministre du Royaume-Uni|premier ministre britannique]] de l'époque, [[Robert Walpole]], déclare la guerre à contre-cœur le {{Date|23|octobre|1739}}. La décision est accueillie avec enthousiasme<ref>{{harvsp|Rodger|2006|p=238}}. {{harvsp|Harbron|1998|p=236-237}}. {{Lien web|titre=War of Jenkins Ear|url=http://www.globalsecurity.org/military/ops/jenkins_ear.htm|éditeur=GlobalSecurity.org|consulté le=24 septembre 2007}}.</ref>, mais Walpole aurait déclaré : {{Citation|Ils peuvent bien carillonner maintenant, ils se tordront les mains de désespoir avant longtemps<ref>{{en}} Edward Pearce, ''The Great Man : Sir Robert Walpole'', Londres , 2007, {{ISBN|9781844134052}}, p. 402-403</ref>{{,}}{{sfn|Fortescue|1899|p=57}}.}}

=== Caraïbe espagnole ===
Le réseau commercial de la [[Caraïbes|Caraïbe]] espagnole était composé de quatre ports principaux : [[Veracruz]] ([[Mexique]]), [[Carthagène des Indes]] (Colombie, port d'attache de la [[Flotte des Indes]], port d'attache de l'Armadille<ref name="Savary">[[Jacques Savary (financier)|Jacques Savary]]. Le Parfait négociant, ou instruction générale pour ce qui regarde le commerce de toute sorte de marchandises. 1675. [https://books.google.be/books?id=SSiUzvOdzKwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false Consulter en ligne]</ref> chargée de faire respecter le monopole de l'empire sur le commerce des Indes espagnoles sur la [[mer des Caraïbes]] et arsenal), [[Portobelo (Panama)|Porto Bello]] (Panama, un port de transbordement fonctionnant avec la ville de Panama, côte Pacifique et par lequel transitait le trafic généré par le [[Galion de Manille]]) et [[La Havane]] (Cuba), qui était le port principal par lequel le trafic des trois autres passait. Le {{date|22|novembre|1739}}, les Anglais s'emparent de Porto Bello, qui est alors une ville de la [[Vice-royauté de Nouvelle-Grenade]]. L'attaque britannique avait pour but d'endommager les finances de l'Espagne. Le port, mal défendu, est attaqué par une escadre de six [[vaisseaux de ligne]]<ref>{{harvsp|Beatson|1804|p=17}}, 3 vaisseaux de 70 canons, 2 de 60, 1 de 50.</ref> placée sous les ordres du vice-amiral [[Edward Vernon]]<ref>{{Lien web|url=http://www.bruce.ruiz.net/PanamaHistory/admiral_vernon.htm|titre=Admiral Vernon and portobello|éditeur=Panama History.com |auteur=Bruce Ruiz|consulté le=24 septembre 2007}}.</ref>. La relative facilité de cette capture, bien que la ville ait été rapidement reprise par les Espagnols après le départ de la flotte de Vernon, créé une grande joie en Grande-Bretagne.

Vernon se voit confier le commandement d'un important contingent naval, représentant le quart des bâtiments et des effectifs de la ''[[Royal Navy]]'', pour mener une opération amphibie majeure (terrestre et maritime) sous le commandement général de [[Charles Cathcart (9e Lord Cathcart)|Lord Cathcart]]<ref>{{harvsp|Browning|1995|p=22}} : Les Britanniques « avaient plus de 120 navires dans leur flotte, alors que la France n'en avait que 50 et l'Espagne, 40. Dans son article « ''British Naval Supremacy : Some Factors Newly Considered'' » de 2002, Mitch Williamson indique que l'effectif de guerre de la Royal Navy à la « fin » de la guerre de Succession d'Autriche en 1748 était de {{unité|44861|hommes}}, de sorte que le total de plus de {{unité|15000|marins}} de Vernon représente au moins 25 % de l'effectif de la ''Royal Navy''.</ref>. Le but premier de l'expédition était de capturer La Havane, qui était le port espagnol le plus important, car il avait des installations où l'on pouvait remettre en état les navires. En 1740, La Havane était même devenue le plus grand [[chantier naval]] actif de l'Espagne<ref>{{harvsp|Harbron|1998|p=15-17}}. La Havane a construit près d'une fois et demie le nombre de navires de ligne construits dans tout autre chantier naval espagnol pendant le {{s-|XVIII|e}}.</ref>. Lord Cathcart meurt en route, et il est difficile de savoir qui fut aux commandes par la suite. Le décès inopportun de Cathcart a entraîné la dissension dans le commandement britannique, ce qui a empêché la coordination nécessaire à cette opération complexe<ref>{{harvsp|Rodger|2006|p=237}} : « son [celle de Vernon] exploitation impitoyable de l'armée, son habileté sans scrupules à s'attribuer le mérite de chaque réussite et de blâmer les soldats pour chaque défaite a fini par détruite toute possibilité d'opérations combinées harmonieuses ».</ref>.

L'envoi de la grande flotte et du gros contingent de troupes avait été réclamé par l'opinion publique<ref>{{harvsp|Rodger|2006|p=237-238}} : « Le gouvernement fut incapable de résister au public qui réclamait une grande expédition à la Caraïbe. » Aussi, {{harvsp|Harbron|1998|p=237}}.</ref>, menée surtout par les lobbies de la classe marchande<ref name="Richmond12">{{harvsp|Richmond|1920|p=12}}.</ref> et la [[Compagnie des mers du Sud]] (South Sea Company) en particulier, qui refusaient d'accepter les accords de compromis signés entre les gouvernements de l'Espagne et de la Grande-Bretagne. Le {{1er}} duc de Newcastle-upon-Tyne, [[Thomas Pelham-Holles]], se fit le champion des revendications du peuple au Parlement<ref>Richard Pares, ''War and Trade in the West Indies'', Routledge, 1963, {{ISBN|0714619434}}, {{p.|85}}.</ref>{{,}}<ref name="Richmond12" />. Le vice-amiral Vernon, qui était un partisan actif et ardent<ref>Peter Le Fevre, Richard Harding (dir.), ''Precursors of Nelson : British admirals of the eighteenth century'', Stackpole Books, 2000, {{p.|163-164}} {{ISBN|081172901X}}.</ref> de la guerre contre l'Espagne, préconisa une action offensive tant au Parlement qu'à l'Amirauté<ref>{{harvsp|Ford|2011|p=124}} : « Détruisez leurs établissements en Amérique, et l'Espagne tombe. Je suis d'avis d'envoyer une forte escadre aux Indes occidentales pour accabler l'ennemi dans ses parties vitales, détruire leurs mines, saisir leurs trésors, prendre leurs navires, ruiner leurs colonies. Attaquons-les au plus grand nombre d'endroits possible simultanément… Prenons Porto-Bello et Carthagène, et tout sera perdu pour eux. » (Vernon à la réunion de l'Amirauté.)</ref>. La décision de monter une grande expédition aux Antilles fut prise en {{date-|décembre 1739}}{{sfn|Richmond|1920|p=101}}. Walpole, qui s'opposait catégoriquement à la guerre{{sfn|Ford|2011|p=143-144}}, et Vernon, qui favorisait les actions avec des petites [[escadre]]s, étaient mécontents de la situation. Celui-ci, qui avait déjà vu échouer un de ses raids d'escadre sur Carthagène, n'était pas convaincu que l'attaque massive d'une ville fortifiée connaîtrait le même succès que son attaque moins énergique de Portobello. Il craignait notamment qu'un siège prolongé entraîne une forte attrition de l'effectif due à la maladie, situation typique en raison des limites des connaissances médicales de l'époque{{sfn|Rodger|2006|p=236}}.

=== Objectifs ===

L'objectif de la Grande-Bretagne était de capturer et de conserver de façon permanente les quatre ports espagnols du bassin des Caraïbes. En s'emparant de ces ports, les Britanniques pourraient être maître des liens avec l'Amérique du Sud<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Richard|nom1=Pares|titre=War and trade in the West Indies|éditeur=[[Routledge]]|année=1963|pages totales=631|passage=66, 68, 92–93|isbn=978-0-7146-1943-9}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Peter|nom1=Le Fevre|prénom2=Richard|nom2=Harding|titre=Precursors of Nelson|sous-titre=British Admirals of the Eighteenth Century|éditeur=Chatham|année=2000|pages totales=436|passage=168|isbn=978-1-86176-062-3}}</ref>. Les Anglais auraient ainsi des bases à partir desquelles ils pourraient lancer des attaques vers l'intérieur des terres tandis que l'Espagne aurait un accès limité aux ports en eau profonde sur la côte orientale de leurs colonies américaines et serait donc incapable de ravitailler ses forces intérieures. La maîtrise de ces ports fournirait aux Anglais un point de contrôle essentiel du secteur et leur permettrait, en temps utile, d'acquérir la totalité de l'empire américain de l'Espagne{{sfn|Ford|2011|p=140}}.

=== Carthagène des Indes ===
{{...}}

== Prélude ==
En [[1739]], la [[guerre de l'oreille de Jenkins]] oppose le [[Royaume de Grande-Bretagne]] à l'Espagne.

Après la [[destruction de Porto Bello]], l'amiral [[Edward Vernon]] est accueilli comme un héros par le roi [[George II de Grande-Bretagne|George II]] et n'a aucun mal à obtenir tous les bateaux et les hommes qu'il souhaite. En [[1741]], il quitte l'Angleterre avec le général {{Lien|langue=en|trad=Thomas Wentworth (British Army officer)|fr=Thomas Wentworth (général)|texte=Thomas Wentworth}}, {{unité|23600|hommes}} et 186 navires<ref> En [[1588]], l'[[Invincible Armada]] ne comptait que 126 vaisseaux</ref> armés de quelque {{unité|2000|canons}}, pour attaquer [[Carthagène des Indes|Carthagène]].

== Carthagène des Indes ==
Face à la puissante flotte britannique, le vice-roi Sebastian de Eslava, n'a que {{unité|3000|soldats}} réguliers, 600 archers Indiens, et les équipages de ses six navires de ligne à lui opposer. Néanmoins il peut compter sur les massives fortifications de la cité et sur l'expérience des officiers {{Lien|langue=en|trad=Melchor de Navarrete|fr=Melchor de Navarrete}}, {{Lien|langue=es|trad=Carlos Desnaux|fr=Carlos Desnaux}} et surtout l'amiral [[Blas de Lezo]], surnommé ''Patapalo'' (''Patte de bois''), qui a minutieusement préparé la défense.

== Le siège ==
L'expédition arrive au large de Carthagène le [[4 mars]]. Après plusieurs semaines de bombardement, une première attaque est menée par terre et par mer dans la passe de Boca Chica (Petite bouche), le {{date-|5 avril}}. Cet étroit passage entre deux péninsules est défendue d'un côté par le fort ''Saint-Louis'', le château de Boca Chica et quatre bastions comptant environ 80 canons, et de l'autre côté par une batterie de 15 canons défendus par des redoutes. Au sud de la péninsule, l'île de La Bomba est défendue par le Fort ''Saint-Joseph'' avec ses 21 canons. L'entrée du détroit est barrée par les 6 navires de ligne espagnols.

La flotte britannique attaque la flottille espagnole. La lutte est inégale et après une courte résistance [[Blas de Lezo]] incendie ses navires. Deux d'entre eux qui bloquent partiellement le passage sont capturés par les Britanniques avant de sombrer.

{{où|Pendant ce temps, venant de la terre, les assaillants ont établi une batterie qui, avec l'assistance des navires, parvient à percer l'enceinte principale. Les soldats s'engouffrent dans la brèche, mais les Espagnols ont déjà quitté les fortifications.}} Les Britanniques tentent ensuite d'isoler Carthagène de la terre en attaquant le Fort ''Saint-Lazare'', mais l'assaut échoue, faisant 600 morts dans les rangs britanniques.

[[Blas de Lezo]] sait parfaitement que l'adversaire a des forces nettement supérieures aux siennes, mais il conçoit les plus diverses stratégies à l'encontre des Anglais, au point, entre autres, d'infiltrer deux soldats espagnols parmi les rangs britanniques qui conduiront ceux-ci vers un piège mortel. L'inconfort et les maladies deviendront les ennemis mortels des Britanniques, au point de faire la moitié de leurs victimes de guerre.

Du côté britannique, depuis l'échec devant le Fort ''Saint-Lazare'', les deux chefs ne s'entendent plus. Thomas Wentworth estime que les navires de Vernon l'ont mal soutenu. L'amiral estime pour sa part que l'assaut a été mal planifié et argue d'un manque de profondeur des eaux du port.

Au cours de l'année précédente, Lezo a réparé et a considérablement amélioré les fortifications de la cité. Les murailles tiennent bon et son plan commence à porter ses fruits. Son fin talent de stratège et les pluies viennent lui donner raison : À bord des navires britanniques, les maladies font plus de ravage que les combats. Le {{date-|25 avril}}, [[Edward Vernon|Vernon]] envisage de lever le siège et de faire retraite à la Jamaïque. À la mi-mai, toutes les voiles ont disparu.

Dans cette défense qui a été sa plus grande victoire, [[Blas de Lezo]] a contracté la peste, dont il meurt un mois plus tard.

== Conséquences ==
[[Fichier:Cartagena - Fortaleza San Felipe de Barajas - 20050430bis.jpg|300px|vignette|Les murailles de Fort San Felipe de Barajas]]

Après cet échec, la ''[[Royal Navy]]'' bat en retraite jusqu'en [[Jamaïque]]. La bataille a duré 67 jours et s'est terminée par le retrait de la flotte britannique, qui a perdu 50 navires et {{unité|18000|hommes}}, environ la moitié d'entre eux de maladie. La plupart des colons américains qui s'étaient portés volontaires, attirés par les promesses de Vernon, sont morts de la fièvre jaune, de la [[dysenterie]] et même de la famine. Ceux qui sont rentrés chez eux, parfois blessés, y compris [[Lawrence Washington]]<ref>[[Lawrence Washington]] demi frère de [[George Washington]] voue une si grande admiration à Vernon qu'il a renommé ses plantations en [[Colonie de Virginie|Virginie]] du nom de [[Mount Vernon]]</ref>, n'ont rien reçu pour leurs efforts.

Au milieu de la bataille, lorsque le [[17 mai]] les forces espagnoles ont reculé de différents points de défense pour se regrouper dans la [[Château de San Felipe de Barajas|forteresse de ''San Felipe de Barajas'']], Vernon a envoyé un messager, le capitaine Laws, en Angleterre pour informer le Roi de la victoire. Une médaille spéciale a immédiatement été frappée pour commémorer cette « victoire » représentant l'amiral Vernon plongeant sur les « vaincus ». [[Blas de Lezo]] apparaît à genoux vers le bas. Une chanson contemporaine a été composée par un marin du ''Shrewsbury'' pour célébrer prématurément la victoire :

<center>{{Citation|VERNON'S GLORY ; OR, THE SPANIARDS DEFEAT<ref>Navy Records Society (Grande-Bretagne) Publications de la Marine Records Society Vol. XXXIII, Chants de marins, 1907, pp.181-184</ref><br />
Being an account of the taking of Carthagena by Vice-Admiral Vernon…<br />
…and the town surrender[ed]<br />
To Admiral Vernon, the scourge of Spain}}</center>

Lorsque la nouvelle de l'échec arrive à Londres quelques semaines plus tard, le gouvernement britannique fait retirer les médailles de la circulation et interdit de divulguer et publier l'information. Bientôt le gouvernement de [[Robert Walpole]] s'effondre. L'Espagne conserve son port stratégique dans les Caraïbes et le contrôle de sa colonie. La nouvelle de la défaite britannique atteint l'Europe à la fin de juin [[1741]] et entraîne toute une série de conséquences.

[[George II (roi de Grande-Bretagne)|George II de Grande-Bretagne]], qui a agi comme médiateur entre [[Frédéric Ier (roi de Prusse)|Frédéric le Grand]] et [[Marie-Thérèse d'Autriche (1717-1780)|Marie-Thérèse d'Autriche]], mais qui soutient l'Autriche depuis l'invasion de la Silésie par la Prusse en décembre [[1740]], a beaucoup perdu de sa crédibilité. Cela encourage la France et l'Espagne, les alliés Bourbons, à révéler leur alliance avec la Prusse et à se mobiliser militairement contre une Autriche désormais isolée. Un conflit plus grand, la [[guerre de Succession d'Autriche]], est désormais inévitable.

[[Carthagène des Indes|Carthagène]], toujours espagnole, oblige le [[Royaume de Grande-Bretagne]] à mobiliser toute une partie de sa flotte dans les Caraïbes — en fait, ce qui reste de la flotte de Vernon — pour protéger ses propres colonies d'Amérique contre d'éventuelles représailles espagnoles. Il en résulte un affaiblissement de ses forces en Méditerranée. Les Britanniques ne sont donc pas en mesure d'empêcher le débarquement de {{unité|25000|soldats}} espagnols en Italie en novembre et décembre [[1741]]. Ce n'est que lorsque le commodore [[Richard Lestock]], commandant de l'une des divisions de Vernon à [[Carthagène des Indes|Carthagène]], retourne en Europe avec les navires de la flotte des Caraïbes, que l'Angleterre est en mesure de renforcer sa présence en Méditerranée. Par là même, elle renonce à mettre la main sur les possessions espagnoles dans les [[Espace Caraïbe|Caraïbes]].

== Culture ==
La chanson ''1741 (The Battle of Cartagena)'', issue de l'album ''[[Sunset on the Golden Age]]'', du groupe de [[pirate metal]] [[Alestorm]] illustre cette bataille.

== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
=== Sources et bibliographie ===
{{Traduction/Référence|en|Battle of Cartagena de Indias|231593654|point=non}} dans sa version du {{date-|14 août 2008}}.

; En français :
* Philippe Régniez ''Blas de Lezo'', Les Éditions de La Reconquête, Assomption 2012.

; En anglais :
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Robert|nom1=Beatson|titre=Naval and Military Memoirs of Great Britain from 1727 to 1783|volume=III|lieu=Londres|éditeur=Longman, Hurst, Rees, & Orme|année=1804}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Tobias George|nom1=Smollett|prénom2=David|nom2=Hume|lien auteur2=David Hume|titre=The history of England|sous-titre=from the Revolution to the death of George the Second|volume=II|éditeur=Longman, Brown, Green, and Longmans|année=1848|lire en ligne={{Google Livres|gyIsAAAAMAAJ}}}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=John William|nom1=Fortescue|lien auteur1=John William Fortescue|titre=A History of the British Army|volume=II|lieu=Londres|éditeur=[[Macmillan Publishers|MacMillan]]|année=1899|lire en ligne=https://archive.org/stream/historybritishp202fortuoft}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Herbert William|nom1=Richmond|titre=The Navy in the War of 1739–48|volume=1|éditeur=[[Cambridge University Press]]|série=The Cambridge Naval and Military Series|année=1920|lire en ligne=https://archive.org/stream/navyinwarof01rich#page/n7/mode/2up}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Francis Russell|nom1=Hart|titre=Admirals of the Caribbean|lieu=Boston|éditeur=|année=1922|pages totales=272|lire en ligne=https://archive.org/stream/admiralsofcaribb00hartrich}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Reed S.|nom1=Browning|titre=The War of the Austrian Succession|éditeur=[[Palgrave Macmillan]]|année=1995|mois=mai|jour=15|pages totales=480|isbn=978-0-312-12561-5}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=John D.|nom1=Harbron|titre=Trafalgar and the Spanish navy|sous-titre=the Spanish experience of sea power|lieu=Annapolis (Md.)|éditeur=Conway Maritime Press|année=1998|pages totales=208|isbn=0-87021-695-3}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=David|nom1=Marley|titre=Wars of the Americas|sous-titre=A Chronology of Armed Conflict in the New World, 1492 to the Present|éditeur=[[ABC-CLIO]]|année=1998|pages totales=1112|isbn=978-1-59884-100-8}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=N.A.M.|nom1=Rodger|lien auteur1=Nicholas Rodger|titre=The Command of the Ocean|sous-titre=A Naval History of Britain 1649-1815|éditeur=[[Penguin Books]]|année=2006|mois=septembre|jour=7|pages totales=1000|isbn=978-0-14-102690-9}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Ignacio|nom1=Rivas Ibañez|titre=Mobilizing resources for war|sous-titre=the British and Spanish intelligence systems during the war of Jenkins' Ear (1739-1744)|lieu=Londres|éditeur=[[University College de Londres|University College London]]|année=2008|isbn=|lire en ligne=http://eprints.ucl.ac.uk/18765/1/18765.pdf}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Douglas|nom1=Ford|titre=Admiral Vernon and the Navy|sous-titre=A memoir and vindication|éditeur=[[BiblioBazaar]]|année=2011|année première édition=1907|pages totales=376|isbn=978-1-179-16853-1}}

; En espagnol :
* {{Ouvrage|langue=es|prénom1=Cesáreo|nom1=Fernández Duro|titre=Armada española desde la unión de los reinos de Castilla y de León|volume=VI|lieu=Madrid|éditeur=Est. tipográfico Sucesores de Rivadeneyra|année=1902}}

=== Liens externes ===
* {{es}} [http://usuarios.lycos.es/pay/lezo.htm Bataille de Cartagène des Indes]
* {{fr}} [http://aventuresdelhistoire.blogspot.com/2010/06/lhistoire-truquee-par-les-anglais.html L'histoire truquée par les Anglais]

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{{DEFAULTSORT:Carthagene}}
[[Catégorie:Bataille impliquant la Colombie]]
[[Catégorie:Bataille navale impliquant l'Espagne]]
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[[Catégorie:Bataille de 1741]]
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[[Catégorie:1741 en Colombie]]
[[Catégorie:Flotte des Indes]]