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Camille Laurens - Seule avec lui

Martin Eden parce qu'il se tue, Frédéric Moreau qu'il n'ose pas, Gatsby parce qu'il est seul, Amalric parce qu'il compte sur la douceur de ses mains, le marin de Gibraltar parce qu'il donne un nom d'île au désir, Mesa parce qu'il endure l'amour, Tadzio parce qu'il se laisse regarder, Aschenbach parce qu'il en meurt, Julien Sorel parce qu'il se fixe une heure pour agir, l'amant de Lady Chatterley parce qu'elle jouit avec lui, Gilliatt parce qu'il se tait, Roméo parce qu'il aime à en mourir, Félix de Vandenesse parce qu'il ne se maîtrise pas, Antiochus parce qu'il avoue (Je me suis tu cinq ans, Madame, et vais encor me taire plus longtemps), Fabrice parce qu'il renonce au monde, le père Goriot parce qu'il adore ses filles,Vronsky parce qu,'Anna se tue pour lui, Des Grieux parce qu'il va au bout du monde, Marcel parce qu'il est jaloux, Adolphe parce qu'il reste, le colonel Chabert parce qu'il disparaît, Don Juan parce qu'on a envie, d'être sur la liste (…)

Camille Laurens - Dans ces bras-là (Editions P.O.L, 2000 et Folio)

s:juillet 2011 Invitation 1

O. V. de L. Milosz – Et surtout que Demain n’apprenne pas où je suis

(...)

Et ne dis pas à l’eau de la forêt qui je suis;
Mon nom, mon nom est tellement mort.
Tes yeux ont la couleur des jeunes pluies,
Des jeunes pluies sur l’étang qui dort.
Et ne raconte rien au vent du vieux cimetière.
Il pourrait m’ordonner de le suivre.
Ta chevelure sent l’été, la lune et la terre.
Il faut vivre, vivre, rien que vivre…

Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz (28/15/1877-2/03/1939) - Les Sept Solitudes (1906)

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s:juillet 2011 Invitation 2

Marcel Proust - L’édifice immense du souvenir

La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes — et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot — s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.

Marcel Proust (10/07/1871-18/11/1922) - Du côté de chez Swann - Combray (1913)

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s:juillet 2011 Invitation 3

Jean de La Fontaine – Connais-toi toi-même

(…)

Ils trouvent l'autre saint, lui demandent conseil.
" Il faut, dit leur ami, le prendre de soi-même.
Qui mieux que vous sait vos besoins?
Apprendre à se connaître est le premier des soins
Qu'impose à tous mortels la Majesté suprême.
Vous êtes-vous connus dans le monde habité?
L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité:
Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême.
Troublez l'eau: vous y voyez-vous?
Agitez celle-ci. -Comment nous verrions-nous?
La vase est un épais nuage
Qu'aux effets du cristal nous venons d'opposer.
- Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer,
Vous verrez alors votre image.
Pour vous mieux contempler demeurez au désert."
Ainsi parla le solitaire.
Il fut cru; l'on suivit ce conseil salutaire.

Jean de La Fontaine - Fables - Le Juge arbitre l'Hospitalier et le Solitaire(Fables - Livre XII, Fable 29)

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s:juillet 2011 Invitation 4

Louis-Ferdinand Céline - C'est ça les Français !

- T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine. On est nés fidèles, on en crève nous autres ! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C'est lui qui nous possède ! Quand on est pas sages, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger... Pour des riens, il vous étrangle... C'est pas une vie...

- Il y a l'amour, Bardamu !

- Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.

Louis-Ferdinand Céline (27/05/1894-01/07/1961) - Voyage au bout de la nuit (éditions Denoël, 1932 et collection Folio) (Première page)

s:juillet 2011 Invitation 5

Camille Laurens - Seule avec lui

Martin Eden parce qu'il se tue, Frédéric Moreau qu'il n'ose pas, Gatsby parce qu'il est seul, Amalric parce qu'il compte sur la douceur de ses mains, le marin de Gibraltar parce qu'il donne un nom d'île au désir, Mesa parce qu'il endure l'amour, Tadzio parce qu'il se laisse regarder, Aschenbach parce qu'il en meurt, Julien Sorel parce qu'il se fixe une heure pour agir, l'amant de Lady Chatterley parce qu'elle jouit avec lui, Gilliatt parce qu'il se tait, Roméo parce qu'il aime à en mourir, Félix de Vandenesse parce qu'il ne se maîtrise pas, Antiochus parce qu'il avoue (Je me suis tu cinq ans, Madame, et vais encor me taire plus longtemps), Fabrice parce qu'il renonce au monde, le père Goriot parce qu'il adore ses filles,Vronsky parce qu,'Anna se tue pour lui, Des Grieux parce qu'il va au bout du monde, Marcel parce qu'il est jaloux, Adolphe parce qu'il reste, le colonel Chabert parce qu'il disparaît, Don Juan parce qu'on a envie, d'être sur la liste (…)

Camille Laurens - Dans ces bras-là (Editions P.O.L, 2000 et Folio)