Voir la source de Médecine traditionnelle tibétaine

{{Homonymes|Rigpa (homonymie)}}
[[Fichier:A Medical Thangka - Root of Health and Disease.jpg|thumb|Thangka de médecine : Les racines de la santé et de la maladie]]

La '''médecine traditionnelle tibétaine''' ou '''Sowa-Rigpa''' est une [[médecine traditionnelle]] dont certains aspects empruntés à la médecine [[Ayurveda|indienne]], [[Médecine chinoise traditionnelle|chinoise]] et [[Médecine en Grèce antique|grecque]] via la [[Médecine dans la Perse antique|perse]] remonteraient à près de {{nombre|2500|ans}} et qui fut codifiée plus tardivement au travers des « [[RGyud-bZhi|Quatre Tantras Médicaux]] » de [[Yutok Yonten Gonpo]] au {{s|VIII}}.

== Histoire ==
=== Origines ===
La médecine au [[Tibet]] avant le {{s-|VII}} alors principalement marqué par la culture de la tradition [[bön]], était basée sur un texte dénommé en {{Bo-twzi|t=གསོ་རིག་འབུམ་བཞི།|w=gso rig 'bum bzhi}}<ref>{{en}} Tamdin Sither Bradley, [https://books.google.fr/books?id=bi8sjnbnCPQC&pg=PA9 Principles of Tibetan Medicine: What it is, how it works, and what it can do for you], Revised Edition
Discovering Holistic Health, Singing Dragon, 2013, {{ISBN|0857011146|9780857011145}}, {{p.|9}}</ref>.

=== Origine indienne et influence bouddhiste ===
[[Fichier:MenlaGyamtso.jpg|vignette|[[Bhaisajyaguru|Bouddha de médecine]].]]
Au {{Ve siècle av. J.-C.}}, la médecine est développée en Inde du Nord, notamment à [[Taxila]], l'école du médecin {{lien|Atreya}}, appelé rGyun-shes-kyi-bu en tibétain<ref>Massin, {{opcit}}, {{p.|44}}</ref>. 

C'est au {{Ve siècle}} que deux sages médecins, un homme, Vidjaya (Vijay) et une femme, Vimala (Belha), originaires d'[[Inde]] se rendirent au Tibet. Ils y restèrent plus d'une décennie, s'employant à soigner et transmettre leur savoir<ref> Terry Clifford, [[Lokesh Chandra]], ''La Médecine tibétaine bouddhique et sa psychiatrie : La Thérapie de diamant'', Dervy, 1998, {{ISBN|2850769290}}, {{p.|79}}</ref>. Le [[Liste des rois du Tibet|roi du Tibet]] de l'époque, [[Thothori Nyantsen|Lha Thothori Nyantsen]], fut très touché par leur bonté et offrit une de ses filles en mariage à Vidjaya. Ils eurent un enfant, Dounggui Tor-tcho (Dungi Thorchog), qui devint un médecin célèbre. Il fonda la première lignée médicale dont le plus éminent représentant est [[Yuthok Yonten Gonpo, le jeune|Yutok Yonten Gonpo le jeune]] au {{s-|XII}}.

Chandranandana, disciple de [[Vagbhata]], écrivit en [[sanskrit]] dans la continuité de l'[[ayurveda]] classique, enrichi par les siddhas indiens bouddhistes le texte du ''[[rGyud-bZhi]]'' qu'il donna au traducteur tibétain [[Vairotsana]]<ref>Terry Clifford, {{opcit}}, {{p.|68}}</ref>. Il fut traduit en tibétain au {{VIIIe siècle}} et est resté le fondement de la pratique médicale et de commentaires au cours des siècles. Au {{XVIIe siècle}}, [[Sangyé Gyatso]], régent du Tibet à l'époque du {{5e}} dalaï-lama, en écrivit un commentaire exhaustif surpassant ses prédécesseurs par sa clarté, le ''[[Béryl Bleu]]''<ref>Lokesh Chandra, {{opcit}}, {{p.|14-15}}</ref>.

Une des premières personnalités dans le développement de cette médecine fut [[Yutok Yonten Gonpo]] l'ancien (708-833), médecin renommé qui reçut de Vairotsana les « Quatre Tantras Médicaux », ouvrage connu sous le nom tibétain de ''rGyud-bZhi'' et à la base de la médecine tibétaine<ref>Terry Clifford, {{opcit}}, {{p.|85}}</ref>, intégrant différents éléments des médecines d'Asie, en particulier celles de Perse, de l'Inde et de la Chine. Cet ouvrage comprend un total de 156 chapitres sous la forme de 80 peintures ou [[thangka]]s. Il fut modifié et complété par les générations suivantes.

[[Rinchen Zangpo]] (958-1055) est le plus prolifique traducteur de textes médicaux indien. Avec l'aide de l'Indien Jalandhara, il traduisit le traité de [[médecine ayurvédique]] ''{{lien|trad=Ashtanga Hridaya|lang=de|Ashtanga Hridaya}}'' de [[Vagbhata]] et son commentaire par Chandranandana, ainsi que le traité de médecine vétérinaire en hippiatrie les principes de la médecine des chevaux<ref name="rHT9MUB">Lokesh Chandra, {{opcit}}, {{p.|15}}</ref>.

Zhalu Lotsawa Chokyong Zangpo (1441-1528) traduisit le ''Trésor des racines'' de [[Nagarjuna]] qui concerne les traitements de maladies neurologiques, dermatologiques, oculaires et psychosomatiques<ref name="rHT9MUB" />.  

En 1126, naît le {{13e|descendant}} de Yutok Yonten Gonpo, [[Yuthok Yonten Gonpo, le jeune|Yuthok Sarma Yonten Gonpo]]. Considéré comme l'un des plus grands médecins après son ancêtre, il étudia longuement la médecine, notamment en Inde et au Népal, et modifia et compléta le ''rGyud-bZhi''. Il fit un tableau décrivant la réparation d'une fracture osseuse et compila une série d'images anatomiques d'organes internes.

=== Institutions d'enseignement ===
Le [[Lobsang Gyatso|{{5e}} dalaï-lama]] fonde au monastère de Drépung la première école de médecine à Ganden Phodrang<ref>Massin, {{opcit}}, p. 47</ref>. 

Au {{s-|XVII}}, l'[[Institut Chakpori de médecine tibétaine|école médicale tibétaine de Chakpori]] est fondée par le [[Lobsang Gyatso|{{5e}} dalaï-lama]] et son régent [[Sangyé Gyatso]]<ref> [http://www.padma.ch/fr/medecinetibetaine/histoire.shtml Histoire de la médecine tibétaine]</ref>. Construite sur la colline de [[Chakpori]] près de [[Lhassa]], elle vit l'installation de quelques canons par les Tibétains lors du [[soulèvement tibétain de 1959]] et fut détruite par l'artillerie de l’[[armée populaire de libération]]<ref> {{en}} [http://travelintibet.com/tibetan-travel-lhasa.htm Travelin Tibet], Going in circles : {{Citation étrangère|lang=en|The Tibetans placed their few cannon up there and the Chinese destroyed the place.}}</ref>{{,}}<ref> {{en}} Keith Dowman, ''The Power-Places of Central Tibet: The Pilgrim's Guide'', Routledge & Kegan Paul Ltd., London, 1988, {{p.|49}} {{ISBN|0-7102-1370-0}}.</ref>{{,}}<ref> {{en}} {{lien brisé|url=http://www.tibet.net/en/tibbul/2002/0210/focus.html |titre=Lhasa - God’s own Land }}, ''Tibetan Bulletin Online, The Official Journal of the Central Tibetan Administration of H. H. the dalai Lama'', October-December, 2002, vol. 6, issue 4.</ref>.

Le [[Men-Tsee-Khang (Dharamsala)|Men-Tsee-Khang]] fut fondé en [[1916]] par le [[Thubten Gyatso|{{13e}} dalaï-lama]]<ref>{{en}} {{lien web|consulté le=2014-07-01|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.men-tsee-khang.org/medicine/mhistory.htm|titre=History of Tibetan Medicine}}, ''Men-Tsee-Khang, Official Website of the Tibetan Medical & Astrology Institute of H. H. The Dalai Lama'', 2008.</ref>. Cette même année, ce dernier nomma [[Khyenrab Norbu]] directeur du collège médical de [[Chakpori]], et du Men-Tsee-Khang<ref>{{en}} {{lien web|consulté le=2014-07-01|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.men-tsee-khang.org/medicine/mhistory.htm|titre=Rev. Khyenrab Norbu (1883-1962 A.D.)}}, ''Men-Tsee-Khang, Official Website of the Tibetan Medical & Astrology Institute of H. H. The Dalai Lama'', 2008.</ref>. Celui-ci serait issu de la transformation du monastère de [[Tengyeling]] par le {{13e}} dalaï-lama. Le gouvernement tibétain finança les cours aux étudiants et fournit une médecine gratuite aux personnes pauvres<ref> {{en}} Sanderson Beck, [http://www.san.beck.org/20-7-TibetNepalCeylon1800-1950.html ''Tibet, Nepal, and Ceylon 1800-1950''].</ref>.

Les médecins tibétains furent persécutés à partir de 1959. La pratique de la médecine tibétaine fut interdite, et des médecins renommés comme [[Tenzin Choedrak]] furent emprisonnés<ref> [[Tenzin Choedrak]], [[Gilles Van Grasdorff]], ''Le palais des arcs-en-ciel : les mémoires du médecin du dalaï-lama'', Albin Michel, 2000, {{ISBN|9782226106216}}, 2001, {{ISBN|2226127003}}.</ref>. Détenu à partir de 1959 et pendant près de 22 ans, ce dernier s'enfuit à [[Dharamsala]] en [[1980]], où il rejoignit le [[Tenzin Gyatso|{{14e}} dalaï-lama]]<ref>{{en}} {{lien web|consulté le=2014-07-01|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.buddhapia.com/tibet/tibetcen/tmai/bio.html|titre=Brief Biography of Dr Tenzin Choedrak}}, ''TIBETcenter''.</ref>.

Le Men-Tsee-Khang a survécu à cette période, permettant à la médecine tibétaine d'être de nouveau enseignée et pratiquée aujourd'hui. Le [[Gouvernement de la région autonome du Tibet]] l'a fusionné avec le [[Institut Chakpori de médecine tibétaine|collège Chagpori]] pour former l'hôpital de médecine tibétaine de la [[région autonome du Tibet]].

=== Durant la révolution culturelle ===
Selon l'anthropologue médical Craig R. Janes, durant la [[révolution culturelle au Tibet|révolution culturelle]], de nombreux médecins tibétains étaient qualifiés d’[[Ennemi de classe|ennemis de classe]], ils subirent des traitements particulièrement sévères, envoyés dans des [[Laogai|camps de travail]], il leur était interdit de pratiquer la médecine. En 1973, selon cet autreur, la médecine tibétaine avait presque totalement disparu<ref>{{en}} ''Tibet: Human Rights and the Rule of Law'', [[Commission internationale de juristes]], Genève, décembre 1997, {{p.|128}}, citant Craig R. Janes, The Transformations of Tibetan Medicine, ''Medical Anthropology Quarterly'', New Series, Vol. 9, {{N°}}1 (Mar., 1995), {{p.|6-39}}.</ref>.

Le Dr. [[Lobsang Wangyal (médecin tibétain)|Lobsang Wangyal]] fut emprisonné après le [[soulèvement tibétain de 1959]]. Il utilisa ses connaissances médicales pour soigner les malades et les blessés en prison, et put ainsi survivre à la révolution culturelle<ref>[http://www.tibetanculture.weai.columbia.edu/lobsang-wangyal-my-life-my-culture/ Lobsang Wangyal. My Life, My Culture: Autobiography and Lectures on the Relationship between Tibetan Medicine, Buddhist Philosophy and Tibetan Astrology and Astronomy. Translated by Bhuchung D. Sonam and Dhondup Tsering, Dharamsala, India: 2007.]</ref>.

== Description de la médecine traditionnelle tibétaine ==
=== Principes ===
[[Fichier:Ancient Tibetan Medicine Poster.jpg|vignette|droite]]

La médecine tibétaine est un système médical traditionnel qui repose sur une méthode complexe de diagnostic, incorporant des techniques telles que l'examen du pouls et de l'urine<ref name="medtradtib">[http://www.medecine-tibetaine.com/presentation-de-la-medecine-tibetaine/ Principes fondamentaux de la médecine tibétaine], site ''Médecine traditionnelle tibétaine''.</ref>. Le médecin tibétain (''amchi'') donne des conseils de modification de comportement et d'alimentation. Des médicaments confectionnés à partir de [[Plante médicinale|plantes médicinales]] et de minéraux ; des thérapies physiques comme l'acupuncture tibétaine ou la [[moxibustion]] sont utilisées pour traiter le malade. 

Le système médical tibétain est basé sur une synthèse des savoirs indien ([[ayurveda]]), persan, grec, indigène tibétain, et les systèmes médicaux chinois. Il continue à être pratiqué au [[Tibet]], en [[Inde]], au [[Népal]], au [[Sikkim]], au [[Bhoutan]], au [[Ladakh]], en [[Sibérie]], en [[Monde chinois|Chine]], en [[Mongolie]] et en [[Bouriatie]], de même que plus récemment dans des parties de l'Europe et d'Amérique du Nord. Il est lié à la tradition [[bouddhiste]] selon laquelle toute maladie résulte en définitive de «trois poisons» de l'esprit : le désir excessif, la haine et l'ignorance. 

La médecine tibétaine met en avant une définition spécifique de la [[santé]] dans ses textes théoriques. Pour être en bonne santé il est nécessaire de maintenir un équilibre entre trois éléments ou « [[Théorie des humeurs|humeurs]] » : ''rLüng'' (pron. loong, le vent), ''mKhris pa'' (pron. tri-pa, la bile), et ''bad-kan'' (pron. paie-gen, le phlègme)<ref name="medtradtib"/>
* ''rLüng'' est la source permettant à notre corps de faire circuler des substances physiques (par ex. le sang), l'énergie (par ex. les impulsions du système nerveux), et ce qui n'est pas physique (par ex. les pensées)<ref name="medtradtib"/>. Il y a cinq catégories distinctes de ''rLung'', chacune avec un emplacement et une fonction spécifique : ''srog-'dzin rLung'', ''gyen-rGyu rLung'', ''khyab-byed rLung'', ''me-mNyam rLung'', ''thur-sel rLung''.

* ''mKhris-pa'' est relié au feu et à la chaleur, c'est la source de fonctions telles que la thermorégulation, le métabolisme, la fonction du foie et l'intelligence discriminative<ref name="medtradtib"/>. Il y a cinq catégories distinctes de ''mKhris-pa'', chacune avec des emplacements et les fonctions spécifiques : '''ju-byed mKhris-pa'', ''sGrub-byed mKhris-pa'', ''mDangs-sGyur mKhris-pa'', ''mThong-byed mKhris-pa'', ''mDog-sel mKhris-pa''.

* ''Bad-kan'' est relié à la fois à l'eau et à la terre<ref name="medtradtib"/>. Il est de nature froide, et est la source de fonctions telles que la digestion, l'entretien de notre structure physique, la santé de nos articulations et notre stabilité mentale. Il y a cinq catégories distinctes de Bad-kan, chacune avec son emplacement et sa fonction spécifique : ''rTen-byed bad-kan'', ''myag-byed bad-kan'', ''myong-byed bad-kan'', ''tsim-byed bad-kan'', '''byor-byed bad-kan''.

=== Traitements ===
La médecine tibétaine comporte quatre types principaux de traitements : 
* des conseils alimentaires 
* des conseils comportementaux 
* des pilules à base de plantes<ref>[http://www.tibet-info.net/www/La-medecine-tibetaine-par-le-Dr.html?lang=fr La médecine tibétaine par le Dr. Tenzin Kyipa], site ''tibet-info.net'', 23 septembre 2006.</ref>.
* des thérapies externes ponctuelles <ref>{{Ouvrage|langue=tibétain/anglais|auteur1=Yuthok Yonten Gonpo|titre=rGyud-bZhi|passage=Dans le cinquième chapitre du premier des Quatre Tantra Médicaux, en tibétain le "rGyud-bZhi". Ce cinquième chapitre décrit les quatre types de traitements: conseils alimentaires, conseils comportementaux, les pilules et poudres et autres médicaments à base de plantes et de diverses substances médicinales, et les thérapies externes dont le [[Massage tibétain|massage Kou Nyé]], la moxibustion, l'application de ventouses en cuivre, la balnéothérapie, l'acupunture tibétaine, etc. Extrait du rGuyd bZhi : "Les quatre méthodes thérapeutiques des désordres sont: l'alimentation, le comportement, les médicaments et les thérapies externes." (traduction personnelle du tibétain)|lieu=Dharamsala, Inde|éditeur=Men Tsee Khang Publications|date=|isbn=81-86419-62-4|lire en ligne=}}</ref>
 
Cette médecine traditionnelle utilise jusqu'à deux mille types de plantes et cinquante minéraux<ref> [http://www.jardinsdumonde.org/index.php?option=com_rokdownloads&view=file&task=download&id=170%3Aesquisse-dune-liste-de-plantes-de-la-pharmacope-tibtaine-aline-mercan&Itemid=34&bd2d724af87abb8d855e4495c69bbd40=cc8593ce05ba0f5119d646c02c2b848a Les plantes et minéraux dans la médecine tibétaine traditionnelle]</ref>.

=== Efficacité ===
Il n'y a pas encore de consensus des spécialistes sur l'efficacité de la médecine tibétaine. Certains y voient de nouvelles thérapies, d'autres sont sceptiques. La plupart louent cependant la qualité de la relation des médecins tibétains avec leurs patients, supérieure à la relation impersonnelle qui marque trop souvent la médecine contemporaine. De plus, comme pour d'autres systèmes médicaux, certains des patients traités par la médecine tibétaine recouvrent effectivement la santé, ce qui augmente la confiance en l'efficacité du système médical tibétain dans son ensemble<ref>[[Matthew Kapstein]], ''Les Tibétains'', traduit de l'anglais par Thierry Lamouroux, Paris, [[Les Belles Lettres]], 2015, p. 393-394 : {{citation|Quant à savoir le véritable niveau d'efficacité de la médecine traditionnelle tibétaine, et ses limites, aucun consensus clair n'est encore parvenu à émerger chez ceux qui ont fait l'objet de leurs recherches. Alors que certains louent son potentiel à offrir au monde moderne une nouvelle voie thérapeutique, d'autres expriment leur scepticisme. Néanmoins, dans la mesure où la plupart d'entre eux se sont montrés favorablement impressionnés par la qualité de la relation humaine tissée entre les docteurs tibétains et leurs patients, certains verraient bien là un amendement salutaire au caractère froid et impersonnelle qui marque tant la médecine contemporaine. [...] Nous pourrions également ajouter qu'à l'instar des autres systèmes médicaux, certains des patients se faisant soigner par la médecine tibétaine recouvrent effectivement la santé. Un fait qui, outre la satisfaction qui s'ensuit, accentue d'autant la confiance que l'on porte à l'efficacité du système dans son ensemble}}</ref>. 

Selon [[Marianne Winder]], spécialiste de l'histoire de la médecine tibétaine mais sans formation dans le domaine médical, pour nombre de maladies psychosomatiques et chroniques, la médecine tibétaine s'est révélée plus efficace que les méthodes occidentales. Étant une méthode holistique, elle est plus adaptée au diagnostic des causes psychosomatiques des maladies. Ses remèdes à base de plantes ont moins d'effets secondaires que les médicaments de synthèse modernes<ref>[[Marianne Winder]], Tibetan Medicine, its Humours and Elements, Bulletin of Tibetology, N 1, 1994 p. 11-25 : {{Citation étrangère|langue=en|In most psychosomatic conditions and in chronic cases Tibetan medicine has been found more effective than western methods. And, being a holistic method of healing it is better capable of diagnosing psychosomatic causes for diseases. And, as you well know herbal remedies have far less side effects than the modern synthetic medicines}}.</ref>.

L'efficacité de la médecine traditionnelle tibétaine a été passée en revue en 2013<ref>{{Article|langue=en|prénom1=K. Philip|nom1=Reuter|prénom2=Thorolf E. R.|nom2=Weißhuhn|prénom3=Claudia M.|nom3=Witt|titre=Tibetan Medicine: A Systematic Review of the Clinical Research Available in the West|périodique=Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine|volume=2013|date=2013-04-11|issn=1741-427X|pmid=23662117|pmcid=PMC3638583|doi=10.1155/2013/213407|lire en ligne=http://www.hindawi.com/journals/ecam/2013/213407/|consulté le=2017-03-03|pages=1–16}}</ref> ; la méta-analyse qui en est ressortie pointe l'insuffisance des données pour conclure de façon certaine. La pharmacopée utilisée suscite cependant un intérêt, les plantes utilisées en [[phytothérapie]] pouvant s'avérer efficace lors des essais cliniques. Elles peuvent être étudiées seules ou en combinaison, comme le padma 28<ref>{{Lien web|titre=Padma 28, un supplément nutritionnel issu de la médecine tibétaine - Phytonutriments - Nutranews|url=http://www.nutranews.org/sujet.pl?id=356|site=www.nutranews.org|consulté le=2017-03-03}}</ref>, une association d'une vingtaine de plantes<ref>{{Lien web|titre=http://www.karger.com/Article/Abstract/90669|url=http://www.karger.com/Article/Abstract/90669|site=www.karger.com|consulté le=2017-03-03}}</ref>.

== La médecine traditionnelle tibétaine dans le monde ==
=== En Chine ===

Créé en 1977, l'Institut de médecine tibétaine de Lhassa a un service de consultation externe et un service d'hospitalisation, un centre d'enseignement d'astrologie médicale, un atelier de préparations médicales, un musée abritant des tankas médicales<ref> {{en}} [[Michael Buckley (réalisateur)|Michael Buckley]], ''[https://books.google.fr/books?id=eEiFX6n6CGwC&pg=PA148&lpg=PA149 Tibet]'', édition {{N°}}2, Bradt Travel Guides, 2012, 336 p., {{p.|148}} {{ISBN|1841623822|9781841623825}}.</ref>.

=== En Inde ===
==== Institut Chakpori de médecine tibétaine ====
{{Article détaillé|Institut Chakpori de médecine tibétaine}}

Refondé à [[Darjeeling (ville)|Darjeeling]] en [[Inde]], l'Institut Chakpori de médecine tibétaine forme des médecins tibétains. On y enseigne et développe aujourd'hui la médecine tibétaine en exil<ref> {{en}} [http://trogawa.blogspot.com/2007_07_01_archive.html Blog consacré à Trogawa Rinpoché, médecin du Chakpori].</ref>.

==== Institut de médecine et d'astrologie tibétaine ====
{{Article détaillé|Institut de médecine et d'astrologie tibétaine}}

Après l'[[Intervention militaire chinoise au Tibet (1950-1951)|intervention militaire]] de la Chine en 1950 et l'[[exode tibétain de 1959|exil de {{formatnum:80000}} Tibétains]] en [[1959]] en [[Inde]], une bonne part du savoir médical tibétain a pu être sauvegardée, notamment à [[Dharamsala]]. En [[1961]], le [[Tenzin Gyatso|{{14e}} dalaï-lama]] y fonda un Institut de médecine tibétaine, le ''{{Lang|en|Tibetan Medical and Astrological Institute}}'' ou TMAI ([[tibétain]] : ''Men-Tsee-Khang''). Le {{Dr|[[Yeshi Dhonden]]}} fut le premier directeur de l'institut. On y enseigne et développe aujourd'hui la médecine tibétaine en exil<ref> {{en}} {{lien web|consulté le=2014-07-01|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.men-tsee-khang.org/medicine/mhistory.htm|titre=A Dark Period in Tibetan History}}, ''Men-Tsee-Khang, Official Website of the Tibetan Medical & Astrology Institute of H. H. The Dalai Lama'', 2008.</ref>.

Des recherches y sont menées, notamment sur le traitement du cancer, des rhumatismes et du diabète. L'institut abrite également un centre pharmaceutique produisant les médicaments de la [[pharmacopée]] traditionnelle. Quarante-sept antennes de l'institut sont réparties sur l'ensemble du territoire indien.

=== En Occident ===
La médecine indienne a influencé la médecine occidentale lors de sa genèse, en même temps que la médecine tibétaine, au {{-s-|V}}, d'où certaines similarités. L'[[empire achéménide]] est alors à son apogée et s'étend du nord de l'Inde aux frontières de la Grèce, conduisant à des échanges culturels et économiques. Si l'[[ayurveda]] a donné au Tibet la théorie des trois éléments vent, bile et phlegme à équilibrer, elle s'est transformée en Grèce<ref>{{Lien web|titre=philosophies orientales|url=http://sys.theme.free.fr/X7_philosophies.html|site=sys.theme.free.fr|consulté le=2017-03-08}}</ref> en la [[théorie des humeurs]]<ref>{{Lien web|auteur1=Jean-Guy PASSAGIA|titre=Comparaison des médecines occidentales, orientales et extrême-orientales|url=http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/medatice/docs/pdf2009/passagia_jean_guy_p03.pdf|date=}}</ref>, Hippocrate adaptant le système indien de 3 humeurs et 5 éléments en un système à 4 humeurs et [[4 éléments]], plus conforme à la philosophie occidentale. 

À l'époque contemporaine, le ''[[rGyud-bZhi]]'' est l'ouvrage le plus connu dans la rare littérature occidentale traitant de médecine tibétaine. C'est [[Sándor Kőrösi Csoma]] qui le fit connaître en Occident dans une analyse publiée en janvier 1835 dans le ''{{lien|Journal of the Royal Asiatic Society}}''. Depuis, au moins quatre traductions partielles de l'ouvrage sont parues : une en russe par [[Piotr Badmaïev]] en 1903 et trois en anglais par [[Rechung Rinpoché]] en 1973, [[B. Alan Wallace|Jampa Kelsang ''alias'' Alan Wallace]] en 1976 et Terry Clifford en 1984<ref>{{en}} Todd Fenner , The Origin of the rGyùd bzhi: A Tibetan Medical Tantra in ''[https://books.google.fr/books?id=-pJQjLzBBWgC&pg=PA458 Tibetan Literature: Studies in Genre], ed. Jose Cabezon.''</ref>.

=== Rapports avec la médecine mongole ===
{{Article principal|Médecine mongole traditionnelle}}

La médecine mongole traditionnelle s’est développée en remplaçant ses aspects [[Mythologie mongole|chamaniques]] par des théories et pratiques de la médecine tibétaine traditionnelle. Cette dernière commença à être connue des Mongols au {{XVIe siècle}}, au moment où le [[bouddhisme tibétain|lamaïsme]] devenait la [[Rites et religion en Mongolie|religion principale des Mongols]]. Durant les siècles, le bouddhisme tibétain influença non seulement la vie quotidienne et la pratique religieuse des Mongols, mais aussi la formation des médecins mongols<ref>{{en}} Kletter Christa, Glasl Sabine, Thalhammer Theresia, Narantuya Samdan, {{lien web|consulté le=2014-07-01|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.scipharm.at/download.asp?id=229|titre=« Traditional Mongolian Medicine : A Potential for Drug Discovery »}} ''{{lien|lang=en|Scientia Pharmaceutica}}'' 2008;76(1):49-63 : {{Citation étrangère|lang=en|Based on Mongolian folk medicine, Traditional Mongolian Medicine had developed by replacing many shamanistic practices with medical theories, techniques and medication of Traditional Tibetan Medicine. […] Traditional Tibetan Medicine was introduced to the Mongols in the 16th century when Lamaism became the leading religion. For centuries, Tibetan Buddhism had influenced the daily life and the religious practice of the Mongolians as well as the medical education of the Mongolian physicians.}}</ref>.

Selon Terry Clifford, l'ayurveda mongol est en fait la médecine tibétaine bouddhique, et il a survécu en [[URSS]]<ref>Terry Clifford, {{opcit}}, {{p.|88}}.</ref>.

== Candidature à l'inscription de la médecine traditionnelle tibétaine au patrimoine culturel immatériel de l'humanité ==

En février 2014, la Chine annonce avoir demandé l'inscription de la médecine traditionnelle tibétaine à la liste du [[patrimoine culturel immatériel]] de l'humanité de l'[[UNESCO]]<ref>http://www.china.org.cn/arts/2014-02/19/content_31533512.htm</ref>.

En mars 2015, le directeur de l'[[Men-Tsee-Khang (Dharamsala)|Institut de médecine et d'astrologie tibétaine]] en Inde, [[Tashi Tsering Phuri]], a déclaré que l'institut s'oppose à l'appel du gouvernement chinois à l'[[Organisation des Nations unies]] pour classer la médecine traditionnelle tibétaine comme [[patrimoine culturel immatériel de l'humanité]] et qu'une pétition a été présentée à l'ONU à cet égard<ref>{{en}} [http://www.phayul.com/news/article.aspx?id=35898&article=Himachal+health+minister+attends+54th+anniversary+of+Mentseekhang Himachal health minister attends 54th anniversary of Mentseekhang], ''[[Phayul.com]]'' 23 mars 2015.</ref>. 

L'[[Inde]] qui préparait son dossier depuis des années selon le [[Ministère de la Culture (Inde)|ministère indien de la Culture]] a également déposé une candidature sous le nom de Sowa-Rigpa en mars 2017. Les deux dossiers seront examinés en 2018 par l'UNESCO <ref>{{en}} Divya A, [http://indianexpress.com/article/explained/how-far-from-doklam-a-second-india-china-battle-of-claims-is-on-over-tibets-medicine-4801759/ How, far from Doklam, a second India-China battle of claims is on — over Tibet’s medicine], ''[[The Indian Express]]'', 18 août 2017 </ref>.

== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
 |commons = Category:Tibetan medicine
}}

=== Bibliographie ===
* [[Christophe Massin]], ''La médecine tibétaine'', Éd. Trédaniel, 1982, {{ISBN|2-85707-083-7}} 
* [[Rechung Rinpoché]], [[Marianne Winder]], ''Histoire de la médecine tibetaine. Vie de [[Yutok Yonten Gonpo|gYu-thog-pa l'Ancien]]'', traduit de l'anglais par Jean-Paul R. Claudon, Sylvaine Jean et Martine Pageon-Tarin, Éditions « Le Chardon », Saint-Dié (Vosges), 1989, 279 p., {{ISBN|2-906849-06-5}}
* [[Namgyal Qusar]], Jean-Claude Sergent, ''Médecine tibétaine et alimentation'', Calmann-Lévy, 1995, {{ISBN|2702124674}}
* [[Tsewang Dolkar Khangkar]], [[Marie-José Lamothe]], ''Médecin du toit du monde'', Éditions du Rocher, 1997, {{ISBN|2268024911}}
* [[K. Dhondup]], ''Initiation à la médecine tibétaine'', conférences du {{Dr}} [[Lobsang Dolma Khangkar]], traduction en français par Bruno Le Guevel, Éditions Dewatshang, 1998, {{ISBN|2909858049}}
* [[Yeshi Donden]], ''La santé par l'Équilibre. Traité pratique de médecine tibétaine'', Éd. G. Trédaniel, 2000, {{ISBN|2844451403}}
* [[Marie-France Garaude-Pasty]], ''Forme et santé par la médecine tibétaine'', Éditions Jouvence, 2009, {{ISBN|978-2-88353-719-4}}
* [[Thomas G Dummer]], ''Médecine tibétaine et thérapies holistiques'', (préface du [[Tenzin Gyatso|Dalaï-Lama]]), Éd. G. Trédaniel, 1998, {{ISBN|2-85707-877-3}}
* {{en}} [[Gyalpo Dawa]], ''A clear mirror of Tibetan medicinal plants'', préface du [[Tenzin Gyatso|dalaï-lama]], Linda C. Moore, Enrico Del Vico, Volume 1, Éditeur Tibet domani (Rome), 1999, 375 pages, {{ISBN|88-900533-1-3}}
* {{en}} [[Janet Gyatso]], ''Being Human in a Buddhist World: An Intellectual History of Medicine in Early Modern Tibet'', Columbia University Press, 2015, {{ISBN|0231538324|9780231538329}}

=== Articles connexes ===
* [[Tradition]], [[Savoirs traditionnels]], [[Médecine traditionnelle]]
* [[Pharmacopée traditionnelle]], [[Pharmacognosie]], [[Ethnobotanique]] ([[Pierre Lieutaghi]], [[Ethnopharmacologie]]
* [[Institut Chakpori de médecine tibétaine]]
* [[Men-Tsee-Khang (Dharamsala)|Institut de médecine et d'astrologie tibétaine]]
*Fondation Sorig Khang International ([[Nida Chenagtsang]])
* [[Chakpori]]
* [[Sangyé Gyatso]]
* [[Hôpital Delek]]
* [[Gyushi]]
* [[Lobsang Wangyal (médecin tibétain)|Lobsang Wangyal]] (Médecin tibétain)
* [[Khyenrab Norbu]] (Médecin tibétain)
* [[Gyalpo Dawa]] (Médecin tibétain spécialiste des plantes de la médecine tibétaine)
* [[Kallawaya]]

=== Liens externes ===
* [http://www.iattm.net Académie Internationale de Médecine Tibétaine]
* [http://www.sorig.net "Tibetan medecine House" Foundation Sorig Khang International]
* [http://www.sorigkhang.fr "Maison de la médecine tibétaine" Sorig Khang en France]
* {{en}} [[John F. Avedon]], [https://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?sec=health&res=9C05E3D8173BF932A25752C0A967948260 Exploring the Mysteries of Tibetan Medicine], ''The New York Times'', 1981-01-11
* {{en}} [[Alexander Berzin]], [http://www.berzinarchives.com/web/fr/archives/study/tibetan_astrology_medicine/medicine/intro_tibetan_medicine.html Introduction à la médecine tibétaine], ''Les archives bouddhistes du Dr. Alexandre Berzin''

{{Palette|Médecine traditionnelle par population|Histoire de la médecine|Santé en République populaire de Chine}}
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[[Catégorie:Santé au Tibet]]
[[Catégorie:Médecine tibétaine| ]]
[[Catégorie:Science au Tibet]]