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Michel Vaïs

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Michel Vaïs (né le 20 janvier 1946 à Tunis) est un critique de théâtre québécois et ancien comédien de théâtre d’avant-garde. Il est notamment connu pour avoir longtemps été critique de théâtre à la Chaîne culturelle de Radio Canada[1]. Michel Vaïs a épousé Françoise Crête, orthophoniste et conteuse, le 6 février 2016. Il a aussi publié sur le naturisme et intervient[2] régulièrement sur ce sujet dans la presse et les médias[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Vie familiale[modifier | modifier le code]

Michel Vaïs est né en Tunisie dans une famille juive peu pratiquante. Il est le fils de Charles (Victor, Haïm) Vaïs (né d’Angelo Vaïs et d’Adèle Eminente) et de Jacqueline (Messaouda) Dian (née de Victor Dian et de Berthe Gabison). Il est l’aîné de la famille de trois fils. Michel est le frère de Fabien Vaïs (décédé en 2014)[1]. Ce dernier souffrait depuis l’âge de deux ans de poliomyélite contractée à Tunis où la famille vivait avant d’immigrer au Canada, à Montréal. Michel est aussi le frère du sculpteur, artiste visuel et ébéniste Marc Vaïs[1], le benjamin de la famille. Marc a exposé entre autres au Centre d’Art du Mont-Royal, au Musée d’art contemporain des Laurentides et à la Biennale Internationale d’Art Miniature à Montréal[4]. La famille paternelle serait d’origines juives marranes dont elle tirerait son nom. Il s’agirait de juifs marranes, passés de l’Espagne au Portugal au cours des XVe, XVIe et XVIIe siècles, puis dans le nord de l’Italie, avant d’émigrer en Tunisie.

Michel naît et commence son enfance dans la Tunisie alors sous « protectorat français », il fréquente l’école française. D’abord l’école élémentaire de la rue de Colmar, puis le lycée Carnot avant d’émigrer près d’un an et demi plus tard au Canada. Les parents de Michel ont dû immigrer au Canada en raison de manifestations hostiles à l’égard des juifs tunisiens dues à l’arabisation du pays. La famille souhaitait initialement partir pour la France. Mais n’ayant pas la nationalité française, car son père ne l’avait pas demandée à sa majorité, afin d’éviter de faire son service militaire, il leur fut difficile d’envisager de s’installer en France. Comme la famille de Michel n’était pas pratiquante, elle ne fut pas très incitée à immigrer en Israël. La seule option qui s’offrait à elle était les pays fortement demandeurs d’immigrants, soit l’Australie, l’Argentine ou le Canada. La famille choisit de venir au Québec parce que comme en Tunisie on y parle français[5]. Le voyage fut organisé et pris en charge par une organisation internationale d’aide aux immigrants juifs, la JIAS (Jewish Immigrant Aid Services), car Charles n’avait alors les moyens de payer le voyage, par bateau puis par train, que jusqu’au Havre. Les parents, et les trois fils ont été pris en charge pour la suite : la traversée en bateau jusqu’à Halifax, le train de nouveau jusqu’à Montréal. Couverte de neige, elle atteint Montréal le 8 mars 1958.

Michel et ses frères furent obligés d’intégrer une école anglophone plutôt que francophone, car les enfants des immigrants étaient massivement envoyés vers l’école anglaise, plus particulièrement s’ils n’étaient pas catholiques, mêmes les francophones comme dans le cas de Michel et ses frères. Le système scolaire protestant accueillait à bras ouverts et sans formalités les enfants de toutes les religions[5].

Découverte du théâtre et les études[modifier | modifier le code]

Michel découvrit le théâtre à l’adolescence ; la famille ne fréquentait pas les théâtres. Les parents eurent leur première expérience théâtrale lorsqu’ils vinrent assister à une représentation de Michel avec les Saltimbanques, au début de 1964. Michel assista à trois pièces de théâtre avant de faire partie d’une troupe, à l’âge de dix-sept ans, pour y jouer plusieurs rôles, signer quelques mises en scène et écrire deux textes dramatiques. Une de ces trois expériences théâtrales le marqua fortement émotionnellement. Il s’agit de Bousille et les Justes avec Gratien Gélinas dans le rôle-titre qu’il vit en partie, de la coulisse, le 18 avril 1962. La pièce fut à ce moment-là enregistrée par la télévision de Radio-Canada pour une télédiffusion onze jours plus tard. Il accompagnait, en tant qu’aîné, son frère cadet Fabien qui, parce qu’atteint de poliomyélite en bas âge, avait été choisi pour représenter les enfants infirmes de Montréal pour une campagne annuelle de collecte de fonds. Michel décrit cette expérience dans L’accompagnateur: "Ce qui m’a alors frappé, ce fut l’expression de douleur exprimée par Bousille/Gratien Gélinas chaque fois qu’on lui donnait un coup au genou. Jamais j’aurais cru que l’on pouvait souffrir autant ! Quand le comédien quittait la scène, l’allure compassée, il ne quittait pas son personnage. Je le voyais, l’air misérable, s’asseoir à sa petite table de maquillage pour des retouches minutieuses au nez, aux yeux, toujours aussi triste et seul. Il n’adressait la parole à personne, n’était pas du même monde que ses agresseurs, là-bas, sur la scène ; pas du même monde que mon frère et moi non plus, à qui il ne jeta pas un seul regard. Il appartenait à un univers des coulisses et des loges, passant de l’ombre à la lumière pour retourner dans l’ombre, toujours intensément absorbé par son drame. Quelque chose d’infiniment mystérieux l’attirait vers la scène, où s’accomplissait inexorablement son supplice, devant le public. Ce que je voyais, médusé, c’était un acteur investi par un être imaginaire, comme possédé par un démon. Je me sentais indiscret, voyeur, en même temps que troublé par ce petit homme étrange".[5]1

Moins de deux ans plus tard, il joua dans sa première pièce, Le Satyre de la Villette, de René de Obaldia, au sein des Saltimbanques, troupe d’amateurs dont le local se trouvait dans le Vieux-Montréal. Il intégra cette troupe à l’âge de dix-sept ans en décembre 1963 par l’entremise de Marc Chartier, qu’il rencontra à la quincaillerie, Pascal où il travaillait en tant qu’apprenti vendeur au rayon de l’électricité. Après le secondaire avec une concentration en science, après une tentative avortée d’inscription à l’Université Sir George Williams – désormais l’Université Concordia (le deuxième chèque de paiement des frais d’inscriptions était sans provision) – en attendant de savoir ce qu’il ferait plus tard, Michel gagnait sa vie comme vendeur à la quincaillerie Pascal, tout en suivant un cours de traduction anglais-français à l’Université McGill, deux soirs par semaine. Il fit cette concession à ses parents.

Marc Chartier était le jour représentant pour la compagnie d’ampoules électriques Sylvania et fréquentait par conséquent la Quincaillerie Pascal, et le soir il faisait du théâtre en amateur. Marc Chartier apprit à Michel que la troupe des Saltimbanques avait besoin de quelqu’un pour jouer les rôles d’un commissaire et d’un clochard, à la fin du Satyre de la Villette. Marc jouait le satyre de service. Michel se lança dans l’aventure sans hésitation. Comme les pièces étaient données du jeudi au dimanche soir, il démissionna de chez Pascal; le patron lui avait refusé des congés pour les représentations nocturnes. C’est ainsi avec Les Saltimbanques que Michel découvrit un certain théâtre d’avant-garde sans rien connaître des auteurs qui avaient précédé Boris Vian, Jean Genet, Fernando Arrabal et autres Romain Weingarten. Cela le décida à reprendre les études et à les réorienter en littérature française, tout en continuant à faire du théâtre le soir [5].

Il se lança ainsi dans des études de Lettres à l’Université de Montréal où il obtint un diplôme de premier cycle universitaire en Lettres (B.A., baccalauréat ès arts), qu’il put financer grâce au « Prêt d’honneur » de la Société Saint-Jean-Baptiste. Il entreprit par la suite un diplôme de deuxième cycle en Lettres à l’Université McGill, puis un Doctorat de 3e cycle en études théâtrales à l’Université de Paris VIII sous la direction d’André Veinstein. Il obtint la mention « très bien ». Cette thèse traitait des auteurs de théâtre qu’il avait découverts et joués chez les Saltimbanques et porte le titre « Du littérateur dramatique à l’écrivain scénique, les fonctions scéniques d’expression chez l’auteur de théâtre français depuis les années cinquante ». Elle est publiée sous le titre L’Écrivain scénique aux Éditions PUQ en 1978 et reçut le Prix Révélation de l’Académie Nicola Sabbattini[5].

Pendant son séjour à Paris, Michel a vu près de trois-cents pièces en quatre ans, dont les premières grandes réalisations d’Ariane Mnouchkine, de Bob Wilson, de Jerzy Grotowski, de Jean-Pierre Vincent et de Patrice Chéreau. Il était alors fasciné par la richesse de l’univers du théâtre, et tenait à voir autant les créations engagées des centres culturels de banlieue que les classiques de la Comédie-Française, autant les créations collectives de l’Aquarium que les spectacles désopilants du Café de la Gare avec Romain Bouteille, Rufus, Patrick Dewaere et consorts, que le Grand Magic Circus de Jérôme Savary ou les sucreries du Boulevard que les spectacles étrangers.

À son retour au Québec, en 1974, comme Michel aspirait à une carrière d’enseignement universitaire il commença par des charges de cours à l’Université de Montréal et des cours de français langue seconde dans les entreprises. Par la suite, le département de français de McGill lui proposa son premier poste à plein temps, comme professeur adjoint invité. Il était alors responsable des cours de théâtre. Il a travaillé près d’une douzaine d’années dans l’enseignement universitaire, dont une année, en 1983-84, comme professeur invité au département de théâtre de l’Université du Québec à Montréal, où il a également assumé plusieurs charges de cours[5].

Théâtre[modifier | modifier le code]

Lorraine Pintal[6] écrit que Michel Vaïs connaît bien les soubresauts de l’expérimentation, car il a été un habitué aux dédales du théâtre de recherche. Il fréquenta assidûment la troupe d’avant-garde des Saltimbanques avant son départ pour Paris et à son retour il participa à celle de L’Eskabel, dirigée à l’époque par Jacques Crête.

Carrières avec la troupe de théâtre d’avant-garde Les Saltimbanques[modifier | modifier le code]

De 1963 à 1969, Michel participa à la troupe de théâtre d’avant-garde Les Saltimbanques, qui fut à la source de son attachement durable pour le théâtre.

Les Saltimbanques se distinguait par le fait qu’il pratiquait le théâtre dit d’avant-garde : « généralement, on entendait par là, au minimum, la présentation d’œuvres en première montréalaise »[5]2. En effet, dans cette période ou le théâtre amateur était très en vogue au Québec, la troupe des Saltimbanques a fait sa marque en montant des œuvres étrangères jamais encore créées au Québec[7]. Opéra noir de Gabriel Cousin fut présenté en première mondiale au Théâtre des Saltimbanques. La plupart du temps, les auteurs étaient des inconnus. Les premières créations québécoises d’Armand Gatti, de Karl Wittlinger, de Jean Genet, Boris Vian et de Romain Weingarten ont eu lieu aux Saltimbanques. Certains auteurs ont été redécouverts peu après par les « professionnels ». Au moment de son entrée dans la troupe les Saltimbanques s'apprêtait à présenter Connaissez-vous la voie lactée ? de l’Allemand Karl Wittlinger et à répéter Le Satyre de la Villette de René de Obaldia, pièce qui prendrait l’affiche juste après, où Marc Chartier jouait un « Satyre de service », il manquait quelqu’un pour faire le commissaire de police et, à la fin, un clochard ivre. Le metteur en scène Robert Singher fit lire un bout de texte à Michel, puis l’accepta sur le champ pour ces deux petits rôles. Michel fut surtout séduit par le style de René de Obaldia pour sa parenté avec celui de Raymond Devos, « par sa fantaisie, son sens de l’absurde, sa verve, par sa maîtrise des ressorts de la langue française »[5]3.

Le Théâtre des Saltimbanques fut créé le 12 juillet 1962, comme compagnie sans but lucratif visant à grouper des comédiens afin de présenter, dans ses propres salles, du théâtre amateur, à cause d’une scission au sein d’une autre troupe d’amateurs, les Apprentis-Sorciers :"Les raisons de la scission sont d’abord le fait que la majorité des membres de la troupe, surtout les membres de la première heure, remirent en question la règle de l’anonymat, car elle s’appliquait à tous sauf au directeur. En effet, l’anonymat avait été rejeté non pas par souci de publicité personnelle mais d’abord pour éviter au directeur les dangers du culte de la vedette[5]

Six membres, dont le directeur Jean-Guy Sabourin, ont conservé le nom et le minuscule théâtre des Apprentis-Sorciers La Boulangerie, tandis que les dix-sept démissionnaires, ont fondé le Théâtre des Saltimbanques sous la direction de Rodrigue Mathieu. La raison sociale de la jeune troupe définie par un de ses fondateurs, le scénographe Pierre Moretti fut la suivante : "Le nom Les Saltimbanques indique que nous nous sentons en communion avec les baladins qui donnaient des spectacles sur les places publiques avant même que le théâtre n’ait acquis des traditions. Il symbolise notre volonté de rechercher les sources vives du théâtre et d’éviter de nous conformer aux conventions figées".[5]4

L’expérience des Saltimbanques se situe dans le prolongement de celle des Apprentis-Sorciers, et précède de peu la fondation du Théâtre de l’Égrégore, une autre compagnie dite « d’avant-garde », mais professionnelle, et fondé à Montréal, par Françoise Berd. Les Saltimbanques se sont nourris de la pratique du théâtre des Apprentis-Sorciers, en la contestant, et ont continué leurs principes essentiels en les orientant selon une vision nouvelle.

Michel Vaïs a été aussi codirecteur de la troupe aux côtés de Robert Singher, Ralph Rhyman, Pierre Moretti, Denis Brunet, Marc Chartier, Louis Michon, Claude Gai, Wilma Ghezzi, Francine Noël, de 1962-1969. Les Saltimbanques, qui comptaient près de vingt-trois membres commencèrent à occuper leur nouveau local le 1er novembre 1962, un ancien entrepôt situé à l’angle des rues Saint-Paul et Bonsecours, constitué d’un rez-de-chaussée et d’un sous-sol (aujourd’hui un magasin d’artisanat) : "Il a fallu sortir des tonnes de terre de la cave, puis construire salle, scène, foyer, loges, atelier, avant de pouvoir convier un public craintif à s’aventurer dans le quartier du port pour y voir du théâtre d’avant-garde... et quelle avant-garde.[5]5

Cette salle du théâtre comptait initialement cinquante places fixes, puis quatre-vingt-quatorze sièges à partir de l’été 1964, et la scène, à l’italienne, bien équipée, pourvue d’une trappe et de dégagements côté cour. Quant au public, il se composait le soir d’intéressés relativement fidèles et exigeants, d’une bonne moitié d’étudiants mais aussi de professeurs et autres intellectuels. En journée la troupe offrait des spectacles pour enfants, qui attiraient des ribambelles de gamins les samedis et dimanches, si bien que la troupe fut obligée de donner deux représentations par après-midi.

La scénographie et la stylisation étaient sobres, le dénuement était de rigueur. Le décor était réalisé avec peu de moyens. Par exemple, pour Les Nourrices, les quatorze lieux différents ont pu être représentés avec très peu de moyens, grâce au travail scénographique de Gilles Lalonde et à la contribution de la Société CIL, qui a offert plusieurs matériaux en plastique de couleur. Certaines pièces ont eu des décors réalistes tels que le sol en terre que Brassard a voulu pour Les Troyennes ou la maison de ferme normande du scénographe Réal Ouellette pour L’Équarrissage pour tous[8].

Les Nourrices, Opéra noir, Les Troyennes constituent l’âge d’or des Saltimbanques. Les Nourrices, en tête et considérée comme une œuvre très difficile, attira un nombre record de spectateurs, soit près 2 300. L’œuvre a été unanimement saluée par la presse et le public. Le répertoire du théâtre d’avant-garde comportait très peu de pièces d’auteurs québécois. Michel proposa Cui-cui une « espèce d’antipièce » qu’il avait écrite en une nuit pour que la troupe ait une œuvre originale en un acte à présenter à la télévision de Radio-Canada, à l’occasion du Festival du théâtre amateur[5].

Le répertoire des Saltimbanques (1963-1969)

  • Akara de Romain Weingarten (Rodrig Mathieu)
  • Avril-mai 63 : Impromptus à loisir de René de Obaldia (Robert Singher)
  • Le Square de Marguerite Duras présenté par Marthe Mercure avec Jacques

Galipeau

  • Mille et Une Techniques d’animation, cinéma
  • Élément de la liste à puces
  • L’Enfant-rat d’Armand Gatti (Mathieu)
  • Connaissez-vous la voie lactée ? de Karl Wittlinger (Ralph Rhyman)
  • Le Satyre de la Villette de René de Obaldia (Singher)
  • Pile de Roger Huard (Mathieu)
  • L’Équarrissage pour tous de Boris Vian (Pascal Desgranges)
  • Haute Surveillance de Jean Genet (Marc Chartier)
  • Les Dactylos et le Tigre de Murray Schisgal (Mathieu) ; Opéra noir de Gabriel Cousin (Singher)
  • Les Bonnes de Jean Genet (Normand Choquette)
  • Le mime Pradel
  • Le chanteur Denis Tremblay
  • Pierre et le Loup/Peter and the Wolf par les marionnettes de Félix Mirbt
  • Messe noire, récital de contes fantastiques monté par André Brassard, avec le Mouvement contemporain
  • Les Nourrices de Romain Weingarten (Mathieu)
  • Les Troyennes d’Euripide (Brassard)
  • L’Espace du dedans, récital de poésie d’Henri Michaux par Jacques Collin et Jacques ou la Soumission d’Eugène Ionesco par l’Amorce
  • Cui-cui de Michel Vaïs (Mathieu), présenté à la télévision de Radio- Canada le 31 juillet 1966, dans le cadre du Festival du théâtre d’amateurs
  • Les Bâtisseurs d’empire de Boris Vian (Mathieu)
  • Fando et Lis de Fernando Arrabal (Francine Noël)
  • Capucine et Crino et Crinette, spectacle pour enfants (Jean Saint-Jacques)
  • L’Air du large (Mathieu)
  • Le Cosmonaute agricole de René de Obaldia (Claude Gai)
  • La Farce du jambon (Mathieu)
  • La Joyeuse Farce des encores, spectacle pour enfants (Mathieu)
  • Les Séquestrés d’Altona de Jean-Paul Sartre, présentés par les Visionnaires (Germain Beauchamp)
  • Équation pour un homme actuel de Pierre Moretti, assisté par l’ordinateur CDC-3400 de l’Université de Montréal, au pavillon de la Jeunesse de l’Expo 67, au Centre Jésus- Marie de l’Université de Montréal, au bateau-théâtre l’Escale et au Festival de Nancy, en France (Mathieu)
  • Tabarin-Tabarino, adaptation par Mathieu d’une farce du moyen âge, donné au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (Mathieu)
  • Tango de Slawomir Mrozek donnée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (Mathieu)

Le théâtre des Saltimbanques eut à quelques reprises affaire aux autorités. En 1966, les autorités du collège Sainte-Marie qui, devant le refus de la troupe de censurer Le Cosmonaute agricole de René de Obaldia, leur ont interdit de jouer cette pièce au Gesù, où ils avaient été invités à se produire devant les étudiants. Le passage qui choqua les pères Jésuites, « évoquait de manière poétique des pèlerins agonisants se rendant à Chartres à genoux et des générations de papes ridiculisés par la découverte de Galilée »[5]6. Le théâtre des Saltimbanques eut aussi affaire à la justice à l’occasion d’Équation pour un homme actuel. Cette histoire est surtout connue sous le nom de l’« affaire » des Saltimbanques. En effet, la représentation de la pièce provoqua l’intervention brutale de la police sur le terrain de l’Expo 67, ainsi que l’emprisonnement de neuf comédiens[9]. Selon Michel, un grand nombre de personnes n’ont conservé pour seul souvenir des Saltimbanques que cette pièce, considérée comme la plus atypique de leur histoire et le spectacle le plus « avant-gardiste » de la troupe, ce qui a occulté six années d’activités[10].

Le ministère des Affaires culturelles avait proposé à la troupe une subvention de 1 250$ (somme considérable à l’époque) pour monter un spectacle original au Festival des Jeunes Compagnies devant se tenir en septembre au pavillon de la Jeunesse de l’Exposition universelle de 1967[5]. Michel décrit la conception de la pièce comme suit: "On nous a demandé pour l’occasion d’être fidèles à notre conception du théâtre, c’est-à-dire de présenter quelque chose « d’avant-garde », et même, de nous permettre tout ce que, faute de moyens, nous rêvions de faire depuis toujours sans pouvoir le réaliser. Madame Thérèse Arbic, productrice au pavillon de la Jeunesse, nous a encouragés à nous en donner à cœur joie, à exaucer nos vœux les plus audacieux, à aller aussi loin que nous en aurions envie pour nous faire plaisir à nous-mêmes. Nous avons donc mis le paquet ! Ce fut Équation pour un homme actuel. Le texte-prétexte résulta d’une collaboration insolite entre un décorateur et... un ordinateur. Le scénographe Pierre Moretti, qui cherchait depuis longtemps déjà un texte susceptible de servir un spectacle surtout visuel et sonore, a eu une révélation en découvrant l’ordinateur électronique CDC-3400 du Centre de calcul de l’Université de Montréal, dirigé par le professeur Jean Baudot. Huit mille mots, choisis dans les vocabulaires de la science, de la technologie, de la médecine, de l’amour, de la guerre, etc., ont été fournis à la machine en même temps qu’une syntaxe primaire. L’ordinateur a ensuite recraché des centaines de phrases plus étonnantes les unes que les autres, parfois chantantes, expressives, drôles, parfois évocatrices d’une autre réalité dans laquelle les acteurs pénétraient de plain-pied, comme les surréalistes naguère, ébahis devant leur jeu des cadavres exquis. Exemples de ces phrases tout droit sorties de l’ordinateur : « Les bizarreries abstraites ne meurent jamais » et « Des phrases jaillissantes maquillent le monstre alphabétique ». Naturellement, les phrases ont été triées par Moretti, certaines ont été rejetées et les autres ont été groupées selon leur composition lexicale et leur sens, ou leur pouvoir de suggestion, sous seize différents thèmes susceptibles de composer une fresque de l’évolution et de la situation de l’Homme sur la planète. Tout ce travail dura trois ans. La création du monde à partir des éléments en fusion, l’affrontement des forces positives et négatives, les possibilités de la technologie, l’amour et l’érotisme, l’absurdité, la peur, la mort, les guerres, les maladies, la famine, le rêve, l’espoir, les mutations de l’espèce et les prophéties étaient autant de thèmes évoqués par des sortes de ballets ou de chorégraphies exécutés la plupart du temps sur de la musique électronique. L’aspect visuel du spectacle avait évidemment une importance capitale. Aussi le décorateur a-t-il cherché à créer des effets originaux à partir de projections de films et de diapositives".7

Ainsi, les Saltimbanques qui avaient été invités à présenter un spectacle audacieux à l’occasion d’un festival de théâtre d’Expo 67 ont voulu par cette pièce avant-gardiste représenter l’évolution de l’humain depuis l’apparition de la vie sur Terre, et avec des textes générés par un ordinateur de l’Université de Montréal, une scénographie comprenant des mouvements de danse ainsi que des projections[7].

La pièce avait d’abord été présentée le soir du 4 septembre 1967, au Festival des Jeunes Compagnies, et reprise six fois la semaine suivante à la demande du Pavillon de la Jeunesse. Mais le soir de la dernière représentation la police intervint et l’interrompit au terme d’une scène évoquant métaphoriquement des relations sexuelles, et à la demande de l’Escouade de la moralité́ qui jugea la représentation obscène et indécente[7]. Les arrestations ont abouti au procès des Saltimbanques avec la participation de personnalités qui avaient assisté́ à la dernière représentation de la pièce, que l’Escouade de la moralité́ avait interrompue. Les auteurs Jacques Languirand et Françoise Loranger, le critique Martial Dassylva et le professeur Réginald Hamel ont témoigné́ pour la défense[9].

Michel écrit à ce sujet que : « Paul Buissonneau s’est exclamé que si l’on veut voir de l’indécence, on peut en voir partout, entre autres dans les formes suggestives des cactus au Jardin botanique! Sur quoi les caricaturistes s’en sont donné à cœur joie… »[9]8. Le procès rocambolesque avait en effet donné lieu à des témoignages truculents de Paul Buissonneau. Michel ajoute: "Or, selon le témoignage des policiers, ce tableau constituait une véritable « orgie » où tous les acteurs se pelotaient! Voir un homme et une femme simuler l’acte sexuel sur scène, même vêtus et à quinze mètres de distance l’un de l’autre, devant plusieurs autres personnes, dans une relative pénombre et avec les râles de l’orgasme, c’était trop ! D’autant plus que la « vedette », soit la jeune femme qui jouissait au centre du plateau, était nulle autre que la voluptueuse Carole Laure.[9]9

D’après Michel, les comédiens portaient : « tous des jeans ou des collants qui ne laissaient voir ni un sein, ni une fesse, ni la moindre partie génitale ».[5]10

L’œuvre mandatée par une commissaire d'Expo 67 ne recelait ni nudité ni infraction à la morale, les comédiens portaient des costumes en tôle, avec lesquels ils faisaient du bruit en frappant dessus, une scène évoquait métaphoriquement des relations sexuelles, et une musique contenant quelques bruits orgasmiques, qui aurait selon Michel été à l’origine des plaintes[7]. Lors du procès, Les Saltimbanques ont dû contredire la version des policiers, selon laquelle la pièce était « une véritable orgie », toutefois ils ont été reconnus coupables. Par la suite, la troupe a ensuite obtenu une subvention de 20 000 $ pour aller jouer Équation pour un homme actuel en France[7].

De plus, Michel lança en 2002 un appel à remonter la pièce la plus célèbre des Saltimbanques, selon lui une reprise de la pièce pourrait donner l’occasion de rappeler ce que fut réellement la troupe[10].

La dernière représentation de la troupe fut donnée le 6 avril 1969, les membres de la troupe se séparèrent, car ils étaient au bout du rouleau !

Par ailleurs, Michel rédigea les entrées sur les Saltimbanques et sur Équation pour un homme actuel dans le dictionnaire The Oxford Companion to Canadian Theatre, Toronto à Oxford University Press en 1989.

À ces activités de rédaction relatives au monde du théâtre s’ajoute la traduction. Michel a par exemple été le co-traducteur de Marquée au corps traduction française de Bodily Harm de Margaret Atwood, avec Hélène Filion aux Éditions Quinze à Montréal en1983. Cette traduction a reçu la Mention honorable, prix de traduction du Conseil des Arts du Canada. Il est aussi le traducteur officiel de John Florio alias Shakespeare, de Lamberto Tassinari aux Éditions Le Bord de l’Eau, Bordeaux (France) en janvier 2016 (traduction de John Florio. The man who was Shakespeare, Montréal, Giano Books, 2009). La thèse de Lamberto Tassinari s’inscrit dans la continuité des théories présentant John Florio comme étant le vrai Shakespeare.

La troupe de théâtre d’avant-garde de l’Eskabel[modifier | modifier le code]

Lorraine Pintal[6] écrit que, habitué aux dédales du théâtre de recherche, Michel Vaïs connaît bien les soubresauts de l’expérimentation, entre autres celui de l’Eskabel dirigée par Jacques Crête. Pendant sa maîtrise où il donnait des charges de cours à l’Université McGill, il avait aussi également fait trois fois l’École française d’été, de 1969 à 1971 au cours desquelles on avait demandé à Jacques Crête de livrer une conférence sur la situation du théâtre au Québec, qui se transforma en manifeste et ses « Propos sur le théâtre, avait constitué pour Jacques la réflexion fondatrice de la compagnie qu’il s’apprêtait à mettre sur pied, l’Eskabel »[5]11. Jacques Crête avait joué auparavant aux Saltimbanques, cinq ans plus tôt, il avait incarné Fando chez les Saltimbanques. Il proposa à Michel de revenir au jeu avec le rôle du vice-consul dans la création mondiale d’India Song de Marguerite Duras, qu’il allait présenter en mai 1979 à l’Eskabel, dans son nouveau théâtre de Pointe-Saint-Charles[5]12. L'Eskabel était à l’origine un atelier de recherche théâtrale occupant un vieux bâtiment de Pointe-Saint-Charles, l'ancien cinéma Centre. Jacques Crête créa ce théâtre des marges après avoir travaillé́ pendant une dizaine d'années dans des théâtres parallèles, d'avant-garde, notamment les Saltimbanques[11].

Participation à d’autres troupes[modifier | modifier le code]

Michel Vaïs fit une incursion dans le théâtre professionnel avec les comédiens de la compagnie Acte 3 fondée par l’acteur et metteur en scène Jean-Maurice Gélinas, il y a signé la mise en scène de La Chevauchée sur le lac de Constance, pièce de Peter Handke[6].

Il est à noter qu’en 2013 Michel dirigea le Dictionnaire des artistes du théâtre québécois, le premier de ce genre au Québec, qui répertorie 450 artistes ayant marqué le théâtre québécois[12]. On trouve dans ce livre le parcours professionnel et les principales réalisations d’interprètes, metteurs en scène et scénographes, de créateurs nés entre 1839 et 1974. Trente-trois collaborateurs ont contribué à la rédaction de ce dictionnaire, et ils sont : Hélène Beauchamp, Patricia Belzil, Raymond Bertin, Claire Dé, Jean-Marc Larrue, Renée Noiseux-Gurik, Christian Saint-Pierre, Louise Bail, Luc Bellemare, Josée Bilodeau, Pascal Blanchet, Étienne Bourdages, Marie-Andrée Brault, Catherine Cyr, Gilbert David, Ludovic Fouquet, Lise Gagnon, Adeline Gendron, Diane Godin, Jean Cléo Godin, Hervé Guay, Hélène Jacques, Dominique Lafon, Véronique Lamontagne, Gilles Marsolais, Guylaine Massoutre, Élizabeth Plourde, André Ricard, Lucie Robert, Irène Roy, Sylvain Schryburt, Anne-Marie Villeneuve et Philip Wickham[12].

Par ailleurs, Michel rédigea l’article du Théâtre du Rideau Vert. Dans l'Encyclopédie Canadienne[13].

Critique de théâtre[modifier | modifier le code]

Michel Vaïs a vu près de 5000 pièces qu’il commenta dans la revue Jeu et à Radio Canada[6].

Critique de théâtre dans des revues spécialisées[modifier | modifier le code]

Michel a publié près d’une centaine d’articles en une trentaine d’années, surtout dans la revue Les Cahiers de théâtre Jeu, dite Jeu. Jeu, fondée en 1976, est une revue théâtrale trimestrielle québécoise. Chaque numéro de près de deux cent vingt pages aborde l’activité théâtrale avec des entrevues, des critiques, des dossiers, des portraits, des comptes rendus de lecture, des tables rondes, etc. La revue consacre principalement le théâtre québécois, et en constitue sa mémoire. Elle traite également du théâtre étranger ainsi que des arts voisins du théâtre (danse, art lyrique, cirque, variété, performance), couvrant ainsi l’ensemble des arts du spectacle vivant. Au cours de ses années à Jeu, Michel a occupé toutes les fonctions qui existent dans une petite publication : collaborateur, puis membre de la rédaction, du conseil d’administration et du comité exécutif, responsable de l’iconographie, de la production, de l’indexation, du site web, directeur, rédacteur en chef et président du conseil d’administration[5].

Dans le numéro 1, il publia une entrevue avec André Veinstein qui venait de diriger sa thèse à l’Université de Paris 8. En étant associé à la fabrication d’une revue théâtrale, il put agir dans plusieurs secteurs autour du monde de l’édition et du théâtre. Il fut dès lors lié de près aux événements et aux organismes suivants : les fêtes de la Journée mondiale du théâtre, la fondation de l’Association québécoise des critiques de théâtre, les remises des Prix de la critique, les Éditions Jeu, les Entrées libres, la Société de développement des périodiques culturels[5].

Michel fut d’ailleurs de 1987 à 1994 le président de l'Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT). En outre, son action à la Société pour le développement du Musée des arts du spectacle vivant découle directement de son travail à Jeu, à l’instar de ses chroniques à la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Il a pu aussi assister à la création de petites revues: de performance ou de danse (Chantal Pontbriand de Parachute), de poésie (Gaston Bellemare d’Estuaire à Trois-Rivières), de spectacles littéraires (Anne-Marie Alonzo de Trois), etc. La revue Jeu a été la source de nombreux recherchistes, reportages, d’enquêtes ou d’émission de radio. Effectivement, l’une des premières initiatives des membres de la rédaction pour assurer le rayonnement de la revue fut d’organiser la « profession » de critique de théâtre, car jusqu’en septembre 1984, seule la Canadian Theatre Critics Association (CTCA), fondée en 1980, regroupait des critiques de théâtre au Canada, à l’échelle nationale [5]. On y comptait également le Toronto Drama Bench, une plus petite entité, mais qui en constituait une partie importante. Il y avait parmi ses membres des journalistes d’Ottawa – qui formeront plus tard le Cercle des critiques de la Capitale –, ainsi que quelques critiques anglophones du Québec. Une section québécoise de la CTCA fut créée, et présidée par Martine Rousseau-Corrivault du Soleil de Québec. Au début 1985, Jeu participa au concours « Nathan Cohen Award » de la CTCA, mais le prix ne pouvait lui être accordé, car le juge ne comprenait pas le français. Les critiques québécois seraient ainsi mal représentés dans cet organisme pancanadien[5].

Critique de théâtre à Radio Canada[modifier | modifier le code]

Au même moment qu’il œuvrait à la revue, les portes de Radio-Canada s’ouvrirent à lui, il put y animer des chroniques de théâtre à la Chaîne culturelle de Radio-Canada pendant vingt et un an sans interruption. Néanmoins, il n’y fut jamais un employé et donc, ni officiellement engagé ni congédié, bien qu’il y tirât longtemps l’essentiel de ses revenus. Il y occupa un bureau pendant les trois mois où il réalisa l’émission Coup de théâtre, au cours de l’été de 1998. Ce fut le réalisateur Claude Godin qui à la fin de 1980 lui a offert de lui proposer des sujets de discussion sur le théâtre et des noms d’invités en vue d’émissions qu’il pourrait animer. À ce moment-là, il écrivait dans Jeu et enseignait au Département de français de l’Université McGill depuis quatre ans. Pour Michel, faire de la radio constituait un rêve de jeunesse, après le secondaire il s’était même inscrit à un cours privé nommé Studio-Théâtre, où l’on promettait de former des « annonceurs de radio »[5]. Claude Godin en 1980 demanda à Michel d’animer un épisode de l’émission L’Art aujourd’hui[14] à titre d’essai, il lui proposa : « La Ligue nationale d’improvisation et son public ». L’émission prit la forme d’une discussion, à laquelle il convia le théoricien et critique français Bernard Dort, de passage à Montréal, avec (le très jeune) Paul Lefebvre et Jean-Pierre Ronfard, cofondateur du Théâtre Expérimental de Montréal et alors entraîneur à la Ligue nationale d’improvisation (LNI). Cet épisode fut diffusé le 20 janvier 1981[5].

Claude Godin paraissait satisfait et lui demanda de lui soumettre d’autres sujets d’émissions, à raison d’un par mois jusqu’au printemps. Michel puisa alors dans l’air du temps et choisit « Les Cafés théâtres » et l’auteur et poète français « Armand Gatti », dramaturge engagé qui développait une œuvre poétique en grande partie inspirée des reclus de la société, aux frontières du travail social et du théâtre amateur. Michel avait pu voir ses pièces et étudier son théâtre à Paris. À ce moment-là, Gatti passait alors l’hiver à Montréal. Michel choisit aussi de présenter « Le théâtre hors-les-murs ». Ces émissions furent diffusées respectivement les 10 mars, 21 avril et 14 juillet 1981. L’automne suivant, l’émission L’Art aujourd’hui devint un magazine hebdomadaire animé par Ginette Bellavance, puis par Christiane Charrette, Michel y intervint comme chroniqueur de théâtre à raison de dix minutes toutes les trois semaines, puis de dix minutes une semaine sur deux, pour finir par un quart d’heure chaque semaine. À cette époque-là, l’activité théâtrale à Montréal, occupait encore une grande place dans l’offre culturelle et exigeait de plus en plus de temps d’antenne. La tâche de Michel consistait, toujours en interaction avec l’animatrice, à livrer des commentaires critiques sur les pièces auxquelles il avait assisté. Il lui arrivait de parler de cinq, six, et jusqu’à neuf pièces en une dizaine de minutes, ce qui l’obligeait à synthétiser. À la différence de la critique écrite, la prestation radiophonique empêche les nuances et chaque mot doit compter. En outre, Michel tenait à voir toutes les pièces à l’affiche et refusait de se taire sur certaines d’entre elles[5].

Pendant les vingt et un ans où il travaillait à la Chaîne culturelle de Radio-Canada, il explora autant les chroniques que les critiques et les commentaires, les entrevues et les tables rondes que les reportages et l’animation, mais aussi la réalisation de Coup de théâtre pendant l’été de 1998.

Aux postes anglophones CBC-AM et FM, Michel collaborait régulièrement aux émissions Sunday Morning, State of the Arts, Stereo Morning, The Arts Tonight, Saturday Spotlight et Radio Noon. On sollicitait Michel par exemple lorsqu’une pièce de Robert Lepage ou de Michel Tremblay prenait l’affiche à Toronto[5].

Michel fit peu de télévision. Cependant, à la chaîne télé de Radio-Canada, il a été recherchiste et intervieweur pour un épisode de La Vie d’artiste consacré au Rideau Vert et diffusé en février 1999, à l’occasion des cinquante ans de la compagnie. Auparavant, il signa pour la Télé-Université une série sur la première Quinzaine internationale du théâtre de Québec, en 1984. Il a été souvent interviewé à la télé pour parler de naturisme. En effet, il est depuis 1977, un porte-parole du mouvement naturiste, notamment dans les médias[5].

La plupart des réalisateurs de radio ont défendu l’« expertise » de Michel dans le domaine du théâtre, ce fut le cas de Godin, Saulnier, Corriveau, Feldman, Maheux. Ils lui laissaient l’entière liberté du choix des pièces dont il voulait parler comme des invités, ainsi qu’un temps d’antenne raisonnable[5].

Michel chercha par divers moyens à proposer des occasions de faire connaître et apprécier le théâtre par le plus grand nombre en utilisant au maximum la tribune que lui offrait la radio. Il put ainsi convaincre ses confrères de la rédaction de la revue Jeu de proposer avec lui à Radio-Canada une émission spéciale pour marquer la Journée mondiale du théâtre, le 27 mars 1988. Jeu avait auparavant invité la communauté théâtrale montréalaise à une fête le 27 mars 1985, ainsi qu’en 1986 et en 1987. Il contribua avec ces manifestations à inscrire collectivement le Québec dans un grand mouvement mondial de soutien au théâtre. L’Institut international du théâtre, ONG affiliée à l’UNESCO, organise cette Journée depuis 1962, en demandant chaque année à une personnalité d’écrire un « message » lu dans plusieurs langues et « sur toutes les scènes du monde ». En 1988, la fête eut lieu sur les ondes de la Chaîne culturelle, à l’émission Théâtre en fête. L’équipe de Jeu assura la recherche et Michel s’occupa de l’animation, épaulé en 1988 par Louise Collignon et l’année suivante par Louise Saint-Pierre. L’expérience fut renouvelée trois ans. La durée de l’émission passa de quatre heures en 1988 à trois heures en 1989, puis à deux, puis à une seule en 1991, et le message était chaque année lu par son auteur (au téléphone) ou par un ou une interprète, telle Catherine Bégin, alors présidente du Conseil québécois du théâtre. Il y avait des entrevues, des débats, des « cartes blanches », des jeux questionnaires avec la participation des auditeurs, des lectures d’extraits de pièces, une chronique historique échevelée de Jean-Claude Germain, des entretiens téléphoniques avec des gens de théâtre québécois présents aux quatre coins du monde, ou avec des personnes proches du Québec associées à la fête. Michel put ainsi s’entretenir entre autres avec le critique québécois Marcel Fortin, qui enseignait alors en Chine, avec l’Argentin Francisco Javier qui, à Buenos Aires, était en train de traduire une pièce de Tremblay, et avec le metteur en scène allemand Wolfgang Kolneder, un familier du théâtre jeune public au Québec, qui montait à ce moment-là une tragédie grecque avec des Lapons, près du cercle polaire[5].

Michel proposa l’émission Les Trésors du théâtre au chef des émissions culturelles, Claude Godin, qui confia la réalisation à Fernand Ouellette. Elle fut la série qui dura le plus longtemps, soit quatre ans, de 1986 à 1989, pour un total de trente-neuf épisodes d’une demi-heure[5].

À la radio, Michel a réalisé probablement près d’une centaine d’entrevues, qui allaient du clip de deux minutes aux longs entretiens, entrecoupés ou non de musique. Sa présence régulière à l’antenne de la Chaîne culturelle lui permit d’avoir son nom figurant sur les listes d’envoi des communiqués et des invitations de tous les théâtres. Il voyait en moyenne 175 pièces par années, soit plus de 3 500 pièces en une vingtaine d’années de micro et probablement près de 5000 depuis trente ans. Il tenait au moins à nommer les pièces qu’il avait vues et auxquelles il ne pouvait pas accorder un commentaire critique. Sa tâche de membre de la rédaction de Jeu lui servait de rattrapage, la revue devint en quelque sorte un déversoir de la radio. Il signa souvent dans Jeu des critiques faites à partir de spectacles qu’il n’avait pas pu traiter à la radio, ou en remaniant et en approfondissant certains de ses commentaires radiophoniques. Ainsi, Michel publia plusieurs de ses entrevues et des tables rondes qu’il anima dans Jeu, et ce après une mise en forme écrite[5].

Ouvrages, créations et publications[modifier | modifier le code]

Pièces de théâtre[modifier | modifier le code]

  • Cui-Cui, pièce en un acte, La Barre du jour No7, Montréal, été 1966. (Jouée à la télévision de Radio-Canada le 31 juillet 1966 à 21h)
  • L’Erreur, pièce radiophonique en un acte, 1981, inédite. Retenue par le Centre d’essai des auteurs dramatiques, jouée à la radio étudiante de l’Université de Moncton (1985) et par La Ruelle mondaine au Théâtre le Faux-Bourgeois de Montréal (1988).

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • L'accompagnateur. Parcours d'un critique de théâtre. Éditions Varia, Montréal, 2006.
  • Dictionnaire des artistes du théâtre québécois, Jeu/Québec Amérique, sept. 2008, 422 p., ill.
  • « L’auteur dramatique et la production théâtrale au Québec depuis 1948 », in Aspects du théâtre québécois, Annales du 45e Congrès de l’ACFAS, UQTR, 1978.
  • « Dix ans de recherche québécoise sur le théâtre français des XIX e et XX e siècles », Cahiers d’analyse de l’ACFAS No 4, 1980.
  • « L’accueil fait au théâtre québécois en Europe », in Lectures européennes de la littérature québécoise, Montréal, Leméac, 1982, 12p.
  • « Le théâtre québécois — une voix distincte en Amérique », paru en langue allemande in Catalogue du Festival d’art canadien O-Kanada de Berlin, 1982.
  • « Équation pour un homme actuel », Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec IV, 1960-1969, Fides, Montréal, mars 1984, 2p.
  • « Theatre in Quebec » in Contemporary Canadian Theatre: New World Visions, Toronto, Simon & Pierre, 1985, 10p.
  • Trois articles dans The Oxford Companion to Canadian Theatre, sur les Saltimbanques, l’Eskabel et Équation pour un homme actuel, Toronto, Oxford University Press, 1989.
  • « Ma saison » in Veilleurs de nuit, Montréal, Les Herbes rouges, 1989.
  • « Dialogue de critiques au quotidien », (table ronde) in Veilleurs de nuit 3, Montréal, Les Herbes rouges, 1991.
  • « Sur fond de récession, table ronde des critiques de quotidien », Veilleurs de nuit 4, Montréal, Les Herbes rouges, 1992, 16p.
  • « La saison 1993-1994 au Québec », L’Année du théâtre, Paris, Hachette, 1994.
  • « Vingt et un ans de pérégrinations », L’Album du Théâtre du Nouveau Monde, Montréal, Éditions Jeu, 1997 (15p./133). Aussi : responsable de l’édition.
  • « Théâtre du Rideau Vert », The 2000 Canadian Encyclopedia World Edition/L’Encyclopédie canadienne bilingue, McClelland & Stewart, 1999, 3 p.
  • « Langue et théâtre au Québec », Le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, Fides/Les Publications du Québec, 2000, 1 p.
  • « La critique théâtrale au Québec », The 2001 Canadian Encyclopedia World Edition / L’Encyclopédie canadienne bilingue, McClelland & Stewart, 2001, 5 p.
  • « Ce théâtre qui nous change », Actes du colloque du 21e Congrès de l’Association internationale des critiques de théâtre, UNITER, Bucarest (Roumanie), mars 2006, 4p.
  • "The Power of an Imaginary China" (sur Robert Lepage, La Trilogie des dragons et Le Dragon blanc), Actes du colloque de l’Académie théâtrale de Pékin, in Drama. The Journal of the Central Academy of Drama de Pékin, 2008, 4p.
  • "Putting the Citizen First", Actes du colloque "Theatre and Humanism in a World of Violence", Edited by Ian Herbert and Kalina Stefanova, Sofia (Bulgarie), St. Kliment Ohridski University Press, 2009, 4p.
  • "About the Phenomenon of Theatre", by Nasrollah Ghaderi (« Le jeu non réaliste : l’approche de Vitez, Régy, Nekrosius»), en français et en farsi, ITI/Festival de théâtre Fadjr de Téhéran, 2011, 4p.
  • « Témoignage : Maria Helena et l’AICT », dans Rastos luminosos em palcos do tempo. Homenagem a Maria Helena Serôdio, Centro de Estudos de Teatro, 2018, Lisbonne, 2018, 2p.

Essais[modifier | modifier le code]

  • Vaïs, Michel, Jeux et activités pédagogiques/Enseignement du français langue seconde, Montréal, CN/Air Canada, 1976, 93 p.
  • Vaïs, Michel, L’Écrivain scénique, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1978, 278 p., ill. (Prix « Révélation », Académie Nicola Sabbattini, Festival international du livre de Nice, mai 1978.)
  • Vaïs, Michel, L’accompagnateur. Parcours d’un critique de théâtre, préface de Lorraine Pintal, Montréal, Éditions Varia, novembre 2005, 384 p., ill.
  • Vaïs, Michel, Nu, simplement. Nudité, nudisme et naturisme, préface de Diane Archambault, Montréal, Éditions Triptyque, février 2012, 212 p. ill.

Traduction d’ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Marquée au corps (Bodily Harm) de Margaret Atwood ; révision de la traduction d’Hélène Filion, Montréal, Quinze, 1983, 280p. Mention honorable, prix de traduction du Conseil des Arts du Canada.
  • Jigsaw One. Guide pédagogique et Jigsaw Two. Guide pédagogique ; traduction de l’anglais ; Centre Éducatif et Culturel, Montréal, 1984, 120p. chacun.
  • L’Œuf de Barbe-Bleue (Bluebeard’s Egg) de Margaret Atwood ; révision de la traduction d’Hélène Filion, Montréal, Libre Expression, 1985, 208p.
  • John Florio alias Shakespeare, de Lamberto Tassinari, Éditions Le Bord de l’Eau, Bordeaux (France), janvier 2016. Traduction de John Florio. The man who was Shakespeare, Montréal, Giano Books, 2009

Honneurs, récompenses et nominations[modifier | modifier le code]

  • Prix Révélation de l’Académie Nicola Sabbatini, Festival du livre de Nice (1978), pour L’Écrivain scénique, publié aux Presses de l’Université du Québec.
  • Prix Jean-Béraud pour la critique, catégorie médias électroniques (1987-1988), décerné par un jury indépendant à l’équipe de production de « Théâtre en fête », émission de radio de quatre heures proposée, conçue et coanimée par Michel Vaïs.
  • Prix Jean-Béraud/meilleure critique de spectacle — revues (1989-1990) pour Le Bourgeois gentilhomme (Jeu 54).
  • Prix Jean-Béraud/meilleure émission de radio (1991-1992) pour « En scène » sur le Théâtre de La Marmaille, 10 juin 1991.
  • Prix Jean-Béraud/meilleure critique de spectacle (1992-1993) pour « Deux visions des Bonnes : à Montréal et à Moscou » (Jeu 65).
  • Médaille d’or du Rayonnement culturel décerné par la Renaissance française (mai 1997).
  • Prix Hommage 2016 de la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP).
  • 2010: création de la bourse Michel Vaïs par l'Association québécoise des critiques de théâtre accordée à de jeunes critiques québécois désirant prendre part à un stage pour jeunes critiques organisé par l'Association internationale des critiques de théâtre à l'étranger.
  • Mention honorable, prix de traduction du Conseil des Arts du Canada pour la traduction en français Marquée au corps de Bodily Harm de Margaret Atwood ; révision de la traduction d’Hélène Filion, Montréal, Quinze, 1983, 280p.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c 1. Michel Vaïs. 2012. Nu, simplement : nudité, nudisme et naturisme. Saint-Laurent: Dimedia
  2. 2. Michel Vaïs. Nu, simplement : nudité, nudisme et naturisme (2012)
  3. 3. Interview avec Diouf; Boucar Diouf a traité de naturisme à son émission de radio du 24 mai 2014
  4. 4. marcvaissculpteur.com
  5. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac et ad 5. Michel Vaïs. 2006.  L’accompagnateur. Parcours d’un critique de théâtre. Montréal : Les Éditions Varia
  6. a b c et d 6. Lorraine Pintal. 2006. Préface. “Le passeur d'œuvre”. In L’accompagnateur. Parcours d’un critique de théâtre, Michel Vaïs. Montréal : Les Éditions Varia.
  7. a b c d et e 7. Radio Canada. 2021. L’inexplicable censure d’une pièce de théâtre à Expo 67. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/355295/equation-pour-un-homme-actuel-michel-vais
  8. 8. Michel Vaïs. 1976. Les saltimbanques (1962-1969). Jeu, (2), 22–44
  9. a b c et d 9. Michel Vaïs. 2017. Expo 67 : rappel d’un scandale. Jeu, (162), 7–9. https://www.erudit.org/fr/revues/jeu/2017-n162-jeu02982/85061ac.pdf
  10. a et b 10. Michel Vaïs.  2002. Les Saltimbanques. Jeu (105)
  11. 11. Duplantie, M. (1980). Fragments de la petite histoire de l’Eskabel. Jeu, (14), 44–50. https://www.erudit.org/fr/revues/jeu/1980-n14-jeu1064484/28925ac.pdf
  12. a et b 12. Michel Vaïs (dir). 2008, Dictionnaire des artistes du théâtre québécois, Jeu/Québec Amérique, 422 p., ill.
  13. 13. Michel Vaïs. 2013. Le Théâtre du Rideau Vert. Dans l'Encyclopédie Canadienne. Repéré à https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/le-theatre-du-rideau-vert
  14. 14. Michel Vaïs. 1986. Établir une connivence : le théâtre à la radio FM de Radio-Canada. Jeu, (40), 132–136.

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Liens externes[modifier | modifier le code]