Mathias Doll

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Mathias Doll
Mathias Doll (1804-1884), artiste-peintre munstérien.
Naissance
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Nationalité
Activité

Mathias Doll, né à Munster (Haut-Rhin) le et mort dans la même ville le , est un peintre français. Il exerça un temps le métier de dessinateur industriel.

Biographie[modifier | modifier le code]

Mathias Doll est né à Munster (Haut-Rhin) le 14 frimaire an XIII (), troisième enfant d’une fratrie de sept, il est le fils de Jean-Jacques Doll[1], maître-graveur aux Manufactures Hartmann et fils, originaire de Colmar et de la Munstérienne Anne-Marie Vogel[2].

Élevé dans la culture de l’esthétique, le jeune Mathias montre très tôt des dispositions exceptionnelles pour le dessin. À l’âge de 18 ans, il entre en apprentissage[3] dans l’atelier de dessin des Manufactures Hartmann et fils, sous la direction d’Henri Lebert[4] où il ne tarde pas à être remarqué, tant pour son assiduité au travail que pour ses dispositions artistiques.

MM. Hartmann et Fils comprennent rapidement que le jeune homme possède le talent de créer de nouveaux motifs pour leur industrie d’impression sur tissus. Ils décident alors de faciliter le développement de ses bonnes dispositions en lui proposant de suivre pendant plusieurs années, à leurs frais, des cours d’étude de dessin, soit à Lyon, soit à Paris. Assisté de son père, Mathias Doll signe le , avec MM. Hartmann et Fils, un contrat d’engagement[5] de six années qui lui permet de suivre les cours de l’École de Dessin de Lyon.

À l’âge de 21 ans, en , le jeune homme fait son entrée à l’École Royale de Dessin de Lyon, où il est admis dans la section peinture de fleurs[6]. Parmi un entourage artistique choisi et sous la direction du professeur Thierriat[7], le jeune Munstérien va se distinguer, en obtenant plusieurs récompenses pour ses peintures : un prix en 1826, une médaille d’argent en 1827, une médaille d’or de la ville de Lyon en 1828[8], accompagnée de la somme de 60 francs, pour trois compositions florales présentées lors de l’exposition des artistes de l’école des Beaux-Arts de la ville : « Vase de fleurs avec perdrix », « Corbeille de fruits avec cithare et fleurs » et « Vase de fleurs, tulipes et impériales ».

Après trois années de solides études, diplômé avec la mention « bon sujet », Mathias Doll quitte l’école de Lyon, pour revenir à Munster, où il occupera de 1828 à 1850, le poste de dessinateur industriel aux Manufactures Hartmann et Fils, mettant son talent au service de ses bienfaiteurs. Pendant cette période, l’homme réside tantôt à Munster, tantôt à Paris où il séjourne souvent pour des raisons professionnelles.

Aux environs de 1850, s’opère une rupture dans la vie de Mathias Doll, il décide de renoncer à tout travail industriel, pour ne vivre que pour sa passion artistique. Commence alors une période triste de la vie de l’artiste. Elle nous est connue par les souvenirs laissés par Henri Scheurer[9]. Volontiers misanthrope, l’homme habite dans une seule chambre de la maison paternelle[10] et ne vit plus que de ses propres pensées aigries et désillusionnées, subissant les lazzis malséants des jeunes gens qu’il rencontre à l’hôtel de la Cigogne où il prend ses repas.

Constamment absorbé par ses pensées, dévoré par la passion du dessin, Mathias Doll parcourt seul, l’album en main et par tous les temps, les sentiers isolés, les champs et villages de la vallée, crayonnant sans relâche tout ce qui l’intéresse : plantes, fleurs, fruits, animaux, enfants, paysages, scènes de la vie quotidienne.

De cette époque jusqu’à sa mort, l’artiste réalisera une quantité innombrables d’esquisses et dessins au crayon, ainsi que des dessins aquarellés, d’une perfection et d’une finesse remarquables, la sûreté de sa main ne s’étant pas démentie avec le grand âge.

Après une dégradation de son état mental, Mathias Doll, meurt célibataire, à Munster le .

Henri Scheurer, grand admirateur de l’œuvre de Mathias Doll, dira de lui : « Il était un grand artiste, dans sa modeste sphère, il serait dans d’autres milieux, dans d’autres circonstances arrivé à la célébrité, il en avait l’étoffe ».

Expositions[modifier | modifier le code]

Un premier hommage fut rendu à Mathias Doll en 1925, lors de la grande exposition artisanale de Munster : quelques œuvres de l’artiste furent alors présentées au public. Le tableau intitulé « Vase de fleurs, tulipe et impériales » récompensé en 1828 à Lyon par une médaille y fut, dit-on, vivement admiré.

Un deuxième hommage fut rendu à l’artiste, en date du , lorsque le conseil municipal de la Ville de Munster, sous l’impulsion de la Société d’Histoire du Val et de la Ville de Munster, décida de dénommer la nouvelle artère reliant la Grand’Rue à la rue des Vosges, « Rue Mathias Doll ».

La Ville de Munster organise une exposition hommage en qui rassemble des œuvres provenant des collections de la Ville de Munster, de la Société d’Histoire du Val et de la Ville de Munster, de legs et de particuliers.

Sources[modifier | modifier le code]

  • Annuaires de la Société d’Histoire du Val et de la Ville de Munster, 1928 et 1978.
  • BENEZIT Emmanuel, Dictionnaire critique et documentaire des peintres et sculpteurs, dessinateurs et graveurs : de tous les temps et de tous les pays, par un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers, Nouv. Ed., Librairie Gründ, 1976.
  • LOTZ François, Artistes peintres alsaciens de jadis et de naguère (1880-1982), Kaysersberg, 1987.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Installée à Colmar depuis le milieu du XVIIe siècle la famille Doll aurait émigré de Cologne en Alsace au début du XVIIe siècle. Jean-Jacques Doll, originaire de Colmar est venu s’établir à Munster à la fin du XVIIIe siècle, il y habite à la date de son mariage le 10 janvier 1795.
  2. Anne-Marie Vogel est originaire d’une vieille famille munstérienne résidant de longue date au Birken, dans la maison connue plus tard sous le nom de « Maison Doll » (aujourd’hui presbytère protestant).
  3. Aucune source n’évoque la scolarité de Mathias Doll, avant son entrée en apprentissage.
  4. Henri Lebert (1796-1862). Dessinateur chef de l’atelier de dessin aux Manufactures Hartmann et Fils est également chroniqueur, artiste-peintre, paysagiste et auteur de nombreux croquis et gravures, il devint l’ami de Mathias Doll.
  5. Le contrat d’engagement signé pour 6 années : du 1er janvier 1825 au 31 décembre 1830 stipule que Mathias Doll travaillera sous la direction de MM. Hartmann et Fils et fera comme il a fait jusqu’à ce moment tous ses efforts, pour rendre le produit de ses études à leur Maison. En contrepartie, MM. Hartmann et Fils s’engagent à lui faire suivre, à leur frais et dépens, au moins pendant les deux premières années, des cours d’étude de dessin, soit à Paris, soit à Lyon. Ils lui assurent en outre et à titre d’appointements annuels, comme suit : la première année : 500 francs, la deuxième année : 600 francs, la troisième : 800 francs, la quatrième : 1200 francs, la cinquième : 1400 francs, la sixième : 1800 francs. Il est aussi convenu que chaque fois que MM. Hartmann et Fils jugeront nécessaire, dans l’intérêt de leur maison, de le faire voyager, frais de voyage, nourriture et logement seront pris en charge. Mathias Doll doit également promettre de ne contracter, ni faire avec qui cela puisse être, aucun engagement pendant la durée du contrat et déclarer pendant le premier mois de la dernière année, soit dans le courant de janvier 1830, s’il veut renouveler ou non.
  6. Créée en 1780, l’École Royale de Dessin de Lyon (aujourd’hui école des Beaux-Arts) ouvrit en 1795, une section de peinture de fleurs. Cette section était étroitement liée à l’industrie manufacturière des étoffes de soie et d’ornement, les fabriques ayant recours à des dessinateurs capables de créer de nouveaux motifs.
  7. Alexandre Thierriat (1789-1870). Ce Lyonnais d’origine, dessinateur de motifs floraux pour les fabriques, peintre et graveur est professeur depuis deux ans dans la section de peinture de fleurs de l’École Royale de Dessin de Lyon, quand Mathias Doll y est admis en 1825. Augustin-Alexandre Thierriat est connu comme l’un des artistes les plus importants de l’école de Lyon, ayant remporté deux médailles d’or de la ville pour ses compositions florales : une en 1817, l’autre en 1825.
  8. Mathias Doll, reçut pour cette occasion un courrier de vives félicitations du maire de Lyon Jean de Lacroix Laval, adressé à « Monsieur Doll, peintre de fleurs ». Il est vrai que le jeune homme avait eu pour cette exposition une concurrence d’élite, de peintres et sculpteurs déjà réputés et devenus célèbres par la suite. Pour ne citer que les plus connus : Pierre-Claude-François Delorme (1783-1859), un des grands noms de l’école de David, Jules Dupré (1811-1889), un des représentants de ce qu’en Histoire de l’art on appelle « le paysage intime », Victor Orsel (1795-1850) connu par ses sujets religieux, le sculpteur Denis Foyatier (1793-1863), dont on admire le Spartacus au musée du Louvre, ainsi que la statue de Jeanne d’Arc à Orléans.
  9. Les renseignements sur cette période de la vie de Mathias Doll, ainsi que sur sa personnalité, sont fournis par Henri Scheurer (1834-1919), Munstérien et dessinateur aux Manufactures Hartmann et Fils, également artiste paysagiste, grand excursionniste et voyageur, Henri Scheurer a bien connu Mathias Doll, pourtant de 30 ans son aîné, après les années 1850 et particulièrement lors d’un séjour d’hiver à Munster en 1862. Il évoque l’homme et l’artiste dont il admire l’œuvre, dans le récit de ses souvenirs, en voici quelques passages : « Quel est le vieux Munstérien qui ne se rappelle avoir croisé maintes fois sur les sentiers isolés de nos montagnes, au milieu des champs, dans nos hameaux, ou vu assis, tout pensif, sur le banc devant l’hôtel de la Cigogne, Mathias Doll, fuyant la société, surexcité parfois, quand par moments le souvenir des molestations provoquées autrefois, dit-on par la jalousie, venait rouvrir cette plaie qui le rongeait. Que fallait-il penser de ces jeunes-gens, ses commensaux à l’hôtel, poursuivant de leurs lazzis malséants Monsieur Doll, lui jouant des niches déplacées, farces innocentes disaient-ils ! Aigrissant de plus en plus ce caractère irritable […] Le froid, les intempéries ne semblaient nullement l’incommoder. Combien de fois l’ai-je vu les pieds dans la neige, esquissant quelques arbres pliant sous le givre, ou une charrette, un traîneau, un âne aux formes grotesques, semblant façonné avec la serpette, des gamins se livrant à quelque jeu, les rétribuant largement, mais ne ménageant pas les horions le cas échéant. D’une maigreur anormale, son profil présentait, il me semble, quelqu’ analogie avec le regard froid mais perçant du grand penseur Molkte !! […] À l’encontre de son humeur misanthropique, il venait souvent me tenir société, durant mes heures de travail, causant de Paris, d’Art, d’Industrie, s’intéressant vivement à mes relations de voyages et de mon séjour en Écosse. […] Ses observations, interrogations judicieuses n’avaient jamais dénoté la moindre aberration ; aussi prenais-je toutes les précautions pour éviter tout ce qui aurait pu amener une discussion contradictoire. Contrairement à son habitude, défendant à tout étranger, l’accès de son cabinet de travail Mathias Doll m’avait fait voir la collection colossale de ses travaux variés. Ma surprise a été bien grande lorsque j’ai aperçu cet immense amoncellement d’albums recelés dans des bahuts énormes. »
  10. La maison du Birken, à l’origine maison de la branche maternelle de Mathias Doll, est devenue par la suite la maison des parents de Mathias Doll, puis celle de Mathias Doll.